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Blog de Jean-Claude Grosse

Résultat pour “La dernière génération d'octobre”

Revenir d'apocalypse / now ?

9 Novembre 2021 , Rédigé par grossel Publié dans #FINS DE PARTIES, #agoras, #développement personnel, #engagement, #essais, #films, #histoire, #psychanalyse, #vraie vie, #écriture

le trou noir qu'est tout un chacun

le trou noir qu'est tout un chacun

« Mon film n’est pas un film. Mon film ne traite pas du Vietnam. Il EST le Vietnam. Exactement comme il était. C’était fou. Et la façon dont nous l’avons tourné était très proche de celle dont les Américains ont fait la guerre au Vietnam. Nous étions dans la jungle, nous étions trop nombreux, nous avions accès à trop d’argent, trop de matériel, et peu à peu nous sommes devenus fous »

Francis Ford Coppola – Conférence de presse, Festival de Cannes, 1979

revenir d'apocalypse ? ou le combat (mot trop fort, préférer peut-être acceptation contrôlée, consciente, genre je laisse s'exprimer l'autodestruction, l'anti-vie pour qu'elles se dissolvent = utiliser l'article défini, genre le ressentiment et non le possessif, genre mon ressentiment car ce n'est pas mon ressentiment, c'est un ressentiment acquis, venu de la société, de l'éducation, programmes inconscients acquis quasiment par hypnose entre 6 mois de foetus à 7 ans; et en face la formulation positive, genre je suis libre de m'attacher ou pas, je suis libre de mon choix pour le développement de mon potentiel créatif au service de mon bien être et du bien commun ... écouter le mp4 joint) avec thanatos (pulsions de mort contre soi, contre autrui), avec les pulsions d'autoconservation dites du moi (pulsions de vie en conflit avec l'autre pulsion de vie, eros) selon la terminologie freudienne à prendre avec des pincettes parce que dualiste et qui paradoxalement fige la psyché par absence de transcendance, d'appel, d'éveil spirituel possible visant l'unité, l'unification avec la Vie créatrice, avec l'éternité du présent, l'infini dans le fini, l'immortalité dans la finitude, la singularité, l'unicité de chaque vie contenant le Tout; chemin découvert avec le pharmacon : tu es aimé, tu es mon Bien-aimé qui a donné naissance à Vita Nova dans Et ton livre d'éternité ?

ritualisation des points à accompagner pour passer du négatif, travail du cerveau gauche

travail du cerveau droit, gribouiller, yeux fermés, d'une main, deux mains, avec un, plusieurs crayons de couleur, outil des enfants

ritualisation, travail du cerveau gauche

Et ton livre d'éternité à paraître le 14 février 2022

Et ton livre d'éternité à paraître le 14 février 2022

Apocalypse now final cut

 

revu sur Arte Apocalypse now final cut, le dimanche 7 novembre, projection unique; et ce n'est pas un hasard, alors que je viens d'être retrouvé 60 ans après par les anciens de la promotion Lt colonel Jeanpierre qui a vécu le putsch de l'OAS du 21 avril 1961, retrouvailles entre le 25 octobre et le 1° novembre

 

méditation sur « l’horreur », « l'horreur » expiré deux fois par le colonel Kurtz qui vient d'être assassiné par Willard, horreur non définie mais suffisamment vue sous toutes ces facettes (les mensonges des politiques, de l'armée, du haut-commandement, le Tout-Puissant s'adressant par radio aux ?, voulant faire exécuter Kurtz par Willard, mission secret défense, pour actions de guerre « malsaines »; les scènes de tueries : la chevauchée des hélicos, le massacre du sampang, l'affrontement avec l'invisible viet injurieux du pont de Do Lun, les décapités exposés par les zombies du colonel), méditation en noir absolu, le noir vantabrak, le noir des trous noirs absorbant toute lumière, toute clarté

mais on le sait aujourd'hui, trou noir laissant s'évaporer un infime rayonnement permettant de rendre transparente l'opacité de l'âme humaine saisie par la sauvagerie, la régression, en toute lucidité, jusqu'au bout, jusqu'à la mort car Kurtz désire mourir et par là échapper au mal absolu dont il est un des outils; sa mort, c'est sa rédemption, sa libération

l'horreur atteinte par le non-jugement, la mort atroce (par décapitation, par napalm, à l'aveugle) donnée sans aucun affect par des tueurs froids, en état second, en transe (possédés par thanatos et dépossédés de leur raison, de leur volonté) comme quand est mis à mort le buffle; c'est ce que la professionnalisation des armées cherche à engendrer, des tueurs expérimentés, froids, sans question sur le but et les moyens de la guerre (la fin justifie-t-elle les moyens ?), comme des robots, comme des James Bond multipliés par « 10 divisions » dit Kurtz avant l'aveu final « envoyez la bombe pour les exterminer tous », condamnation  en bloc et définitive de l'espèce humaine, comme des mercenaires, comme les fanatiques de toute guerre sainte; comme les monstres froids de la Terreur pendant la révolution ou contre-révolution française, décapitant à tour de bras au nom des Lumières, de la Raison universelle; ou la froide machine à terreur stalinienne, d'abord léniniste; ou les praticiens-théoriciens de la torture en Algérie ; ou les gardes rouges de la révolution culturelle maoïste ; ou les Khmers rouges de Pol Pot, sans oublier le fait massif du colonialisme et de l'esclavage...

cette phrase de Roxanne dite par Aurore Clément, en tout homme, il y a deux hommes: celui qui tue et celui qui aime (vrai pour une femme aussi d'après moi) dit assez les deux pulsions à l'oeuvre dans l'être humain, eros, thanatos et avec eros, les deux faces de la médaille

le premier dualisme freudien est celui des pulsions sexuelles et des pulsions du moi ou d'auto-conservation, lesquelles correspondent à des grands besoins comme la faim et la nécessité de s'alimenter ; la pulsion sexuelle se détache des fonctions d'autoconservation sur lesquelles elle s'étaye d'abord; le deuxième dualisme sera entre éros et thanatos

dit par Kurtz : « Dans l’esprit de tout homme, un combat se livre toujours entre le rationnel et l’irrationnel, entre le bien et le mal. Et le bien ne triomphe pas toujours »

en contre-point de ce noir absolu, la méditation partagée par Deepak Chopra est le pendant rose de la vie créative; la liberté que nous connaissons lorsque nous nous débloquons et entrons dans notre vie illimitée est la liberté spirituelle de notre vrai moi. Nous rayonnons cette liberté sous forme d'amour, de paix, de compassion et de joie. Cette lumière de notre moi créatif est notre don le plus précieux au monde, car elle unit, guérit et élève tous ceux qu'elle atteint

à quoi Sigmund Freud répond dans Malaise et civilisation, en substance : "On peut toujours unir, par les liens de l'amour, un nombre de plus en plus grand d'êtres humains, mais à condition qu'il en reste en dehors, pour recevoir les coups."

à méditer, sachant que c'est mon jugement qui crée la réalité; Freud en disant ce qu'il dit n'énonce pas une vérité objective, il crée une réalité avec les aimants et ceux auxquels ils portent des coups; l'horreur à laquelle a succombé Kurtz est née de sa façon de voir le monde qui n'est pas hors de lui

car nous ne sommes pas dans le monde, c'est le monde qui est en nous, nous le créons et le co-créons si on est dans le partage;

s'il y a une guerre à mener c'est contre soi-même

" La guerre la plus dure, c’est la guerre contre soi-même.

Il faut arriver à se désarmer.

J’ai mené cette guerre pendant des années, elle a été terrible.

Mais je suis désarmé.

Je n’ai plus peur de rien, car l’amour chasse la peur.

Je suis désarmé de la volonté d’avoir raison, de me justifier en disqualifiant les autres. Je ne suis plus sur mes gardes, jalousement crispé sur mes richesses. J’accueille et je partage.

Je ne tiens pas particulièrement à mes idées, à mes projets.

Si l’on m’en présente de meilleurs, ou plutôt non pas meilleurs, mais bons, j’accepte sans regrets.

J’ai renoncé au comparatif. Ce qui est bon, vrai, réel, est toujours pour moi le meilleur.

C’est pourquoi je n’ai plus peur. Quand on a plus rien, on n’a plus peur.

Si l’on se désarme, si l’on se dépossède, si l’on ouvre au Dieu Homme qui fait toutes choses nouvelles, alors, Lui, efface le mauvais passé et nous rend un temps neuf où tout est possible. "

Patriarche Athénagoras par Michel Schwab via Thierry Zalic

 

c'est ce qui se produit avec le capitaine Willard, assassin de Kurtz, tuant Kurtz non plus par obéissance à la hiérarchie comme rouage d'une machinerie mais parce qu'ayant étudié le dossier de cet officier, ayant vécu avec grande réserve, à distance tous les aspects de la guerre comme chaos d'où ne naît aucun nouvel ordre, ayant compris Kurtz de l'intérieur, par une forme d'empathie, il le massacre comme le désire Kurtz, lucidement sauvage pour le libérer de son destin de tueur 

alors Willard renonce à sa serpe, à son arme, au statut que les guerriers veulent lui reconnaître, renoncement les désarmant au sens propre

apocalypse now = initiation, rédemption, révélation au sens étymologique

 

je pense que je suis sous influence quand je suis réceptif à l'état du monde et que j'éprouve des sentiments de culpabilité et de responsabilité (aujourd'hui pour hier, parce que toujours il y a des dettes) genre je suis un descendant d'esclavagistes, je suis d'un pays de colonisateurs et je m'en sens responsable, impuissant à effacer ce passé; il me semble que la solution est la compassion envers moi, les ancêtres-bourreaux et les victimes; ce sentiment de culpabilité, de responsabilité n'est pas permanent: il est provoqué par des lectures, des connaissannces; idem pour le sentiment d'impuissance face à ce qui me semble être le devenir de l'humanité, un suicide collectif 

c'est par la lecture de Dostoïevski que Marcel Conche a découvert le mal absolu sous la forme du massacre des enfants innocents, cela l'a amené à rompre avec "Dieu", à lui substituer la Nature naturante, créatrice, à fonder la morale des droits de l'homme avec des devoirs comme celui de secourir tout blessé, de prendre la parole pour ceux à qui on la refuse...; personnellement, j'opte pour un travail au millimètre sur mes affects, mes émotions et sentiments, orienté  vers le non-jugement, le non-agir

le fait d'avoir une vision globale où je suis une partie du Tout, où le Tout est en moi, une vision globale me rendant responsable du Tout est sans doute une marque d'orgueil, d'hubris et la cause d'un certain mal-être qui ne m'empêche pas de savourer la vie au présent et dans ses détails

je vais tenter d'utiliser l'outil chamanique du dessin spontané pour laisser s'exprimer culpabilité invasive, responsabilité écrasante

dans ma relation aux autres, je me vois rayonnant, bienveillant; dans ma relation à la nature, je me vois attentif et sensible à la beauté, aux détails, émerveillé en touchant, écoutant, sentant; dans ma relation à mon corps, je m'aime, je n'ai pas de réserves, je me prends tel que je me vois, n'hésitant pas à me caresser, à me parler positivement

je suis pessimiste sur l'avenir de l'humanité; je suis facilement attristé (plus que révolté) par les malheurs qui frappent les personnes et les peuples; je ne crois plus aux capacités de changements par la politique, la révolution, la guerre, la paix et autres mouvements sociaux car on est dans des oppositions en lien avec des jugements qui séparent: bon, mauvais, juste, injuste, bien, mal, beau, laid...

sentiment de pessimisme profond quant à l'avenir, sentiment de culpabilité et de responsabilité en lien avec les atrocités commises par les hommes contre d'autres hommes, contre les femmes, les enfants, les animaux, la terre... ces sentiments me semblent des sentiments justifiés, justes, légitimes, honorables mais ils empêchent de vivre un peu le moment présent

 

Sujet 
Un (une) Apocalypse 

Message 
vraiment très inspirant et documenté. Je garde encore un espoir qui n'est pas la vérité mais son advenue. Elle n"est pas individuelle comme elle se rattache à l'échange du langage et de la pensée. Elle adviendra d'une révolution, celle de l'échange par l'auto destruction de la valeur d'échange, de la marchandise non pas sous sa matérialité de chose, mais un retour à soi de l'objet comme sujet, grâce au concept. La rationnalité est le lien inspirant, en relation du non signifiant à découvrir, apprendre, accueillir d'un chacun en soi d'une "relation". La valeur d'échange développée (ce que je pense que Marx à exprimé à travers "la forme développée du capital", l'auto dévellopement du concept de capital - à tort réduit à la financiarisation qui dénaturerait la valeur d'usage- ) me paraît être ce trou noir qui pourtant inspire comme ce que vous appeler le désarmement ; l'échange libéré de la production de la valeur d'échange par la subsomption du langage de la production de l'économie où celui-ci s'annihile et s'impose à se redéployer. Aussi vos commentaires sont aussi une invitation à revoir cette Apocalypse sans qu'il soit obligatoire de le (la) visualiser à l'écran. L'écran est autant ce qui s'y projette que son occultation. Il renferme le mystère de ce qu'il dévoile au-delà, d'un réel qui peut advenir de sa limite et perdition. L'emprise de la valeur d'échange atteste un au-delà de sa simple empreinte originelle. Bien à vous monsieur Jean-Claude Grosse à la découverte de ces univers qui gravitent autour d'un tout. Marc D.

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Le Consentement / Vanessa Springora

18 Février 2020 , Rédigé par grossel Publié dans #JCG, #notes de lecture

Le Consentement / Vanessa Springora

Le Consentement

Vanessa Springora

Grasset 2 janvier 2020

 

Ce récit de 210 pages, je l'ai lu en deux jours, les 17 et 18 février.
J'ai laissé passer l'effet médiatique en lien avec la sortie du livre, le 2 janvier et l'émission de La Grande Librairie du 6 janvier, entièrement consacrée à l'auteur et à son récit. Émission très digne.

Depuis la sortie du livre, dans la bataille engagée entre autres par les féministes contre la domination du mâle, contre le patriarcat, il y a eu la démission collective de l'académie des Césars. À quand la démission des dirigeants de la cinémathèque française ? Ce qui est en jeu, là, c'est l'explosion en cours du statut hors-normes de l'artiste.

Suite au Contre Sainte-Beuve de Marcel Proust, on en est encore à dissocier l'artiste et l'homme, à donner un statut à part à l'oeuvre et à l'artiste, à placer l'artiste dans un monde soustrait aux normes juridiques, éthiques, morales, aux luttes politiques. 

Proust affirme qu'un livre est le produit d'un autre moi que celui que nous manifestons dans nos habitudes, dans la société, dans nos vices, reprenant le mot vices de Sainte-Beuve. " Quel était son vice ou son faible ? ". Le fait de savoir Proust homosexuel peut-il être absolument indifférent à notre lecture de La Prisonnière, à notre interprétation de ce que son narrateur dit des femmes, de l'amour, de la jalousie, etc. ? Proust par son entreprise de séparation entre le moi créateur et le moi social tente de barrer la route à une lecture de son homosexualité à l'oeuvre. 

Cet article est éclairant : 

https://www.fabula.org/atelier.php?Proust_contre_Sainte%2DBeuve

L'art pour l'art au XIX ° siècle refuse toute fonction didactique, morale, politique, utile de l'art. L'art est autotélique, il s'accomplit de lui même soit un poème s'écrit pour le pur amour de la poésie.

Matzneff écrit pour le pur amour des jeunes filles et des tous jeunes garçons.

