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Blog de Jean-Claude Grosse

jean-claude grosse

L'ardeur / à bâtir / à détruire / la grâce

23 Janvier 2024 , Rédigé par grossel Publié dans #poésie, #jean-claude grosse

La civilisation (la culture ?) est une histoire contre la poésie.

FLAUBERT

Les oiseaux1 !
Mais pourquoi
On ne chante pas comme eux ?
Car les oiseaux ont leurs langages
Et nous les nôtres.
Tous les êtres vivants ont leurs langages et leurs mondes particuliers. Les oiseaux ont pour monde le ciel et les arbres
Et pour langage le chant.
Les insectes vivent sous terre et dans l’herbe
Et font cricri.
Les animaux dans la forêt
Où ils font ouhouh.
Et nous dans les villes
Où on fait blabla.
Chacun a son monde et son langage, Incompréhensibles aux autres.
Puisqu’on ne peut apprendre les langues des autres, Puisqu’on ne peut pénétrer les mondes des autres,
Alors il faut respecter tout ce qui vit,
Tout ce qui existe.

Tracy-Lee, 6e

1. Ce poème a été écrit, en écho au Rêve d’une école de la vie, (page 23), par une élève de 6e du collège de Barjols, lors d’une bip (brigade d’intervention poétique) pendant Le Printemps des Poètes 2003. Ces bip existent depuis 2000 dans les collèges du Var, organisées par l’Inspection académique du Var, le Conseil général du Var, Les 4 Saisons du Revest et Les Cahiers de l’Égaré. Une trentaine de poètes font partie des bip.

L'ardeur / à bâtir / à détruire / la grâce
L'ardeur / à bâtir / à détruire / la grâce
Rêve d’une école de la vie
Pour Marcel Conche
Je rêve d’une école de la vie de trois classes.
Une classe pour apprendre à raconter. Pour seize enfants de 6 à 9 ans.
Une classe pour apprendre à s’émerveiller. Pour seize adolescents de 11 à 14 ans.
Une classe pour apprendre à penser et à vivre vraiment. Pour seize jeunes gens de 16 à 19 ans.
Des gosses des rues. Pas voulus.
Des survivants du travail précoce, du sida général, de la guerre perpétuelle.
Des adolescents à la dérive sur l’amertumonde.
Bref, tous les jeunes pourraient avoir accès à cette école.
Ont-ils été voulus les ballottés des familles éclatées ?
Ne sont-ils pas livrés au biberon télévisuel ? à la consolation virtuelle ? à la rue commerçante et bruyante ?
Ne sont-ils pas entraînés à s’absenter d’eux-mêmes et de leur vie ?
Se veulent-ils un passé ? un avenir ? Veulent-ils même un présent ?
Veulent-ils une vie autre que celle de soumis volontaires qui refusent d’être cause d’eux-mêmes ?
La classe des petits serait confiée à un aède, Homère par exemple. Ils seraient assis en rond, huit garçons et huit filles. De toutes les couleurs. Ça commencerait par des questions. Pourquoi le soleil ne fait pas le jour toujours ? Pourquoi quand il y a le soleil, il n’y a pas la lune ? Pourquoi la lune n’éclaire pas comme le soleil ? Pourquoi les étoiles brillent la nuit ? C’est quoi la nuit ? Pourquoi il y a la pluie ? le vent ? les nuages ? D’où vient la mer ? Pourquoi les vagues inlassables ? C’est quoi le temps ? Pourquoi on ne chante pas comme les oiseaux ? Pourquoi volent-ils ? Pourquoi les roses ? Pourquoi elles fanent ?
Homère leur raconterait des histoires. Les enfants seraient ravis, auraient peur. Ils riraient, pleureraient. Ouvriraient grands les yeux, comprendraient, resteraient bouche bée. Ils parleraient des histoires, les raconteraient à leur tour, en inventeraient. Il y aurait des livres où sont écrites les histoires racontées. L’Iliade 2. L’Odyssée 3. Des livres sans images. Parce que les mots, ce sont des images. Et maintenant, questionnez. Puis racontez, inventez.
La classe des moyens serait confiée à un poète, Linos, Orphée, Sappho, et à un peintre, celui de la grotte Chauvet, vieux de 33 000 ans. Ils se promèneraient, huit garçons et huit filles de toutes les différences. Ils feraient des promenades d’abord longues, deux mètres en une heure, s’arrêtant au gré de leurs intérêts. Linos ferait entendre un chant très ancien sur le soleil de ce matin-là. Orphée inventerait un poème d’éternité pour un sourire derrière une fenêtre. Avec Sappho, ils goûteraient à l’inachevé : Il faut tout oser, puisque... Les promenades deviendraient plus courtes, quelques centimètres au gré de leurs émerveillements. L’homme de Chauvet les aiderait à impressionner les murs, à faire vibrer la lumière, à donner corps à l’esprit. Ils rempliraient leurs cahiers de peintures rupestres et urbaines, de poèmes des quatre saisons pour leurs enfants dans cent générations : La neige, le vent, les étoiles, pour certains… ce n’est pas assez.
Et maintenant, émerveillez-vous. Puis chantez, créez.
La classe des grands serait confiée à un élu, battu aux élections, à un chef d’entreprise, en faillite, à un directeur de pompes funèbres, en retraite et à un philosophe très ancien, Anaximandre, Héraclite, Parménide, Empédocle. Huit filles et huit garçons en quête de soi, de l’autre et d’une place se poseraient de vraies questions : qu’est-ce que l’homme ? qu’est-ce que la nature ? quelle est la juste place de l’homme dans la nature ? qu’est-ce que vivre vraiment ? qu’est-ce que devenir soi, cause de soi ?
En quelques semaines, ils se sèvreraient de la télévision et des jeux vidéo, ils se purgeraient des modes alimentaires, vestimentaires, langagières et comportementales.
En quelques mois, les multinationales de la mal-bouffe, de la fringue clinquante, du divertissement formaté, les médias du prêt-à-ne-pas-penser et de la manipulation des cerveaux, les partis de l’immobilisme seraient en faillite et sans influence.
En quelques siècles, ils renonceraient aux vains désirs : la richesse, le pouvoir, la gloire, aux valeurs qui ne valent rien : l’argent facile, la beauté trompeuse, la jeunesse éternelle, l’exploit éphémère, le voyage dépaysant, le progrès constant.
En quelques millénaires, ils renonceraient aux illusions : l’amour pour toujours, le bonheur sans le malheur, la santé sans la maladie, le plaisir sans la douleur ; et aux croyances : à la vie éternelle, à l’âme immortelle, au retour perpétuel.
Pour une école du gai savoir, Les Cahiers de l'Égaré, 2004
20° printemps l'ardeur affiche ernest pignon-ernest / 23° frontières / 25° printemps la grâce, affiche fabienne verdier
20° printemps l'ardeur affiche ernest pignon-ernest / 23° frontières / 25° printemps la grâce, affiche fabienne verdier
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20° printemps l'ardeur affiche ernest pignon-ernest / 23° frontières / 25° printemps la grâce, affiche fabienne verdier

TRIBUNE CONTRE LA NOMINATION DE SYLVAIN TESSON COMME PARRAIN DU PRINTEMPS DES POÈTES

Tribune signée par 1200 personnes du monde de la poésie contre la présidence de Sylvain Tesson pour le Printemps des Poètes 2024, dont le thème est la grâce

(réactualisation à la date du 22 janvier 2024, d'un article du 8 mars 2018 sur le 20° Printemps des poètes, 2018)

La fin de l’année 2023 a signé le glissement du second mandat d’Emmanuel Macron, un président auto-désigné comme « ni de droite, ni de gauche », vers un projet politique plus que jamais proche de l’extrême-droite, illustré notamment par le vote de la nouvelle loi sur l’immigration – revendiquée comme une « victoire idéologique » par Marine Le Pen – et marqué par une idéologie réactionnaire où les changements sociaux, pourtant inhérents à toute société démocratique, incarnent un danger.

Au vu de ce contexte, nous, poétesses, poètes, éditrices et éditeurs, libraires, bibliothécaires, enseignantes et enseignants, actrices et acteurs de la scène culturelle française, refusons la nomination de Sylvain Tesson comme parrain du Printemps des Poètes 2024. 

En mars, bien au-delà de la programmation officielle du Printemps des Poètes, la poésie est mise en valeur de façon autonome par de nombreuses structures, notamment en milieu scolaire, en médiathèque, en librairie et dans des festivals, où nombre de poétesses et de poètes sont invité·es. Nous refusons qu’un événement culturel auquel nous sommes de fait inextricablement lié·es de façon symbolique, créé « afin de contrer les idées reçues et de rendre manifeste l’extrême vitalité de la poésie », soit incarné par un écrivain érigé en icône réactionnaire. Sylvain Tesson a été proche par exemple de Jean Raspail, auteur d'un ouvrage de référence de l’extrême-droite, Le camp des saints, qui n’est autre qu’une dystopie raciste sur l’immigration, ou encore déclaré tout sourire à l’Express : « Si vous voulez faire peur à vos enfants, ne leur lisez pas les contes de Grimm, mais certaines sourates du Prophète ! ». Comme l’a largement montré le journaliste indépendant François Krug dans Réactions françaises. Enquêtes sur l’extrême-droite littéraire, un essai publié aux éditions du Seuil en 2023, Sylvain Tesson fait figure de proue de cette « extrême-droite littéraire », aux côtés de Michel Houellebecq et Yann Moix, un triste panel d’« écrivains en vogue » dont les prétendus accidents de parcours se révèlent, en réalité, les arcanes d’un projet « d’une sinistre cohérence » que nous refusons et condamnons.

Nous alertons sur le fait que la nomination de Sylvain Tesson comme parrain du Printemps des Poètes 2024, loin d’être contingente, vient renforcer la banalisation et la normalisation de l’extrême-droite dans les sphères politique, culturelle, et dans l’ensemble de la société. En fermant les yeux sur ce dont cet écrivain est le nom, la directrice Sophie Nauleau et son conseil d’administration témoignent de cette normalisation au sein des institutions culturelles, que nous rejetons fermement. Elle avait déjà, en 2018, inauguré la manifestation par un défilé de la Garde républicaine. De plus, des sommes considérables issues de l’argent public sont allouées au Printemps des poètes, pour une activité concentrée essentiellement sur une manifestation de deux semaines. L’argent public engage à servir le public et non des prises de positions politiques personnelles de la direction, surtout quand celles-ci sont anti-démocratiques. La vague de commentaires d’indignation suite à l’annonce de la nomination de Sylvain Tesson sur les réseaux sociaux, loin d’avoir été prise en compte, a été systématiquement supprimée, sans qu’aucune justification ne soit formulée par le Printemps des poètes.

Nous soutenons que la banalisation d’une idéologie réactionnaire incarnée par Sylvain Tesson va à l’encontre de l’extrême vitalité de la poésie revendiquée par le Printemps des poètes. La poésie est une parole fondamentalement libre et multiple. Elle ne saurait être neutre, sans position face à la vie. La poésie est en nous, elle porte nos douleurs. Elle est dans la masse. Le quotidien. L’infâme. La tendresse. La rue. L’épuisement. Le quartier. Elle est dans nos silences. Nos joies. Elle est dans nos corps broyés, nos corps souples, nos regards flamboyants et nos brèches. Dans les souffrances de nos sœurs. Dans ce qui résiste. Dans la langue debout. Elle est aussi dans le queer, le trash, la barbarie, le vulgaire. Dans la colère qui rythme nos souffles. Dans tout ce que nous sommes et ce en quoi nous n’étions pas destiné·es à survivre. 

Nous, poétesses, poètes, éditrices et éditeurs, libraires, bibliothécaires, enseignantes et enseignants, actrices et acteurs de la scène culturelle française, nous élevons contre la nomination de Sylvain Tesson et demandons au Printemps des Poètes d’y renoncer. S’iels nous prennent la grâce, nous garderons la dignité.

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Une tribune de débat aurait été une tribune de questions et questionnements argumentés

comme il y a quelques années par la revue Art Absolument.

Cette tribune est délibérément polémique. Je n'ai pas cherché à en faire une analyse comme a pu la faire André Markowicz. Une polémique engendre une contre-polémique et pendant ce temps, le monde est comme évaporé.

 

J'ai parcouru 1/4 de la liste des signataires, j'ai trouvé les noms de plus de cinquante poètes, écrivains, éditeurs que je connais, dont j'apprécie le travail ; je ne leur ai pas signifié un quelconque étonnement et ne me suis engagé dans aucune polémique ou débat avec aucun d'entre eux ;

j'ai noté aussi l'absence d'autres poètes, écrivains que je connais, dont j'apprécie le travail ; ils ne s'expriment pas, je respecte et m'en retourne, sans débat ni polémique

- à la complexité de l'être humain qui veut la paix à Gaza et fait sa guerre sur FB

- à la complexité du monde, terrain d'affrontements idéologiques, économiques, religieux, démographiques, territoriaux d'empires et de nations, de manipulations invisibilsées à grande échelle, alors que l'avenir de l'espèce semble se jouer

 

je n'ai pas signé cette tribune ; jamais, je ne signerai une telle tribune (j'en avais connaissance via le site l'atelier de Bernard Noël) ;

je n'ai besoin que de ma seule autorisation pour lire, apprécier, critiquer, me nourrir ou me détourner d'un poète, d'un écrivain, d'un artiste créateur ;

 

d'autres figures que l'artiste sont aussi porteuses de possibles, d'imaginaires

le jeune fou, le vieux sage philosophe, Jésus, François d'Assise, le casanier homme ordinaire, la soigneuse femme de ménage, la vieille dame en soins palliatifs, la clocharde céleste, la femme alcoolique anonyme, la fille de joie mystique Myriam de Magdala, le foetus porteur de la co-naissance absolue avant le doigt de l'ange posé sur les lèvres, la bébé braillarde et goulue, l'infans turbu-lent, la petite fille sage comme une image, l'adolescente rebelle grimpant aux arbres, l'adolescent mutique avachi sur son pupitre

 

bref chacun d'entre nous sur le curseur

entre conformisme et originalité

entre brèves de comptoir et langue de schizo

et sous le double pharmacon : tu es aimé, tu es mon bien-aimé

(émetteur mystérieux, non-géolocalisable dans l'espace et le temps, destinataire sourd, aveugle et muet)

 

Sylvain Tesson fait partie des écrivains que j'aime lire, dont j'ai regardé film (la panthère des neiges) et documentaire (sur l'Odyssée)

(ci-dessous 4 notes de lecture)

 

le problème de l'extrême-droitisation de la société française, de la plupart des pays européens et dans le monde ne relève pas du champ du poïétique (vivre en poète) mais des champs politique et historique

 

les réactions d'une certaine presse à cette tribune (libre à chacun de la lire ou pas, de la commenter ou l'ignorer...) :

je lis

et avec ardeur passe à la grâce de la contemplation sans action

 

"Sylvain Tesson sera-t-il « annulé » par la police des poètes ?"(Le Point)
"le prince des poètes au pays des médiocres"(Le Figaro)
"Les «cultureux» contre Sylvain Tesson" (Europe 1)
"Sylvain Tesson parrain du Printemps des poètes : les cafards se rebiffent"( Valeurs actuelles)
"Printemps des poètes : un collectif woke s'attaque à Sylvain Tesson" (le JDD)
"Ce n’est pas Sylvain Tesson parlant de poésie qui amènera le RN au pouvoir" par Adeline Baldacchino (Marianne)
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une tribune voulant proposer un débat sur le Printemps des poètes aurait posé des questions essentielles comme celles qui ont engendré les écritures de Vélimir Klebnikov ou de Gatti
serait remonté aux conceptions développées par Novalis et Hölderlin
Dans la cosmologie de Novalis où « tout est symptôme de tout », où les corps « peuvent s’évaporer en gaz ou se condenser en or », où « un véritable amour pour une chose inanimée est parfaitement concevable », où toutes les inclinations du cœur « semblent n’être que religion appliquée » et le ciel lui-même rien d’autre que « le produit supérieur du cœur productif » , il n’y a pas de chose absolument isolée, si ce n’est « la chose en soi », c’est-à-dire « la matière simple », non déterminable, ni connaissable. On comprend alors pourquoi il peut affirmer qu’« un amour fondé sur la foi est religion » , car seule une religion qui trouve Dieu partout, jusque dans la moindre chose, peut identifier Dieu et l’amour.
Pour Hölderlin aussi, dans la nuit moderne règne encore le sacré, car même si « Le Père ayant détourné des hommes son visage, la tristesse a établi son juste règne sur la terre », néanmoins « nous gardons souvenance aussi des Immortels, qui furent jadis nos hôtes, et qui reviendrons au temps propice », car « le dieu du vin » que « chantent les poètes » est « celui qui réconcilie le jour avec la nuit »
relirait Pour écrire un seul vers (1910) de Rainer Maria Rilke
serait même remontée jusqu'à la condamnation par Platon des arts / La condamnation platonicienne de l'illusionnisme en art est liée à la normativité ontologique des Idées-Formes, modèles que l'art divin se donna pour informer la matière et façonner le monde (Flaubert semble platonicien dans sa volonté de l'art comme absolu avec dissolution du scripteur).
Chez Aristote, le monde étant éternel, la normativité des formes est prescrite par la raison./
l'affiche du 25° printemps réalisée par Fabienne Verdier /  avec Marina / avec Fernando
l'affiche du 25° printemps réalisée par Fabienne Verdier /  avec Marina / avec Fernando
l'affiche du 25° printemps réalisée par Fabienne Verdier /  avec Marina / avec Fernando

l'affiche du 25° printemps réalisée par Fabienne Verdier / avec Marina / avec Fernando

Édition 2024
La Grâce

 

Pour les 25 ans du Printemps des Poètes, quel emblème arrimer à la septième lettre de l’alphabet, dans l’écho de L’Ardeur, de La Beauté, du Courage, du Désir, de L’Éphémère ou des Frontières ?

 

Quel vocable de fière lignée, qui soit tout aussi déroutant, inspirant que vaste, à la fois doté d’un sens ascendant capable d’éveiller les voix hautes et valeureuses, mais lesté cependant d’injonctions brusquées, franches et quelques fois fatales ?

 

Ce sera donc La Grâce, avec son accent circonflexe qui hausse en un instant le ton. Autrement dit La Grâce dans tous ses états, du plus sublime à celui, brutal et définitif, qui foudroie sur le coup.

 

De grâce implorent à jamais les amants des tragédies, alors que Joachim du Bellay décèle chez Marguerite de France cette grâce et douceur, et ce je ne sais quoi… Ce «  je ne sais quoi  » qui ne cessera, siècle après siècle, de changer de registre, d’appeler à la transcendance ou à la dissonance, jusqu’à Michel Houellebecq, maître du contre-pied : Dans l’abrutissement qui me tient lieu de grâce.

 

Car La Grâce n’est pas que divine ou bénie, pas que gracieuse, évanescente ou mièvre, pas que céleste et inexprimable.

 

Il y a bien sûr la bonne ou la mauvaise grâce rimbaldienne, la grâce consolante de Verlaine, la grâce charnelle d’Éros, la grâce d’union mystique, la grâce du cœur et de l’esprit de Max Jacob mort à Drancy, qu’a célébré Éluard. Il y a ce chant de grâce pour l’attente, et pour l’aube plus noire au cœur des althæas, qui chez Saint-John Perse, et ces fleurs de guimauve claires, amplifie à dessein le mystère.

 

Mais il y a surtout cet état de grâce de la parole, et du corps tout entier, que connaissent les poètes autant que les athlètes ou les aventuriers.