Toute licence en art. Mot d'ordre du Manifeste pour un art révolutionnaire indépendant, rédigé par Trotski et signé André Breton-Diego Rivera, publié le 25 juillet 1938. Pas de censure en art. Pas d'objectif même d'édification révolutionnaire, genre réalisme socialiste. « Si, pour le développement des forces productives matérielles, la révolution est tenue d’ériger un régime socialiste de plan centralisé, pour la création intellectuelle elle doit dès le début même établir et assurer un régime anarchiste de liberté individuelle. » Matzneff ne s'inscrit pas dans un dessein révolutionnaire, ce n'est plus à l'ordre du jour. Il est nettement anti-bolchevik en tant que descendant d'aristocrates russes blancs. Mais il est un anarchiste de la liberté individuelle. Il transgresse toutes limites, se cache et se montre, présente ses conquêtes en public et les étale à longueurs de pages après les avoir étalées sur son lit.

Si j'ai un peu rappelé ces données, c'est parce que ce sera et c'est encore la ligne de défense de Gabriel Matzneff. Le vice du moi social de l'homme Matzneff, sa pathologie, son addiction, c'est l'éphébophobie, la pédophilie, la pédocriminalité. Le moi créateur du grand écrivain, reconnu, primé, courtisé transmute ce vice en or, un peu comme Baudelaire dans Mon cœur mis à nu, Tu m'as donné ta boue et j'en ai fait de l'or ou Pacôme Thiellement, Tu m'as donné de la crasse et j'en ai fait de l'or.

Il y a un contexte idéologique encore très fort qui permet au créateur-prédateur de s'exonérer de sa pédocriminalité au nom de son œuvre sublime, collection d'amours sublimes, même dans son Journal, collection d'abus sexuels sans consentement, qui a permis et permet aux lecteurs de ces œuvres de s'exonérer de tout jugement critique, de toute condamnation, de tout boycott, qui a permis jusqu'à il y a peu, l'édition sans censure de ses œuvres. La jouissance sans entraves de Matzneff avec des enfants et adolescents au nom de leur initiation sexuelle comme matière littéraire et au nom du statut à part du génie créateur transgressif n'est pas du seul fait de cet homme à pathologie grave. C'est tout un courant libertaire, d'anarchie sexuelle, toute une période de l'histoire contemporaine (années 1968-1990), toute une conception de l'artiste qui ont permis ce qui nous semble aberrant et condamnable aujourd'hui et qui a fasciné Vanessa Springora (le monde des écrivains) qui n'arrive pas à cette étape à dépasser son étonnement, ses questions sur l'impunité de Matzneff, la complaisance à son égard de tout un tas de milieux, édition, presse, institutions publiques, prix littéraires, intellectuels de gauche.

Évidemment, la lecture de son récit nous permet de comprendre pourquoi elle ne réussit pas à cette étape à saisir son histoire dans son contexte historique, idéologique. Elle a été séduite à 14 ans. Le contexte familial y est pour beaucoup, un père absent, démissionnaire, passé aux oubliettes. Une mère particulièrement laxiste, traitant sa fille comme une adulte, donc libre de ses choix et d'en assumer les conséquences. Une mère qui semble n'avoir pas changé sa position. Au moins demander pardon. Relation conflictuelle donc, non résolue. L'histoire de sa relation avec Matzneff est décrite avec précision. Pas de détails croustillants sur leurs ébats. Les passionnés du grand auteur ne trouveront pas matière à baver. Pas de détails non plus sur son éveil sexuel, sa sensualité, son initiation, son éducation inspirée selon l'initiateur par les Grecs de l'antiquité. Découverte progressive qu'elle n'est pas l'Unique, que l'hameçon pour toutes, ce sont les mots d'amour, les lettres. Découverte progressive des mensonges, manipulations, impostures. Peut-être même lettres de dénonciation pour pimenter la relation. Des moyens de l'emprise. Toujours là, sortie d'école, lettres, rendez-vous, rituels... Rupture définitive à 16 ans. Découverte du harcèlement sous toutes ses formes. Lettres envoyées à sa mère, à sa patronne. Usage sans autorisation de ses lettres, de ses photos. Dépossession totale, elle devient un personnage littéraire, immortalisé par l'écrivain, un être de papier et de mots, à l'opposé de leur histoire et barrant la route à sa vie à venir. Impossibilité d'acter en justice. Le site internet de l'auteur est basé en Asie, disparu depuis le 30 décembre. Pour les droits d'auteur il a un ténor du barreau en ce domaine. Efforts désespérés pour sortir de cette relation devenue toxique : dégoût des hommes, des rapports, errance, abandon de scolarité, drogue, alcool, cigarettes, thérapies. Implacable récit de ce que Matzneff se refuse à lire, à entendre, persistant dans son déni, incapable d'entendre les souffrances de sa victime, incapable de se reconnaître comme telle pendant des années (comment  admettre qu'on a été abusé quand on ne peut nier avoir été consentant) et pas encore libérée, réparée, reconstruite. Même si elle a trouvé l'homme avec lequel elle construit une vie de femme, de mère. Ce récit vaut par ses détails pour toute victime, dite consentante, se vivant même comme consentante puisque qui ne dit mot consent, consentir à quoi à 14 ans ? 30 ans pour réussir à mettre le mot victime sur ce qu'elle a vécu. Le prix payé par Vanessa et par les autres justifie l'emploi du mot vulnérabilité quand on parle d'enfant, d'adolescent, de leur sexualité, de leur difficulté à discerner, et des effets dévastateurs des abus sexuels. J'ai été touché par ce qu'a vécu Vanessa. Limite insupportable, l'épisode psychotique. Limite grotesque, ce que lui dit Cioran devant son désarroi, votre rôle est de l'accompagner sur le chemin de la création (page 141).

 Merci à elle au nom de toutes les victimes.

Page 150, une anecdote sans doute révélatrice dont s'est saisie Chantal Montellier pour écrire Dans la tête de Gabriel Matzneff.

À ma grande surprise, G. m'avoue que oui, il y a bien eu quelqu'un, une fois, quand il avait treize ans, un homme proche de la famille. Il n'y a aucun affect dans cette révélation. Pas la moindre émotion. (Et pas trace dans son oeuvre, cadeau dit-elle à celle qui peut l'entendre peut-être, sans le juger.)

Dans sa rencontre avec Nathalie, elles reviennent sur sa pathologie, quand il est avec des filles toutes jeunes, tu vois, il se sent comme un gamin de quatorze ans, c'est pour cette raison sans doute qu'il n'a pas conscience de faire quoi que ce soit de mal. (page 198)

En conclusion, je relève comme elle, la boucle réalisée par Vanessa, jeu de son inconscient. Piégée à 13-14 ans par le monde des livres, dans les livres d'un écrivain célèbre qui l'a charmée, qu'elle a aimé, après 30 ans de dégoût pour la littérature, elle est devenue  éditrice et l'auteure d'un livre qui piège son piégeur, démonte sa machinerie machiavélique, démasque son imposture.

Il est temps juridiquement de protéger enfants et adolescents, tous vulnérables, à considérer comme tels, de ces prédateurs.

Il est temps de s'éduquer à une sexualité respectueuse de l'autre, mais cette éducation demandera des millénaires.

C'est l'objet de mon texte Your last video (porn theater).

Lecture publique le vendredi 17 avril à 19 H 30 à la Maison des Comoi au Revest.

 

Le 18 février 2020

article important, 2003, pédophilie, sexualité et société de Cécile Sales

https://www.cairn.info/revue-etudes-2003-1-page-43.htm#

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Bang Bang

22 Mars 2009 , Rédigé par grossel Publié dans #poésie

Je réactualise cet article du 22 novembre 2007

 

Bang Bang, chanson de Sonny Bono, 1966

 

Découvrir si tardivement cette chanson ne me fait pas avoir de regrets, le plaisir de la découverte l'emportant sans concurrence ou ambivalence. Si je compare les paroles de la chanson américaine écrite en 1966 par Sonny Bono et interprétée par Cher d'abord, sa femme, puis par Nancy Sinatra et les paroles de la chanson française, écrite pour Sheila en 1966 aussi, par Claude Carrère et Georges Aber, je suis obligé de reconnaître la supériorité de la 1° sur la 2°. Pareil d'ailleurs pour l'interprétation.
Je n'aime pas la chanson chantée par Sheila.
J'aime celle chantée par Nancy Sinatra dans sa version première, beaucoup moins dans sa version remixée sur la vidéo-montage de Kill Bill (en générique du film, on a une reprise de la version première).
J'aime aussi la version des Raconteurs.

Voilà une chanson qui raconte une histoire prenant quelques années (de 5 - 6 ans à 17 - 18 ans) en 3 couplets et 3 refrains, histoire racontée par la narratrice qui filtre ses souvenirs, retenant des couleurs (blanc, noir), des objets (chevaux de bois), des situations ( à l'église, jeu à rebondissements, tantôt lui gagne, tantôt elle), du temps qui passe (les saisons), des comportements (rire, dire, partir, sans même mentir), des sentiments et des émotions (je l'ai appelé mien, parfois je pleure).
Quant aux refrains, ils alternent les 2 personnes, elle et lui, en utilisant le je, le tu et le il. Sur trois refrains, le 1° et le 3° sont identiques: elle est la victime du bang bang. Dans le 2° refrain, c'est lui la victime.
Voilà une histoire d'amours et de batailles enfantines qui aboutit à une séparation sans drame, avec beaucoup de tristesse et d'émotion.
On compatit avec la narratrice.
Et on se prend à se demander pourquoi tant d'amours en dérive ? pourquoi tant d'amours sans retour ? pourquoi tant d'amours qui ne durent pas toujours ou plutôt le dernier jour comme au premier jour ?
Voilà bien un sentiment qui a peu à voir avec la raison et avec la volonté, le plus douloureux quand il n'y a pas réciprocité, le plus joyeux quand il y a retour, sentiment qui fait peur et envie, mais la peur est sans doute plus forte que l'envie d'où tous les jeux de séduction contre l'amour, d'où toutes les résistances pour ne pas avoir à larguer ses repères.
J'ai beaucoup échangé avec Emmanuelle Arsan sur l'amour dans Bonheur, publié par Les Cahiers de l'Égaré, en janvier 1993, épuisé. Tant pis. Mais il y aura Bonheur 2 en 2008 pour nos 20 ans d'amitié et d'échanges épistolaires, sans aucune rencontre entre nous.

Jean-Claude Grosse

 


I was five and he was six
We rode on horses made of sticks
He wore black and I wore white
He would always win the fight

Bang bang, he shot me down
Bang bang, I hit the ground
Bang bang, that awful sound
Bang bang, my baby shot me down

Seasons came and changed the time
When I grew up, I called him mine
He would always laugh and say
"Remember when we used to play?"

"Bang bang, I shot you down"
"Bang bang, you hit the ground"
"Bang bang, that awful sound"
"Bang bang, I used to shoot you down"

Music played and people sang
Just for me the church bells rang

Now he's gone, I don't know why
And till this day, sometimes I cry
He didn't even say "goodbye"
He didn't take the time to lie

Bang bang, he shot me down
Bang bang, I hit the ground
Bang bang, that awful sound
Bang bang, my baby shot me down

 

 

    J'avais cinq ans et il en avait six

    Nous chevauchions des chevaux de bois.

    Il portait du noir, je portais du blanc

    Il gagnait toujours la bataille.

     

    Bang Bang,

    Il m'a descendue

    Bang Bang,

    J'ai heurté le sol

    Bang Bang,

    Cet affreux bruit

    Bang Bang,

    Mon amour m'a descendue.

     

    Les saisons vinrent et changèrent le temps,

    Quand j'ai grandi je l'ai appelé mien.

     Il voulait toujours rire et dire,

     Souviens-toi quand souvent nous jouions.

     

     Bang Bang,

     Je t'ai descendu

     Bang Bang,

     Tu as heurté le sol

     Bang Bang,

     Cet affreux bruit

     Bang Bang,

     J'avais l'habitude de te descendre.

     

     La musique jouait et tout le monde chantait (que)

     Juste pour moi les cloches de l'église sonnaient.

     

     Maintenant il est parti,

     Je ne sais pas pourquoi.

     Et depuis ce jour,

     Parfois je pleure.

     Il n'a même pas dit au revoir,

     Il n'a pas pris le temps de mentir.

     

     Bang Bang,

     Il m'a descendue

     Bang Bang,

     J'ai heurté le sol

     Bang Bang,

     Cet affreux bruit

     Bang Bang,

     Mon amour m'a descendue

 


Paroles de Bang Bang pour Sheila par Claude Carrère et Georges Aber (1966)

Nous avions dix ans à peine
Tous nos jeux étaient les mêmes
Aux gendarmes et aux voleurs
Tu me visais droit au cœur
Bang bang, tu me tuais
Bang bang, et je tombais
Bang bang, et ce bruit-là
Bang bang, je ne l'oublierai pas

Nous avons grandi ensemble
On s'aimait bien il me semble
Mais tu n'avais de passion
Que pour tes jeux de garçon
Bang bang, tu t'amusais
Bang bang, je te suivais
Bang bang, et ce bruit-là
Bang bang, je ne l'oublierai pas

Un jour tu as eu vingt ans
Il y avait déjà longtemps
Que l'amour avait remplacé
Notre amitié du passé
Et quand il en vint une autre
On ne sait à qui la faute
Tu ne m'avais jamais menti
Avec elle tu es parti
Bang bang, tu m'as quittée
Bang bang, je suis restée
Bang bang, et ce bruit-là
Bang bang, je ne l'oublierai pas

Quand j'aperçois des enfants
Se poursuivre en s'amusant
Et faire semblant de se tuer
Je me sens le cœur serré
Bang bang, je me souviens
Bang bang, tout me revient
Bang bang, et ce bruit-là
Bang bang, je ne l'oublierai pas

 

 

 

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Marilyn, une femme/Barbara Leaming

19 Août 2011 , Rédigé par grossel Publié dans #pour toujours

 

Marilyn, une femme

par Barbara Leaming

 

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Cette biographie date de 2000. Elle est bien documentée pour le point de vue qu'elle adopte, l'essentiel étant centré sur le conflit permanent entre le Studio et Marilyn. Le récit sur plusieurs chapitres aboutissant à la victoire de Marilyn sur Zanuck est presque fastidieux, tant les péripéties sont innombrables, illustrant ces deux lieux communs américains : business is business, time is money. Pratique du double jeu, secrets et effets d'annonce, utilisation habile des rivalités, utilisation habile ou maladroite des médias, importance du temps, des dates (tenir jusqu'à … puis accélérer … ), pressions diverses, menaces, procès, mises à pied, suspensions … Marilyn a appris à se battre en écoutant, voyant, souffrant et finalement, par son obstination, sa férocité, son habileté, ses maladresses aussi, elle obtient un contrat à la mesure de son rêve, de son attente, de son talent voire de son génie. Ce récit montre pour qui en douterait que les plans les plus élaborés peuvent échouer parce que des éléments imprévus se présentent, des événements inattendus ont lieu. Il faut faire avec, s'adapter. Ce récit montre que l'on peut souvent se tromper sur les intentions de ses partenaires comme de ses adversaires. Marilyn a connu maintes trahisons comme elle aussi a trahi mais dans la balance, ceux qui ont voulu se servir d'elle sont plus nombreux que ceux dont elle s'est servi.

On s'aperçoit que la vie de rêve ne l'est pas. Qu'Hollywood est une machine à exploiter, à broyer, sans état d'âme, seules les rentrées d'argent comptant. Payée de façon dérisoire alors même qu'elle rapporte déjà beaucoup, soumise à des rythmes ou des cadences infernales (4 jours entre la fin d'un tournage et le début d'un autre, horaires exigeants : 7 heures du matin … ), considérée comme une image sans cervelle, un visage sans cerveau, méprisée dans ses désirs de perfection, ignorée dans ses remarques sur les rôles, les personnages qu'on lui fait jouer, on se dit que l'énergie déployée par Marilyn pour se battre et gagner a été colossale, qu'il lui fallait une motivation d'une force exceptionnelle.

C'est son rêve d'enfant, devenir une star à Hollywood, inauguré avec Grace Mc Kee, qui l'a porté toute sa vie. Rêve puéril comme celui de milliers d'autres au moment de la crise de 1929, pour échapper au quotidien des familles d'accueil, de l'orphelinat, des agressions sexuelles précoces. Elle aurait tout aussi bien pu devenir une épouse comme tant d'autres dont la vie s'arrêtait à 20 ans. Cela faillit être son cas avec son mariage à 17 ans avec Jim Dougherty. Mais son rêve était très fort (elle l'a dit : en contemplant la nuit de Hollywood, je pensais : il doit y avoir des milliers de filles seules comme moi qui rêvent de devenir vedettes de cinéma ; mais je n'ai pas à me préoccuper des autres ; c'est moi qui rêve avec le plus de force), elle ne craignait pas la concurrence et sa proximité géographique avec Hollywood nourrissait son rêve (elle voyait les lettres RKO depuis une fenêtre de l'orphelinat).

Cette force s'origine t'elle dans le rejet de Norma Jeane par sa mère Gladys qui a tenté de l'étouffer à sa naissance et l'a livrée par manque de moyens et par instabilité aux familles d'accueil ? On a dit que les problèmes de Marilyn avec le studio étaient d'origine psychologique. Il faut alors s'entendre. Elle n'était pas intéressée par l'argent, elle voulait être merveilleuse, être admirée non comme la madame blonde qui roule des hanches, la sex symbol, la bombe sexuelle, objet des fantasmes masculins, mais comme artiste, comme actrice talentueuse, être respectée comme femme avec une cervelle et un coeur. Et elle a mis tout son talent, toute son énergie pour atteindre et obtenir l'amour et le respect des autres.

On peut dire cinquante après qu'elle a réussi. Mais réussite paradoxale, comme s'il y avait un malentendu. Marilyn en fréquentant l'Actor's studio veut se faire reconnaître dans des rôles tragiques ou dramatiques (Grushenka, les femmes chez Shakespeare et Tolstoï, elle aurait pu penser à Molly de Joyce). Or, ce sont ses rôles comiques qui restent et resteront. Elle réussit à infléchir les rôles stéréotypés que lui concoctait le studio, à leur donner un contenu très personnel et ce sont ses rôles que le public a aimés et aime. Elle a sous-estimé ses compositions comiques (le mot composition n'est pas bon car elle habitait son personnage), elle a sous-estimé la Fille, la Marilyn qu'elle a créée ; elle cherchait une actrice qui sans doute ne lui convenait pas, une actrice que les circonstances ne lui ont pas permis de rencontrer (l'échec de son mariage avec Arthur Miller étant la principale raison mais aussi sans doute les limites d'Arthur Miller lui-même comme dramaturge tant dans Les Misfits que dans Après la chute).

Terminons en soulignant que les rôles comiques de Marilyn rencontraient et rencontrent l'adhésion du public américain, encore très puritain, en ce sens qu'ils donnent de la sexualité une image innocente, inoffensive et donc permettent aux Américains et aux autres de se réconcilier avec la sexualité, enseignée, intériorisée comme dangereuse, destructrice, coupable. Arthur Miller est caricatural de ce point de vue là tant il charge Marilyn dans Après la chute pour se disculper, fuir sa propre culpabilité (coupable d'adultère avant son divorce d'avec sa femme Mary).
Cette biographie commence par le triangle Kazan-Miller-Marilyn et s'achève sur le même triangle. C'est extrêmement intéressant car cela nous rappelle des souvenirs de cinéphile (Sur les quais avec Marlon Brando, Un tramway nommé désir avec Marlon Brando et Vivien Leigh, Baby Doll avec Marlon Brando et Marilyn Monroe mais Kazan ne voulut pas de Marilyn qui fit tout pour obtenir le rôle et Marlon ne put le faire non plus) et la triste époque du maccarthysme (Kazan en délateur, Miller en homme de conviction défendu par Marilyn).

Les documents de Barbara Leaming en particulier les carnets de Miller lui ont fourni la matière d'une approche psychologique parfois irritante en ce sens que Marilyn est reconstituée à partir de documents d'autres sur elle or personne dans ces documents n'est neutre, objectif ; tous ont des intentions, il y a toujours des enjeux et cela donne une biographie où l'on a l'impression que tout est calcul, enjeux, manipulation, intentions cachées, inavouées, erreurs d'appréciation … Cela conduit Barbara Leaming à des formules genre : il était clair …, à l'évidence … Autrement dit, Barbara Leaming est persuadée de dire la vérité sur les uns et les autres et cette approche psychologique la conduit à conclure au suicide de Marilyn. Elle transforme en destin après avoir tellement mis l'accent sur les péripéties, les imprévus, les jeux d'influence occultes ou pas, la vie de Marilyn, habitée par une pulsion de mort liée à sa mère Gladys et par un instinct de survie également puissant mais la nuit du 4 août, Marilyn avait finalement accepté le jugement maternel … elle avait achevé le geste que Gladys avait entamé à ses yeux en tentant de tuer sa petite fille (page 445).

Ce qui échappe me semble t-il à la biographe c'est :

Elle avait le cœur pur. Elle n'a jamais compris ni l'adoration ni l'hostilité qu'elle suscitait (Edward Wagenknecht)

Pour survivre, il lui aurait fallu être soit plus cynique, soit encore plus détachée de la réalité qu'elle ne l'était. Malheureusement, elle était tel un poète des rues qui s'efforce de faire entendre des vers à une foule railleuse et méprisante (Arthur Miller)

Il vaut mieux être malheureuse seule que malheureuse avec quelqu'unI ( Marilyn)

Une carrière c'est quelque chose de merveilleux mais on ne peut se blottir contre elle la nuit, quand on a froid (Marilyn)

L'argent ne m'intéresse pas. Je veux simplement être merveilleuse (Marilyn)

 

Jean-Claude Grosse

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en attendant je pleure

7 Juillet 2021 , Rédigé par grossel Publié dans #pour toujours, #écriture, #FINS DE PARTIES

dibujodos par Lucy Pereyra, artiste colombienne

dibujodos par Lucy Pereyra, artiste colombienne

mardi 6 juillet 2021, nous fûmes 3 dans un appartement de Saint-Denis, vers 21 H 30, à être cueilli par la présentation de sortie de résidence au Begat Theater à Gréoux-les-Bains de Katia Ponomareva (la fille qui adore son père et réciproquement) et son équipe

 
lecture du texte et présentation d’un teaser de en attendant je pleure
un texte essentiel d’après moi sur la vie, la mort à partir de donner la vie, du désir de donner la vie
 
donner la vie, c’est la survie de l’espèce, c’est très banal, très courant, très fréquent, très normal, on n’y prête pas attention, on voit des ventres arrondis, des accouchements sans douleur, des accouchements préparés, accompagnés, des naissances enchantées, des péridurales, des césariennes, du forceps…
avec son humour d’empereur, Napoléon avait dit après une bataille particulièrement meurtrière une nuit de Paris suffira à repeupler tout cela
 
et voilà un texte qui nous met le nez dessus, dedans, le pipi, le caca, le sang, la perte des eaux…
 
- donner la vie c’est aussi donner la mort puisque ce vivant nouveau-né est mortel, putain de souffle du début, putain de souffle de la fin 
- et porter une vie, c’est parfois, c’est souvent très compliqué, un vrai parcours de combattante, fausse couche, mère mourant en couche, stérilité provisoire, incompatibilité, PMA, enceinte avec déni de grossesse, anorexique en sainte, obèse enceinte…
- et porter une vie, c’est peut-être trimballer des vies antérieures, être inscrite consciemment mais surtout inconsciemment dans de l’héritage familial, de l’héritage sociétal, du karmique comme on dit, de la répétition
 
écriture au scalpel, rien ne nous est épargné, 
ou tu restes ou tu sors
 
et c’est une histoire qui nous est racontée, qui nous met en contact immédiat avec des ressentis 
(pas des idées, des pensées, 
mais du corps, du corps à corps, du corps à coeur parce que la combattante a le coeur bien accroché pour vivre ce qu’elle vit, les efforts pour transmettre la vie au risque de la vie et sans trop bien savoir, comprendre ce qui se passe  parce que transmettre la vie ce n’est pas passer comme une lettre à la poste; 
bien que ce soit sous contrôle médical, « scientifique », il y a tellement d’aléas, de mystère; 
toute naissance est un miracle malgré les docteurs, grâce aussi à leur accompagnement, souvent malveillant (le pouvoir du pseudo-savoir), parfois bienveillant (l’humilité de l’ignorant)
il y a celles pour qui c’est sans problème et celles pour qui c’est compliqué)
 
j'en arrive à me demander si ce n'est pas l'enfant qui choisit ses parents, sa mère, sa porteuse, lui étant soit un enfant intérieur blessé, soit un enfant solaire, divin
 
l’image de la femme en noir portant sa charge de mannequins blanc sur le dos, sur une sente de colline forestière, filmée de dos
l’image de la femme remontant le courant du Verdon et s’y noyant, toujours filmée de dos (montrer son dos, le contraire du face public si narcissique; comment m’avez-vous trouvé ?)
l’image de la femme immergée dans la piscine, de dos en corps 
l’eau, l’eau du ventre-mère, du ventre-mer
l’image du tracteur sans chauffeur traversant si lentement (à la Angelopoulos) un champ de lavande, avec sa charge de cadavres blanc
c’est de l’épure, du symbole, du ressenti, de l’immédiat 
(ça fait tilt ou pas) 
ce n’est surtout pas du mental, de la rationalisation, de la philosophie 
 
merci pour ce grand moment (durée 15’ à 20' de texte, 5’ de teaser) qui m’a fait être-devenir femme en sainte, être-devenir femme dans sa spécifié, sa singularité de porteuse; 
texte et teaser invitant à de l'hyper-empathie, un moment intense de présence au moment présent
comme constate Françoise Héritier ce n’est pas parce que les femmes font des enfants qu’elles sont mises en tutelle, mais parce qu’elles font des fils !
 
après viendra et puis, j’ai souri
on s’attend à de la résilience, à de la renaissance après la sidération
j’attends l’apparition de chats, les vrais maîtres zen comme le constate Eckhart Tolle dans le pouvoir du moment présent
 
en aparté, je pense au désintérêt de certains professionnels pour ce travail
c’est donc qu’il est nécessaire (sauf exception, la création-le créateur n’est pas reconnu; ça ne passe pas par l’institution; tout le monde le sait; on a donc des repères pour reconnaître les créateurs; 
on préfère ce qui fait consensucemoibienlenoeud dans les goûts dominants; 
un créateur, c’est un univers, une langue, un style reconnaissables entre tout)
c’est le cas de Katia; ces vidéos le révèlent
 
je me dis que ces professionnels ne méritent pas ce travail, cette oeuvre en gestation depuis 8 ans
(je refuse le mot spectacle)
j’aime ces gens qui se mutilent eux-mêmes par fermeture d’esprit et surtout de coeur en toute inconscience et inconsistance; 
je les vois dans leur enfer, passant à côté de tant de choses vraies, de tant de vies possibles
 
le travail de Katia Ponomareva fera son chemin comme il le fera
il se montrera sans le miroir déformant et formatant de la profession
vive la création indocile, mue par sa seule nécessité vitale
 
JCG
3 livres illustrés sur les chats de sagesse et le chat Socrate, sculpture de Michel Gloaguen
3 livres illustrés sur les chats de sagesse et le chat Socrate, sculpture de Michel Gloaguen
3 livres illustrés sur les chats de sagesse et le chat Socrate, sculpture de Michel Gloaguen
3 livres illustrés sur les chats de sagesse et le chat Socrate, sculpture de Michel Gloaguen
3 livres illustrés sur les chats de sagesse et le chat Socrate, sculpture de Michel Gloaguen
3 livres illustrés sur les chats de sagesse et le chat Socrate, sculpture de Michel Gloaguen

3 livres illustrés sur les chats de sagesse et le chat Socrate, sculpture de Michel Gloaguen

esquisse de Et puis après j’ai souri qui viendra après en attendant je pleure  
Et puis après j'ai souri [A Nouveau, fragments 5], l’esquisse 
Un projet conçu et réalisé par Katia Ponomareva dans le cadre du Master Pro Mise en scène et Dramaturgie de Paris X - Nanterre, présenté au Théâtre Bernard-Marie Koltès, le 25 Juin 2015
6 ans déjà
j’étais à cette présentation du 25 juin 2015 en présence d’un jury de professionnels de haut vol, mention TB avec une note supérieure à 18
6 ans après, toujours pas de producteurs ou co-producteurs
deux ascensions en 4 et 5
une traversée horizontale déjà à la Angelopoulos en 6°position
et la séquence sonore en 3° position maman, maman particulièrement touchante pour moi
découvrez un univers, une langue, un style
 
et ce texte de Cyril
Hier, dans ma voiture, une amie Hongroise que je connais depuis deux ans, m’a raconté la mort de sa grand-mère. Le jour tombait, presque insensiblement. Son français maladroit, ses chuchotements et ses gestes suspendus glissaient avec les couleurs, la forme mouvante du ciel. Et je pensais à ma grand-mère. Lorsqu’elle eut fini, nous sortîmes. Silence, mer, nuit. Nous avons marché face à la mer, en silence. Les néons bleus du restaurant Le hasard se reflétaient sur le sable, les algues mouillées accompagnaient nos pas. Je fixais son visage, la gravité soudaine de ses traits et je me disais que sans la présence de la mort, rien ne vaut la peine d’être raconté, aucune histoire, aucun livre, aucun théâtre. Silence, mer, nuit. Lumières clignotantes de la ville. Le reste est silence, autour et devant nous. Cyril Grosse

je viens du soleil flavio cabobianco

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Mayacumbra / Alain Cadéo

28 Mars 2020 , Rédigé par grossel Publié dans #jean-claude grosse, #notes de lecture

Mayacumbra / Alain Cadéo

Mayacumbra

Alain Cadéo

Editions La Trace, 2019

 

La lecture de ce roman d'Alain Cadéo, 417 pages, m'a pris environ quinze jours mais j'ai lu en un jour les 150 dernières pages. Parce que ça s'emballe. Un mauvais pressentiment. Et il suffit de penser mauvais pressentiment pour que ça arrive. Car le réel n'est que la projection, la réalisation de nos pensées, désirs, rêves. On est en pleine moussemouise aussi, quantique. Ce qui n'était pas se met à exister parce qu'un désir le fait exister. Désirs de vie, désirs de mort, éros et thanatos. 

Mayacumbra est le roman d'un éveillé. Cela est rare. Cela donne lieu à des bonheurs d'écriture innombrables. Un éveillé c'est-à-dire un homme qui sent, éprouve, vibre, au plus intime, du plus infime à l'infini, du moment présent, ici et maintenant à l'éternité installée dans ce moment présent, un homme qui ressent combien tout est relié parfois en harmonie, en grâce, en beauté, parfois en chaos, en conflit, en violence. C'est la qualité d'éveil de l'homme qui est le tremplin de l'écriture, inspirée, traversée de l'écrivain. Qui écrit ? L'homme, l'écrivain, la Voix derrière, la Source, la Bouche d'Ombre, la Bouche de Lumière, le Vide à haut potentiel d'où tout jaillit en fragmentation comme lave d'un volcan, la corne de Dieu.