 

Il est temps d’affûter nos âmes pour que la créativité, l’allégresse et la splendeur, comme on le disait des Trois Grâces de la mythologie, transcendent nos imaginaires et nos vies, quelles que soient les heures ténébreuses ou solaires.

 

Sophie Nauleau
l'affiche du 20° Printemps des poètes, réalisée par Ernets Pignon Ernest

l'affiche du 20° Printemps des poètes, réalisée par Ernets Pignon Ernest

poème d'ardeur sans adresse, sans destinataire partant en fumée et réduit en cendres dispersées avec ardeur, le 3 mars 2018 vers 19 H; ce geste poétique n'eut qu'un témoin;  brûler avec ardeur à détruire un poème d'ardeur à bâtir : ce geste poétique est-il recevable par la "communauté" des poètes et par l'inhumaine-humaine humanité (toujours l'unité des contraires) ?

poème d'ardeur sans adresse, sans destinataire partant en fumée et réduit en cendres dispersées avec ardeur, le 3 mars 2018 vers 19 H; ce geste poétique n'eut qu'un témoin; brûler avec ardeur à détruire un poème d'ardeur à bâtir : ce geste poétique est-il recevable par la "communauté" des poètes et par l'inhumaine-humaine humanité (toujours l'unité des contraires) ?

Sophie Nauleau : « Pour Le Printemps des Poètes 2018, je voulais plus qu’un thème, je voulais un emblème. Une bannière qui étonne et aimante à la fois. Un mot dont tous les synonymes disent l’allant, la passion, la vigueur, la fougue, l’emportement. Un vocable vaste et généreux qui, à lui seul, condense l’élan et l’inspiration poétiques. Plus qu’un intitulé, L’Ardeur est le souffle même de la Poésie. Ernest Pignon-Ernest, qui avait calligraphié la signature du Printemps dès l’origine, a imaginé ce somptueux pastel représentant l’envol d’un être ailé. Est-ce un homme, une femme, un ange, une chimère ? C’est tout cela, mais aussi Zélos, le dieu grec du zèle et de l’ardeur, frère méconnu de Niké, la Victoire. Cette aile bleue sur un revers de toile brute est à l’image de notre ambition : à la fois intense et artisanale. Un dessin fait main qui importe en ce troisième millénaire de très haute technologie. Car s’il s’agit d’habiter encore poétiquement le monde, il est vital que la langue des poètes continue de pulser en chacun de nous. Ce qui ne nous empêche guère de travailler à une toute nouvelle version du site internet pour 2018 : la Poésie aussi étant un art de pointe. »

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L'article de Slate ci-dessous montre la face cachée de cette institution qu'est le Printemps des poètes, ce qui se joue entre les poètes nantis et les démunis, entre les poètes et le public.

Dans Pour une école du gai savoir (Les Cahiers de l'Égaré, 2004), j'insiste sur le rôle de la poésie dans l'éducation des enfants et adolescents. Le livre se termine par deux poèmes d'élèves de 6°, Chloé et Tracy-Lee écrits lors du Printemps 2003 et sur cette citation : La civilisation est une histoire contre la poésie (Gustave Flaubert).

ll y eut 5 éditions du Printemps des poètes dans les collèges du Var (2000 à 2004, 20 poètes dans 20 collèges), manifestation initiée par l'Inspection académique du Var en partenariat avec le Conseil Général du Var et Les Cahiers de l'Égaré pour l'édition des textes des élèves et des poètes.

Ma passion pour la poésie s'est exprimée de plusieurs façons: faire créer des textes de haute altitude comme Marie des Brumes d'Odysseus Elytis, Les tragédiennes sont venues de Saint-John Perse, Judée de Lorand Gaspar, Lecture d'une femme de Salah Stétié. Des N° de la revue APORIE ont été consacrés à ces poètes et à ces créations. Des rencontres ont eu lieu avec nombre de poètes pour  parler d'Odysseus Elytis (Toulon), de Lorand Gaspar (La Seyne) et de Salah Stétié (Le Revest). Saint-John Perse eut droit aussi à un hommage à Toulon. Il y eut à la Maison des Comoni des Paroles d'auteur, des Poètes en partage, un colloque sur Léon Vérane, un autre sur Germain Nouveau. Je fus un des invités du colloque Rimbaud à Aden en novembre 1994. Bref, des événements assez nombreux.

Enfin last but not least, je tiens à signaler que je n'ai fait aucun effort pour être reconnu (malgré mes relations dans le milieu  comme on dit) comme poète, pour être dans l'annuaire des 1000 poètes du Centre de ressources du Printemps des poètes.

Comme je tiens à remarquer que tu peux faire plein de manifestations, si tu ne communiques pas, tu restes ignoré. Pas de reconnaissance.

J'aime cette ombre qui me protège.

Dans la cosmologie de Novalis où « tout est symptôme de tout », où les corps « peuvent s’évaporer en gaz ou se condenser en or », où « un véritable amour pour une chose inanimée est parfaitement concevable », où toutes les inclinations du cœur « semblent n’être que religion appliquée » et le ciel lui-même rien d’autre que « le produit supérieur du cœur productif » , il n’y a pas de chose absolument isolée, si ce n’est « la chose en soi », c’est-à-dire « la matière simple », non déterminable, ni connaissable. On comprend alors pourquoi il peut affirmer qu’« un amour fondé sur la foi est religion » , car seule une religion qui trouve Dieu partout, jusque dans la moindre chose, peut identifier Dieu et l’amour.
Pour Hölderlin aussi, dans la nuit moderne règne encore le sacré, car même si « Le Père ayant détourné des hommes son visage, la tristesse a établi son juste règne sur la terre », néanmoins
« nous gardons souvenance aussi des Immortels, qui furent jadis nos hôtes, et qui reviendrons au temps propice », car « le dieu du vin » que « chantent les poètes » est « celui qui réconcilie le jour avec la nuit »

Françoise Dastur dans Retrait des dieux et modernité selon Novalis et Hölderlin (Les études philosophiques 2016)

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"Pour écrire un seul vers, il faut avoir vu beaucoup de villes, d’hommes et de choses, il faut connaître les animaux, il faut sentir comment volent les oiseaux et savoir quel mouvement font les petites fleurs en s’ouvrant le matin. Il faut pouvoir repenser à des chemins dans des régions inconnues, à des rencontres inattendues, à des départs que l’on voyait longtemps approcher, à des jours d’enfance dont le mystère ne s’est pas encore éclairci, à ses parents qu’il fallait qu’on froissât lorsqu’ils vous apportaient une joie et qu’on ne la comprenait pas (c’était une joie faite pour un autre), à des maladies d’enfance qui commençaient si singulièrement, par tant de profondes et graves transformations, à des jours passés dans des chambres calmes et contenues, à des matins au bord de la mer, à la mer elle-même, à des mers, à des nuits de voyage qui frémissaient très haut et volaient avec toutes les étoiles – et il ne suffit même pas de savoir penser à tout cela. Il faut avoir des souvenirs de beaucoup de nuits d’amour, dont aucune ne ressemblait à l’autre, de cris de femmes hurlant en mal d’enfant, et de légères, de blanches, de dormantes accouchées qui se refermaient. Il faut encore avoir été auprès de mourants, être resté assis auprès de morts, dans la chambre, avec la fenêtre ouverte et les bruits qui venaient par à-coups. Et il ne suffit même pas d’avoir des souvenirs. Il faut savoir les oublier quand ils sont nombreux, et il faut avoir la grande patience d’attendre qu’ils reviennent. Car les souvenirs ne sont pas encore cela. Ce n’est que lorsqu’ils deviennent en nous sang, regard, geste, lorsqu’ils n’ont plus de nom et ne se distinguent plus de nous, ce n’est qu’alors qu’il peut arriver qu’en une heure très rare, du milieu d’eux, se lève le premier mot d’un vers.
– Pour écrire un seul vers (1910) - Rainer Maria Rilke
 

20° Printemps des poètes

3-19 mars 2018

Ma participation au 20° Printemps des Poètes sur le mot ardeur (3-19 mars): 3 poèmes d'ardeur (à aimer, à vivre) de 1965 et un poème d'ardeur parti en fumée le 3 mars 2018 (l'ardeur à détruire aussi forte que l'ardeur à bâtir); évidemment j'exclus l'ardeur au travail, j'opte pour l'ardeur à la paresse, retraité doré que je suis, content d'être ponctionné par solidarité inter-générationnelle; ah jeunesse si tu savais, méfie-toi des ardeurs juvéniles

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L'ardeur / Un homme et une femme

 

Je suis le lieu de toutes les contradictions.

J'accepte toutes les souffrances et tous les combats.

Je veux engendrer toutes les douleurs, recevoir tous les coups.

Tout cela pour que rien ne se perde.
Je veux tout recueillir.
La vie a besoin de grands puits où se font toutes les synthèses.
Je veux avoir la profondeur des puits et l'immensité de toutes les mers pour accumuler toutes les larmes.

Et de toutes ces larmes naîtront des nuages de joie.

Au fond de toutes les contradictions, au plus profond des douleurs,

je te retrouverai et nous dénouerons ensemble tous les fils du bonheur.
Ma main n'aura plus besoin de ta main pour me guider.

Elle ne sera plus que caresses sur ta peau.

 

Alors nous pourrons marcher vers la maison de la vérité.

Personne ne se mettra plus en travers de notre chemin parce que nous n'aurons plus de routes à barrer, parce que sur nos chemins nous saurons croiser tout le monde.

Nous ne nous soucierons plus de nous et les hommes seront notre monde.

 

Que ta joie demeure ! Je resterai pour y veiller.

Toi qui n'es plus que toi parce que je suis enfin moi,

je t'aime !

Je t'aime en surface de nos caresses

en profondeur de nos présences et aussi

de nos absences.

 

Viens ! Les sources du bonheur ne tariront jamais pour nous.

Nous saurons épouser toutes les métamorphoses.

Nous serons de toutes les décantations.
Et s'il le faut nous renaîtrons de nos cendres.

(poème écrit en 1965, paru dans le recueil

Poignées de gros sel pour tranches de vie, 1980)

jamais republié

Jean-Claude Grosse

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Désir 1 (1965)

avec toi je me sens (inspirer fort)

(expirer fort) sans toi

avec toi je deviens

prolifération d’analogies

succession d’annexions

chiens et chats s’insinuent dans mes cris d’amour

je suis miaulements avant

grognements pendant

mes ongles et mes doigts deviennent griffes et pattes

aux anges je prends leur légèreté

au taureau sa virilité

dans les plis de mes rêves

je reconstruis sans les déformer

villes d’orgies

clairières de sorcières

sur les draps je me crucifie

râlant et bavant

je deviens théâtre de la cruauté

sur ta peau s’ébauchent formes et volumes nouveaux

mes mains

autour de tes seins

sur ton ventre

font une procession

je construis de longs itinéraires

qui me révèlent

t’édifient

dont les clefs sont l’origine du tracé

nos désirs sans objet

ton vagin sanctifié

sacrifié

tremble sous la pression de ma précipitation

irrépressibles tentations

la peur du sacrilège me tenaille et me déchaîne

pour toi je galope étalon d’alpages

sans bouger du matelas

toi tu passes vite

comme les hirondelles

faisant siffler l’air à nos oreilles à l’approche de l’orage

assis dans la mousse de ton pubis

je joue avec mon pénis

cadeau et défi

tes yeux m’envahissent

et j’apprends à lire

des rires venus de toi me croisent

aèrent mon corps crispé sous le tien

tes étonnements font naître les miens

dans ma main droite ils se débattent

tes yeux parfois alors se voilent

et du merveilleux glisse sur ma peau océane

l’angoisse te fait craquer comme le bois

écorce j’éclate

cuirasse je cède

à tes mains je me livre pour un feu de joie

pour tes yeux je me délivre de mes grincements de scie

(devant L’origine du Monde de Courbet et

le Nu couché, bras ouverts de Modigliani)

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Désir 2  (1965)

Tu sais dire avec des mots de tous les jours

les délices de ta peau

les blandices de ton âme

tu sais dire avec des phrases sans difficultés

ce que tu sens en surface

ce que tu ressens au profond

ainsi tu m’introduis

dans tes jours et nuits de chatte du bonheur

j’y accède

feulant

comme chat attiré attisé au seuil d’une nuit d’allégresse

des jets d’ombre épaississent ta vérité de vibrante

angoisse de la vie

la mort prépare déjà ses allumettes

mais ton corps est encore d’ici

et tes mots me pénètrent

ils tombent drus et durs

morceaux de ta peau

désirante

délirante

ils tombent dans mon sommeil

flaque stagnante en attente

carrousel tournoyant de rêves libérés

ils tombent étoiles froides désorbitées

des couches de tes désirs

lourds et doux

si proches des miens

si lointains

tes mots me pénètrent

mouillés salivés

resurgissent empoussiérés

curetage qui me débarrasse de mes soumissions d’esclave

tes mots se propagent lentement à travers les croûtes de mon être

restes d’autres agressions d’autres fusions

ils se propagent en sautant d’un étage à l’autre de mon être

montant descendant

des escaliers

en ruines

en projets

débris de bombardements insolents

gravats de contacts bouleversants

par toi en moi je trouve mes dimensions

je découvre mon espace

deux visages penchés sur une rêverie de berceau rose et bleu

je touche à mon présent

nos désirs sans retenue pour donner vie

(Désir 1 et Désir 2 ont été publiés dans La Parole éprouvée, 2000)

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Le libre jeu (Une fille à la dérive)
 

Prends
Je t’apporte un corps des lèvres une peau
des yeux une voix des gestes
je t’apporte mes caresses mes mots
mon cafard mes espoirs mes cuisses mon ventre 
Prends-moi dans tes bras dans tes draps
Je t’apporte tout cela
et plus encore
mon cœur et ses faiblesses
ses angoisses sa force et son mystère
et ma tête ni bien pleine ni bien faite
Je t’apporte tout cela
sans calcul sans pari
sans savoir si je me donne ou me refuse 
spontanément facilement
Je t’apporte tout cela
sans tendre la main
ni pour trouver toit
sans cris ni larmes
dispersée rassemblée
enracinée déracinée
dans un sourire 
pour aujourd’hui
Prends-moi dans tes bras dans tes draps 
Débrouille-toi avec tout cela
Je ne sais faire ni vaisselle ni cuisine
pas même l’amour
Je ne sais que croire
sans savoir à quoi et sans savoir pourquoi 
Débrouille-toi avec tout cela
aujourd’hui
peut-être demain
ici n’importe où
peut-être ailleurs
Peut-être que demain tu ne seras plus comme tu es 
peut-être qu’ailleurs ce sera un nouveau départ 
néant ou nouvel élan
peut-être qu’ici ce sera une foi nouvelle
ou une fois de plus
Prends maintenant
que je me délivre
car peut-être tout à l’heure
me verra partir sans bagages
à cause d’un vieux souvenir
qui vient me presser la tête
au milieu de la fête
poussée par le vent
de l’impossible oubli
n’importe où


(JCG, Lille, 1964, au sortir d'un film de Paule Delsol, La dérive ou Une fille à la dérive)

Une fille à la dérive ou La dérive, film de Paule Delsol, vu en février 1964 à Lille; toujours en mémoire, hipocampe, hippocampe, pourquoi ? je n'avais pas encore rencontré la fille de ma vie, la femme d'une vie, cela se passa en octobre 1964 à Le Quesnoy dans le nord
Une fille à la dérive ou La dérive, film de Paule Delsol, vu en février 1964 à Lille; toujours en mémoire, hipocampe, hippocampe, pourquoi ? je n'avais pas encore rencontré la fille de ma vie, la femme d'une vie, cela se passa en octobre 1964 à Le Quesnoy dans le nord

Une fille à la dérive ou La dérive, film de Paule Delsol, vu en février 1964 à Lille; toujours en mémoire, hipocampe, hippocampe, pourquoi ? je n'avais pas encore rencontré la fille de ma vie, la femme d'une vie, cela se passa en octobre 1964 à Le Quesnoy dans le nord

L’ARDEUR DU POÈME

Partout, en tous pays et dans toutes les langues, des poèmes s’improvisent, se composent, se disent ou s’écrivent. Ces chants, ces invocations, ces exorcismes, ces textes sacrés ou profanes, ces cris de révolte, ces blasphèmes, ces jeux, ces litanies d’amour, ces déplorations, ces visions lumineuses ou sombres, qu’on les nomme ou non poèmes, participent d’un même élan, d’une même ardeur. Avoir recours à la parole et aux mots pour créer un alliage de sens et de sons qui excède les limites du langage ordinaire, et par là les interdits et les normes, voilà qui semble une pratique commune sans rien jamais de commun, puisqu’il s’agit d’expériences exception- nelles ou banales, mais transmuées en créations singulières.

Qu’est-ce donc que cette activité qui ne se connaît pas de frontières alors qu’elle requiert une multitude de passeurs ? Qu’est-ce donc que la poésie ? Quelle est sa spécificité dans le champ de la littérature et des arts ? Pourquoi son importance capitale dans l’histoire des civilisations est-elle sans commune mesure avec son audience immédiate ? Quel est son rôle et quel est son défi dans le monde d’aujourd’hui ? En quoi est-elle résistance, en quoi est-elle promesse ? Comment les poètes conçoivent-ils la poésie ? Qu’ont- ils à nous dire de leur expérience et de leur pratique personnelles ? C’est un riche faisceau de questions qui est à l’origine de ce numéro d’Europe. Nous avons voulu mener cette exploration en donnant la parole à des poètes du monde entier, persuadés qu’on respire mieux et plus intensément au grand large que confiné dans son pré carré.

Dans A Defence of Poetry, en 1821, méditant sur le destin de la poésie, Shelley rappelait qu’elle était née en même temps que l’homme et redoutait un âge où sa voix ne se ferait plus entendre que comme les pas d’Astrée quittant le monde. Pourtant, disait-il, « la culture de la poésie n’est jamais plus désirable qu’aux époques pendant lesquelles, par suite d’un excès d’égoïsme et de calcul, l’accumulation des matériaux de la vie extérieure dépasse le pouvoir que nous avons de les assimiler aux lois intérieures de la nature humaine ». C’était souligner à quel point la poésie concerne de près le foyer de l’humain. Dans le rapport entre forme de vie et forme de langage, peut-être est-elle ce qui s’offre en plus active offrande. Pour désigner ce dont il est ici question, Dante avait forgé le néologisme trasumanar : accomplir jusqu’aux plus lointaines limites tout le parcours dans l’humain, jusqu’à un seuil où le poème, après avoir « traité les ombres comme choses solides », ce qui revient à circonscrire jusqu’à l’incorporel dans le corporel, à porter le langage au-delà du sensible avec le sensible, révèle un point d’incandescence qui est aussi un état de silence et de nudité : « Plus pauvre désormais sera ma parole / [...] que celle d’un enfant / qui baigne encore sa langue à la mamelle ». Ainsi, au terme de la Divine comédie, au chant ultime du « Paradis », il y a comme un cri d’enfant, image de la vie au plus près de sa naissance.

Le poème est aussi naissance. «Une âme inaugurant une forme » disait Pierre Jean Jouve. Il constitue une expérience qui nourrit le principe vital. Selon les mots de Shelley, la poésie « crée un être dans notre être... elle libère notre vue intérieure de la pellicule de l’habitude qui nous rend obscure la merveille de notre être, elle nous impose de sentir ce que nous percevons, et d’imaginer ce que nous connaissons ». Même dans le cri d’enfant qui passe entre les vers de Dante, elle est toujours une voix, jamais un écho. Mais de quelle voix et de quelle naissance s’agit-il ?