Mayacumbra c'est une géographie à 4 niveaux, 

  • la forêt humide où vivent les hommes invisibles, sans doute une tribu primitive, très organisée, adaptée à ce milieu, ce climat d'insectes, de serpents, d'animaux venimeux et d'oiseaux comme les ibis, aux environs de 1000 mètres d'altitude

  • la zone tampon, faite d'arbustes, buissons, herbes de toutes sortes, une sorte de bush entre 1000 et 1500 m

  • la zone du volcan éteint, la corne de Dieu, entre 1500 et 2300 m avec 3 étages / l'étage de la source qui, abondante, transforme le bas en bourbier, on patauge dans la boue à Mayacumbra, / la plateforme à 2000 m, où le jeune Théo, 27 ans, va s'installer, construire sa cabane, son refuge en bois puis l'habiller de pierres du volcan, choisies et jointées par ses mains et au-dessus jusqu'au sommet, jusqu'au cratère, / une zone de laves sèches, sans végétation

  • et si avec un camion, on descend la piste sinueuse puis la route droite, on arrive à la ville à environ 50 kms de Mayacumbra, fin de piste, rien après, cul de sac ; la ville et ses trafics, ses marchés, ses plaisirs monnayés, ses tentations, ses mystères et secrets (celui de Lisbeth)

Mayacumbra, ce sont de drôles de zozos, de drôles d'oizeaux, des hommes cabossés, en fuite, au bout du rouleau, au bout de la piste, en quête d'absolu, d'argent, d'émotions fortes, d'invisibilité, d'amour, de chair humaine ; s'y côtoient les contraires qui s'assemblent, les semblables qui se supportent jusqu'à ce que ça craque ; je ne donnerai pas leurs noms ; il y a une vraie jubilation à les découvrir ainsi que leur portrait, leurs actions, leurs interactions ; il y a deux femmes, la chinoise et Lita, la magnifique Lita, jeune femme entre trois mondes, médiatrice entre la forêt et le volcan, entre le marais et le bush, femme entre deux hommes, parlant d'elle à la 3°personne quand elle monte à la cabane voir celui qui se considère comme le gardien du volcan, Théo, le bâtisseur, contemplatif et actif « tu lui liras ? tes mots lui font du bien ; elle se souvient de tes phrases ; en bas elle se les récite ; c'est comme une prière »là-haut, à 2000 m, sur une plateforme protectrice, la solide cabane qu'a construite Théo, 27 ans ; il cultive son jardin, cherche des pierres, aime Lita (il la rêve, elle viendra à lui), il tient son cahier de formules comme Montaigne en sa librairie, il sculpte érotiquement les poteaux porteurs de son refuge en compagnie de Ferdinand, l'âne; il est le facteur Cheval, le Gaudi du volcan.

Mayacumbra, c'est un roman de confinés aux confins du monde quand la vie, résumée aux petites habitudes, aux détails du quotidien pesant, soudain devient Vie par la part divine en nous, la part du jeu, de l'invention, de la créativité, la part du rêve éveillé, la part d'une graine qui envahit tout (le corps, le coeur, l'âme, l'espace) puis disparaît aussi vite qu'elle est apparue, la joie, quand aussi se déchaîne le Mal, la violence, la mort atroce, infligée par des hommes, quand enfin le feu, destructeur et salvateur à la fois, du volcan, bien vivant, de très ancienne mémoire, se déverse en lave en fusion emportant tout sur son passage, y compris la cabane et statufiant Théo. 

C'est un roman de vibrations (p. 248) et pour l'écrire, il faut être un diapason et au diapason.

retour sur Mayacumbra : on ne se débarrasse pas d'un tel roman en une note de lecture puisque lire c'est écrire l'oeuvre 
la mort est fort présente à la fin et c'est par ce thème que se termine le roman
Mayacumbra se termine par la lavification, la pétrification de Théo, gardien auto-proclamé du volcan et qui avait su, pu tisser des liens (vibratoires, au diapason) avec lui
avant l’éruption, une série d’assassinats particulièrement cruels, à froid, sadiques au possible, 3 assassins, 3 sortes d’assassins, Arnosen, le muet, Solstice, trois sortes de motivations
le nettoyage a été fait par Solstice, on peut penser que l’écrasement du muet libèrera le village mais l’absence d’Arnosen prive le village d’une sorte de régulateur, protecteur
survit Solstice qui, sûr, va se barrer; il a l'étoffe pour une nouvelle vie
Théo, le poète, le bâtisseur, statufié par la lave en fusion, se retrouve vite au milieu d’un petit jardin fertilisé par la lave (c’est toujours les fougères qui apparaissent en 1°, 3-4 ans après, vu à La Réunion)
par sa mort, il devient légende et protecteur bien plus efficace de cette zone entre 1500 et 2300 m car hommes invisibles de la forêt et petits blancs du village craignent les légendes, toujours chargées de menaces
l’éruption n’est pas rétablissement d’une justice immanente, elle coïncide avec des événements humains, une séquence violente et cruelle, l’éruption détruit et fertilise; le poète-bâtisseur est victime consentante par son obstination à monter, comme un sacrifice
il acquiert une dimension de légende par la parole d’autrui; d’être de chair, de poète avec ses mots, de bâtisseur avec ses mains, il devient poète de légende, porté par les mots des survivants et de leurs descendants, il s’est multiplié (il est multiplié) comme les petits pains; sa légende est à l'opposé de ce qu'il a été; vivant, c'est un voyant; pétrifié, c'est un rebrousse-chemin, un épouvantail
le paradoxe de ce roman est que ça finit « mal » alors qu’on avait affaire à un personnage fabuleux Théo, nous faisant aimer, la Vie, la Joie, l’infini, l’éternité, le présent et la présence, amoureux délicat, presque à l'ancienne; et tout bascule suite à un mauvais pressentiment, tout bascule dans la mort donnée à coeur joie et dans la mort donnée sans état d’âme (quoique) par le volcan
le roman nous laisse sur un mystère, le sort de Lita, la femme magnifique parlant d’elle à la 3° personne, comme absente d’elle-même alors qu’elle est si présente, si vivante au contact de Théo; on a aimé, on aimera encore cette chimère; bienvenue Lita dans les rêves où je t'inventerai

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le jour d'après/nature et culture/JCG

12 Avril 2020 , Rédigé par grossel Publié dans #SEL, #jean-claude grosse, #écriture

Claude Lévi-Strauss, Françoise Héritier, Rousseau, Marshall Sahlins, Pierre Clastres, Sébastien Bohler, Marcel Conche, David Bohm
Claude Lévi-Strauss, Françoise Héritier, Rousseau, Marshall Sahlins, Pierre Clastres, Sébastien Bohler, Marcel Conche, David Bohm
Claude Lévi-Strauss, Françoise Héritier, Rousseau, Marshall Sahlins, Pierre Clastres, Sébastien Bohler, Marcel Conche, David Bohm
Claude Lévi-Strauss, Françoise Héritier, Rousseau, Marshall Sahlins, Pierre Clastres, Sébastien Bohler, Marcel Conche, David Bohm
Claude Lévi-Strauss, Françoise Héritier, Rousseau, Marshall Sahlins, Pierre Clastres, Sébastien Bohler, Marcel Conche, David Bohm
Claude Lévi-Strauss, Françoise Héritier, Rousseau, Marshall Sahlins, Pierre Clastres, Sébastien Bohler, Marcel Conche, David Bohm
Claude Lévi-Strauss, Françoise Héritier, Rousseau, Marshall Sahlins, Pierre Clastres, Sébastien Bohler, Marcel Conche, David Bohm
Claude Lévi-Strauss, Françoise Héritier, Rousseau, Marshall Sahlins, Pierre Clastres, Sébastien Bohler, Marcel Conche, David Bohm
Claude Lévi-Strauss, Françoise Héritier, Rousseau, Marshall Sahlins, Pierre Clastres, Sébastien Bohler, Marcel Conche, David Bohm
Claude Lévi-Strauss, Françoise Héritier, Rousseau, Marshall Sahlins, Pierre Clastres, Sébastien Bohler, Marcel Conche, David Bohm
Claude Lévi-Strauss, Françoise Héritier, Rousseau, Marshall Sahlins, Pierre Clastres, Sébastien Bohler, Marcel Conche, David Bohm
Claude Lévi-Strauss, Françoise Héritier, Rousseau, Marshall Sahlins, Pierre Clastres, Sébastien Bohler, Marcel Conche, David Bohm

Claude Lévi-Strauss, Françoise Héritier, Rousseau, Marshall Sahlins, Pierre Clastres, Sébastien Bohler, Marcel Conche, David Bohm

Voilà ce que propose « Le Jourd’après_01 » : non pas une plateforme collaborative de propositions de ceci ou de cela, mais un gigantesque atelier d’écritures, un cahier ouvert d’expériences et de rêves, un champ de possibles où butiner, etc.

Une prolifération. Un arbre à palabres où chacun.e doit se sentir autoriser à déposer une graine.

Tout est à inventer. Avec le ressac de certaines voix du passé, aussi bien. Dans la houle de ce Tout-monde dont nous parlait Édouard Glissant.

Un concile éclairant pour nous préparer à gouverner le futur, dans la biodiversité de nos existences et le respect de la planète qui nous offre l’hospitalité.

Nous ne voulons plus rien conquérir d’autre que la dignité d’être.

En confinant les indices de performance qui réduisent le sens du vivant à peau de chagrin, nous entendons écrire la constitution de ce qui nous constitue.

Ce « jour d’après », nous ne le connaissons pas encore. Voilà pourquoi il est urgent et nécessaire, en voix brassées, d’où qu’elles viennent, d’en faire le récit.

L’imaginaire n’est pas performant, il est créatif.
Imaginons-nous.

le blog au jour d'après avait fait un appel à texte pour le 10 avril sur nature et culture; j'ai donc rédigé ce pensum; JCG

 

Nature et culture

 

distinction venue de l'anthropologie : la culture s'oppose à la nature ; la culture caractérise les sociétés humaines ; la fondation des sociétés humaines repose sur le tabou, la prohibition universelle de l'inceste faisant passer de l'état de nature à l'état de culture

Lévi-Strauss et Françoise Héritier sont indispensables pour assimiler cela avec des différences notoires

Lévi-Strauss découvre que la prohibition de l’inceste est universelle – avec des modalités différentes selon les sociétés, une extension différente – et qu’elle a une valeur positive, qui est de contraindre les « hordes primitives », comme on dit, à sortir de la consanguinité en choisissant des conjoints à l’extérieur du groupe, ce qui a pour effet d’instaurer le social par un climat de paix et d’échange. Ce sont les hommes qui échangent entre eux leurs filles et leurs sœurs entre groupes pour concrétiser ces alliances. La prohibition de l’inceste entraîne l’exogamie – qui est un rapport entre groupes – et le mariage est par conséquent une institution qui est à entendre pour ce qu’elle est : une institution qui unit des groupes. Il nous reste des traces de cet aspect dans le fait que c’est un des rares contrats qui soit toujours accompagné du constat familial. En plus de cela, ajoute Lévi-Strauss dans un texte fameux qui s’intitule « La famille », il ne suffit pas de garantir la stabilité de cette union entre groupes ; il faut aussi garantir la stabilité de l’union entre individus. La répartition sexuelle des tâches, affirme-t-il, sert à cela ! Chacun des individus est alors dépendant de l’autre : l’homme chasse et la femme cueille. Telle est la théorie lévistraussienne.

Françoise Héritier :

Qu’est-ce qui fait que, dès l’origine, les femmes ont été considérées comme mineures ? Je reprends ici, parce qu’ils me conviennent parfaitement, les propos d’une philosophe du XVIIème siècle, Gabrielle Souchon, qui souligne que les femmes ont été de tout temps privées de la liberté d’usage de leur corps, privées de la liberté d’accès au savoir, et privées de la liberté d’accès au pouvoir. On ne peut pas mieux résumer ! C’est bien de cela qu’il s’agit, et dans tous les cas, le premier pas concerne la possibilité de disposer de son propre corps. Ce qui nous ramène à Lévi-Strauss, et au fait que ce sont les hommes qui disposent du corps de leurs filles et de leurs sœurs.

Lévi-Strauss l’a considéré comme une donnée naturelle. Je l’ai au contraire considéré comme un donné construit par l’esprit et questionnable. La différence est là. Lévi-Strauss a eu ce point d’aveuglement, et j’ai certainement les miens qui seront vus dans vingt ou trente ans par quelqu’un d’autre ! Simone de Beauvoir a eu les siens, également : elle ne voit pas que ce n’est pas parce que les femmes font des enfants qu’elles sont mises en tutelle, mais parce qu’elles font des fils ! Si les hommes faisaient leurs fils, ce serait différent !

Les prohibitions de l’inceste elles-mêmes sont sous-tendues par de « grands schèmes universels d’organisation » – l’identique et le différent – qui constituent la base des catégories mentales qui nous servent à penser. La négation impossible de la différence des sexes (la différence des sexes est un butoir ultime pour la pensée) fait de la symbolique élémentaire de l’identique et du différent une symbolique universelle.

 

on connait le mythe du bon sauvage, cher à Rousseau ; à l'état de nature l'homme est bon, c'est la société qui le corrompt ; et c'est la propriété qui est l'origine des inégalités ; le livre âge de pierre, âge d'abondance de Marshall Sahlins a montré comment les sociétés de l'âge de pierre étaient en symbiose avec la nature même hostile ; la connaissance des sociétés premières montre comment monde matériel et monde spirituel s'articulaient, à 50%/50% : pour un animal prélevé, une offrande etc...; le chamanisme régulait les relations avec les esprits qui sont dans chaque être animé, inanimé ; de telles sociétés étaient des sociétés contre l'état (Pierre Clastres); pour Marcel Conche, l'homme aussi est naturellement bon, c'est l'inégale répartition des ressources qui engendre la violence;  bon, il ne faut pas l'entendre au sens moral, généreux, ouvert, il faut l'entendre dans le sens d'adapté à son environnement, équipé pour pouvoir y vivre (Robinson illustre bien cette capacité, il est équipé pour s'adapter à sa nouvelle vie de naufragé, réussit à survivre puis à vivre); un bon lion est un lion qui couvre 40 fois par jour ses lionnes qui chassent pour lui...

 

Françoise Héritier voit bien que la différence des sexes est un butoir de la pensée et que ça fait des millénaires que la domination masculine s'est installée, pas prête à se remettre en cause car c'est dans le cerveau par apprentissage inconscient depuis si longtemps ; 

un livre me semble à lire sur les millénaires qu'il faudra pour éventuellement en finir avec la domination masculine à cause du striatum ;

la seule façon de s'en sortir, d'après moi, c'est par le travail sur soi, en conscience et la méditation est un outil précieux dans ce travail sur soi, commençant par la respiration consciente ; mais quand 7 milliards d'humains se mettront-ils à méditer ?