Sans doute faut-il s’interroger sur le fait qu’en des temps reculés, en Inde comme en Grèce, furent tissés sur une même trame la poésie et le sacrifice. « Le Sacrifice désira la Parole. “Ah ! comme je voudrais faire l’amour avec elle !” Et ils s’unirent » lit-on dans le Shatapatha-Brâhmana (III, 6-2-16). En Grèce ancienne, Apollon était ce dieu dont Pindare nous dit qu’il octroie la cithare et donne la Muse à qui lui plaît. Apollon était aussi le dieu boucher et sacrificateur (mágeiros), celui « qui aiguise, innombrables, les coutelas de Delphes et instruit ses serviteurs en cet office », lit-on chez Aristophane. Qu’il fût habile à manier le couteau, l’épisode du dépeçage de Marsyas nous le rappelle aussi. Et que cette maîtrise ne soit pas sans lien avec l’art du poème, Dante nous le laisse entendre au chant I du Paradis, quand sur le point de s’engager dans ce qu’il estime être le plus haut défi de son poème, il invoque Apollon en ces termes : « Entre dans ma poitrine et souffle, ô dieu, / comme le jour où tu fis Marsyas / hors du fourreau de ses membres jaillir. » Ce qu’implique le propos de Dante, au-delà d’un appel à l’inspiration, c’est que cette dernière ne peut surgir et habiter le poète que s’il s’est préalablement vidé de lui-même, défait de soi jusqu’à atteindre au plus extrême dénuement. Celui qui ressent son insignifiance est mieux que tout autre préparé à tenter le geste du poème. Il va convertir son mutisme douloureux en un silence où la parole pourra s’incarner. Une parole où derrière chaque mot, c’est le langage tout entier qui tente une sortie.

Car le poème est une naissance au monde. Il s’accomplit dans la pleine conscience ou l’intuition obscure que l’origine n’est pas un point fixe à l’orée d’une vie, mais qu’elle constitue un processus constant : une manière d’engager à nouveau un pari avec l’inconnu, une activation de la vie qui autrement s’enliserait dans la narcose, dans la fatigue et l’usure du quotidien. « Incessante origine », a dit Mario Luzi. Mais si le poème est naissance au monde, il est aussi naissance du monde. C’est le sens même du sacrifice.

En effet, la fonction du sacrifice est de revivifier l’univers en actualisant le moment apertural de l’origine. Il n’affirme pas un principe d’invariance et de répétition, mais le fait que depuis le premier jour, et chaque jour depuis, toute chose a été, est et doit être accomplie radicalement, c’est-à-dire selon sa racine, dans l’aurore d’une genèse. L’Inde ancienne nous offre à ce propos des ouvertures fécondes, qui nous incitent aujourd’hui encore à interroger la signification profonde du fait poétique. La pensée védique du sacrifice, intimement liée à la pensée du poème, rejoint les réflexions des Formalistes russes du Xxe siècle sur l’œuvre d’art comme conjuration de l’entropie. « Les premiers poètes ont marché dans le sentier de la Parole grâce au sacrifice » lit-on dans le Rg-Veda (X, 71). Selon les hymnes védiques, la parole a pouvoir d’ordonner et d’harmoniser la totalité du cosmos. Et dans le Shatapatha-Brâhmana, composé entre le Xe siècle et le VIe siècle avant notre ère, le monde régénéré par le poème-sacrifice fait à son tour entendre un chant : « Se sentant tout entière achevée la Terre chanta : d’où son nom de Cantatrice... c’est pourquoi ce qui se croit achevé chante, ou se plaît aux chants ».

La poésie n’est pas une essence. Elle est peut-être ce qui relie l’énergie de l’âme à l’énergie de la langue. Quand ces deux énergies ne sont pas au contact ou restent assoupies, l’humanité en nous mortifie son essor. Nous gisons alors, pour reprendre la phrase de Shelley, « sous les cendres de notre propre naissance et couvons un éclair qui n’a pas trouvé de conducteur ». La poésie ne serait-elle pas, comme l’amour, et dans la conscience même de notre finitude, ce qui nous relève quotidiennement de notre propre mort psychique et spirituelle ? Dans Résurrection du mot (1914), Victor Chklovski observe que dans le langage de tous les jours, nous revêtons fatale- ment la cuirasse de l’habitude et ne prêtons plus attention aux mots que nous employons. Nous ne les entendons plus. De ce fait, si les mots nous permettent encore de reconnaître le monde, ils ne nous invitent plus à le voir et à le ressentir. « Nous sommes semblables aux riverains de la mer qui n’entendent plus le bruit des vagues... semblables au violoniste qui aurait cessé de ressentir son archet et ses cordes... Seule la création de formes nouvelles de l’art peut rendre à l’homme la sensation du monde, peut ressusciter les choses et tuer le pessimisme » écrit Chklovski. Dans le droit fil de cet argument, les Formalistes russes ont mis en circulation le concept d’ostranenié, terme qui pourrait se traduire par défamiliarisation, dans le sens de « rendre étrange », c’est-à-dire « de créer une perception particulière de l’objet, de créer sa vision et non pas sa reconnaissance ». Il y a trois mille ans, l’Inde avait déjà conceptualisé l’écart entre le travail profane et le travail du rite, comme entre le discours de la communication usuelle et le poème. Dans Cuire le monde, Charles Malamoud signale que selon les théoriciens indiens, « le principe qui est la base des figures de la poétique est le vaicitrya (diversité-étrangeté), ou la bhangi (rupture), ou encore la vakrotki (diction courbe). » Et sur ce qui fait lien entre poème et sacrifice, le grand indianiste nous dit encore : « Pindare, arrivant à Delphes, offre un péan, en guise de victime ; le poète taille dans la matière verbale comme le sacrificateur dans la chair de l’animal ; les articulations du vers sont l’image des membres du corps, et les césures une transposition des incisions, etc. Le poème peut être une offrande, parce qu’il est l’analogue d’une victime. Dans l’Inde, la victime peut être une offrande parce que le couteau du dépeceur en fait l’analogue d’un poème. »

Le poème et le sacrifice n’ont d’autre fin que de transformer la parole et le geste humain en véhicule de l’aurore. Au cours du siècle qui vient de s’achever, Pierre Jean Jouve l’a expressément écrit : la fonction du poète, disait-il, implique le sacrifice, « car pour être chargé de la puissance d’amour antagoniste à la mort, le poète doit transporter cette puissance dans tous les endroits où elle est attaquée et recevoir avec elle les coups ». Il précise que dans un monde adonné au ravage, à la destruction, à la négation féroce, l’affirmation du poème doit traverser « une vraie mort, sinon corporelle, du moins mentale : la mort à toute certitude, à la seule certitude nécessaire ». Si le poème participe à la recomposition du monde, c’est qu’il naît d’une dislocation ou qu’il a traversé l’épreuve de l’anéantissement.

On s’étonnera peut-être qu’au seuil d’un numéro d’Europe qui ouvre ses pages aux réflexions de poètes contemporains, on ait risqué une ouverture à tonalité transhistorique. Sans doute y a-t-il là une part d’impertinence, mais on ne répétera jamais assez avec Marina Tsvetaeva que «toute vraie contemporanéité est coexistence des temps ». Et qu’il n’est nullement anachronique, le présent n’étant pas moins tragique que le plus lointain passé, de voir la poésie comme la voyait Mandelstam : « un soc qui affouille le temps afin d’en faire émerger les couches profondes, le tchernoziom », condition nécessaire pour atteindre aux terres vierges du temps.

Apollinaire qui avait connu d’autres combats, de ceux qui laissent le corps physiquement meurtri, demandait néanmoins : « Pitié pour nous qui combattons toujours aux frontières / De l’illimité et de l’avenir ». Alors, pitié ou pas, ne désertons pas cet horizon fragile qui est à reconquérir sitôt conquis, à rêver, à perdre, à réinventer, dans cet irrépressible mouvement qui tient de l’effraction et de la lumière.

Jean-Baptiste PARA et André VELTER Revue Europe, mars 2002

les 3 textes manuscrits ouvrant et fermant La Parole éprouvée, parue le 14 février 2000 / Et ton livre d'éternité ? 2022
les 3 textes manuscrits ouvrant et fermant La Parole éprouvée, parue le 14 février 2000 / Et ton livre d'éternité ? 2022
les 3 textes manuscrits ouvrant et fermant La Parole éprouvée, parue le 14 février 2000 / Et ton livre d'éternité ? 2022
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LES DITS D'UN POÈTE

9 POÈMES À VOIX HAUTE

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clown toi-même

19 Décembre 2023 , Rédigé par grossel Publié dans #Le Revest-les-Eaux, #ateliers d'artistes, #développement personnel, #jean-claude grosse

photos AB prise lors d'un cabaret clown aux chapiteaux de la mer à La Seyne sur mer

photos AB prise lors d'un cabaret clown aux chapiteaux de la mer à La Seyne sur mer

le groupe de clowns, au début, à la fin; entre, deux clowns
le groupe de clowns, au début, à la fin; entre, deux clowns
le groupe de clowns, au début, à la fin; entre, deux clowns
le groupe de clowns, au début, à la fin; entre, deux clowns

le groupe de clowns, au début, à la fin; entre, deux clowns

article de décembre 2019 réactualisé le 19 décembre 2023 après avoir écouté un podcast de France-Culture et vu Boudu de Bonaventure Gacon

stage clown terminé, 30 novembre, 1° décembre 2019, Maison des Comoni, Le Revest, initié par Le Pôle, saison cirque Méditerranée dans le cadre de la 5° saison Clowns not dead

2 jours à 7 H = 14 H; un régal;

comme il faut se nettoyer de toutes les verrues sociales, tics codés qui occupent, colonisent notre corps, notre visage, nos gestes, notre esprit pour faire monter un clown, "notre" clown (du jour), je me suis vidé (faire le vide, faire choix de la lenteur, du silence), secoué, tapé, j'ai soufflé comme un boeuf, comme un ange, j'ai fait le chien gentil, le singe en rut, l'araignée d'eau, l'horloge collective, j'ai massé, j'ai été massé, plus exactement débarrassé de mes scories, j'ai participé aux jeux à deux, la colère balancée, la colère reçue, la séduction tentée, la séduction reçue, à 1-2-3 Soleil...

et comme on apprend autant en regardant qu'en allant sur le plateau, je suis passé le samedi en dernier avec O. pour l'exercice du ping pong en 3 regards; je suis allé chercher au fond de moi le bon sauvage (très proche du gorille) de la forêt tropicale dont je crois avoir hérité (comme tout un chacun) et j'ai formidablement été soutenu et accompagné par O.; 


le dimanche, outre tous les exercices collectifs pouvant être travaillés chez soi, quotidiennement ou à l'envie, je suis passé deux fois, comme chacun, pour un solo et un duo, le fameux ping pong;

hier j'ai évoqué le duo et pas le solo;

aujourd'hui c'est le solo que je veux raconter et pas le duo pourtant hilarant, sonore = musical à base de pouetts, petts, postillons et crachats, et très tendre avec M.;  
 

solo : j'entre, vieux, perclus de douleurs, découvre le public, le saisis par le regard, avance milieu de scène et vers l'avant, penché, tremblotant; je tente de redresser les épaules, elles retombent, idem pour les bras, soudain, bas et grave, je dis m'adressant à moi, debout, trois fois, pas comme un ordre, une injonction intime plutôt, puis je monte la voix, regarde le public, farouche, en colère presque, debout plusieurs fois puis debout les damnés de la terre, debout les forçats de la faim; je leur dis sans chanter les 2 premiers couplets puis j'utilise une chaise, chante mais presque que pour moi, L'internationale, je me lève, le poing gauche réussit à se lever, et me déplace vers la sortie sur les paroles "et demain l'internationale sera le genre - silence très long et regardant le public avec dépit depuis le rideau me recouvrant presque - humain" et je sors; les stagiaires ont entonné l'internationale; ou comment passer du je, solitaire, à un Nous, solidaire qui se lève et soulève la chape de plomb; ce que je décris a l'air psychologique mais sur scène, pas d'interprétation, pas de commentaire par signes expressifs, seulement le corps qui pèse, qui tombe, tente de se relever...


merci à Claudine Herrerro dont la gestion du groupe est excellente ainsi que la gestion de ce qui se passe sur le plateau, laissant le clown dans sa merde, la question, et devant refuser la solution pour que la question se développe (je perds ma chaussette, pas question de la récupérer, de la remettre, c'est l'accident, qu'est-ce que tu fais avec ?; ses commentaires en cours de jeu sont succulents et truculents, le clown montre ses fesses; il aime la vie; la merde, il connaît...
merci aux autres stagiaires (que des prénoms: Myriam, Sylvie, Claude, Martine, Elise, Simona, Kaitza, Corinne, Sarah, Cyrielle, Lola, Françoise, François, Malek, Richard, Guillaume, Stefano, Olivier, Yohan, JC; aucune identité sociale ou professionnelle; le groupe s'est constitué à travers les exercices et les passages sur scène, vraiment bienveillant, tous les âges, tous les gabarits possibles) 
et merci au Pôle (Cyrille ElslanderPatrice Laisney, Catherine, Julia)
ces deux jours, ce sont deux jours dans l'ici et maintenant, dans le présent éternel, sans passé, sans futur, sans regrets, ressentiments, sans projets, espoirs et craintes, deux jours sans volonté si tu choisis de te laisser porter par les consignes de l'animateur, par tes partenaires de jeu, n'allant sur le plateau que quand tu sens que c'est ton moment et laissant venir en pleine conscience (ça c'est pas acquis, il a fallu que Claudine me crie les fesses, tape sur les fesses pour que je me rende compte que M. me tendait les fesses et que je lui donne une tape, j'aurais pu faire le tambour) ce qui monte de toi, du plateau, du partenaire, du public dont tu ne te sens pas jugé; bref, de la méditation en acte, tu as vécu pleinement le moment présent qu'après coup tu évalues, 14 H de bonheur;

évidemment, comme toujours dans ce genre de situation, je suis très concentré sur l'exercice, attentif à ce qui se passe, m'entoure, relaxe par rapport au déroulement que je ne cherche pas à diriger, maîtriser, pas dispersé pendant les pauses; je ne cherche pas le contact, à échanger; l'échange c'est sur plateau et entre scène et salle
ces deux jours ont correspondu à la fin d'un cycle de 21 jours de méditation avec Deepak Chopra, Pour que chaque moment compte, c'est bien tombé, il parlait de présent éternel; 867148 personnes ont suivi ce cycle; une vraie puissance spirituelle  
un des effets, durable ? ou pas ? j'ai repris le Qi Gong mystérieux de la grande ourse, arrêté à mon retour de vacances et que je pratiquais depuis octobre 2018

ben oui, j'ai tenté le coup; comment un vieux forçat, un vieil esclave, un exploité perpétuel perclus de douleurs, harassé de fatigue s'intime de se mettre debout, tente d'obtenir du public de se mettre debout, vous les damnés de la terre et comment il retrouve les paroles de l'internationale, reprise par le public à sa sortie, ayant réussi à lever le poing gauche; ou comment passer du je, solitaire, à un Nous, solidaire qui se lève et soulève la chape de plomb;
ça nous change de la marseillaise et de cet appel à la grève générale du 5 décembre : "''UNITED COLORS OF CONVERGENCE'', une sorte de ''label'' pour soutenir la Convergence des luttes indispensable pour apprendre les bonnes manières au Gouvernement et changer la donne ou donner une petite leçon d'humilité à l'oligarchie." De tels mots d'ordre ne sont pas à la hauteur de ce qui devrait se jouer, et ils produiront l'effet inverse de l'effet escompté.
Si le 5 décembre, c'est pour donner une petite leçon d'humilité à l'oligarchie, je reste chez moi.
 
Claudine Herrero : Merci Jean Claude..quel engagement délicatesse concentration .... Quel travail quelle application et quel coeur !! Cette fatigue et sincérité que tu nous as offert et qui nous ont toutes et tous transpercés ...de rire et larmes retenues...qui nous ont amené d un seul corps d une seule voix..à chanter en choeur ce si beau chant qui nous a pris aux tripes ! Des clowns engagés solidaires humains.. si bienveillants les uns envers les autres ! Merci à tous ! Quel régal ce week-end ensemble dans ce si beau lieu chargé d histoire de vies..Grand merci à Cyril et à toute son équipe. L accueil..Domi.. Merci. Merci. 

 

photos AB prises lors d'un cabaret clown aux chapiteaux de la mer à La Seyne sur mer
photos AB prises lors d'un cabaret clown aux chapiteaux de la mer à La Seyne sur mer
photos AB prises lors d'un cabaret clown aux chapiteaux de la mer à La Seyne sur mer
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Your last video / Porn theater

extrait clownesque publié dans Et ton livre d'éternité

(pages non paginées, difficiles à trouver)

Le vieil homme – depuis le 2 janvier 2020 / date de parution du roman Le consentement / une secousse sismique de faible intensité est en train de propager ses ondes / rencontrant les vagues de #metoo / Hasard ? Destin ? Dessein ? j’ai renoncé à mon dernier amour le jour où est paru Le consentement /

La voix – bon là, je te reprends, ta décision de renoncer a été déclenchée après un cabaret clowns / tu as eu la sensation très vive qu’un lacet se défaisait /

Le vieil homme – déjà le moment du lacet ? / comme le temps passe / ou passe pas / ou passe

(un lacet de basket qui se défait, tu n’as rien fait pour le défaire, tu n’as rien vu venir et tu te trouves délivré d’une chaussure, d’un attachement / situation typiquement clownesque partagée entre clownerie et clown ne rit / t’es dans l’embarras / cherche pas la solution, refaire le nœud / ça, c’est le raisonnable / ta question comme clown d’une situation, c’est la chaussure défaite / t’as pas à choisir entre t’immobiliser sur la paille ou sautiller à petits sauts / ça, c’est le cérébral, le mental / t’as la chaussure défaite / y a ton pied et ta chaussure, est-elle à ton pied ? es-tu le bon pied ?... / ces questions ne se posent même pas, ce serait encore du cérébral / quel duo complice, antagoniste, mixte, ton corps sans pensée mais prenant son pied va faire avec ta basket parce que ce soir, t’as mis tes baskets, si légères)

moment du clown

La voix – je relève là, la pertinence de l’image d’un lacet défait / cette image anticipait / annonçait ton délacement / ton renoncement après un impossible délassement / ton histoire de chaussure / à ton pied ou pas / fait penser au soulier qu’essaiera avec succès la souillon Cendrillon / couillon, va ! / la Dâme / elle était pas à ton pied / mais c’était la Dâme dont t’avais besoin / que t’avais qualé pour t’éduquer

Le vieil homme – je n’ai pas eu de ressentiment / je ne passerai pas de l’amour à la haine /

La voix – parfait / t’es pas dans le présent du revirement / de Toi Ô Dieu à toi odieux / de Toi Ô Déesse à toi diablesse / la signification de ton histoire est plurielle / toujours au pluriel les interprétations / qui sont toutes des inventions / par les mots utilisés / toujours / question : laquelle inventer ou pas ? / je t’en propose une / l’amour sublimé ouvrant sur l’amour sublime suppose une femme qui se refuse / cet amour sublime, raffiné, ton analyste, maître Lacan, te l’a proposé comme projet à réinventer / selon lui, il n’y a pas de rapport sexuel / règne entre hommes et femmes le malentendu universel / voir ce qui se passe dans une rencontre / deux jamais sur la même longueur d’onde / au même rythme / y a la délicate zone grise avant le soi-disant consentement mutuel / et quand vient la consommation par consentement mutuel / c’est l’expérience inavouée des ratés / des pannes / des non-dits / l’illisibilité des ressentis

(s’adressant à un public imaginaire) mesdames et messieurs, j’ai le plaisir de vous présenter celui qui a raté / ratera le projet de nouvel amour courtois / un jour Lacan lui a montré L’origine du monde / caché derrière une tenture / l’inaccessible sexe féminin pourtant offert / LUI pendant deux ans / a vécu deux formes d’amour sans intrusion possible grâce à l’inaccessible ELLE / un an de souffrance tant veut s’unir à ELLE pour partager du bonheur / un an d’apaisement tant veut la laisser libre d’ouvrir ou pas la fenêtre / deux ans pour apprendre à renoncer / foin de la sublimation et du sublime / fiasco du nouvel amour courtois / là tu devrais lui dire quelque chose / par exemple / chacun sa merde /

Le vieil homme – chacun dans la merde du monde / en disant les mots, j’insiste, tu crées le monde de merde / chacun choisissant ou pas quel usage en faire ou pas / donc rien à lui dire / elle a son usage du monde / monde de merde ou pas / son usage de l’amour de merde ou pas / je me suis levé / je me lèverai / pour ouvrir la fenêtre au rouge-gorge gelé / pour accueillir l’amour / inclusif de tout / et non passion exclusive = amour du minéral, du végétal, de l’animal, de l’humain => le Monde dans sa Beauté = oeuvre de l’Amour selon les 10 échelons à la sauce Platon / (s’adressant au public imaginaire) allez répétez avec moi : porneia, pothos, mania, eros, philia, storgè, harmonia, eunoia, charis, agapè / devenez grecs / pas nippons

Complément pour aller plus loin : les clowns sont très appréciés dans certaines institutions, hôpitaux pour les enfants malades, les personnes âgées (l'association le rire médecin et bien d'autres), EPAHD, maisons de retraite, centres d'accueil d'adolescents handicapés... Il y a indéniablement des fonctions thérapeutiques du rire guérisseur, que ce soit individuellement ou collectivement, socialement.

Le clown n'est pas qu'un fouteur de rire, il peut être aussi un animal triste et l'on sait que la tristesse est le signe que l'ordre en place a réussi à installer sa domination, tristesse à laquelle Spinoza oppose la Joie. On pourrait penser au film Joker, tristesse du clown, rire mécanique et rire "libérateur". Je pense qu'il y a des jonctions à faire avec Jodorowski (Psychomagie, film et livre) et ses pratiques de guérison (individu, couple, famille, peuple meurtri), avec les thérapeutes que sont aussi les maîtres spirituels par exemple les Pères du Désert.

Créature d'art brut inventée par Bonaventure Gacon, Boudu revient avec sa barbe en broussaille et sa méchanceté revendiquée pour vous offrir un puissant moment d’humanité. Déconseillé aux moins de 12 ans. Son moment ogre mangeur de fillettes démarre l'histoire de ce Boudu.
Le Boudu est au bout du rouleau. Une épave. Un clown triste, amer et méchant à force de malchance, qui erre dans la vie et bute contre un monde sans compassion pour les individus à la marge. Sans jamais tomber. Au contraire, notre clochard hirsute au nez écarlate s’extirpe des abîmes par la parole. Assis à une table déglinguée, ses mots font mouche. Son verbe, aussi puissant que lucide, nous transperce, nous remue avec des spasmes de rire qui ravalent nos larmes. Gaffeur parce que clown avant tout, il ne boude aucune bourde. Acrobate des bas-fonds, il multiplie les gadins quand il tente de déclamer un poème en patin à roulettes et enchaîne chutes et pirouettes pour la plus grande joie des spectateurs, qui vivent avec lui une des aventures circassiennes parmi les plus singulières des 20 dernières années.
Vu ce samedi 16 décembre 2023 à 20 H, aux Comoni. 8° clowns not dead
Un régal métaphysique et prosaïque pour l'esprit.
Un régal physique pour le corps secoué de rires. À chacun, ses rires. Pour moi, il me faut du temps.
Boudu, con ! expression typiquement de Toulouse et Occitanie. Cette exclamation est née d'un mélange entre l'occitan « Bon Diu » et le français « Bon Dieu ». Étant donné qu'au Moyen Âge, le fait même de prononcer le nom de Dieu était non seulement sacrilège, mais puni d'un châtiment corporel, certaines exclamations et jurons faisant appel à Dieu ou au sacré ont été détournés et ça a donné boudu con !
Ce Boudu sera-t-il sauvé des eaux ou des feux de l'enfer ? est-il sauvable ?
sa mort aux accents d'une musique sacrée tonitruante et longue, intégrant les applaudissements du public pour les saluts à l'artiste-acrobate semble indiquer qu'il n'y a pas de séparation entre la mort d'un personnage et la vie d'un acteur.
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le regard éloigné

19 Novembre 2022 , Rédigé par grossel Publié dans #FINS DE PARTIES, #Le Revest-les-Eaux, #agoras, #développement personnel, #engagement, #essais, #histoire, #jean-claude grosse, #vraie vie, #écriture

l'accueilleuse-guérisseuse et le chasseur (carnet culture de la vie en cours d'écriture, j'ai le chasseur, me manque l'accueilleuse) / 20 novembre 2022 mieux-vivre ensemble et cultiver des relations vraies; que peuvent apporter, proposer les séniors ?
l'accueilleuse-guérisseuse et le chasseur (carnet culture de la vie en cours d'écriture, j'ai le chasseur, me manque l'accueilleuse) / 20 novembre 2022 mieux-vivre ensemble et cultiver des relations vraies; que peuvent apporter, proposer les séniors ?
l'accueilleuse-guérisseuse et le chasseur (carnet culture de la vie en cours d'écriture, j'ai le chasseur, me manque l'accueilleuse) / 20 novembre 2022 mieux-vivre ensemble et cultiver des relations vraies; que peuvent apporter, proposer les séniors ?
l'accueilleuse-guérisseuse et le chasseur (carnet culture de la vie en cours d'écriture, j'ai le chasseur, me manque l'accueilleuse) / 20 novembre 2022 mieux-vivre ensemble et cultiver des relations vraies; que peuvent apporter, proposer les séniors ?

l'accueilleuse-guérisseuse et le chasseur (carnet culture de la vie en cours d'écriture, j'ai le chasseur, me manque l'accueilleuse) / 20 novembre 2022 mieux-vivre ensemble et cultiver des relations vraies; que peuvent apporter, proposer les séniors ?

le mythe du déficit par Stephanie Kelton / « Nous gérons notre économie comme une personne d’un mètre quatre-vingts qui se déplace courbée en deux en permanence sous un plafond qui est à deux mètres cinquante, parce qu’on l’a convaincue que, si elle tentait de se redresser, elle subirait un terrible traumatisme crânien. »
le mythe du déficit par Stephanie Kelton / « Nous gérons notre économie comme une personne d’un mètre quatre-vingts qui se déplace courbée en deux en permanence sous un plafond qui est à deux mètres cinquante, parce qu’on l’a convaincue que, si elle tentait de se redresser, elle subirait un terrible traumatisme crânien. »

le mythe du déficit par Stephanie Kelton / « Nous gérons notre économie comme une personne d’un mètre quatre-vingts qui se déplace courbée en deux en permanence sous un plafond qui est à deux mètres cinquante, parce qu’on l’a convaincue que, si elle tentait de se redresser, elle subirait un terrible traumatisme crânien. »

20 novembre, rencontre organisée par Construisons notre bonheur, salle Lanza à Solliès-Toucas de 10 à 22 H; j'ai assisté et participé de 10 à 17 H 30

de 10 à 13 H 30, présentation du SEL (système d'échange local), du JEU (jardin d'échange universel), du BLÉ (bourse locale d'échanges)

présentation de la monnaie locale de l'aire toulonnaise, la Fève

présentation de la monnaie libre, la June

intervention d'Etienne Chouard sur les questions de la démocratie et de la monnaie; bibliographie proposée

L'Ordre économique naturel (Die Natürliche Wirtschaftsordnung) est un livre de Silvio Gesell écrit en 1916 dans lequel l'auteur présente sa théorie de l'économie libre.

1932 - 1933

Première expérience de monnaie parallèle, à Wörgl au Tyrol

Suivant les théories de l'économiste Silvio Gesell, la commune autrichienne de Wörgl met en place, en 1932, une monnaie locale conçue pour perdre chaque mois 1% de sa valeur. Ses détenteurs sont ainsi fortement incités à l'utiliser au plus vite et à consommer : cette expérience a donc notamment pour but de lutter contre la thésaurisation, dans le contexte de la Grande Dépression. Cette monnaie locale connait un grand succès à Wörgl mais également auprès d'autres communes autrichiennes qui veulent s'en inspirer. Elle sera interdite par le tribunal administratif, fin 1933.

En Suisse, en 1934, un autre système de monnaie parallèle, le wir, sera lancé par quelques patrons zurichois, également pour suppléer à l'insuffisance de liquidités. Cette monnaie circule encore actuellement.

récit de Claude Bourdet sur l'argent fondant

https://fr.wikisource.org/wiki/W%C3%B6rgl_ou_l%E2%80%99%C2%AB_argent_fondant_%C2%BB

- Le mythe du déficit de Stéphanie Skelton (les liens qui libèrent) La Théorie moderne de la monnaie et la naissance de l'économie du peuple

Un livre iconoclaste, véritable phénomène figurant sur la liste des best-sellers du New York Times pendant de longues semaines. Saluée par la critique comme l’une des plus brillantes économistes hétérodoxes, figure de proue de la Théorie moderne de la monnaie (TMM) – la nouvelle théorie économique la plus importante depuis des décennies –, Stéphanie Kelton livre une analyse radicale qui renverse toutes nos idées reçues sur le déficit, et au-delà, sur la pensée économique contemporaine.

 

« Nous gérons notre économie comme une personne d’un mètre quatre-vingts qui se déplace courbée en deux en permanence sous un plafond qui est à deux mètres cinquante, parce qu’on l’a convaincue que, si elle tentait de se redresser, elle subirait un terrible traumatisme crânien. »

De nombreuses convictions se sont enracinées dans l’imaginaire collectif au sujet de la question du déficit. Stephanie Kelton déconstruit l’idée que les États doivent tenir leurs budgets comme des ménages, que le déficit prouve que l’État dépense trop, que la dette publique est insurmontable, que les déficits de l’État évincent l’investissement économique ou que les programmes de prestation sociale sont financièrement insoutenables… Elle démontre au contraire avec brio que le déficit budgétaire n’appauvrit pas l’État, que la dette n’est pas un fardeau et que le juste niveau de dépense publique s’évalue à partir du taux d’inflation et du niveau réel des ressources.

Cette exploration modifie profondément notre compréhension de nombreuses questions cruciales : la pauvreté, l’inégalité, la création d'emplois, l'extension des systèmes de santé ou le changement climatique. Car aujourd’hui toute proposition ambitieuse se heurte inévitablement à la forteresse inexpugnable de la question du déficit. Stephanie Kelton propose donc d’imaginer de nouvelles politiques pour passer du récit du manque à celui de la possibilité…

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repas partagé et échanges divers : deux livres d'éternité sur trois apportés partent entre les mains d'une octogénaire d'une septuagénaire

15 H à 16 H 30 présentation du modèle de gouvernance par le RICCARL de Construisons notre bonheur

16 H 30 à 17 H présentation d'une SCIC société coopérative d'intérêt citoyen (ou collectif) labellisée RSE, intervenant dans le domaine des économies d'énergie 

17 à 17 H 30 que peuvent apporter les séniors ? en l'absence de Jean Delorme, je présente l'esprit de la collection numérique les carnets de la culture de la vie portée par Les Cahiers de l'Égaré et en quoi, je ne cherche pas à construire notre bonheur ni mon bonheur mais à vivre ma vie, la vie-cadeau, la vie-miracle intégrant la mort-mystère, vie se vivant instant après instant, rendus à l'instant-éternité

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je renonce à raconter 7 H 30 de rencontres, de partages, d'échanges;

c'est l'histoire de ceux qui y ont participé;

ceux qui ont envie de faire des bouts de chemins sur ces chemins d'essais où s'essaient des pratiques neuves et très anciennes n'ont qu'à prendre le temps de s'informer, de chercher;

ceux que ça n'intéresse pas, c'est leur histoire aussi sans jugement sur leurs choix ou non-choix

en ce qui me concerne, j'opte pour une curiosité à 360°, circulaire horizontale, sphérique toutes directions, de la bactérie aux galaxies, des galaxies aux bactéries, des virus à nous et nous, à moi et moi,  à je et je est un autre,  à toi et tu...

l'infinie variété du vivant me passionne, l'infinie diversité des humains aussi

tout accueillir, tout ce qui se manifeste, sans jugement, sans tri, du salaud au saint, du monstrueux au sublime (il y a du monstre, du sublime, du normal, du foldingue... dans tout humain); si ça se manifeste, c'est que c'est nécessaire (y en a qui appellent ça hasard)

qui suis-je pour trier ? ça c'est bon, ça c'est mauvais ?

du miracle de la naissance au mystère de la mort

la VIE vibration information énergie

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un  sentiment d'ensemble : des gens engagés, des indignés, des gens qui agissent, des entrepreneurs (la SCIC de déshydratation alimentaire, c'est du concret, le lieu de l'agora sous chapiteau de 40 mètres carrés à Solliès-Pont, c'est du concret...)

il me semble que l'important dans ce mouvement, c'est ce qui se fait;

les discours pour se démarquer ne sont pas nécessaires, sont peut-être même contre-productifs; ce sont des discours de séparation: les 200 familles, les usuriers, les prédateurs et nous, les vertueux;

quand on en parle, ils ne sont pas là, n'entendent pas, ce sont paroles vaines qui s'envolent, rassurent, font croire qu'on existe;

d'après moi, il y a du nettoyage à faire en se regardant dans le miroir

(contradiction, je demande de faire le tri alors que ces discours sont nécessaires au mouvement, pas à moi donc que ça continue);

l'autre que j'abomine me renvoie toujours une partie de moi, souvent inconsciente (tu as trop de pouvoir, un pouvoir toxique, je veux du contre-pouvoir, un pouvoir autre et c'est encore du pouvoir : sur soi, (pleine conscience), sur les autres (présenté comme pouvoir avec les autres)

et pas ce dont nous somme faits et traversés, l'amour inconditionnel de la Vie pour tout ce qu'elle crée

ma contribution : la mise à disposition de 14 PDF téléchargeables, amorce d'une bibliothèque numérique; un PDF n'a pu être téléchargé, celui sur le mouvement des Gilets Jaunes; je peux le communiquer sur demande par mail

laisse-toi guider par l'accueilleuse-guérisseuse / trois N° à lire : que de baffes dans les certitudes, on en est tous bardés mais là comme ce sont des certitudes "réactionnaires", ça fait du bien pour les bardés de certitudes "progressistes"
laisse-toi guider par l'accueilleuse-guérisseuse / trois N° à lire : que de baffes dans les certitudes, on en est tous bardés mais là comme ce sont des certitudes "réactionnaires", ça fait du bien pour les bardés de certitudes "progressistes"
laisse-toi guider par l'accueilleuse-guérisseuse / trois N° à lire : que de baffes dans les certitudes, on en est tous bardés mais là comme ce sont des certitudes "réactionnaires", ça fait du bien pour les bardés de certitudes "progressistes"
laisse-toi guider par l'accueilleuse-guérisseuse / trois N° à lire : que de baffes dans les certitudes, on en est tous bardés mais là comme ce sont des certitudes "réactionnaires", ça fait du bien pour les bardés de certitudes "progressistes"

laisse-toi guider par l'accueilleuse-guérisseuse / trois N° à lire : que de baffes dans les certitudes, on en est tous bardés mais là comme ce sont des certitudes "réactionnaires", ça fait du bien pour les bardés de certitudes "progressistes"

 LE JEUDI 17 NOVEMBRE AU REVEST LES EAUX

19H30

SALLE SAUVAIRE


 

L’ASSOCIATION HUMANITAIRE CAMERON DENTAL OUTREACH

DR KALAIN BAMENDA (CAMEROUN)

L’ASSOCIATION DU DR OULI (SENEGAL)

PRÉSENTERONT 2 THEMES SUR LA PRISE EN CHARGE EN AFRIQUE.

PANORAMA DES MALADIES BUCCO DENTAIRES AU CAMEROUN

ACTION HUMANITAIRE AU SENEGAL.

Le numerique solution pour l‘afrique


 

Suivi d’une table ronde sur l’action des missions humanitaires de proximité

Prévention éducation à la sante France Afrique


 

PROF PIGNOLY DR KARSENTI (UFSBD) et TOURNEUR

Dr Hoffman, Guibert, Gonzalez. Drauge….

Mme Le Tiec (adjointe MAIRIE du REVEST)

Société ADP (donnateur)

CAFE CULTURE REVEST DARDENNES


 

(Ouvert à tous publics intéressés par le bénévolat humanitaire)

ce fut pour moi, une soirée très enrichissante

avec le docteur Ouli qui pratique dans le département mais retourne régulièrement en Casamance, on découvre que tout ce qui concerne l’hygiène et les premiers soins de nécessité (en cas de brûlure par exemple) est à transmettre, à apprendre et que beaucoup de résistances retardent ces apprentissages; ça rentre difficilement dans les têtes et dans les moeurs; la brosse à dent et son entretien, ça alors ! la dangerosité du cure-dent ne convainc pas
on ne rit pas étant données les conséquences avec une espérance de vie de 45 à 55 ans pour les hommes et au vu de photos de personnes très abîmées
avec le docteur Kalain, on se retrouve dans une des deux régions anglophones du Cameroun,
où règne une guerre civile depuis 6 ans avec la partie francophone dominante;
son exposé avec diapos sur certains cas traités de mâchoires rongées donnant des malformations faciales énormes (5 opérations lourdes en une dizaine d’années) est impressionnant 
avec en prime l’enlèvement de sa femme, accompagné d’une demande de rançon 
(pourquoi ce n'est pas lui, l'enlevé; ben qui paierait ?)
avec Marie T. on est une ONG intervenant en Tanzanie pendant 9 ans à raison de 1 mois par an (les vacances) pour des soins bucco-dentaires; tous les problèmes liés à la rencontre entre une société rurale, encore chamanique et les représentants d’une société pourvoyeuse de progrès médical sont évoqués; leur présence modifie les comportements de la société d’accueil et eux-mêmes sont modifiés par ce qui leur est retourné (les priorités par exemple); 
le Masaï en tenue de guerrier refusant l’anesthésie faciale parce que la 1° fois, il n’avait rien senti, et ne bronchant pas d’un cil pendant le grattage de la zone infectée; aucun d'entre nous n'endurerait cette douleur; eux ont connu la rigueur des rites d'initiation
le gamin récupérant grâce à une prothèse, ses dents de devant, arrachées par le chaman, son sourire et la possibilité de trouver une fiancée
 
du beau monde issu du milieu dentaire et associatif humanitaire venu pour certains de loin (Marseille et ailleurs)
le pot de l’amitié
 
merci à Gérard Maltese, au café-culture, à la municipalité, aux intervenants, aux associations, pour les échanges à la fin (le triple abrazo joyeux, spontané avec Fred que je ne connais que sous ce prénom; sacré beau moment)
 
j’écris ce message de compte-rendu pour que chacun profite à sa façon de ce que j’ai pu vivre, ressentir au contact (au travers de trois récits) de réalités économiques, politiques, sociétales que nous ne pouvons imaginer; on peut sortir d'une telle réunion avec plus d'amour au vu de toutes ces souffrances de populations déplacées à cause de la guerre, fuyant les zones de combat, capturées, violées...