 

Le Bug humain de Sébastien Bohler

Plus qu’un moment critique nous vivons une véritable tragédie. Surpopulation, surpoids, surproduction, surconsommation, surchauffe, surendettement, nous avons basculé dans l’ère de tous les superlatifs qui mène l’humanité tout droit à sa perte. Si la capacité des ressources de la planète sont comptées, alors nos jours aussi le seront… Inéluctablement.
Mais alors que la situation empire heure après heure, aucune réponse collective tangible ne vient. Nous voyons le mur se rapprocher et nous ne faisons rien. La conscience de ce qui nous attend ne semble avoir aucun effet sur le cours des événements. Pourquoi ?
Sébastien Bohler docteur en neuroscience et rédacteur en chef du magazine 
Cerveau et psycho apporte sur la grande question du devenir contemporain un éclairage nouveau, dérangeant et original. Pour lui, le premier coupable à incriminer n’est pas l’avidité des hommes ou leur supposée méchanceté mais bien, de manière plus banalement physiologique, la constitution même de notre cerveau lui-même.
Au cœur de notre cerveau, un petit organe appelé striatum régit depuis l’apparition de l’espèce nos comportements.  Il a habitué le cerveau humain à poursuivre 5 objectifs qui ont pour but la survie de l’espèce : manger, se reproduire, acquérir du pouvoir, étendre son territoire, s’imposer face à autrui. Le problème est que le striatum est aux commandes d'un cerveau touours plus performant (l’homme s‘est bien imposé comme le mammifère dominant de la planète) et  réclame toujours plus de récompenses pour son action. Tel un drogué, il ne peut discipliner sa tendance à l’excès. À aucun moment, il ne cherche à se limiter. Hier notre cerveau était notre allié, il nous a fait triompher de la nature. Aujourd’hui il est en passe de devenir notre pire ennemi.
 (Livre d'Yvon Quiniou en cours d'écriture : L'inquiétante fascination de la démesure (de l'antiquité à aujourd'hui)

 

au sens anthropologique et ethnologique la culture c'est le système de parenté, tout ce qui concerne les soins du corps, la cuisine (qui a l'art de se diffuser, se créoliser, s'hybrider, s'universaliser ; exemples : la pizza, le couscous...), les techniques au sens de Leroi-Gourhan, la langue, les représentations symboliques, mythes, récits, légendes ; la culture en ce sens-là déborde et de loin ce qu'on appelle la culture, les arts et les lettres, ce qui fut appelé le supplément d'âme et dont les gens de culture veulent que ce soit accessible au plus grand nombre, démocratisation de la culture (maximum 10%) ; je préfère ne pas aborder ce sujet tellement l'appauvrissement du milieu culturel devenu entreprise de formatage culturel, administration des esprits au service du pouvoir est indécent ; j'ai dit ce que j'avais à dire dans de l'impasse à la traverse en 2003

 

si j'essaie de placer la discussion au niveau de la métaphysique de la Nature de Marcel Conche, je serai amené à dire que l'homme est une création de la Nature, que les cultures sont les mondes créés par les sociétés comme il y a le monde de la mouche, le monde de l'araignée ; les cultures sont les umwelt (les environnements) des hommes regroupés en sociétés ; l'Histoire (récit humain a posteriori = présent se racontant son passé = en fonction donc des oeillères du présent et pas en vue de la vérité historique), les histoires des sociétés sont aussi à considérer comme la Nature à l'oeuvre, pour une très grande part inconscientes, même si l'homme croit être le maître et possesseur de la nature, maître de son récit historique ; il y a donc la nature naturée, ce qui apparaît, disparaît, par le cycle des saisons par exemple, soumis à l'impermanence et, essentiel, à la mort (justice cosmologique selon Anaximandre, réparer en mourant l'injustice faite à ceux qui dans la course à l'ovule, n'ont pu naître => heureusement qu'on meurt; acceptation de la mort, ça ce n'est pas évident pour la plupart des humains), et il y a la Nature naturante, l'englobant universel, la Nature éternelle, infinie, créatrice ; la Nature créatrice-la phusis qui aime à se cacher (Héraclite) est un enfant qui joue ; l'unité des contraires est le moteur du panta rhei, du tout change (mais prétentieux celui qui prétendrait parler de lois de l'histoire, de lois de la nature, de lois de l'évolution, de l'évolution des espèces, voulant y mettre ordre et raisons, causes et effets ; chaos et ordre plutôt et ce jeu de l'enfant ne garantit pas l'éternité à l'espèce humaine) ; depuis la bombe atomique, on sait l'espèce humaine mortelle et pas seulement les civilisations et depuis, les menaces se sont multipliées, amplifiées ; l'enfant qui joue, la Nature créatrice, crée selon de légères déviations, le clinamen d'Épicure avec ce résultat, il y a plus d'effets que la cause ou déviation initiale donc imprévisibilités, surprises ; les virus sont un exemple caractéristique de ces déviations ; non vivants, les virus de l'ordre d'une molécule, existent depuis 3 milliards et demi d'années, nous depuis 350 000 ans, 1000 fois moins et on veut leur faire la guerre ; les virus sont des moteurs de l'évolution, réservant plein de surprises ; la Nature créatrice est à imaginer comme une grande tapisserie sans unité d'ensemble, sans plan d'ensemble, comme unité inassemblable de morceaux, un puzzle ; il n'y a qu'à penser aux univers, galaxies, étoiles, soleils (des milliards de galaxies et d'étoiles et nous avec nos instruments en connaissant 100000 peut-être ; quel prétentieux veut voir un plan là-dedans ?)

 

cette métaphysique me semble intéressante parce qu'elle oblige à faire silence, à accepter de ne pas savoir, à prendre le mystère comme un mystère, sacré ou pas, chacun fait en conscience ; cette humilité devant le mystère nous protègerait de l'hubris, de la démesure qui caractérise hommes de sciences (pas tous bien sûr mais l'institution techno-scientifique), hommes d'argent (si peu philanthropes) et hommes de pouvoir (si addicts à cette jouissance), alliés contre la Vie, contre l'humanité mais Nature aura raison d'eux en ayant raison de nous tous, sauf à nous mettre debout, corps, esprit, âme. Pas gagné du tout.

il me semble donc que pour vivre, penser, imaginer, rêver ce qui vient, il est bon de remonter au premier philosophe, Anaximandre et lui associer Héraclite, Parménide; il sera bon de méditer les traductions, commentaires qu'en a fait Marcel Conche, collection Epiméthée aux PUF

 

http://les4saisons.over-blog.com/page-4418836.html

 

cette métaphysique est-elle compatible avec ceux qui croient qu'il y a une Conscience, un Souffle, un Soi, un Vide créateur ; je ne suis pas en mesure de trancher et le faut-il ?

je vois deux courants : 

- un courant qui pense comme Jung qu'il y a un Soi, un inconscient collectif, des archétypes et symboles agissant à l'insu des gens sauf des chercheurs de coïncidences, de synchronicités, les fouilleurs de rêves, de liaisons, de connexions irrationnelles souvent; le monde magique des enfants ne connaît pas les barrières et séparations que très vite les adultes s'imposent; ils voyagent légers, fluides dans des mondes réels, imaginaires, passant d'un état à un autre, très quantiques si l'on veut (Chesterton demandait pourquoi les anges volent-ils ? parce qu'ils se prennent à la légère; l'esprit de sérieux plombe le présent et l'à-venir); Jodorowsky me semble un exemple puissant de ce courant avec la psychomagie 

- un courant de la conscience qui se nourrit de traditions et pratiques d'éveil spirituel, préconisant par la méditation, par le pouvoir du moment présent de nous aligner sur la Vie, de nous installer dans l'être plus que dans le faire, de nous débarrasser tant que faire se peut de l'ego, du mental (la ritournelle qui, 24 H sur 24, nous fait ressasser le passé, craindre demain...) pour devenir co-créateurs conscients de ce qui advient

je pense que, outre le retour aux philosophes anté-socratiques, rêver ce qui vient et qui donc influe, fait advenir l'à-venir, suppose une réflexion sur les groupes et sociétés basée pour partie sur la pyramide des besoins de Maslow et pour partie sur la spirale dynamique à l'oeuvre dans l'organisation des sociétés humaines d'après le livre de Frédéric Laloux étudiant 10000 ans d'organisations humaines; de même que l'essentiel d'une culture est d'ordre inconscient, des structures agissantes à notre insu, l'essentiel dans les organisations humaines échappe aux exécutants comme aux décideurs qui décident en toute méconnaissance de causes et d'effets; on croit savoir ce qu'on décide (pour les grandes décisions, en général il y a autant d'arguments pour que d'arguments contre et le décideur choisira à l'intuition car impossible de trancher rationnellement, il n'y a pas de balance pour les bonnes décisions) et on gère des effets secondaires et pervers

https://martouf.ch/2016/12/notes-resume-du-livre-reinventing-organizations-de-frederic-laloux/

 

dernier point, s'équiper d'un modèle mental ne semble pas une mauvaise chose

https://www.cairn.info/revue-developpements-2009-2-page-49.htm

https://ucan.blog/interets-composes/

https://ucan.blog/effet-lindy/

L’effet Lindy — Modèle Mental

L’effet Lindy est un modèle mental introduit par Nassim Nicholas Taleb dans son livre Antifragile. Voici ce dont il s’agit :

Si une entreprise existe depuis quarante ans, on peut s’attendre à ce qu’elle existe toujours dans quarante ans. Mais si elle survit une décennie de plus, elle devrait toujours être là dans cinquante ans.

Les choses qui existent depuis longtemps ne vieillissent pas comme les personnes, mais vieillissent à l’inverse : chaque année qui passe sans extinction augmente leur espérance de vie. Ceci est un indicateur de robustesse. La robustesse d’une entité ou d’un objet qui répond à cette loi est proportionnelle à sa durée de vie.

En d’autres termes, les choses qui ne sont pas vivantes — les religions, les technologies, les entreprises, etc. — et qui existent depuis longtemps peuvent être considérées comme plus robustes — ou antifragiles, pour reprendre le terme de Taleb — et sont donc susceptibles de continuer à exister plus longtemps que les nouvelles choses qui n’ont pas encore passé l’épreuve du temps.

Plus quelque chose est ancien, plus il y a de chances pour qu’il soit résistant, et chaque année qui passe augmente de la même durée ses probabilités de survie dans l’avenir. L’effet Lindy n’est pas une règle scientifiquement prouvée, mais un modèle mental qui nous permet d’apprécier la robustesse d’une entité en s’affranchissant de calculs de probabilités complexes.

https://ucan.blog/ligne-rouge/

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avec une telle métaphysique, comment vivre ? avec quelle sagesse ? une sagesse épicurienne

En quoi consiste cette sagesse ? À devenir soi, en usant de sa raison et de sa volonté pour se libérer des désirs vains de pouvoir, de richesse, de gloire et même d'amour charnel, pour ne satisfaire que des désirs simples, naturels, et l'essentiel désir de philosopher qui l'a saisi très tôt quand il a voulu aller voir à 6 ans si le monde continuait après le tournant de la route. Marcel Conche ne cède pas aux sirènes de la consommation, du tourisme, des voyages, de la « culture » spectaculaire, de la mode (des effets de mode, y compris intellectuelles). Il juge par lui-même en argumentant, contre-argumentant, ce qui le conduit à des positions singulières, les siennes, et singulières par rapport à l'esprit du temps (sur l'avortement, sur la guerre en Irak, les interventions des pays démocratiques en Libye, en Syrie, sur le suicide en fin de vie, sur la grandeur ou petitesse des hommes politiques).

Marcel Conche, l'Épicure d'Altillac, n'a pas de disciple, c'est un solitaire aimant la discussion épisodique avec des amis, (ses amis les plus fidèles sont des philosophes grecs : Héraclite, Parménide, Anaximandre, Épicure, Lucrèce, et Pascal, Montaigne ; il a dû renoncer à écrire sur Empédocle), aimant la nature, les paysages de Corrèze, les flots toujours renouvelés de la Dordogne, les figuiers qu'il a plantés et arrose, les chats errants qu'il nourrit sans s'attacher à eux. Sa maison d'enfance n'est plus celle qu'il a connue, elle a été transformée, il s'en accommode. Marcel Conche est un insoumis qui réussit à avoir avec son œuvre une audience et sans doute une influence ne dépendant pas des médias.

"À l'écart de l'agitation, dans le Jardin d'Épicure où sont cultivés les désirs naturels et nécessaires, la sagesse, l'amitié et l'absence de superstitions, s'épanouit une joie qui n'attend pas... L'épicurisme fleurit ainsi dans un coin perdu de Corrèze. Nous sommes chez Marcel Conche, la table est mise pour un banquet épicurien. Des amis y conversent comme dépourvus d'avenir, tant la minute présente leur paraît complète ; tels « des humains vivant la même vie dans le même esprit, et complices de leur mutuel bonheur. » Les Belles Lettres.

superbe extrait de Lucrèce : De la nature

https://soundcloud.com/editionslesbelleslettres/lucrece-de-la-nature

 

 

Jean-Claude Grosse, Le Revest, 10 avril 2020

pour rêver le jour d'après en remontant très loin dans le temps
pour rêver le jour d'après en remontant très loin dans le temps
pour rêver le jour d'après en remontant très loin dans le temps
pour rêver le jour d'après en remontant très loin dans le temps
pour rêver le jour d'après en remontant très loin dans le temps
pour rêver le jour d'après en remontant très loin dans le temps

pour rêver le jour d'après en remontant très loin dans le temps

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Le 2° été du Léthé/1° juillet 2017

1 Juin 2017 , Rédigé par grossel Publié dans #écriture, #bocals agités

marie madeleine par Donatello

marie madeleine par Donatello

deux visions de Madeleine, Donatello,  Le Titien, deux livres pour tarés, vignette de couverture de L'Ultime scène de Moni Grego
deux visions de Madeleine, Donatello,  Le Titien, deux livres pour tarés, vignette de couverture de L'Ultime scène de Moni Grego
deux visions de Madeleine, Donatello,  Le Titien, deux livres pour tarés, vignette de couverture de L'Ultime scène de Moni Grego
deux visions de Madeleine, Donatello,  Le Titien, deux livres pour tarés, vignette de couverture de L'Ultime scène de Moni Grego

deux visions de Madeleine, Donatello, Le Titien, deux livres pour tarés, vignette de couverture de L'Ultime scène de Moni Grego

Pour préparer le 2° été du Léthé qui se déroulera le 1° juillet 2017 à Toulon au lieu dit La Coquette, à Saint-Jean du Var, 124 Avenue Joseph Gasquet, 83100 à Toulon, à partir de 10 H, je propose différents liens sur Madeleine, sainte controversée, disons plutôt composite parce que mélange de plusieurs personnages féminins des Écritures. Elle est aujourd'hui surtout affirmée comme apôtre des apôtres parce que première à avoir reconnu Jésus ressuscité et à avoir annoncé la nouvelle, après avoir entendu tomber l'injonction Noli me tangere, Ne me touche pas, qui mérite qu'on s'y attarde. On sait le pouvoir de cette formule sur peintres et littérateurs. Depuis 1969, l'Église tente de restaurer une image plus pure de Madeleine, ce n'est plus une pècheresse, une prostituée, une repentante. Mais les tenants d'une figure plus ambigüe sont légions. Combats entre exégètes. Pour moi, c'est la sexualité spiritualisée (comment ?) de Madeleine qui me semble la voie d'approche la plus féconde. Sa traversée avec d'autres migrants, légendaire sans doute, de la Méditerranée sur une barque sans voile, sans rame, sans gouvernail est on ne peut plus d'actualité et oblige à penser la vie en termes d'exil, de destin, de survie, transcendés par un amour infini. À cette traversée, il faut ajouter sa traversée au désert du Plan d'Aups où bonheur, les sources donnent de l'eau fraîche ce qui doit rendre plus faciles, le renoncement aux tentations que connaissent tous les ermites menant une vie érémitique ainsi que l'apaisement, l'étanchement des désirs d'amour extatique.

Les N° d'Aporie, revue de légende que j'ai animée avec François Carrassan, sur Le Désert (N°7 de 1987) et sur Égée-Judée de Lorand Gaspar (N°9 de 1988) seront mis en circulation pour l'occasion.

Ce 2° été du Léthé comportera, outre les écritures sur la base de consignes que j'élaborerai, une lecture à voix haute du monologue théâtral, L'Ultime scène, ode à la disparition de la scène de théâtre, de Moni Grego. Et elle se fera un plaisir de donner des conseils de lecture à voix haute quand sera venu le temps de la restitution publique.