échange avec Jean Delorme, président d’une ONG burundaise intervenant dans une zone agricole en autonomie alimentaire 

comment garder les Africains en Afrique ?
qu’ils puissent vivre de leurs ressources et terres pillées de l'intérieur par des pouvoirs corrompus et de l'extérieur par des multinationales
 
mes retours sur ton carnet la révolte des octogénaires
de très bonnes choses, sur les révoltes antérieures, sur l’exemplarité, l’humilité, la culture de la vie, la fraternité, les ismes…
 
bémol sur l’exemplarité : ça ne vaut que dans un monde stable d'au moins 30 ans (les trente glorieuses) 
dans un monde en accélération, sans repères, de retournement et dissolution des valeurs, de novlangue, de com’, déboussolé… quels exemples ? 
Google, Zuckerberg, Bezos, Musk ?  
 
le travail pour se changer soi, je préfère dire s’apaiser, faire la paix en soi entre pulsions de vie, de mort, avec les générations passées... me semble essentiel et peu développé dans ton essai, même si tu as écrit un beau carnet sur ce que tu appelles le calme, une drogue bienfaisante,
développement personnel, éveil spirituel, sont de vrais chantiers où on trouve le pire, le meilleur donc pratiquer, évaluer, comparer...
le temps de l’inspir, de l'expir = se sentir, en vie, on est en vie… donner et savourer le goût de respirer, de sentir, humer, siffler, danser, rire ...
 
comment prendre en compte l’égo pour le dépasser : je ne sais pas si c’est le bon mot
je suis plutôt partisan du tout accueillir, ne pas trier entre ce qui serait bon et ce qui ne le serait pas; le nécessaire retard d’interprétation me semble un réflexe vital surtout ne pas répondre aux injonctions de l’urgence ni de la rationalité, recherche des causes surtout si on pense comme moi que la naissance de chacun est un miracle et la mort de chacun, un mystère 
 
qu’est-ce que la Vie attend de moi sur Terre, question puissante pour le sens; comment trouver sa mission de vie ? on est là sur terre par nécessité, pas par hasard; difficile à admettre; on est unique et pas un parmi des milliards; c'est quoi notre boulot d'âme incarnée; évidemment, il y a toute l'histoire de l'univers, de la vie, de l'évolution des espèces: ce sont des connaissances, des théories scientifiques,, scientistes, déterministes qui ont leurs preuves, leur validité momentanée mais le miracle de la naissance, le mystère de la mort, ça échappe à cette rationalisation, à la philosophie et même à la métaphysique
 
je pense à un carnet intitulé l’accueilleuse-la guérisseuse et le chasseur 
on vient de là et on y est encore dès que la survie semble en jeu (paniques, razzias dès annonces de pénuries)
 
mais on est aussi un esprit, un coeur, une âme, un corps; on est pris dans les discordances des temps et faut se dépatouiller
 
là je travaille à un texte l’impossible aujourd’hui sur les différentes manières de ne pas être de son temps, de refuser ce temps 
 
le temps de la méditation, très positif pour les enfants, sur-actifs entre autres… 
échec du temps de méditation lors du non-débat politique avec Giran (de son fait), le 18 septembre pour le 1° salon des écrivains et des artistes
 
l’humilité, la hâte lente, je l’appelle pratiquer le retard d’interprétation (on interprète tout de suite, on ne prend pas le temps du silence, de l’observation de soi, de comment l’événement nous saisit, nous enjoint de répondre…, se mettre plutôt en position de témoin, 
de ce qui disparaît, fondamental (il y avait beaucoup de sens dans beaucoup d'anciennes coutumes, façons de dire, façons de faire…)
de ce qui apparaît (le miroir aux alouettes des nouveautés, des urgences)...
 
pratiquer le regard éloigné de Lévi-Strauss, ou le devenir Grec homérique de Marcel Conche; prendre conscience des discordances des temps 
 
il y a en France, une guerre de déjà deux siècles entre le paradigme de la révolution française (Balzac, l’ambitieux, le créateur démuni monte à Paris, Rastignac, Depardieu) et ce qui subsiste de l’ancien régime, la province se meurt lentement (pourvu que ça dure encore et encore) en laissant plein de traces profondes…, prenant des formes surprenantes, décrites par écrivains, historiens, ethnologues, les vies minuscules de Pierre Michon, façons de dire, façons de faire de Yvonne Verdier (la laveuse, la couturière, la cuisinière, disparition des travaux d’aiguille vers 1950)
 
cela rejoint le sujet abordé lors du 2° festival citoyen (voir vidéos ci-dessous)
peut-on faire des oeuvres d’arts des communs appartenant à tous et non des biens appartenant à leurs créateurs ?
exposé fait le 3 avril 2022 au 2° festival citoyen à l'auberge des Tuillières à Carnoules/ 
 
dimanche 20 novembre, l’association Construisons notre bonheur organise dans le cadre de son programme Refaisons société, de 10 H à 22 H 30 une rencontre sur le thème Mieux vivre ensemble et cultiver des relations vraies
salle Lanza, à Solliès-Toucas, entrée gratuite, repas partagé midi et soir
j'y participerai lors du thème présenté de 15 à 17 H : les séniors, un rôle-clef pour une société heureuse


 

Pi est-il un nombre univers ? 3,14159265358979323846264338327950288419716939937510582......................................; et c'est quoi  le nombre d'or ?
Pi est-il un nombre univers ? 3,14159265358979323846264338327950288419716939937510582......................................; et c'est quoi  le nombre d'or ?

Pi est-il un nombre univers ? 3,14159265358979323846264338327950288419716939937510582......................................; et c'est quoi le nombre d'or ?

De deux choses l’une, soit l’art est une sorte de décoration d’intérieur, un élément récréatif pouvant même susciter une sorte de pensée, soit il demeure un lien possible, tangible, avec les dieux qui nous ont faits. 
 
Pour moi, ce qui, d’une manière ou d’une autre, n’est pas habité par un certain sens du sacré est aussi bête et laid qu’une commode Louis-Philippe. L’artiste n’exprimant que le brouillon de ses tripes est un adroit garçon boucher ficelant son gigot avec un air satisfait, pesant le tout au prix du marché. Son seul souci est d’élargir sa clientèle et que son nom, lettres d’or ou fluo, honneur, fierté, travail bien fait, scintille sur un diplôme taché de ses empreintes au-dessus de sa plastronnante caisse enregistreuse, « tactile » s’il vous plait. 
 
Ah, comme les Hommes ont besoin qu’on les reconnaisse! C’est à la fois touchant et tellement infantile. C’est qu’ils ont peu de temps pour se croire puissants. Que de revanches aussi à prendre sur le dos des parents, des amis, du petit monde méprisant faisant et défaisant les gloires d’aujourd’hui! Tableau d’honneur ou bonnet d’âne, pire, tablier gris. Torses en avant et crocs-en-jambe, être important n’a pas de prix. L’humble d’hier, demain sera le suffisant. 
 
Rien pourtant ne vaudra jamais celui qui, silencieux et caché, œuvre et bouillonne dans les sous-sols de sa quête infinie. C’est qu’il n’est pas tenu par l’envie de paraître, son seul souci est d’alimenter cette fête d’un travail assidu, permanent: trouver l’accord parfait, l’arc électrique reliant sa pauvre tête au Monde de l’Esprit. 
 
Alain Cadéo

cahier Culture de la vie N° 3 l'amour de la vie JCG

cinq propositions pour reprendre le contrôle de nos vies, contribution d'un citoyen

de Claire Aerin Larminaux

Le Talisman Politique Vers le déclin du capitalisme, sur le chemin des sociétés intentionnelles collectives Faramir Garro : un essai stimulant d'un collectif invisibilisé, 330 pages

manifeste du Sous-Comité décentralisé des gardes-barrières en alternance

paru le 14 juillet 1902, 120 ans déjà et on continue de voter

livre en Droit d’auteur et crédits Licence Creative Commons : Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International (CC BY-NC-ND 4.0)

un livre essentiel d'un épigénéticien et d'un passeur Bruce Lipton

de JOSÉ RODRIGUES DOS SANTOS

deux versions, version cubaine, version baïkalienne (cette version n'est pas accessible)
deux versions, version cubaine, version baïkalienne (cette version n'est pas accessible)

deux versions, version cubaine, version baïkalienne (cette version n'est pas accessible)

L'éternité d'une seconde Bleu Giotto, épuisée en version papier, mise à disposition en PDF : la disparition du fils, la disparition de l'épousée

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La vie ? processus ? mystère ?

16 Mai 2022 , Rédigé par grossel Publié dans #SEL, #agoras, #développement personnel, #engagement, #essais, #jean-claude grosse, #poésie, #spectacles, #vraie vie, #écriture

hier après-midi et soirée, 21 février 2024, goûter de retrouvailles à 7,
3 comédiennes, la cinquantaine passée, 2 techniciens du spectacle, même génération, une jeune fille et un pépé, soit 4 générations
6 heures d'échanges, drôles (beaucoup d'humour, de rires), de souvenirs, joyeux ou nostalgiques, de choses qui sortent (de quoi gerber), de discussion sur ce qui se passe dans les milieux du cinéma, du théâtre, du sport
on parle longuement de Lévi-Strauss, de la prohibition universelle de l'inceste, permettant de passer de l'endogamie à l'exogamie, de la nature à la culture ; je fais remarquer que la réponse mâle à ce tabou est la pratique universelle du viol puis avec Françoise Héritier que l'assujettissement des femmes par les mâles est dû à ce qu'elles font les fils dont les mâles ont besoin pour perpétuer leur domination
on évoque longuement le micro-chimérisme foetal-maternel
voici donc un article de mars 2022 que je complèterai avec ma note de lecture sur un livre majeur : Les cellules buissonnières
deux dessins des jumeaux exécutés yeux fermés, le 2° avec les deux mains alternativement
deux dessins des jumeaux exécutés yeux fermés, le 2° avec les deux mains alternativement
deux dessins des jumeaux exécutés yeux fermés, le 2° avec les deux mains alternativement

deux dessins des jumeaux exécutés yeux fermés, le 2° avec les deux mains alternativement

les jumeaux ? 
c'est une remontée inattendue d'une des dernières paroles d'Annie, le 29 octobre 2010 : il y a un morceau de Sylvain qui se balade quelque part (chimérisme foetal-maternel ?);
attendant Sylvain, c'est Katia qui est arrivée 
jusqu'à ce que Magali B. me mette le nez dessus, le 21 mars 2022 : mais peut-être ils étaient deux ?
21 mars, jour du printemps, jour de Nowruz, de sainte Clémence (morte le 21 mars 1176), de la trisomie 21, pour l'élimination de la discrimination raciale (quelle légèreté une journée pareille)
vrai ou faux, impossible de trancher 
donc le défi des prochains mois, retourner dans le ventre porteur d'Annie et écrire la légende des jumeaux Sylvain (s'il vînt, il ne devait pas venir, avais-je répondu) et Katia (bien là)
que s'est-il passé entre eux ?
ces dessins yeux fermés sont déjà façon de les palper, de les sentir, ressentir
avant les mots, des sensations
les 9 mois du paradis foetal : processus descriptible ? processus miraculeux ? sait-on ce qu'on interrompt dans une interruption volontaire de grossesse ? sait-on ce qu'est le ciel vécu par le foetus nautilus dans les profondeurs amniotiques ?
les 9 mois du paradis foetal : processus descriptible ? processus miraculeux ? sait-on ce qu'on interrompt dans une interruption volontaire de grossesse ? sait-on ce qu'est le ciel vécu par le foetus nautilus dans les profondeurs amniotiques ?
les 9 mois du paradis foetal : processus descriptible ? processus miraculeux ? sait-on ce qu'on interrompt dans une interruption volontaire de grossesse ? sait-on ce qu'est le ciel vécu par le foetus nautilus dans les profondeurs amniotiques ?
les 9 mois du paradis foetal : processus descriptible ? processus miraculeux ? sait-on ce qu'on interrompt dans une interruption volontaire de grossesse ? sait-on ce qu'est le ciel vécu par le foetus nautilus dans les profondeurs amniotiques ?

les 9 mois du paradis foetal : processus descriptible ? processus miraculeux ? sait-on ce qu'on interrompt dans une interruption volontaire de grossesse ? sait-on ce qu'est le ciel vécu par le foetus nautilus dans les profondeurs amniotiques ?

J'ai vu « Le Processus » de Catherine Verlaguet, lauréate du Prix de la Pièce de théâtre contemporain pour le Jeune Public 2022, sélection 3ème/2nd, au Telegraphe ce mercredi 6 avril à 19h30 en partenariat avec le Planning Familial Varois.

C’est ton corps, dit-il (Fabien, son petit ami). Je te suivrai quelle que soit ta décision.

Claire est au lycée. Elle tombe amoureuse et enceinte de Fabien, qui est aussi amoureux d’elle mais pas vraiment prêt à affronter ce qui leur arrive. Claire entame alors un processus d’avortement…

« C’est ce processus que je vous propose de suivre sans manichéisme : le positionnement des proches, l’efficacité des médecins, les doutes et les certitudes qui se mélangent, le tout entrecoupé de flash-back sur l’histoire d’amour, la naissance du désir et ce premier émoi entre Claire et Fabien.

« Je suis pour l’avortement. Je suis pour que les femmes disposent de leur corps. Je suis pour le fait que la décision d’avorter leur appartienne.

Je pense aussi qu’il est des cicatrices que l’on ne regrette pas, mais que l’on n’oublie pas pour autant." écrit C.V. comme Claire Valège, C.V., comme C.V., Curriculum Vitae.

Ce spectacle se vit en immersion sonore, casque sur la tête, sauf à la fin, 1° cachet abortif absorbé.

C'est très bien joué par Juliette Allain qui a, à son actif, au moins 80 représentations.

Dispositif simple, une table, une chaise.

Des techniques d'acteur également simples mais efficces pour les changements de personnages (il s'agit d'un solo d'actrice jouant tous les personnages).

Metteur en scène Johanny Bert, Théâtre de Romette (Auvergne).

Le débat avec le public et le planning familial, avec lecture de textes datant du manifeste des 343 (1971), du manifeste des 331 (1973) et de la loi Simone Veil (17 janvier 1975) a été centré sur les motivations de l'autrice-auteure, sur le personnage de Claire et son choix (c'est mon corps, c'est ma vie), sur la qualité de l'interprétation et sur le dispositif avec casque permettant d'être en direct et de façon intime avec Claire.

L'auteure-autrice a signalé l'importance pour elle d'éviter les clichés, de renverser la relation habituelle mettant l'intime sous la coupe du politique (on se sent et on se met sous le regard et le pouvoir de l'Autre, la pharmacienne, la mère, le médecin, le petit ami, les copines...), elle cherchant plutôt à montrer l'impact possible de l'intime sur le politique (je tiens à décider par moi-même, même si j'ai des doutes, des hésitations, des peurs, je tiens à les gérer moi-même ; les autres, l'Autre, les dispositifs légaux d'aide à l'avortement se mettant au service de mon choix).

Ce débat m'a fait remonter aux années 1974-1980 (retour à Toulon) parce qu'Annie Grosse-Bories a été longtemps secrétaire bénévole au Planning familial 83, avant de devenir assistante sociale, éducatrice spécialisée, puis psychologue clinicienne au CMPP de La Seyne, formatrice à l'école d'assistantes sociales de la Croix-Rouge et enfin psychanalyste (je cite ce parcours parce que révélant sa force d'engagement). C'était rue Peiresc sous la houlette de Jeanine Braendlin à l'époque.

C'est dire si j'ai suivi les luttes du planning familial. Et bien sûr, j'ai soutenu les interventions d'éducation sexuelle du Planning familial au Lycée Rouvière, avec humour déstabilisateur parfois quand par exemple j'ai fait croire que le sida, très destructeur, était renforcé par une autre maladie, le stob, attrapé quand on fait l'amour sans amour.

Dois-je dire que je perçois aujourd'hui le poids terrible de l'initiation sexuelle sur les jeunes, et ce de plus en plus jeune, dès 7 ans, garçons mais aussi filles (on se provoque, alors tu t'es branlée cette nuit...), parce que l'industrie pornographique (particulièrement florissante, entre les mains de mafias) est à l'oeuvre au travers des réseaux sociaux, parce que les réseaux pédophiles, pédo-criminels sont particulièrement puissants et opaques, parce que le tourisme sexuel et la prostitution sont pratiques courantes, ouvertes ou cachées, parce que tellement de possibilités sont proposées, y compris de changements de sexe (homo, lesbienne, drag-queen, bi, trans, woke, cancel-culture), parce que tout semble devenir possible (PMA, GPA grâce aux ventres ukrainiennes, clones, chimères...). Avec l'homme augmenté, l'intelligence artificielle, on va être pucé, prothésé, bionisé, remisé à l'éternité. 

La vie comme la mort sont devenues de vastes champs d'expérimentations, de manipulations (suicide assisté, éternité par cryogénisation... ; film Soleil vert)
En écoutant ce qui se disait, j'ai soudain pris conscience que cette soirée était sous le signe d'une idéologie scientiste, d'un matérialisme dogmatique, d'un athéisme réducteur.

Pris de je ne sais quelle émotion devant l'ampleur de ce que je ressens comme un désastre, j'ai failli ne pas intervenir.

Je l'ai fait tout de même en tentant de socratiser le débat : qu'est-ce qui permet à Claire de dire avec cette certitude, cette assurance qu'à un jour près le cœur du foetus ne bat pas, donc pas de vie, donc pouvant se dédouaner, je ne tue pas.

L'affirmation c'est mon corps et j'en dispose comme je veux, aujourd'hui, me paraît d'une démesure, d'un orgueil décalés par rapport à ce qui m'apparaît comme mystère et miracle.

Ton corps est mystère parce qu'il est une incarnation de la Vie qui te le reprendra puisque naître c'est être voué à la mort, elle-même mystère.

Bienheureux ceux qui savent ce qu'est la mort, néantisation par exemple.

Ta liberté sera le suicide ou l'euthanasie.

Ton corps à naître, ta naissance est miracle même avec le soutien du corps médical, d'une science médicale devenue domination sanitaire d'experts sur les patients (voir avec la Covid).

Il y a un processus en cours bien plus mystérieux que le simple récit qu'en fait un cours de SVT, une rencontre entre spermatozoïde et ovule, division cellulaire, spécialisation cellulaire... Aujourd'hui, on sait que le fameux ADN, (1%), la soi-disant identité infalsifiable, génétiquement immuable (avec maladies génétiques prévisibles) de chacun est un dogme scientiste battu en brèche par les découvertes de l'épigénétique et par les travaux sur les 99% d'ADN dits poubelle, méprisés par les chercheurs américains et étudiés avec succès par les chercheurs russes.

Pour complexifier le tableau, je rajouterai que nous sommes mémoires, que ce sont toutes les mémoires de ce qu'on appelle évolution qui nous constituent, par exemple, l'extraordinaire parcours de l'atome de fer depuis l'explosion d'une super-novae jusqu'à ce qui caractérise notre sang, l'hémoglobine, en passant, oui, oui par le magma terrestre (une molécule d'hémoglobine qui se trouve à l'intérieur d'un globule rouge, ce sont 10000 atomes dont 4 de fer pour capter 4 atomes d'oxygène, transporté par circulation sanguine à chaque cellule du corps).

ou autre fantaisie, les 50000 milliards de bactéries, vieilles de 3,5 à 4,5 milliards d'années et qui colonisent notre ventre, le 2° cerveau, et sans lesquelles il n'y aurait aucune transformation de ce que nous mangeons.
Donc, il y a de quoi même avec la science s'émerveiller et se dire, on ne sait rien car savoir c'est savoir que ce qui reste à trouver est de plus en plus difficile à percer. 

Allant ailleurs vers des traditions spirituelles fort anciennes et quasi-universelles (présentes dans toutes les aires et sociétés), ne peut-on supposer, poser qu'une âme vient s'incarner dans un corps, le temps d'une vie, d'une réincarnation, d'une résurrection et que la mort c'est rendre l'âme, l'âme hors pour une nouvelle réincarnation.

Prolongeant cette intervention, je pense qu'il y a deux approches que je ne souhaite pas opposer, n'invitant personne à faire un choix plutôt qu'un autre

- une approche scientiste qui se sert de la science pour séparer : ça c'est la vie, ça c'est la mort; ça c'est vivant, ça non; distinguer le plaisir et la procréation, ça c'est le propre de l'homme, ce n'est pas le propre des animaux qui rutent par nécessité de reproduction (moins le propre de la femme, dans une société patriarcale mais aujourd'hui elles revendiquent et pratiquent de plus en plus le droit de jouir sans entraves, de vivre leur plaisir clitoridien en solitaire ou pas avec godes ou pas), baiser ou faire l'amour pour le plaisir et par plaisir à 99,9999 % pour deux enfants dans une vie (on peut en devenir addict sans doute), abstinence, beurk, sublimation, késako, satisfaction immédiate, oui, oui, ça urge (d'où viols, forçages de toutes sortes, chantages, méprises sur le consentement non-consenti-consenti-consentant, la fameuse zone grise) ; on le devine : l'éducation sexuelle pour gérer toute cette complexité seulement physique, épidermique (qui ne prend pas en compte, émois, émotions, sentiments, désirs, fantasmes, résistances, réticences, rythmes...) n'est pas une éducation sentimentale, encore moins une éducation à l'amour.
- une approche spirituelle où je considère ma vie comme un cadeau, un don, gratuit fait par la Vie (le contraire du je n'ai pas demandé à naître), cadeau fait par la Vie, sans jugement, par amour inconditionnel, m'aimant aussi bien salaud que saint, héros que bourreau, avorteuse de « mon » fœtus que jeune mère accueillante du fœtus dont une légende raconte
que quand un bébé vient au monde, il connaît les mystères de la création. Mais juste avant sa naissance, un ange pose le doigt sur sa bouche : « chut ! » et l’enfant oublie tout, il vient ainsi au monde innocent…
C’est pourquoi nous avons tous un petit creux au-dessus de la lèvre supérieure, signe de L’Empreinte de l’ange.

« Avant sa naissance, dit le Talmud, l'homme est un pur esprit et possède encore le savoir ultime de ses vies antérieures. C'est alors qu'un ange apparaît et lui enjoint de tenir ce savoir secret. L'ange pose son doigt sur la lèvre de l'enfant et à cet instant précis, le bébé oublie tout pour entrer dans la vie. Du geste de l'ange, il reste une trace: le petit creux qui dessine un fossé entre notre lèvre supérieure et la base de notre nez... Alors seulement, il peut pousser son premier cri. »

La tradition dit, en effet, qu'avant la naissance, l'âme "descendue" dans l'embryon connait "toute la Torah", qu'elle voit la vie qu'elle va mener lors de l'incarnation, les choix qu'elle devra faire et leurs conséquences....
Lors de la naissance, l'ange, en effet, lui pose le doigt sur la bouche afin qu'il oublie ce qu'il sait et ait le plaisir de le redécouvrir, de faire ses choix librement et la trace de ce doigt angélique est le sillon naso labial.

Cette tradition est parfaitement bien exploitée dans "Les bienveillantes" de Jonathan Little lorsque le "héros" rencontre ce vieux juif à qui il manque justement ce sillon naso labial, qui se "souvient" donc de tout y compris du moment de sa mort, et dont la rencontre donne lieu à un dialogue entre la "pensée occidentale" et la tradition juive.

Dit autrement et ça se dit aujourd'hui, ce ne sont pas les parents qui font les enfants mais les enfants (leur âme) qui choisissent leurs parents.

Avec le temps, à 80 ans passés, je suis passé d'une approche à l'autre.

Car la vie nous fait vivre, revivre des expériences. Par exemple Annie qui, entrée à l'hôpital en octobre 2010, revient sur la naissance de Sylvain-Katia et qui me dit un morceau de Sylvain se balade quelque part.

Elle croyait attendre un garçon, arriva une fille. Pas d'échographie à l'époque, en 1968. Et en 2022, je découvre que peut-être, elle attendait des jumeaux homo ou hétérozygotes et qu'un n'est pas apparu.

Voici de récentes découvertes sur ce qui se passe, le microchimérisme foetal-maternel

Pendant la grossesse, les cellules du bébé migrent dans la circulation sanguine de la mère et retournent ensuite dans le bébé, c'est ce qu'on appelle le « microchimérisme fœtal-maternel ». ⁠

Pendant 41 semaines, les cellules circulent et fusionnent et après la naissance du bébé, beaucoup de ces cellules restent dans le corps de la mère, laissant une empreinte permanente dans les tissus, les os, le cerveau et la peau de la mère, et y restent souvent pendant des décennies.

Chaque enfant laissera une empreinte similaire.

Des études ont également montré des cellules d'un fœtus dans le cerveau d'une mère 18 ans après son accouchement.

Des recherches ont montré que si le cœur d'une mère est blessé, les cellules fœtales se précipitent vers le site de la blessure et se transforment en différents types de cellules spécialisées dans la réparation du cœur.

Le bébé aide à réparer la mère, tandis que la mère construit le bébé.

C'est souvent pourquoi certaines maladies disparaissent pendant la grossesse.

C'est incroyable de voir comment le corps de la mère protège le bébé à tout prix, et comment le bébé protège et reconstruit sa mère - afin qu’il puisse se développer en toute sécurité et survivre.

Si vous êtes une maman, vous savez que vous pouvez ressentir intuitivement votre enfant même quand il n'est pas là ...

Eh bien, maintenant il y a une preuve scientifique que les mamans portent leurs enfants pendant des années et des années, même après qu'elles les aient mis au monde.

Pour conclure, à partir de là où j'en suis, je crois que tout est croyance, qu'il n'y a de preuve de rien, des arguments peut-être, que donc ce sont les mots que l'on emploie qui crée ce que l'on prend pour la réalité. Change de mots et tu changes la réalité. Change de mots et tes maux changent.

Dans cet état d'esprit, je trouve particulièrement beau, le récit d'Alain Cadéo, Le ciel au ventre, qui date d'avril 1993 et qui est le dialogue d'un père avec le foetus nautilus attendu par sa femme, foetus qui n'a rien d'inerte, de passif, riche déjà de toutes les convulsions galactiques, de toutes les incandescenses.
C'est aussi ce que j'ai tenté avec le texte Trois femmes (Le corps qui parle)

À Le Revest, le 8 avril 2022

 

 

 

 

un livre majeur

un livre majeur

dans une conversation hier, mercredi 11 octobre 2023, j'ai été amené à dire que depuis quelques temps, je me sentais travaillé par le ventre des femmes, et d'abord celui de l'épousée
sans doute en lien avec une histoire de jumeaux, une phrase de l'épousée lors de son testament oral, le 29 octobre 2010 (il y a un morceau de S. qui se balade quelque part en moi), un mois avant son passage, le 29 novembre 2010,
avec l'intérêt que je porte au micro-chimérisme foetal-maternel depuis qu'il m'a été évoqué lors d'une séance de guérison avec 1.2.3. Soleil (ainsi s'appelle-t-elle), il y a deux ans environ
et voici qu'aujourd'hui sort cet article de Libération sur un livre qui s'annonce essentiel
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Il est des livres qui bouleversent notre vision du monde.
Dans les Cellules buissonnières (Premier Parallèle, 2023), la journaliste scientifique Lise Barnéoud relate des cas scientifiques extrêmes qui nous permettent de mieux comprendre la composition de nos propres corps. Comme celui de l’Américaine Karen Keegan, mère de trois enfants, qui s’est vu dire par les médecins : «Deux de vos fils ne correspondent pas à votre ADN.» Une découverte fortuite alors que ceux-ci passaient des examens de compatibilité avec leur mère en vue de lui donner un rein. Idem pour Lydia Fairchild, dont les tests de maternité nécessaires à l’obtention d’une aide sociale aux Etats-Unis révèlent que, d’un point de vue génétique, elle n’est pas la mère de ses deux enfants.
Le livre de Lise Barnéoud est une plongée dans ces résultats scientifiques des plus troublants connus sous le nom de «microchimérisme». Comme la créature mythologique mi-chèvre mi-lion à queue de serpent, beaucoup d’entre nous (tous ?) sont constitués de plusieurs populations de cellules ne contenant pas le même génome. «L’équation maintes fois apprise "1 individu = 1 génome" ne couvre pas toutes les réalités», déconstruit la journaliste scientifique. Mais d’où proviennent ces cellules autres ? Une première piste nécessite de décortiquer les mécanismes de la grossesse et de se pencher sur la notion de «jumeau évanescent».
LA «REINE DES PREUVES»
Tous les embryons ne vont pas au bout de leur développement. Quand une grossesse commence avec deux fœtus mais qu’un seul arrive à son terme, on appelle l’autre un «jumeau évanescent». Ce cas toucherait 10 % à 30 % des naissances uniques. Une trace de ce frère ou de cette sœur jamais né(e) peut perdurer dans le corps de son jumeau avec lequel il a partagé quelques jours le même utérus. Ses cellules ont pu s’insérer dans l’être en formation à côté de lui, allant jusqu’à devenir des constituantes à part entière de certains de ses organes. Dans le cas de Karen Keegan, les médecins pensent même que les deux fœtus ont fusionné. Concrètement, certains de ses ovules contiennent les informations génétiques de Karen et d’autres celles de sa sœur qui n’est jamais née. Cette affaire donne son sous-titre au livre de Lise Barnéoud : L’enfant dont la mère n’était pas née et autres folles histoires du microchimérisme. Le cas de Karen Keegan, décrit dans un article scientifique, a sauvé Lydia Fairchild face à l’administration américaine. En découvrant cette folle histoire, l’avocat de cette dernière lui propose de faire un frottis du col de l’utérus. Bingo, certaines cellules récoltées sont compatibles avec l’ADN de ses enfants. Lydia a bien porté ses enfants, même si elle est génétiquement leur tante. De quoi se faire des nœuds à l’arbre généalogique.
Le microchimérisme n’a pas que des conséquences sur la parentalité. Dans les affaires criminelles, il peut également remettre en cause la «reine des preuves», à savoir l’ADN. Lise Barnéoud raconte ainsi comment, en 2004, la police scientifique de l’Alaska identifie le sperme présent sur une scène de crime comme étant celui d’un individu déjà en prison. L’homme avait des cellules séminales identiques à celles de son frère. Pas de jumeau évanescent dans ce cas précis : le mécanisme de transmission est une greffe de moelle osseuse entre les frangins. La littérature scientifique fleurit de cas similaires où les cellules du donneur sortent de l’organe greffé pour se balader dans le corps du receveur et parfois s’insérer dans d’autres organes sans en altérer le fonctionnement. «Je est un autre», écrivait Rimbaud.
Le microchimérisme bouleverse également les croyances scientifiques. Le dogme dominant pour expliquer le fonctionnement du système immunitaire repose sur la capacité des défenses du corps à distinguer le soi - les cellules du corps qu’il ne faut pas tuer - du non-soi - les cellules étrangères à dézinguer. Cette théorie avait, certes, déjà été fragilisée par la découverte du microbiote, cette flopée de bactéries qui vivent sur la peau ou dans les intestins, essentielles au bon fonctionnement du corps humain. Mais voilà qu’on découvre aussi que certaines parties de notre corps peuvent être constituées de deux populations cellulaires génétiquement distinctes. L’immunité de l’organisme est donc une relation de coopération entre nos cellules, celles dites microchimériques et les micro-organismes.
À TRAVERS LE PLACENTA
La principale source de microchimérisme reste la grossesse. En témoigne la première référence au microchimérisme trouvée par Lise Barnéoud, qui remonte à 1893, quand un médecin allemand trouve des cellules du placenta dans les poumons de femmes mortes en couches. Mais la grossesse est encore insuffisamment explorée par la science moderne. «Quand je voyais écrit, il y a quelques années, dans les manuels de biologie de ma fille, que le placenta ne laissait pas passer les cellules, je n’en revenais pas»,se désole Nathalie Lambert, chercheuse à l’Inserm et spécialiste du microchimérisme, invitée à la présentation du livre à Paris le 21 septembre. Car les échanges entre un fœtus et sa mère vont bien au-delà de quelques nutriments, de l’oxygène et des défenses immunitaires. Le placenta laisse aussi passer des cellules. Ce transit à travers le placenta est même probablement l’une des conditions de réussite de la grossesse. En effet, les cellules de l’embryon se rendent en priorité dans le thymus de la femme enceinte pour inciter le système immunitaire à accepter la présence du fœtus dans son organisme. «Elles s’assurent que l’embryon reçoive le gîte et le couvert», résume Lise Barnéoud.
Si les cellules passent dans un sens, elles peuvent donc passer dans l’autre. Ainsi, la mère donne à son fœtus ses propres cellules et, potentiellement, celles des embryons qu’elle a déjà portés, voire celles de sa propre mère qui peuvent encore être présentes dans son organisme. Dans une étude publiée en 2021 dans la revue The Lancet,Nathalie Lambert a découvert des cellules microchimériques de leur grand-mère dans le sang de cordon de cinq bébés sur 28.
LES CINQ GOMMETTES
Quand elle présente son livre à la presse, Lise Barnéoud propose à chacun de coller une gommette sur son épaule pour chaque voie de transmission prouvée de cellules microchimériques qui nous concerne. Une gommette pour sa mère, une pour sa grand-mère. Une gommette pour chaque grossesse de sa propre mère avant sa naissance. Une gommette si on a subi une transplantation solide ou une greffe de moëlle osseuse. Enfin, pour les femmes, une gommette pour chaque grossesse menée à terme ou non. On a fini avec cinq gommettes sur l’épaule. De quoi sérieusement revisiter le concept de sa propre identité.
Malgré l’importance conceptuelle de ce phénomène, il reste peu étudié avant les années 90. «Nous manquons encore beaucoup d’informations de base sur ces sujets. Comme nous avions du mal à démontrer une application possible, nous n’avions pas suffisamment de financement»,regrette J. Lee Nelson, chercheuse américaine retraitée de l’institut Fred-Hutchinson de Seattle, également là à la présentation du livre à Paris et grande spécialiste du sujet.
Néanmoins, les résultats récents étayent le rôle de ces cellules dans nos corps et relancent l’intérêt des financeurs. Alors, que font-elles, ces cellules porteuses d’un ADN différent mais qui nous constituent ? Est-il dangereux d’être «multi-génétique» ? C’est que ces cellules peuvent se retrouver dans n’importe quel organe.
Dans un article publié dans la revue PlosOneen 2012, J. Lee Nelson trouvait des neurones masculins (contenant des chromosomes XY) dans le cerveau de 37 femmes sur 59 autopsiées. Certains chercheurs pensent même qu’elles peuvent se transmettre par le sperme. «La chanson Can’t Get You Out of My Head [«je ne peux pas te sortir de ma tête», ndlr] n’a jamais semblé aussi juste», se marre aujourd’hui J. Lee Nelson. Les cellules microchimériques peuvent avoir un impact positif ou négatif en fonction des cas, comme souvent en biologie. Lise Barnéoud raconte ces femmes greffées d’un rein qui déclenchent un cancer des années après leur opération. Surprise, leurs cellules cancéreuses sont toutes mâles, donc issues de l’organe greffé. Le microchimérisme pourrait aussi jouer un rôle dans le développement de certaines maladies auto-immunes, dont les trois quarts des victimes sont des femmes, souvent de plus de 45 ans. Enfin, dans les cas de jumeaux évanescents de sexes différents, si des cellules mâles et femelles se côtoient dans le même appareil génital, cela peut donner lieu à des malformations. Comme cette petite Américaine opérée en 1962 et qui présentait du tissu ovarien d’un côté et du tissu testiculaire de l’autre…
LE CÔTÉ OBSCUR
Au début de ses recherches, dans les années 90, J. Lee Nelson a par ailleurs démontré qu’on avait plus de chances de trouver des cellules mâles dans le sang des femmes atteintes de sclérodermie, une maladie auto-immune, que dans le sang de femmes en bonne santé. Voilà pour le côté obscur. Car «ce n’est pas parce qu’on voit des pompiers à chaque fois qu’il y a un incendie, qu’il faut en conclure qu’ils causent l’incendie», temporise Lise Barnéoud.
J. Lee Nelson a d’ailleurs «toujours cru que les bons côtés l’emportaient sur les moins bons». Des études épidémiologiques laissent ainsi penser que les femmes qui ont des cellules mâles dans le sang ont moins de risques de développer certains cancers (sein, ovaires et cerveau). Elles auraient un effet protecteur, donc. De quoi pousser des scientifiques à plancher sur leur effet curatif éventuel. Selim Aractingi, chercheur à l’hôpital Cochin à Paris, obtient des résultats positifs en utilisant ces cellules pour guérir des plaies cutanées et même réparer les tissus après des accidents cérébraux chez la souris. Il espère pouvoir utiliser chez l’humain le potentiel thérapeutique de ces cellules attirées par les zones blessées et capables de s’insérer dans un organe tout en garantissant son fonctionnement. D’autres résultats tendent à prouver que les cellules microchimériques de la mère «éduquent» le système immunitaire de l’enfant. Dernier espoir évident : la possibilité d’augmenter la tolérance des greffes. Mais ce n’est pas pour toute de suite.
Lise Barnéoud Les cellules buissonnières Premier Parallèle, 208 pp., 19 €
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évidemment, j'assisterai jeudi 19 octobre à 19 H à la projection au Royal à Toulon du documentaire de Claire Simon, Notre corps, en sa présence
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Pour résumer ma position aujourd’hui
Naissance = miracle et mystère
Mort = mystère et miracle
(miracle = heureusement qu'on meurt, dixit Marcel Conche)
Ces deux mots, selon moi, n'ont pas à être élucidés, conceptualisés (tentation humaine)
mais doivent induire des attitudes
Le savoir sert à confirmer l’impossibilité de savoir
mais sert aux pouvoirs
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La Nature et les mondes / Marcel Conche

5 Octobre 2020 , Rédigé par grossel Publié dans #agoras, #amitié, #amour, #développement personnel, #essais, #jean-claude grosse, #notes de lecture, #vide quantique

une branche d'olivier et ses fruits pour illustrer ce nouvel opus de Marcel Conche

une branche d'olivier et ses fruits pour illustrer ce nouvel opus de Marcel Conche


La Nature et les mondes

Marcel Conche

HDiffusion, septembre 2020

 

Le dernier livre de Marcel Conche est paru courant septembre 2020, 182 pages, 89 entrées.