Ce 2° été comme le 1° est strictement sur invitations nominatives. Les textes seront mis sur le site des Écritures nomades.

temps prévus
1- 10 à 11 H, chacun vient avec un court texte d’un autre ou de lui (10 lignes) qui l’a structuré, lui a servi de repère, un texte fondateur
lecture par chacun ou un autre (par affinité ou hasard) de ces textes avec retour des autres participants
2- temps d’écriture, à partir de 11 H et après l'auberge provençale vers 12 H 30, durée 1 à 2 H, sur consignes; écriture en solo ou à deux (affinité ou hasard)
ça tournera autour de la figure de Madeleine (une image flottant dans nos inconscients);
faites vos propres recherches et lectures (mais ce n’est pas une nécessité ni une obligation)
3 pistes seront sollicitées pour 3 courts textes
- traverser sans voile, sans rame, sans gouvernail la Méditerranée
- 30 ans de vie érémitique dans une grotte particulièrement humide
- l’amour comme origine, chemin et but (Deepak Chopra avec Le chemin vers l’amour me semble intéressant à lire); 
les titres de deux livres photographiés à la Sainte-Baume serviront d'amorce
Épouse-là et meurs pour elle (des hommes vrais pour des femmes sans peur)
Marie-toi et sois soumise (pratique extrême pour femmes ardentes)
3- temps de partage, notre auberge provençale avec ce que nous apporterons, à partir de 12 H 30; n'oubliez pas d'apporter vos livres pour échanger, donner, qu'il s'agisse de vos oeuvres ou de livres que vous voudriez offrir au hasard de la rencontre
4- temps de lecture des textes avec échanges sur chaque texte, lecture soit par soi-même, soit par un autre à partir de 16 H
au préalable, Moni Grego nous donnera quelques conseils utiles sur comment lire à voix haute
5- lecture de L’Ultime scène de Moni Grego, texte édité aux Cahiers de l’Égaré pour ce moment, ode à la disparition de la scène de théâtre dans un lieu « magique »  appelé à disparaître, vers 17 H 30
ces deux temps de lecture seront ouverts au public et aux amis
6- agapes du soir, tangos dans le salon de La Coquette, vers 19 H
7- Christian Darvey réalisera un film, pour sauver les meubles, appelés à disparaître
8- les textes seront mis sur le site des écritures nomades
 
participent: Sylvie Combe, Michelle Lissillour, Lionel Parrini, Raphaël Rubio, Christian Darvey, Marilyne Brunet, Moni Grego, Fabienne Ashraf (le matin), Wianney Qoltan', Isabelle Barthélémy, Pauline Tanon, Léo Rocailleux, Eric Méridiano, moi-même; viennent pour accompagner Moni Grego,  Yves Ferry, comédien et Laurence Gaignère, cinéaste
ne participent pas : Marie-Hélène Taillard, Annie Bergougnous, Philip Segura, Alain Cadeo, Claire Descroix, Gilles Cailleau, Aïdée Bernard, Muriel Gébelin, Frank Lovisolo, Isabelle Bréchet, Gil Duran

Consignes

Les bienheureux qui séjournaient aux Champs Élysées dans le sous-sol grec pouvaient revivre une
nouvelle vie sur terre. Passant dans le Léthé, ils oubliaient tout de leur vie antérieure de héros ou de sage
mais pouvaient conserver, réactiver un souvenir pour leur nouvelle vie.
Vous êtes des bienheureux. Quel souvenir voulez-vous réactualiser pour votre nouvelle vie sur terre ?
Cela veut dire que vous êtes l'homme ou la femme qui était mort(e) et que vous allez vous réincarner en
un autre, l'homme ou la femme qui revit d'une autre vie, résurrection ? réincarnation ?
Vous aurez à votre disposition pour vos textes, ces deux personnages, l'homme qui était mort, l'homme qui
revit d'une autre vie.
Vous avez choisi un texte fondateur. Vous devrez vous en servir pour vos 2 écritures. Thème, citation ...
Nous sommes à La Coquette, vous intègrerez ce lieu et ce moment, 1° juillet 2017, dans vos textes.
3 thèmes à traiter en 3 textes courts :
– Madeleine dans une barque sans gouvernail, sans rame, sans voile, livrée aux vents, houles,
courants, encalminages de la Méditerranée, seule ou accompagnée, pour seul vêtement sa
chevelure abondante, et pour luxe, ses parfums ; elle souffre, elle prie, elle est en colère, elle a la
diarrhée, elle vomit, elle n'a rien à manger, à boire ; y a-t-il un miracle ? un événement
merveilleux surgit-il au pire des moments ? Votre Madeleine décidez si c'est la vraie, si elle est

d'aujourd'hui, venue d'où, pourquoi, pour où ? Ce qui lui arrive dans la barque jusqu'à Massilia est-
il réel ? Optez-vous pour un récit, un conte, un dialogue ?

– Madeleine dans la grotte de la Sainte-Baume vit 30 ans d'une vie érémitique, grotte humide, elle
ne se nourrit que de ses larmes. Quelles larmes pleure-t-elle ? De quelles larmes nourricières

s'agit-il ? Elle monte au ciel, entre terre et paradis, ascension pouvant durer 7 H. Que se passe-t-
il ? Contemple-t-elle quelqu'un, quelque chose ? Pense-t-elle pendant son ascension et son extase ?

A-t-elle des visions ? Donnez-nous envie de nous élever. Donnez-nous envie de revenir ici-bas !
La grotte est-elle rassurante, inquiétante ? Quelles résonances entre la grotte et le ventre-mer, entre
la grotte et le ventre-mère ? A-t-elle été engrossée ? A-t-elle un désir d'enfant ? Porte-elle un tel
désir ? Ou y a-t-elle renoncé, femme à moitié ou femme accomplie malgré tout ? Votre Madeleine
grotesque est-elle la vraie, est-elle un fantasme ? A-t-elle un interlocuteur, un intercesseur ?
Demande-t-elle ? Quoi ?
– Madeleine et l'amour sublime. Imaginez sa relation de prostituée repentie, de pècheresse,
d'épousée, d'épouse à l'Époux. Quel statut souhaitez-vous lui donner ? Un, plusieurs ? Cet Époux,
l'acceptez-vous fils de Dieu, se refusant à Madeleine, Ne me touche pas ! Ressuscitant, donc se
montrant à elle pour ensuite disparaître, s'élever avec la promesse de revenir à la fin des temps
pour le grand rassemblement des ressuscités ? Croyez-vous à sa mission de Sauveur ? Le
préfèreriez-vous plus soucieux de Madeleine, la comblant, comment ? Cet amour sans
consommation est-il source d'élévation, d'extase ? À quoi peut-il faire accéder ? L'extase mystique,
est-ce que ça, ÇA, vous parle ? Le sexe peut-il être source de comblement ? La jouissance, la
petite mort, n'est-elle pas chacun son moment de plaisir, dans son moment de plaisir ? L'autre
Jouissance dont parle Lacan, indicible, réservée à certaines femmes, sur laquelle rien ne peut être
dit car cette Jouissance est accès au Réel le Grand Réel de René Char, croyez-vous possible de la
décrire ? En poète, en dramaturge, en psychanalyste ?
– Si possible des textes d'une quinzaine de lignes. Bonne écriture.

JCG

8 – Oui je veux bien OUI

Lui-Je, hyérosolymitain d’Avers sous les eaux depuis le Déluge, celui qu’on appelle communément J.C., tenait à marquer l’événement. 50 ans de mariage, ça se fête, même en l’absence de l’épousée, partie, passée, trépassée 7 ans avant. Il choisit un lieu magique au bord du petit étang de La Coquette à Toutenlong, le coin exclusif pour deux personnes, des amoureux, des tourtereaux, des tourterelles, la tonnelle à laquelle on accède par un ponton. Il loua les services d’une fille de joie. Il préfère ce mot aux autres, prostituée, pute. La fille de joie à la réputation très discrèten’avait pas l’âge de l’épousée. L’épousée aurait eu 69 ans. La fille de joie avait 47 ans. Il fut surpris de découvrir que c’était la métisse qu’il avait rencontrée chez Serge et Lula à La Béate dans la forêt des Maures en août 2001. Elle se prénommait Lola. La fille de joie était intuitive et spirituelle. Elle s’aperçut vite que l’épousé, le marié n’était pas triste, qu’il n’avait nulle envie de finir la nuit par une fellation. Elle comprit quand l’épousé lui montra le texte qu’il avait écrit et qu’ils allaient vivre. Il insista sur le mot.

− Vous allez être une femme extraordinaire, Lola, vous allez être Marie- Madeleine

− La Marie-Madeleine de la Sainte Baume, wouah ! Elle savait s’envoyer en l’air, celle-là, elle n’avait pas besoin d’un praticien des points G

− Vous pensez que vous serez à la hauteur ?

− Jusqu’au 7° ciel, sûrement pas, je ne monte jamais si haut ; par contre, mes clients atteignent toujours l’épectase, raides morts en dégorgeant dans la volière en plein air à La Béate où ça se passe. Le caquètement des volatiles est extrême, favorisant l’envol. Si vous ne le savez pas, les oiseaux, entre terre et ciel, médiateurs, ont un extraordinaire magnétisme animal. La volière est donc idéale pour mon travail.

− Ça doit vous valoir une réputation et des ennuis.

− Réputation, oui, ennuis, non. Ce sont des candidats au suicide laissant toujours une lettre d’adieu expliquant leur choix. De ma part, ce n’est en aucun cas une punition, une vengeance parce que je détesterais les hommes – c’est vrai que je les déteste, ils ne savent que violer, mais je ne suis pas méchante, je suis une bonne âme, j’ai le cœur et leur queue dans la main. Je leur rends service au mieux de mes compétences.

− Vous êtes la garce qu’il me fallait. J’adore la saleté, la cochonceté, ça pimentera mon histoire d’amour sublime avec l’épousée.

- Vous n’y êtes pas du tout. Comment pouvez-vous m’imaginer en garce ? Vous êtes aussi un malade du gland ?

- Excusez-moi, je me suis imaginé ça. Je suis un gland malade.

Apéritif au champagne,

lui – à nos 50 ans de mariage mon p’tit chat,

Lola – à nos 50 ans d’amour avec coups de canif dans le contrat et pardon mutuel, mon p’tit chat,

lui. – ah bon, vous savez ?
Lola – non mais c’est possible donc réel, entrée à base de gambas grillées.

Lola lui raconte son parcours, d’enfer en enfer, de pervers en pervers, de trou duc’ en trou duc’, jusqu’à son accueil chez les Rezvanupied pour accompagner Lula, les mecs, je vous dis pas, le cerveau dans la queue,

Saint-Pierre au gros sel.

Il fait monter les larmes aux yeux de Lola quand il raconte le voyage à Culbas du fils et du frère,

  • –  ça a dû être terrible pour l’épousée,

  • –  quelque chose s’est cassé dans ma tête, elle m’a dit quand le maire du village nous a informés, avec 9 jours de retard ; partis en avion, accrochez-vous, le 11 septembre 2001, partis pour toujours le 19 septembre 2001, informés de leur mort le 28 septembre 2001, 9 jours de blanc, le blanc du temps

    À 10 mètres d’eux, Bubu, la légende, l’ami de Plume d’Ange, joue du saxo avec son trio de jazz cubain. Voluptueux, ce saxo qui respire, souffle et prolonge ses notes jusqu’à asphyxie, jusqu’à ce qu’elles meurent, fassent silence. C’est ce que demande le maître de musique de Tous les matins du monde.

Au dessert, ils iront danser un slow chaud, chaud leur show.

L’épousé, éméché, costume de marié débraillé – Bienheureux je suis. Pour vie nouvelle. Droit à un vieux souvenir. De l’ancienne vie. Vie de héros, de sage, d’ouvreur de voies ? En tout cas, j’ai eu droit aux Champs-Élysées. Je me souviens, je veux me souvenir de toi, Marie Madeleine. Il m’avait convaincu que j’étais son fils, le Fils de l’Homme. J’avais cru à ma mission de Sauveur des Hommes. Je me suis sacrifié. Ils m’ont crucifié. Père, pourquoi m’abandonnes-tu ? Phrase terrible. Désespéré, j’étais. Ces clous ! Cette éponge de vinaigre ! Saloperie de bourreaux ! Froids fonctionnaires de la mort en série. Mis au tombeau, j’en ressors comme Lazare, à qui j’ai dit : Lève-toi et marche ! M’a toujours fasciné ce retour de l’homme qui était mort. Ils y travaillent les prophètes du futur de la Silicon Valley. Ray Kurzweil, directeur de projet chez Google, annonce qu’on pourra revenir de la mort dès la Saint-Valentin du 14 février 2037. Je ressors du tombeau. Et toi, Marie Madeleine, première à me voir, à y croire. Pourquoi l’homme mort que j’étais a accepté cette ascension ? Pourquoi te répondre Noli me tangere, à mon surgissement nouveau. Pourquoi te faire cette Promesse de retour à la fin des Temps pour le grand rassemblement des ressuscités ? Sais-je qui je suis ? Un Sauveur ? Un Salaud ? Marie Madeleine, entends-tu mes tourments ?

Marie-Madeleine, éméchée, hystérique, les seins hors du balconnet de sa robe de mariée louée – Le fuir, fuir ce salaud. Toujours s’est refusé à rendre ce que je lui donnais, ce que je lui offrais, mon corps, ses orifices, ses trous. Mes palpitations du tréfonds, là où sont tapies les stupeurs pétrifiées de trop d’audaces. Pas assez gratuit mon don ? Prends ça dans les dents Noli me tangere ! Veut vrai don, don sans retour, don sans attente de retour ? C’est ça que je devais comprendre ? Oh Marie, mère de Jésus, ce mal de ventre, cette diarrhée diarrhée diarrhée é é é ! (3 jours plus tard, de plus en plus faible) vidée é é ! (petite voix ). Oh Jésus ! Que se passe- t-il ? ... Où suis-je ? ... La Coquette, Le Barbecue, La Plancha, 3 en 1, la Sainte-Trinité. Hahaha ! Je suis donc une Bienheureuse, autorisée à une vie nouvelle avec un vieux souvenir à oublier, l’amour charnel, l’amour physique toujours raté. Réinventer amour à l’ancienne, amour courtois, amour de troubadour. Marie-toi et sois soumise, dit le livre de la pratique extrême pour femmes ardentes. Oui je veux bien oui. Oh, ce coin de tonnelle pour tête à tête, à la Roméo et Juliette, au bord de l’étang, oui je veux bien oui ! Place réservée au Revenant, au Bienheureux. Oui je veux bien oui. Place réservée à la Revenante, la Bienheureuse, à l’épousée, jour après jour jusqu’à ce que ça fasse toujours, pour leurs 50 ans de mariage, ce 1° juillet 2017. Quelle réception ! comme il m’a embrassée sous la tonnelle et alors je lui ai demandé avec les yeux de demander encore oui et alors il m’a demandé si je voulais oui dire oui et d’abord j’ai mis mes bras autour de lui oui et je l’ai attiré sur moi pour qu’il sente mes seins tout parfumés oui et son cœur battait comme fou et oui j’ai dit oui je veux bien Oui

Sous la tonnelle du tête à tête, le Bienheureux – Quelle connerie ma première vie ! Croire que j’avais à les Sauver tous ! Quel orgueil d’Insoumis !

Sous la tonnelle du tête à tête, la Bienheureuse – Oui, quelle connerie de t’envoyer en l’air ! Ton ascension ! Alors que t’as pas été capable de rester en moi, le 14 juillet 1970, quand tu m’as éjecté par ton retrait du grand Orgasme Cosmique, de la noce mystique pour me ramener à la petite mort orgasmique. C’est pour me rappeler cette blessure de ma sexualité que tu fabriques ce mirage - d’une barque qui dérive à une table gastronomique ? Je vais te dire, fils de Pute. Tu as eu raison de revenir à la maison qui n’est pas celle du Père. Tu le sais que t’es né de Père Inconnu ? Que t’es né sous X ? Né du Saint-Esprit, 3 en 1 !