On retrouve le Marcel Conche des livres précédents, à la fois le même (ce qu'il appelle la fixité relative, rendant possible l'établissement d'une carte d'identité, page 163) et autre : le Marcel qui change comme tout ce qui vit et qui passe jusqu'à ce que cesse la vie, un Marcel qui ne se voit pas changer, passer car la Nature aime à se cacher ; la Nature est mouvement, changement mais imperceptible, l'herbe pousse mais on ne la voit pas pousser, l'arbre se développe mais on ne le voit pas se développer, Marcel vieillit, ses souvenirs n'ont plus la même précision, flou et oubli sont son lot en lien avec un désinvestissement, une indifférence à l'égard du monde actuel ; il est un vieil homme, par choix, (page 128) du monde d'avant la télévision, d'avant internet, d'avant les smartphones ; il n'éprouve aucune nécessité de se mettre aux goûts du jour ; il est le paysan d'hier et évoque, ne cesse d'évoquer des moments de sa jeunesse paysanne ; il est aussi philosophe, s'est choisi philosophe en vue de chercher la vérité (qu'y a-t-il après le tournant ?) et soucieux d'une œuvre qui fasse référence donc qui durera après lui, au moins un temps (ce qui n'est pas le cas des romans, dit-il, sauf exception).

Un proverbe africain dit bien ce caractère imperceptible du changement, de la créativité de la Nature : Quand un arbre tombe, on l'entend ; quand la forêt pousse, pas un bruit.

Ce qui me frappe dans cet opus, c'est la turbulence de que j'appelle la CAC 40, la conscience analytique cérébrale, puissance 40, ce que d'autres appellent le mental, chez Marcel comme chez tout un chacun, la CAC 40 aussi toxique que le CAC 40, cette ritournelle incessante de miettes de pensées (il dit brins de pensées), miettes de souvenirs, miettes de désirs, miettes de regrets, ritournelle diurne, nocturne qui nous pollue et qu'il est très difficile de faire taire, de mettre en veilleuse, de regarder en témoin sans s'y impliquer.

Il m'a fallu découvrir certaines pratiques de développement personnel pour réussir parfois à vivre le moment présent, à être pleinement dans le moment présent, dans l'accueil de l'abondance qui s'offre à nous quand on n'attend rien, quand on lâche prise. La concentration sur la respiration (en cohérence cardiaque), la méditation d'un sûtra (celui du cœur par exemple), la pratique du mantra so hum, les mudrâs sont des outils puissants pour ressentir (ressentir, ça se passe plutôt au niveau du ventre, le 2° cerveau), pas penser, (penser, ça se passe au niveau du cortex pré-frontal, on a affaire aux idées, aux concepts et à l'agitation qui est derrière la pensée claire, page 172) la créativité du Vide, du Silence, du Soi, de la Vie, de la Nature (j'ignore à cette étape si ces 5 mots sont compatibles entre eux). Alors coïncidences et synchronicités s'offrent à nous et ce qui paraissait disparate, sans lien se trouve connecté, inter-connecté, l'était de fait mais soudain on réalise, ce qu'on appelait hasard ne l'était pas. Je n'ai entrepris cette démarche que depuis 5 ans, et depuis 2 ans de façon pratique, plutôt assidue et je remercie ceux qui m'ont initié.

Marcel, de façon empirique, flirte avec ces pratiques par la contemplation de ce qu'il a sous les yeux, le cerisier en fleurs, les nuages, la colline, par sa sensibilité à la beauté de ce que crée la Nature, par son respect de tout ce qui est vivant, par ses choix de vie saine, décroissante (la sobriété heureuse), par son refus de la violence, son pacifisme, son amour de la paix, son rejet de la guerre, sa bonté. Marcel est taoïste en pratique, par son attitude d'ensemble d'amour de la vie et de non-intervention, de non-agir. « Je fais mien ce qui est le but des mouvements taoïstes. Il faut éviter tout ce qui fait le jeu de la mort. N'est-ce pas dire qu'il faut vivre en sage, ce qui signifie mener une vie retirée à la campagne ou dans une petite ville. Le sage s'abstient de tout ce qui le lie à des conventions ou à des règles particulières. » page 171.

La beauté de tout de ce qui est vivant, principe d'harmonie et d'équilibre, est inhérente, constitutive de chaque être vivant, propre à chaque être vivant, différente de l'un à l'autre. Il y a donc autant de beautés offertes qu'il y a d'êtres vivants, expressions de la créativité de la Nature. Les beautés sont données, offertes à qui sait les voir, les ressentir, à qui est disposé à les accueillir par un refus d'un usage utile de ces êtres vivants. Pas question de jeter l'anguille vivante dans la poêle. Pas question d'égorger le cochon.

Marcel est sensible à la sensibilité animale, ce que Hegel a décrit comme le magnétisme animal et qui a été repris, développé par François Roustang, d'abord psychanalyste lacanien puis hypnothérapeute. Aujourd'hui, hypnose et auto-hypnose sont des pratiques répandues mettant hors-jeu le mental, la CAC 40 et permettant à une personne de se repositionner, de sortir des schémas répétitifs qui provoquent le mal-vivre, le mal-être de beaucoup de gens. La volonté, la raison sont impuissantes à modifier, apaiser ces schémas souvent destructeurs, auto-destructeurs (genre victime-bourreau ou comme Marcel allant de non-baiser en non-baiser sauf rares cas, avec Claire ou Marie ; c'est ce qu'il appelle son côté négatif, son côté de « perdant » page 140). Marcel est fin psychologue mais sa psychologie est rationnelle et ancienne, même s'il n'ignore pas le ça et le sur-moi freudien ; elle ignore les neurosciences. Il croit au pouvoir de la volonté, au pouvoir de la raison. Il croit à la différence essentielle entre l'homme qui pense et l'animal qui ne pense pas. L'absence d'animal genre chat et chien devenant compagnons de vie, avec lesquels il commercerait, qu'il caresserait, leur donnant du plaisir qu'ils savent prendre, ce qui est leur façon de rendre le compagnon heureux est peut-être une expérience qui lui manque, l'expérience de la présence de tout l'animal au seul moment présent, même si je l'ai vu s'occuper de chats SDF venant réclamer leur gamelle à La Maisonneuve. Mais sans affection. Par solidarité morale ou éthique avec le vivant.

Ce qui m'étonne aussi, c'est sa limitation du vivant au végétal, à l'animal. Le minéral en est exclu, une pierre est de la matière et la matière c'est la mort. Et pourtant, comment ne pas être interpellé : « Si un jour, tu vois qu'une pierre te sourit, iras-tu le dire ? » Guillevic. A-t-il besoin de sortir le minéral du vivant pour récuser le matérialisme ? Lui qui est sensible à la beauté des montagnes, des collines, des rivières et ruisseaux doit sentir, ressentir le travail du temps éternel, travail d'érosion, travail quasi-invisible mais sculptant tant des paysages que nous contemplons ; je pense aux gorges de l'Ardèche du côté du Vallon Pont d'Arc ou aux gorges du Tarn. Paysages à couper le souffle, inspirants, magnétiques, obligeant presque à une méditation métaphysique sur le temps destinal, « destructeur ». Évidemment, dans de tels paysages, il y a les amateurs de sensations extrêmes comme ces alpinistes à mains nus (tel Patrick Edlinger) ou ce sportif de haut niveau, Dan Millman, qui a inspiré le film Le guerrier pacifique, (quel oxymore !), performants parce que dans un état qu'ils appellent le flow ; le flow est un état totalement centré sur la motivation. C'est une immersion totale, qui représente peut-être l'expérience suprême, employant les émotions au service de la performance et de l'apprentissage. Dans le flow, les émotions ne sont pas seulement contenues et canalisées, mais en pleine coordination avec la tâche s'accomplissant. Le trait distinctif du flow est un sentiment de joie spontané, voire d'extase pendant une activité. Marcel est dans cet état de concentration extrême, de joie quand il recompose Héraclite, sa dernière œuvre. Il sait se mettre dans le flow des grands sportifs, en athlète de la pensée. «  C'est en joie constante que j'ai écrit les Fragments recomposés d'Héraclite ». (PUF, 2017), page 155.

Le ressassement du passé, surtout décevant, désespérant, par exemple avec Émilie, ne peut lui procurer que tristesse, amertume. On voit avec la succession de ses livres qu'il change par rapport à elle, il n'est plus dans une forme d'amour inconditionnel. « Ma vie est vécue sous le règne du rationnel. Pourtant, j'ai été amoureux, j'ai même aimé, aimé Emilie. Par quelle aberration ? (Car je n'eus que la désespérance). Sans doute ai-je vu en elle la beauté et donc ce que j'ai aimé c'est la beauté. On ne peut aimer que la beauté et inversement, ce que l'on aime nous semble beau. » page 174. S'agit-il d'un jugement définitif ? D'une réaction d'humeur ? Du jugement de ce jour d'après le 13 mai 2020 ? Aucune satisfaction possible à tenter d'expliquer (page 140, 3 explications possibles mais aucune certitude, Marcel est dans l'interprétation, rationnelle mais nullement fiable) alors même qu'il sait qu'il lui est impossible de comprendre l'attitude d'Émilie, ne le remerciant même pas pour sa dédicace dans son livre précédent La Nature et la beauté. « Ai-je été amoureux d'elle ? Je ne sais. Le Temps qui a la puissance du destin a appauvri ma mémoire et délaie mes souvenirs. Pourquoi tenter vainement de me souvenir d'Émilie ? C'est que la multitude d'émotions que j'ai eues avec elle a laissé une trace dans mon âme. » page 124. Par contre, satisfaction possible à essayer de se comprendre lui (page 128), il se voit, se comprend comme vivant dans son monde, un monde choisi, cohérent ; ça lui importe plus que d'être compris d'autrui ou de comprendre autrui. Se connaître soi-même fait partie de la vie, se réfléchissant elle-même, faisant le point, s'essayant, essayant des possibilités, jusqu'à trouver ce qui nous convient, ce qui est conforme à notre nature, à notre mission de vie, ce qui donne sens à notre vie parce que visant au-delà de notre vie. Marcel ne pouvait s'essayer que comme philosophe.

Page 153, il cite André Gide, d'après son agenda du 15 octobre 1957 (quel archiviste !) pour marquer sa différence : « Connais-toi toi-même, maxime aussi pernicieuse que laide. Quiconque l'observe arrête son développement. La chenille qui chercherait à bien se connaître ne deviendrait jamais papillon. » Aujourd'hui on sait comment la chenille devient papillon. « Les biologistes ont découvert qu'à l'intérieur des cellules du tissu de la chenille, il y a des cellules appelées cellules imaginatives. Elles résonnent sur une fréquence différente. De plus, elles sont si différentes des autres cellules de vers que le système immunitaire de la chenille les prend pour des ennemis et tente de les détruire. Mais de nouvelles cellules imaginatives continuent d'apparaître, et de plus en plus. Soudain, le système immunitaire de la chenille ne peut plus les détruire assez vite et elles deviennent plus fortes en se connectant les unes aux autres pour former une masse critique qui reconnaît leur mission de réaliser l'incroyable naissance d'un papillon. » Deepak Chopra.

La question pour moi est que faire d'un amour non-réciproque ? Réactiver les émotions passées qui passent, se délaient, s'estompent relève du mental, de la CAC 40, activité toxique, source de souffrances, de regrets, de tristesse, de ressentiment éventuellement. Seul est réel, le moment présent. Le passé n'est plus, le futur pas encore. Étant créateur, écrivain, philosophe, Marcel ne devrait selon moi se poser que cette question : pourquoi cette jeune et jolie femme a-t-elle été placée sur mon chemin, pour quelle expérience de vie pouvant contribuer à me nettoyer de quelles répétitions ? Il ne connut même pas un baiser sur la joue. L'écart d'âge n'est pas suffisant pour expliquer ce manque d'empathie, cette absence de générosité, cette froideur. Malgré cela, Marcel lui a été longtemps fidèle, longtemps fidèle à cette histoire dont il n'évoque aucun échange y compris philosophique. Ils mangeaient souvent ensemble mais de quoi parlaient-ils ? Se contentait-il de la contempler, de contempler sa beauté ? Cela peut suffire à combler un amoureux. Le généreux, l'ouvert, l'accueillant fut bien Marcel, payé d'ingratitude et de froideur. Il vécut chose semblable avec Chaïmaa et avec bien d'autres. Il reste Corsica et Le silence d'Émilie, la médiatisation romanesque de cette histoire étant passée. Mais ce ne sont pas des œuvres de référence. N'est-il pas temps pour Marcel de tirer un trait, de cesser de ressasser sauf à tenter de répondre à la question : pourquoi tant de déceptions amoureuses ? Qu'est-ce qui chez moi, Marcel, provoque le « ratage », pourquoi me vis-je comme un « perdant » sur le plan amoureux ? Car, il n'est pas question dans ce genre de questionnement de rejeter la « faute » sur l'autre.

J'ai vécu durant 3 ans une histoire d'amour non réciproque, j'en ai fait une œuvre théâtrale Your last video (porn theater). Ce ne sera pas une œuvre de référence. Juste une catharsis. L'acceptation joyeuse de ce qui s'est passé comme ça s'est passé au terme de 3 ans, d'abord de souffrance intense, puis d'apaisement et enfin de joie, de gratitude.

Sur la conception des mondes de Marcel, mondes structurés, cohérents, clos, sans communication entre eux, j'ai signalé dans ma note de lecture sur La Nature et la beauté en quoi elle ne me paraissait pas en accord avec les connaissances que nous avons aujourd'hui, en particulier du règne végétal. Le règne végétal est caractérisé par son immobilité, il ne peut se déplacer. Il a donc développé de formidables capacités à s'informer sur les variations de son environnement et à y répondre par des techniques de coopération, plus que de compétition, en quoi le monde végétal se distingue du monde animal et du monde humain où règnent prioritairement la prédation et la domination. Animaux et humains sont en mouvement, peuvent fuir ou faire face selon. Des millénaires de pratiques et techniques de survie qui ont programmé un organe comme le striatum peuvent-ils être contrebalancés en quelques années par des méthodes de développement personnel, une éducation à la joie, à la paix ? À nous d'avoir conscience des enjeux, de faire nos choix.

Marcel, homme par choix, d'un monde en retrait du monde virtuel, est en prise directe avec le nécessaire changement de paradigme révélé par la crise sanitaire mondiale de la Covid 19. Depuis déjà longtemps, Marcel est un décroissant, depuis déjà longtemps, il sait que le jour d'après ne peut être comme le jour d'avant. Ce n'est pas le cas de la grande majorité des gens qui ont repris leurs habitudes comme avant. Y aura-t-il assez de créatifs culturels, de cellules imaginatives (7 à 8%) pour constituer la masse critique nous permettant de vivre autre chose que l'effondrement ? J'ai cité Marcel comme une de mes Antigones d'aujourd'hui dans le Cahier des futurs désirés, à paraître.

Le Bug humain de Sébastien Bohler : (sous-titré Pourquoi notre cerveau nous pousse à détruire la planète et comment l'en empêcher) montre comment la programmation de notre cerveau non seulement nous pousse vers les satisfactions immédiates (nourriture, sexe, pouvoir, information), mais aussi nous incite à en vouloir toujours plus et à nous détourner des comportements qui nous frustreraient parce qu'ils limiteraient nos désirs. Dans ce livre, l'auteur analyse la crise écologique massive générée par l'humanité au travers du prisme des neurosciences. Selon lui, les processus de destruction de l'environnement s’expliquent en grande partie par des mécanismes cérébraux archaïques : le striatum, notamment, et les circuits neuronaux de récompense, qui par le biais de la dopamine, incitent l'homme à assouvir continuellement et exponentiellement cinq besoins fondamentaux : manger, se reproduire, asseoir du pouvoir, acquérir de l'information, et fournir le moindre effort. L'auteur évoque ensuite le rôle du cortex préfrontal, qui permet au contraire au cerveau de planifier, prendre du recul par rapport à ces injonctions de l'instant. Ce qui lui permet d'exposer les possibles contrepoids à ces déterminismes : l'éducation (valoriser les comportements écologiques) et la méditation pleine conscience.

Sans connaître les travaux de ce chercheur, Marcel Conche, par son propre cheminement, participe, contribue depuis déjà longtemps au changement de paradigme nécessité par les dégradations peut-être irréversibles que nous avons causées en quelques secondes à l'échelle de l'histoire de l'univers. En s'essayant comme philosophe, en s'essayant comme décroissant conscient, responsable, Marcel Conche sème, a semé des graines dont certaines germeront, dont d'autres se stériliseront. Il est ainsi co-créateur du monde qui vient, qui verra des gestes de profonde humanité comme des comportements profondément inhumains. Ainsi va la Vie.

Jusqu'à la cessation de la vie (Marcel signale que « l'idée de mort n'ajoute rien à l'idée de la cessation de la vie », page 133), de sa vie. Dans nos échanges téléphoniques, à peu près tous les 15 jours, j'exprime nettement notre souhait à quelques-uns de fêter ses 100 ans, le 27 mars 2022, lui disant que ce futur désiré s'inscrit déjà dans le présent, notre présent. Il semble y croire et mène la vie qu'il faut pour que ce futur désiré se réalise (il a la sagesse de se résigner à ce qui adviendra, nous aussi mais l'oeil fixé sur cet horizon) : dormir (beaucoup), déjeuner, parler avec les gens de la maison, téléphoner, écrire (page 128), ménager son œil encore valide, rigoler (m'a-t-il dit) (je rajouterai : de soi), être de bonne humeur (page 49), la première des vertus, vertu sociale selon Démocrite, celle qu'il faut pratiquer avec autrui (je rajouterai : avec soi). Il m'a exprimé le souhait plusieurs fois de boire du Dom Pérignon. Va pour le Dom Pérignon, déjà au frais.

 

Le Revest, le 2 octobre 2020

Jean-Claude Grosse

 

 

Suite à la grande librairie du mercredi 20 mai 2020, avec entre autres Aurélien Barreau et Baptiste Morizot, et au visionnement dans l'après-midi de deux visioconférences de Marc Halévy, je constate la diversité des approches concernant où on en est mondialement et planétairement avec la crise de la covid19 et où on souhaite aller, individuellement et collectivement, dans la mesure où ce serait encore possible. Barreau et Morizot plaident pour un changement radical d'attitude envers le vivant, une attitude de cosmopolitesse selon un néologisme d'Alain Damasio, où l'homme reconnaît en quoi tout le vivant contribue à la vie de tout le vivant; trois exemples, sans les plantes, pas d'air respirable, sans les bactéries du microbiote intestinal, pas de fonctions assimilatrices et évacuatrices (le ventre, notre 2° cerveau avec plus de bactéries fort anciennes qui nous colonisent pour notre bien que de cellules n'arrêtant pas de se reproduire à l'identique de notre corps, tout neuf, tous les 6 mois), sans la pollinisation, plus de vie en très peu de temps. Il apparaît que notre ignorance, par hubris, est incommensurable. Nous serions incapables de nommer 4 insectes voletant dans notre jardin, d'en nommer 10 plantes. Et même si nous avions beaucoup de connaissances sur ce qui est notre milieu nourricier (pas que pour nous, pour tout ce qui existe, sans hiérarchie), cela ne changerait pas grand chose car l'espèce mouche dont je vais connaître le monde, l'umwelt, ce n'est pas la mouche qui vient de se poser sur ma table et dont je ne connaîtrai jamais, le for intérieur, pas plus que je ne connais le for intérieur de mon chat ou de moi-même, a fortiori, ton for intérieur, toi que j'aime et qui m'envahit. On est donc amené à une grande humilité, un sens du mystère, conduit à sacraliser (comment), à imaginer des rituels de remerciements et de reconnaissance comme le fait l'animisme. 