Le Bienheureux – D’où tiens-tu ce savoir qui me démolit ?

La Bienheureuse – 30 ans de vie grotesque dans la grotte à te nourrir de tes larmes, ça te ramollit le bulbe et la vulve tu sais. Je n’avais pour me distraire que mes envols, sept heures durant, entre terre et paradis, au septième ciel, vol stationnaire, lévitation quantique. Ça y est, ils commencent à admettre que c’est possible, les cartésiens ! J’ai vécu dans ma chair décharnée que la Vraie Vie est ici-bas, que le Très-Haut n’est pas là-bas, là-haut mais ici, sous cette tonnelle, oui, je veux bien oui que tu ne me fasses pas l’Amour, ni le sublime ni le sublimé, oui je veux bien oui que tu me baises comme je le criais avec mes yeux, le 14 juillet 1970. Ô mon Bien-Aimé, BAISE-MOI !

Le Bienheureux – Oh ce n’est pas mirage mais bien miracle, magie. Sous cette tonnelle pour nos 50 ans de mariage, tu n’es pas un mirage, une image. Te voilà de retour, en chair et en os, ma disparue depuis sept ans. Tu as dormi du sommeil des sept dormants d’Éphèse. Tu t’es endormie, tu avais mal entendu Hamlet, tu l’avais déformé : dormir, rêver ... mourir peut-être. Lui, dit : mourir, dormir rien de plus, rêver peut-être. Tu t’es endormie après 14 apnées comme le jour de ta naissance, ma Bien-Aimée Valentine du 14 février. Quel retour ! Vois comme le monde n’a pas changé. La modernité qu’ils disent ! Allez, on s’en tape de leur monde. Levons la coupe de champagne, de notre préféré, la Veuve Clicquot ! À notre amour au jour le jour ! Le livre ne le dit-il pas : Épouse-la et meurs pour elle, sois homme vrai pour femme sans peur ? Oui je veux bien OUI. Cette nuit, Je Te Baise ! Épectase !

La Bienheureuse – Pas de Promesse ! La Preuve ! L’extase ! Oui je veux bien OUI.

Des gens attablés autour de l’étang sont intrigués par ce couple allumé, débraillé. Des femmes jalouses taquinent sous table leur vis à vis. Des hommes excités essaient d’obtenir l’adresse de Lola, fille de joie. Mais le moloch, le cerbère veille. Accès interdit.

Ils ont dansé, accompagné par Bubu, le roi du sax, jouant langoureux pour eux. Danses lascives, très serrées. Pas de baiser, pas dans le contrat. Mais l’épectase et l’extase en perspective.

Revenus à leur table, les deux lecteurs s’effondrent sur la table, sous la tonnelle. Leurs bras sont entrelacés.

Lola – Merci.

Lui– Pas de quoi.

Lola – Sacrée expérience.

Lui – Expérience sacrée plutôt. Je ferai appel à vous Lola quand je me sentirai prêt pour l’épectase.

Lola – vous ne serez jamais candidat à cette expérience, vous aimez trop la vie. Mes « clients », 2-3 par an, sont toujours des gens importants, talentueux, puissants, argentés mais de gros cons en tant qu’humains, que personnes, sans empathie, mutilés affectivement et sentimentalement, malades du gland et obsédés du nombril.

Lui – pourquoi viennent-ils vous voir ? 

Lola – ça c’est un mystère
Lui – comment ça se passe ?

Lola – le candidat doit venir me voir. Je ne suis pas facile à trouver. Aucun téléphone. Pas géolocalisable. Paiement d’avance : 15.000 €. Écoute du candidat. J’essaie de le ressentir, de le humer.

Rendez-vous 3 semaines après, toujours l’été, la saison des sexcités. Pour chaque candidat, je mets en place un rituel d’inspiration vaudou, que je lui détaille. La passe puisqu’il s’agit de passer n’a aucune limite de temps. Elle peut durer pour les cons les plus coriaces (la peur de la mort tout de même, il faudrait plutôt dire la peur de cesser de vivre parce que de la mort on ne saura jamais rien) bien que disponibles jusqu’à 12 h.

Lui – pourquoi un rituel de type vaudou ?

Lola – l’épectase que je pratique est une métamorphose. L’énergie sexuelle est biologiquement une énergie de reproduction. Sans reproduction, pas de perpétuation de la vie. Or l’homme a dénaturé cette énergie en énergie de plaisir, se dénaturant par là-même. Ma pratique consiste à nettoyer le gros con, souvent un corps lourd, adipeux, à l’alléger de tout un fatras de cadenas mentaux, sexuels, de schémas de domination. Le passage par les esprits est une nécessité. De la lourde matière aux corps subtils. Nus, tous les deux, il découvre enfin le corps, le respect du corps, le regard non lubrique ni hubrique sur le corps, l’amour non possessif du corps.

Il se vide en plusieurs fois de sa semence de plaisir. Vide de sa semence mal utilisée, il peut passer. Puisque cesser de vivre c’est cesser de pouvoir procréer. La métamorphose, c’est ça, passer du trop plein mal orienté au vide. Vous n’imaginez pas la beauté de ces corps, de ces visages après le passage, la paix qu’on lit sur les visages, la béatitude qu’on respire sur les lèvres.

Lui – vous m’impressionnez Lola. Quel métier ! Et quand le con est passé ?

Lola – je fais venir un médecin, la police, pour constater le passage par épectase, lettre du candidat présentée en premier. Je ne vous dis pas les regards noirs. Comme ce sont des gens importants, connus, le passage n’est pas ébruité. La famille fait profil bas.

Lui – vous n’avez jamais été menacée ?
Lola – Serge m’a laissé ses deux molosses. Celui qui s’aventurerait serait déchiqueté. Vous avez lu Le dresseur ?

Lui – oui, rien que le rappel du titre me renvoie au froid glacial que j’ai éprouvé. Lola, restons en contact, vous êtes une femme savoureuse. La métamorphose des esclaves (les puissants en premier) a besoin de personnes comme vous.

Lola – et oui je dis oui je veux bien Oui.

Et ton livre d'éternité ? (pages 124-130)

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Billets de contrebande / Alain Cadéo

8 Mars 2024 , Rédigé par grossel Publié dans #JCG, #notes de lecture, #écriture, #éveil, #voyages, #vraie vie

2024 et 2018
2024 et 2018
2024 et 2018

2024 et 2018

Billets de contrebande (inédits)
Alain Cadéo
Editions La Trace, 2024

Plus de 300 pages de billets. Je n’ai pas compté le nombre de billets. Billets quotidiens ou presque. Comme l’ami Marcel Conche, Alain Cadéo ne fait qu’écrire. Irrépressible pulsion donnant Mots de contrebande, Billets de contrebande, récits, romans, pièces de théâtre. Il envoie ses billets à quelques amis qui font parfois retour. Ça s’appelle pisser dans un violon ou prêcher dans le désert. Comme s’il disait  : C’est gratuit, mon ami. Mon écriture, nécessaire, vitale pour moi, énergisante, électrifiante ne vise aucune utilité, surtout pas sociale, au mieux, amicale si toi, l’ami, tu veux bien recevoir ces billets que je te passe en contrebande.
Le mot contrebande fait écho à ce qu’a dit Le Clézio à Augustin, le 25 janvier 2024, sur son chemin niçois des contrebandiers. Être contrebandier demandait courage et résistance physique. Être contrebandier en littérature, dit-il, demande de recevoir ce qu’apporte la mer, images, personnages pour en faire nouvel usage, nouvelles histoires. Le contrebandier fait passer en douce, dans l’obscurité souvent, des produits illicites mais fort demandés, appréciés.
Alain Cadéo se dit passeur de mots, contrebandier de mots. Ces mots viennent d’ailleurs, vont vers ailleurs. L’ailleurs d’origine n’a pas de nom. L’ailleurs de destination n’a pas de nom. Du VERBE, titre du 1° billet, inentendable par les vivants, jaillissent des profusions-vibrations à foison, devenant à réception, paroles gelées, mots empaillés, livrés au papier d’imprimerie. Ces mots « humblement s’agenouillent et se taisent. »
Pour parler de ses cueillettes, fenaisons, moissons, vendanges, de ses grappillages, glanages, de ses traques, de ses affûts, de ses rapts, Alain Cadéo use de métaphores filées de grandes richesses. Métaphores visuelles, auditives, gustatives, olfactives, tactiles, cénesthésiques. On voit la scène, on entend bruissements et chants. On savoure les nectars. On hume les odeurs. Une véritable renaissance des sens. Que je préfère à L'insurrection des sens du philosophe Jean-Philippe Pierron (Actes-Sud).
Il est nomade, bohémien, trappeur, clown de cirque ambulant. Il est de toutes les latitudes et longitudes, des pôles à des îles luxuriantes, paradis introuvables, non-géolocalisables car naissant des mots sur la blanche page, sur sa table, auprès du poêle.
Cette présentation m’amène à soulever plusieurs paradoxes.
- L’auteur Alain Cadéo est de toute évidence, homme de grande culture. Quand il est traversé par des mots jaillis du VERBE, qu’il les reçoit en glaneur, en bohémien, est-il un passeur fidèle de la transmission ? Ce qui est frappant, c’est la richesse du vocabulaire. Je ne doute pas de l’inventivité, de la créativité du Verbe, du scripteur. Je ne doute pas non plus de la qualité d’oreille du récepteur, de sa capacité à être au bon endroit, au bon moment pour des saisies vertigineuses et des partages savoureux où les poches trouées du bohémien se remplissent et se vident des cailloux du guet-apens. Mais paradoxe, l’auteur a sa part dans ce jeu de passage et de partage. Elle est sans doute plus importante qu’une simple capture et restitution.
- Le second paradoxe a trait au scripteur, à la puissance du VERBE. Infini potentiel s’actualisant et se dégradant en infini actuel par la parole indéfinie (incommensurable mais non infinie) des hommes. Le VERBE comme source, jaillissement, potentiel est inentendable. Il est SILENCE parce que PUISSANCE. Les hommes par la parole, leurs mots enfilés comme perles, tentent d’entendre, veulent capter la Source, la reconnaître, la con-naître, la comprendre alors que l’attitude humble (d’humus) consisterait à se taire. Or, paradoxe, Alain Cadéo qui sait, sent cela du plus profond de son âme, la nécessité de SE TAIRE car capter le Silence est vol et pas envol mais chute d’Icare, écrit chaque jour son billet de contrebande.
- La capture quotidienne, dis-je est vol, non envol, chute d’Icare. Cela veut-il signaler l’hubris, l’orgueil de l’écrivain ? Que nenni ! La pulsion d’écrire, de dire n’est pas que le propre de l’écrivain Alain Cadéo. Quiconque avec ses moyens, son histoire, son héritage, ses limites  se pose quelques questions inessentielles : D’où venons-nous? Où allons-nous ? La vie a -t-elle un sens ? Est-elle absurde ? Qui suis-je ? Inessentielles parce que sans réponses ! Mais aiguillons de nos vies, de nos corps et culs plombés, de nos cerveaux et esprits disponibles, de nos âmes et coeurs secs. Alain n’a pas de mots assez durs pour stigmatiser nos petitesses d’adultes rabat-joie. Comme il n’a pas assez d’images aériennes pour nous relever, d’images terriennes pour nous ramener au ras du sol et ainsi nous faire retrouver le goût de l’enfance, la magie de nos jeux d‘enfant solitaire ou en bande où l’imagination avait tout pouvoir de faire danser les comptines de mots et chanter les graviers d’écorchures.

 

à l'aide d'une langue extrêmement sensible et sensuelle, poétique, le philosophe Jean-Philippe Pierron poursuit son exploration écobiographique (voir son précédent livre dans la collection Mondes Sauvages : "Je est un nous") pour révéler l'importance primordiale de gestes en apparence triviaux et anodins, ceux du jardinier, du paysan, de l'artisan, du cuisinier, mais aussi ceux du musicien, du danseur et de l'écrivain, dans l'élaboration concrète et quotidienne, profonde et le plus souvent tue, d'une manière d'être au monde révélatrice d'un souci, d'une attention portée au monde et aux vivants qui cohabitent avec nous.

à l'aide d'une langue extrêmement sensible et sensuelle, poétique, le philosophe Jean-Philippe Pierron poursuit son exploration écobiographique (voir son précédent livre dans la collection Mondes Sauvages : "Je est un nous") pour révéler l'importance primordiale de gestes en apparence triviaux et anodins, ceux du jardinier, du paysan, de l'artisan, du cuisinier, mais aussi ceux du musicien, du danseur et de l'écrivain, dans l'élaboration concrète et quotidienne, profonde et le plus souvent tue, d'une manière d'être au monde révélatrice d'un souci, d'une attention portée au monde et aux vivants qui cohabitent avec nous.

un billet

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note passée en douce à l'auteur des billets de contrebande
Les billets d'Alain Cadéo
paradoxal peut-être d'adresser sa note de lecture
non à d'autres possibles lecteurs pour leur donner envie, partager notre bonheur
mais à l'auteur
non pour lui dire nos ressentis, réflexions à la suite de sa lecture
mais pour lui tendre un miroir rond, son miroir à alouettes
toi l'auteur d'une oeuvre au noir, toi si peu au parfum de ce qui te pousse ou t'aspire quand tu écris ton billet, poussé, siphonné  par tu ne sais quelle pulsion
(enfin si)
elle est née, a surgi, à 7 ans quand posant simplement, bêtement, un miroir rond sur la table du jardin, tu as vu le ciel à l'envers, le reflet du ciel, d'un morceau de ciel dans ce miroir rond
et là, VERTIGE
tout reflet nous oblige à casser la pensée écris-tu, page 84 dans Si j'ai gaspillé mon énergie ...
le fils de paysan Marcel Conche est devenu philosophe quand, âgé de 7 ans, voyant le tournant sur la route de Beaulieu, il s'est demandé qu'y a-t-il après le tournant ?
cela l'a animé pendant 100 ans
toi, tu as été saisi de vertige
je ne peux pas ne pas penser un peu à la caverne de Platon : ce que les hommes enchaînés prennent pour des réalités et qui ne sont qu'ombres, reflets
mais c'est appauvrir ce qui s'est offert à toi, gamin : dehors, dans un jardin qu'on entretient, un ciel que tu vois quand tu lèves la tête, bleu ou nuageux, un soleil brillant ou pâle, des oiseaux qui volent, se posent, chantent sur les branches, des insectes bourdonnant, les parfums des magnolias et autres fleurs sans pourquoi comme dit Silésius de la rose, la terre qui colle aux sabots, un dehors à la fois limité par le clos et ouvert dans toutes les directions, appréhendable par tous tes sens
et le reflet du ciel, le reflet changeant d'un morceau de ciel en mouvement lent, reflet silencieux
puissant, dynamisant rappel du Silence dont tes billets sont des fragments, des débris, fort bien écrits mais si peu par rapport à la plénitude du Silence, du Verbe-mère, du Savoir, de l'Absolu, du Parfait
Souffle sacré dont toi l'intuitif, l'enfant dont on disait, il a la science infuse, tu as accepté qu'il soit ton moteur de grand désir, pour une quête de possible Béatitude sur fond d'inquiétude, d'incertitude
.
Chaque lecteur fera l'usage qu'il pourra de tes billets.
La citation du bandeau se trouve page 69.
---------------------------------------------
les inédits billets de contrebande seront présents sur le stand des Cahiers de l'Égaré à la 10° Fête du Livre d'Hyères, les 4 et 5 mai 2024, avec Arsenic et Eczéma (théâtre), M. (récit), avant parution en septembre d'une réédition du récit Le ciel au ventre, publié il y a plus de 30 ans et épuisé depuis longtemps

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Bocal agité: les 10 mots pour dire demain

3 Avril 2009 , Rédigé par grossel Publié dans #bocals agités

Bocal agité: les 10 mots pour dire demain

 

Ce bocal agité s'est déroulé samedi 28 mars au Café-Culture de Toulon, petit cours La Fayette, à partir de 9 H, en collaboration avec L'Écrit-Plume et le Café-Culture.
 
8 personnes y ont participé, le matin, 14, l'après-midi.
 

Un bocal agité a un côté ludique et aléatoire qui s’apparente aux jeux de langage des surréalistes ou aux fatrasies du Moyen-Âge.
Le matin de 9 H 15 à 12 H 15 : temps de l’écriture où « l’agitateur »: Jean-Claude Grosse a proposé des consignes aux  écriVents pour écrire un texte sur le thème choisi.
L’après-midi, de 14 H 15 à 15 H 30 : temps de la mise en jeu des textes par  les actants.

Les 10 mots:
ailleurs capteur claire de terre clic compatible désirer génome pérenne transformer vision
Consignes du bocal

Et si ailleurs c’était ici
Et si les capteurs ne captaient pas seulement la tension, le vitesse, la pression, la température, l’énergie solaire, mais…
Quand le clair de terre ne sera plus observable
Et si les clics faisaient clash, bug, bogue
Et si rien n’était compatible avec rien
Désirer   délirer  s/l est-ce elle ?
Délirer   désirer  l/s  laisse ?
Les hommes ont à peu près le même génome que les vers de terre et les vers sont vexés. Boris Cyrulnik
Inversez la proposition en la développant
Et si pérennité convolait avec précarité
Transformer (quoi) ou  (et, avant, après) se transformer (en)
Et si notre vision était nyctalope

Textes à produire :
De 1 à 10 phrases courtes avec les 10 mots
Un texte par mot
Avec les 10 textes obtenus, soit 10 fragments soit une synthèse
Disorthographier un des textes sur un des mots sans aller à l’illisible
Faire un slam pour un des mots
Pratiquer l’oxymore sur un des mots

Pour la mise en bouche, l’après-midi, la consigne a été de lire en fragments et en tournant, le suivant prenant la parole pour répondre au précédent.


 

Et si ailleurs, n’était simplement que ce chemin emprunté au réveil et clôt au coucher.
Je ne capte rien tant que le silence.
Au clair obscur de nos infinies incomplétudes, dans l’outre ciel de nos impossibles amours, que reste-il ? Sinon la douce consolation d’un clair de terre rassurant.
Clique moi pour un possible déclic, cliquettent jolis doigts pour que claquent les mots : amour toujours ! Dépêche-toi sinon j’en aurai vite ma claque et prendrai mes clics et mes clacs…
Je ne désire rien tant que délirer, je ne délire bien que le temps du désir.
Les hommes partagent presque le même génome avec le chimpanzé, l’homme a inhibé sa sexualité, le singe non ! Doit- on le déplorer ? Voire….
Pérennes nos sentiments, non ! Au moindre souffle de nos incertaines vies, ils s’envolent.
Mon âme se transforme au gré de mes prières, mon esprit au gré de mes acquis, mon corps au gré de mes régimes et mon cœur au gré de mes amours…
Tu es dans mon champ de vision, mon regard te sonde, insondable est ma tristesse.
Est-elle comptable de sa vie à vos yeux ? A ses comptines enfantines, laissez la vieille « incompatiblement » délirer.

Deuxième exercice.

« Lui et moi désirer sans nous déchirer.
Me laisser aller à le désirer sans délirer.
Le laisser délirer sans  me tracasser.
Désirer enfin nous lier pour encore délirer.
Et puis se délier pour ne pas s’entretuer ! »
 
Pérenne ! Pérenne ! Ben oui, j’suis une reine en paix  et pas en peine qui enfourche un renne pour rejoindre un père, dans la pérennité de l’éternité et toc !

Clic ! Clac ! Fait la pluie.
Beugue ! Beugue ! Fait l’ordinateur.
Bogue ! Bogue ! Fait la châtaigne.
Clash ! Clash ! Font mes amours.

Hier,  j’me suis barrée chez le Petit Prince, j’suis allée couper les baobabs et arroser la fleur. On s’est assis au bord de la planète, aucun clair de terre. « Foutue pollution » ai-je murmuré. Le petit Prince pleurait et moi aussi.

J’me nomme GERARD ! J’suis pas un gnome, juste un homme, mais non pas JERÔME juste GERARD ! Non ! j’n’ai pas le même génome que le ver de terre, j’m’en retourne petit homme dans mon home.

Et si mon ailleurs était  toi,
Oui, moi qui te connais si mal.
Et si ton ailleurs était moi,
Toi qui ne me soupçonne pas.
 Et nous cheminons pas à pas,
Bientôt nous vivrons nos émois.
Compatible ! Compatible ! Ben j’prends un compas, j’ fais un cercle, j’mets une cible ! C’est un comble, j’comprends toujours rien ! J’suis comptable de rien et certainement pas con juste  comblé! Oh ! Ben j’suis compatible avec rien juste comestible.

Mes capteurs  ne captent rien, juste l’atroce sensation d’une non vision ! Je ne vois rien, ni de près, ni de loin, visions inénarrables de mes aveugles capteurs. Avisons alors ! Tentons de viser les sensations de mon cœur déconnecté, de mon esprit non voyant, de mon corps abusé, c’est impossible, mes capteurs silencieux m’enchaînent au désert de perceptions insondables, mort infinie d’une âme captatrice sans visée, sans vision.

Me transformer en louve, je ne puis, j’ai la tendresse de l’agneau !
Me transformer en impératrice, je ne puis, j’suis une vieille peau !
Me transformer en écrivain, je ne puis, j’suis un badaud !
Me transformer en putain, je ne puis, j’suis maquereau !
Alors je me suis fait peintre : mon cœur  une fleur, mon corps un vase et mon âme, une eau de source.


TROISIEME EXERCICE
A travers les volets,  le jour pousse sa corne. Elle soupire, il dort là, son souffle régulier trouble à peine ses pensées. Où est-il cet ailleurs tant promis ? La vision d’une fugace image heureuse trouble son regard,  son triste quotidien est incompatible avec les promesses à jamais enfuies.
Comme elle riait autrefois, aux mots fous dont il la poursuivait : « nos génomes sont irrémédiablement compatibles » ou «  mets ton oreille tout contre mon cœur, tous mes capteurs vibrent pour toi. ». Elle riait aux éclats, pauvre folle.
Les amours pérennes n’existent pas. Plus jamais, il ne lui murmurait à l’oreille «  Tu es ma divine planète d’où j’entrevois le plus  beau des clairs de terre. »
Sa vie se transformait peu à peu en une lente descente aux enfers où le désir de fuir le disputait au désir de meurtre.
De sa main, elle chassa ses morbides pensées. A quoi pouvait-il rêver ? Lui qui avait tué tous ses rêves.
Un jour, oui un jour, elle prendrait ses clics et ses clacs.
Brutalement, sortant du sommeil, il gueula « Feignasse, qu’attends tu pour servir mon café ! »
Une nouvelle journée commençait.
GRACIEUSE
 

AILLEURS : être en un autre lieu qui n’est jamais le même pour chacun

CAPTEUR : le capteur s’affole et ne capte plus rien, son électricité est en panne, il voudrait retourner en arrière

Le CLAIR DE TERRE s’est éteint, les hommes ne méritent pas sa clarté

CLIC CLAC :Le clic d’un claquement sec a donné l’ordre et la bombe dévastatrice avance inexorablement

COMPATIBLE :Votre discours n’est pas compatible avec le mien. Vous êtes dans l’avoir et je veux être dans l’Etre

DESIRER :  Que le temps s’arrête et que l’instant unique demeure immobile 

GENOME : Tu es ma carte d’identité mais ou se situe ma liberté ?

PERENNE : Que vont donner ces années à venir ? Cela me semble long !

TRANSFORMER :Devenir quelqu'un d’autre dans l’avenir, beau projet

VISION : J’adapte ma vision à un imaginaire qui me comblerait

 
FRANCOISE
 
Je désire,
Je délire,
Je n’ose vous décrire
Ce qui m’inspire.
Je délire dans le rire,
Je désire même le pire.
Il faut pourtant tenir,
Essayer de séduire,
Savoir raccourcir,
Et parfois réécrire.
Réduire le délire,
Calmer le désir,
Rajuster le tir,
Attendre qu’on vous vire.
Sublimer le désir,
Attendre le navire
Emportant nos soupirs,
Sublimant nos souvenirs
Oubliant de vieillir,
Accroché au désir
Quelquefois de mourir,
Usé par le désir
De partir
Dans le désir
Du délire.
 
 
FRANCOISE
 
C’est ailleurs en un autre temps, c’est demain ou dans cent ans

Le génome humain a livré tous ses secrets.
Toute personne porteuse d’un chromosome déviant ne pourra ni se marier, ni enfanter,   
Dans les laboratoires secrets, des savants fous cultivent les cellules souches, afin de remplacer cœur, foi….

Chaque humain est muni d’un capteur d’émotion négative qui alerte aussitôt le centre de la sérénité, lequel indiquera quelle molécule prendre pour retrouver la pérennité d’une vie douce et paisible.

La pollution, aprés bien des combats est vaincue,  la terre offre à nouveau aux voyageurs interplanétaires de splendides clair de terre.

Les zones de famine endémiques ont subi une guerre bactériologique, pas un habitant n en a réchappé.
La faim  éradiquée de bien sauvage manière est tombée dans les oubliettes de la mémoire.

Les guerres n’existent plus, quelques guérillas sporadiques agitent les zones rurales qui refusent le modèle de vie urbain aseptisé, artificiel .

Au fil des ans, le langage s’est transformé, des onomatopées universelles  désignent les actes essentiels de la vie, les enfants apprennent désormais la phonétique universelle.

Dans cet atmosphère pure ou plus aucun risque ne guette l’homme, tout désir est mort…. Que peut on convoiter lorsque tout est donné ? Ou plutôt que l’on vous en a persuade à force de slogans lénifiants.

Pourtant la  jeunesse  veut sentir le sang couler plus vite dans ses veines et la révolte gronde.

Elle rêve du passé.
Elle imagine des errances au creux des chemins le vent dans les cheveux, libre d’aimer un imparfait humain. Elle veut entendre le clic clac des sabots des derniers chevaux.

Sa vision d’une nouvelle fraternité  est incompatible avec l’ univers de ses parents

Et une fois encore, elle bâtira un monde nouveau, elle suivra sans le savoir les traces d’un lointain ancêtre,

Le chromosome de la rébellion est indétectable, il est l’espoir de l’humanité et de lendemain meilleurs

Demain deviendra le passé, ainsi tourne les capteurs de l’histoire humaine,

 
                HELENE

1° exercice, 2 phrases avec les 10 mots

Je désire inventer le capteur qui d’un clic me permettra de voir un clair de terre afin de transformer ma vision pérenne de l’ailleurs et de rendre compatible mon génome avec le jeune homme d’à côté.

Transformer l’ici en ailleurs suppose de nouveaux capteurs pour méduser notre vision pérenne du monde et de l’autre et ouvrir la voie au désir capable d’un clic d’imaginer-réaliser génome compatible et clair de terre reproductible.

2° exercice, une phrase ou un développement pour chaque mot

Mais si ailleurs c’était ici ce serait kif kif kif pareil. Faut pas croire ici là-bas ça change pas. Paradis enfer ici-bas ici haut. Si planète pète bouquet final idéal. Si netpla tepe ketbou nalfi alidé. Wouaf wouaf.

Et si on captait tout déjà, si la traçabilité était déjà universelle, si big brother nous regardait bosser bouffer baiser, si nous contrôlions notre pouls avec le cardiomètre, notre poids avec le pèse-personne, notre taille avec la toise, ah qu’aujourd’hui nous paraîtrait le paradis sur terre.
Captez capteurs, bigs brothers suivez-nous à la trace, itinérisez nos itinér-aires, nos itinér-erres, je suis sans surprise, je suis ennuyeux à vous faire mourir d’habitudes.

Quand le clair de terre ne sera plus observable, sûr que nous aurons disparu, que la planète pourra se régénérer, se réinventer.

Tout clic peut engendrer un bug. C’est comme le grain de sable dans la machine qui enraye la machine. La dune c’est un amas de grains de sable qui se sont accumulés. Il suffit d’un grain de sable qui se désagrège pour que la dune s’effondre. Un clic maladroit d’un internaute parfaitement identifiable suffira à vaporiser big brother. Je serai cet internaute désirable.

Mais si rien n’était compatible avec rien ça m’irait bien mien tien sien ça me va très bien chacun son coin chacun ses soins chacun son loin chacun ses poings.

Je désire
je délire
petit écart
s engendre l
est-ce elle
Le désir doute
Le délire en rajoute

Je délire
je désire
grand écart
l donne s
je me lasse de ma laisse
je me crois au galop
je suis pris au lasso

Les hommes ont à peu près le même génome que les vers de terre.
Qui croyez-vous est vexé ?
Le ver de terre n’a ni sentiment ni pensée ni cœur ni raison.
L’homme s’il se croit supérieur sera vexé deviendra massacreur d’espaces et d’espèces.
S’il se sert raisonnablement de son cœur, s’il brûle sa raison au feu de ses sentiments alors il admettra que l’à peu près même engendre l’infinie diversité, il saura que le kif kif c’est du pareil au même porte en lui toutes les altérités.

Et si pérennité convolait avec précarité ce serait clair obscur conflit pacifique paix armée sucré salé doux amer amour volage passion durable
Désir aléatoire au hasard des pas choix hasardés ce serait la loi du hasard la vie au hasard livré à l’ivraie du hasard à l’ivresse du hasard la mort par hasard par accident.

Notre référent révérencié d’hier, Karl Marx, a écrit : Les philosophes n’ont fait qu’interpréter le monde, il s’agit de le transformer par la révolution, aboutissement de la lutte des classes.
Évidemment cette évidence s’est évidée de sa vérité.
Il y a un an, la plupart des gens croyaient aux banques, aux assurances.
Depuis six mois c’est la crise. La confiance est devenue méfiance sans passage à l’acte. On laisse son argent à la banque, on renouvelle son contrat d’assurance. Ainsi le système perdure, est pérennisé, n’entre pas en faillite, en banqueroute.
Les dirigeants qui n’ont rien vu venir, les dirigeants multicartes (libéral, le matin, réformiste à midi, étatiste le soir, sécuritaire devant un parterre de vieux, égalitaire devant une haie de huées de salariés, privilégiature devant des nantis au Fouquet’s) vont réguler, moraliser le système. Ce sera le 2 avril 2009.
Je le prédis : Karl Marx le retour, c’est pour tout de suite ici, là-bas, avec l’unité de la base et dans l’action, avec la convergence des luttes imposée aux sommets, avec le tous ensemble en Guadeloupe, ça chaloupe dans les confédérations : 29 janvier, 19 mars, 1° mai, quel calendrier pour maintenir ce système à bout. Avec la nuit des convergences, c’est un jour nouveau qui se lève pour plus de radicalité contre tous les timorés, meneurs menés nous menant par le bout du nez. Fini le vieux temps du ce n’est pas possible, y a plus de possibles.

Et si notre vision était nyctalope nous verrions comme des chats pas facile de se planquer facile de débusquer les planqués les prédateurs agiraient dans l’ombre les possédés rechercheraient la lumière le monde serait infernal.

 
  L'assaisonneur
 
 

 

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