J'ai noté le rejet de la collapsologie, perçue comme trop négative; évidemment, un usage positif de cette "science" n'est pas envisagé, comme le fait Pablo Servigne, avec la collapsosophie. Et pourtant, plein de pistes intéressantes sont proposées dont l'éco-féminisme, la place des femmes, au sens de détentrices des savoirs instinctuels, des sorcières (mot nullement péjoratif), du féminin sacré dans cette recherche d'équilibre, d'harmonie avec la Nature, avec le reste du vivant, du Vivant.

Quant à Marc Halévy, très intéressant par ailleurs, il me semble rester dans le paradigme techno-scientifique, évoquant l'inéluctabilité suite à la robotisation de la transformation-disparition de quantité de métiers, médecins, avocats..., évoquant la possibilité via la fusion d'accéder à des petits soleils chez soi (le rendement de la fusion serait, dixit Barreau, de 3%, les 97% restants servant à faire fonctionner l'énorme machinerie accompagnant cette production). Son éloge du capitalisme entrepreneurial me semble aussi discutable. C'est exactement ce que le 1° de cordée a fait croire avec son programme de révolution de la start-up France. On voit où cette conception managériale d'un pays nous a conduits.

Comme le temps nous est compté et conté (car c'est nous qui nous racontons les histoires, c'est nous qui les écrivons, et ce faisant nous nous racontons des histoires, car raconter une histoire c'est se raconter une histoire, on y croit et pourtant ce n'est pas croyable, ce qui n'enlève rien au pouvoir sans doute considérable des croyances), il faut bien opter pour une histoire. 

J'opte à cette étape pour celle-ci : moi (petit moi, tout tout petit moi), l'individu JCG, je n'ai aucune raison d'être qui me serait extérieure, je suis arrivé au monde avec un donné initial issu de toutes sortes d'histoires, familiales, nationales, culturelles, je suis mortel et tant que je suis vivant, je suis unique; dans cet horizon de ma mort, que puis-je faire d'autre que vivre ma vie au sens où l'ami Montaigne l'entendait (pour moi, donc j'aime la vie, tout bon, il a fait tout bon; notre grand et glorieux chef d'oeuvre c'est vivre à propos; toutes autres choses, régner, thésauriser, bâtir n'en sont qu'appendices et adminicules pour le plus). Je vais essayer d'être de plus en plus cosmopoli. Courtois avec tout ce qui vit, pierres y comprises, et paysages. Visages aussi.

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le jour d'après/nature et culture/JCG

12 Avril 2020 , Rédigé par grossel Publié dans #SEL, #jean-claude grosse, #écriture

Claude Lévi-Strauss, Françoise Héritier, Rousseau, Marshall Sahlins, Pierre Clastres, Sébastien Bohler, Marcel Conche, David Bohm
Claude Lévi-Strauss, Françoise Héritier, Rousseau, Marshall Sahlins, Pierre Clastres, Sébastien Bohler, Marcel Conche, David Bohm
Claude Lévi-Strauss, Françoise Héritier, Rousseau, Marshall Sahlins, Pierre Clastres, Sébastien Bohler, Marcel Conche, David Bohm
Claude Lévi-Strauss, Françoise Héritier, Rousseau, Marshall Sahlins, Pierre Clastres, Sébastien Bohler, Marcel Conche, David Bohm
Claude Lévi-Strauss, Françoise Héritier, Rousseau, Marshall Sahlins, Pierre Clastres, Sébastien Bohler, Marcel Conche, David Bohm
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Claude Lévi-Strauss, Françoise Héritier, Rousseau, Marshall Sahlins, Pierre Clastres, Sébastien Bohler, Marcel Conche, David Bohm

Claude Lévi-Strauss, Françoise Héritier, Rousseau, Marshall Sahlins, Pierre Clastres, Sébastien Bohler, Marcel Conche, David Bohm

Voilà ce que propose « Le Jourd’après_01 » : non pas une plateforme collaborative de propositions de ceci ou de cela, mais un gigantesque atelier d’écritures, un cahier ouvert d’expériences et de rêves, un champ de possibles où butiner, etc.

Une prolifération. Un arbre à palabres où chacun.e doit se sentir autoriser à déposer une graine.

Tout est à inventer. Avec le ressac de certaines voix du passé, aussi bien. Dans la houle de ce Tout-monde dont nous parlait Édouard Glissant.

Un concile éclairant pour nous préparer à gouverner le futur, dans la biodiversité de nos existences et le respect de la planète qui nous offre l’hospitalité.

Nous ne voulons plus rien conquérir d’autre que la dignité d’être.

En confinant les indices de performance qui réduisent le sens du vivant à peau de chagrin, nous entendons écrire la constitution de ce qui nous constitue.

Ce « jour d’après », nous ne le connaissons pas encore. Voilà pourquoi il est urgent et nécessaire, en voix brassées, d’où qu’elles viennent, d’en faire le récit.

L’imaginaire n’est pas performant, il est créatif.
Imaginons-nous.

le blog au jour d'après avait fait un appel à texte pour le 10 avril sur nature et culture; j'ai donc rédigé ce pensum; JCG

 

Nature et culture

 

distinction venue de l'anthropologie : la culture s'oppose à la nature ; la culture caractérise les sociétés humaines ; la fondation des sociétés humaines repose sur le tabou, la prohibition universelle de l'inceste faisant passer de l'état de nature à l'état de culture

Lévi-Strauss et Françoise Héritier sont indispensables pour assimiler cela avec des différences notoires

Lévi-Strauss découvre que la prohibition de l’inceste est universelle – avec des modalités différentes selon les sociétés, une extension différente – et qu’elle a une valeur positive, qui est de contraindre les « hordes primitives », comme on dit, à sortir de la consanguinité en choisissant des conjoints à l’extérieur du groupe, ce qui a pour effet d’instaurer le social par un climat de paix et d’échange. Ce sont les hommes qui échangent entre eux leurs filles et leurs sœurs entre groupes pour concrétiser ces alliances. La prohibition de l’inceste entraîne l’exogamie – qui est un rapport entre groupes – et le mariage est par conséquent une institution qui est à entendre pour ce qu’elle est : une institution qui unit des groupes. Il nous reste des traces de cet aspect dans le fait que c’est un des rares contrats qui soit toujours accompagné du constat familial. En plus de cela, ajoute Lévi-Strauss dans un texte fameux qui s’intitule « La famille », il ne suffit pas de garantir la stabilité de cette union entre groupes ; il faut aussi garantir la stabilité de l’union entre individus. La répartition sexuelle des tâches, affirme-t-il, sert à cela ! Chacun des individus est alors dépendant de l’autre : l’homme chasse et la femme cueille. Telle est la théorie lévistraussienne.

Françoise Héritier :

Qu’est-ce qui fait que, dès l’origine, les femmes ont été considérées comme mineures ? Je reprends ici, parce qu’ils me conviennent parfaitement, les propos d’une philosophe du XVIIème siècle, Gabrielle Souchon, qui souligne que les femmes ont été de tout temps privées de la liberté d’usage de leur corps, privées de la liberté d’accès au savoir, et privées de la liberté d’accès au pouvoir. On ne peut pas mieux résumer ! C’est bien de cela qu’il s’agit, et dans tous les cas, le premier pas concerne la possibilité de disposer de son propre corps. Ce qui nous ramène à Lévi-Strauss, et au fait que ce sont les hommes qui disposent du corps de leurs filles et de leurs sœurs.

Lévi-Strauss l’a considéré comme une donnée naturelle. Je l’ai au contraire considéré comme un donné construit par l’esprit et questionnable. La différence est là. Lévi-Strauss a eu ce point d’aveuglement, et j’ai certainement les miens qui seront vus dans vingt ou trente ans par quelqu’un d’autre ! Simone de Beauvoir a eu les siens, également : elle ne voit pas que ce n’est pas parce que les femmes font des enfants qu’elles sont mises en tutelle, mais parce qu’elles font des fils ! Si les hommes faisaient leurs fils, ce serait différent !

Les prohibitions de l’inceste elles-mêmes sont sous-tendues par de « grands schèmes universels d’organisation » – l’identique et le différent – qui constituent la base des catégories mentales qui nous servent à penser. La négation impossible de la différence des sexes (la différence des sexes est un butoir ultime pour la pensée) fait de la symbolique élémentaire de l’identique et du différent une symbolique universelle.

 

on connait le mythe du bon sauvage, cher à Rousseau ; à l'état de nature l'homme est bon, c'est la société qui le corrompt ; et c'est la propriété qui est l'origine des inégalités ; le livre âge de pierre, âge d'abondance de Marshall Sahlins a montré comment les sociétés de l'âge de pierre étaient en symbiose avec la nature même hostile ; la connaissance des sociétés premières montre comment monde matériel et monde spirituel s'articulaient, à 50%/50% : pour un animal prélevé, une offrande etc...; le chamanisme régulait les relations avec les esprits qui sont dans chaque être animé, inanimé ; de telles sociétés étaient des sociétés contre l'état (Pierre Clastres); pour Marcel Conche, l'homme aussi est naturellement bon, c'est l'inégale répartition des ressources qui engendre la violence;  bon, il ne faut pas l'entendre au sens moral, généreux, ouvert, il faut l'entendre dans le sens d'adapté à son environnement, équipé pour pouvoir y vivre (Robinson illustre bien cette capacité, il est équipé pour s'adapter à sa nouvelle vie de naufragé, réussit à survivre puis à vivre); un bon lion est un lion qui couvre 40 fois par jour ses lionnes qui chassent pour lui...

 

Françoise Héritier voit bien que la différence des sexes est un butoir de la pensée et que ça fait des millénaires que la domination masculine s'est installée, pas prête à se remettre en cause car c'est dans le cerveau par apprentissage inconscient depuis si longtemps ; 

un livre me semble à lire sur les millénaires qu'il faudra pour éventuellement en finir avec la domination masculine à cause du striatum ;

la seule façon de s'en sortir, d'après moi, c'est par le travail sur soi, en conscience et la méditation est un outil précieux dans ce travail sur soi, commençant par la respiration consciente ; mais quand 7 milliards d'humains se mettront-ils à méditer ?

 

Le Bug humain de Sébastien Bohler

Plus qu’un moment critique nous vivons une véritable tragédie. Surpopulation, surpoids, surproduction, surconsommation, surchauffe, surendettement, nous avons basculé dans l’ère de tous les superlatifs qui mène l’humanité tout droit à sa perte. Si la capacité des ressources de la planète sont comptées, alors nos jours aussi le seront… Inéluctablement.
Mais alors que la situation empire heure après heure, aucune réponse collective tangible ne vient. Nous voyons le mur se rapprocher et nous ne faisons rien. La conscience de ce qui nous attend ne semble avoir aucun effet sur le cours des événements. Pourquoi ?
Sébastien Bohler docteur en neuroscience et rédacteur en chef du magazine 
Cerveau et psycho apporte sur la grande question du devenir contemporain un éclairage nouveau, dérangeant et original. Pour lui, le premier coupable à incriminer n’est pas l’avidité des hommes ou leur supposée méchanceté mais bien, de manière plus banalement physiologique, la constitution même de notre cerveau lui-même.
Au cœur de notre cerveau, un petit organe appelé striatum régit depuis l’apparition de l’espèce nos comportements.  Il a habitué le cerveau humain à poursuivre 5 objectifs qui ont pour but la survie de l’espèce : manger, se reproduire, acquérir du pouvoir, étendre son territoire, s’imposer face à autrui. Le problème est que le striatum est aux commandes d'un cerveau touours plus performant (l’homme s‘est bien imposé comme le mammifère dominant de la planète) et  réclame toujours plus de récompenses pour son action. Tel un drogué, il ne peut discipliner sa tendance à l’excès. À aucun moment, il ne cherche à se limiter. Hier notre cerveau était notre allié, il nous a fait triompher de la nature. Aujourd’hui il est en passe de devenir notre pire ennemi.
 (Livre d'Yvon Quiniou en cours d'écriture : L'inquiétante fascination de la démesure (de l'antiquité à aujourd'hui)

 

au sens anthropologique et ethnologique la culture c'est le système de parenté, tout ce qui concerne les soins du corps, la cuisine (qui a l'art de se diffuser, se créoliser, s'hybrider, s'universaliser ; exemples : la pizza, le couscous...), les techniques au sens de Leroi-Gourhan, la langue, les représentations symboliques, mythes, récits, légendes ; la culture en ce sens-là déborde et de loin ce qu'on appelle la culture, les arts et les lettres, ce qui fut appelé le supplément d'âme et dont les gens de culture veulent que ce soit accessible au plus grand nombre, démocratisation de la culture (maximum 10%) ; je préfère ne pas aborder ce sujet tellement l'appauvrissement du milieu culturel devenu entreprise de formatage culturel, administration des esprits au service du pouvoir est indécent ; j'ai dit ce que j'avais à dire dans de l'impasse à la traverse en 2003

 

si j'essaie de placer la discussion au niveau de la métaphysique de la Nature de Marcel Conche, je serai amené à dire que l'homme est une création de la Nature, que les cultures sont les mondes créés par les sociétés comme il y a le monde de la mouche, le monde de l'araignée ; les cultures sont les umwelt (les environnements) des hommes regroupés en sociétés ; l'Histoire (récit humain a posteriori = présent se racontant son passé = en fonction donc des oeillères du présent et pas en vue de la vérité historique), les histoires des sociétés sont aussi à considérer comme la Nature à l'oeuvre, pour une très grande part inconscientes, même si l'homme croit être le maître et possesseur de la nature, maître de son récit historique ; il y a donc la nature naturée, ce qui apparaît, disparaît, par le cycle des saisons par exemple, soumis à l'impermanence et, essentiel, à la mort (justice cosmologique selon Anaximandre, réparer en mourant l'injustice faite à ceux qui dans la course à l'ovule, n'ont pu naître => heureusement qu'on meurt; acceptation de la mort, ça ce n'est pas évident pour la plupart des humains), et il y a la Nature naturante, l'englobant universel, la Nature éternelle, infinie, créatrice ; la Nature créatrice-la phusis qui aime à se cacher (Héraclite) est un enfant qui joue ; l'unité des contraires est le moteur du panta rhei, du tout change (mais prétentieux celui qui prétendrait parler de lois de l'histoire, de lois de la nature, de lois de l'évolution, de l'évolution des espèces, voulant y mettre ordre et raisons, causes et effets ; chaos et ordre plutôt et ce jeu de l'enfant ne garantit pas l'éternité à l'espèce humaine) ; depuis la bombe atomique, on sait l'espèce humaine mortelle et pas seulement les civilisations et depuis, les menaces se sont multipliées, amplifiées ; l'enfant qui joue, la Nature créatrice, crée selon de légères déviations, le clinamen d'Épicure avec ce résultat, il y a plus d'effets que la cause ou déviation initiale donc imprévisibilités, surprises ; les virus sont un exemple caractéristique de ces déviations ; non vivants, les virus de l'ordre d'une molécule, existent depuis 3 milliards et demi d'années, nous depuis 350 000 ans, 1000 fois moins et on veut leur faire la guerre ; les virus sont des moteurs de l'évolution, réservant plein de surprises ; la Nature créatrice est à imaginer comme une grande tapisserie sans unité d'ensemble, sans plan d'ensemble, comme unité inassemblable de morceaux, un puzzle ; il n'y a qu'à penser aux univers, galaxies, étoiles, soleils (des milliards de galaxies et d'étoiles et nous avec nos instruments en connaissant 100000 peut-être ; quel prétentieux veut voir un plan là-dedans ?)

 

cette métaphysique me semble intéressante parce qu'elle oblige à faire silence, à accepter de ne pas savoir, à prendre le mystère comme un mystère, sacré ou pas, chacun fait en conscience ; cette humilité devant le mystère nous protègerait de l'hubris, de la démesure qui caractérise hommes de sciences (pas tous bien sûr mais l'institution techno-scientifique), hommes d'argent (si peu philanthropes) et hommes de pouvoir (si addicts à cette jouissance), alliés contre la Vie, contre l'humanité mais Nature aura raison d'eux en ayant raison de nous tous, sauf à nous mettre debout, corps, esprit, âme. Pas gagné du tout.

il me semble donc que pour vivre, penser, imaginer, rêver ce qui vient, il est bon de remonter au premier philosophe, Anaximandre et lui associer Héraclite, Parménide; il sera bon de méditer les traductions, commentaires qu'en a fait Marcel Conche, collection Epiméthée aux PUF

 

http://les4saisons.over-blog.com/page-4418836.html

 

cette métaphysique est-elle compatible avec ceux qui croient qu'il y a une Conscience, un Souffle, un Soi, un Vide créateur ; je ne suis pas en mesure de trancher et le faut-il ?

je vois deux courants : 

- un courant qui pense comme Jung qu'il y a un Soi, un inconscient collectif, des archétypes et symboles agissant à l'insu des gens sauf des chercheurs de coïncidences, de synchronicités, les fouilleurs de rêves, de liaisons, de connexions irrationnelles souvent; le monde magique des enfants ne connaît pas les barrières et séparations que très vite les adultes s'imposent; ils voyagent légers, fluides dans des mondes réels, imaginaires, passant d'un état à un autre, très quantiques si l'on veut (Chesterton demandait pourquoi les anges volent-ils ? parce qu'ils se prennent à la légère; l'esprit de sérieux plombe le présent et l'à-venir); Jodorowsky me semble un exemple puissant de ce courant avec la psychomagie 

- un courant de la conscience qui se nourrit de traditions et pratiques d'éveil spirituel, préconisant par la méditation, par le pouvoir du moment présent de nous aligner sur la Vie, de nous installer dans l'être plus que dans le faire, de nous débarrasser tant que faire se peut de l'ego, du mental (la ritournelle qui, 24 H sur 24, nous fait ressasser le passé, craindre demain...) pour devenir co-créateurs conscients de ce qui advient

je pense que, outre le retour aux philosophes anté-socratiques, rêver ce qui vient et qui donc influe, fait advenir l'à-venir, suppose une réflexion sur les groupes et sociétés basée pour partie sur la pyramide des besoins de Maslow et pour partie sur la spirale dynamique à l'oeuvre dans l'organisation des sociétés humaines d'après le livre de Frédéric Laloux étudiant 10000 ans d'organisations humaines; de même que l'essentiel d'une culture est d'ordre inconscient, des structures agissantes à notre insu, l'essentiel dans les organisations humaines échappe aux exécutants comme aux décideurs qui décident en toute méconnaissance de causes et d'effets; on croit savoir ce qu'on décide (pour les grandes décisions, en général il y a autant d'arguments pour que d'arguments contre et le décideur choisira à l'intuition car impossible de trancher rationnellement, il n'y a pas de balance pour les bonnes décisions) et on gère des effets secondaires et pervers

https://martouf.ch/2016/12/notes-resume-du-livre-reinventing-organizations-de-frederic-laloux/

 

dernier point, s'équiper d'un modèle mental ne semble pas une mauvaise chose

https://www.cairn.info/revue-developpements-2009-2-page-49.htm

https://ucan.blog/interets-composes/

https://ucan.blog/effet-lindy/

L’effet Lindy — Modèle Mental

L’effet Lindy est un modèle mental introduit par Nassim Nicholas Taleb dans son livre Antifragile. Voici ce dont il s’agit :

Si une entreprise existe depuis quarante ans, on peut s’attendre à ce qu’elle existe toujours dans quarante ans. Mais si elle survit une décennie de plus, elle devrait toujours être là dans cinquante ans.

Les choses qui existent depuis longtemps ne vieillissent pas comme les personnes, mais vieillissent à l’inverse : chaque année qui passe sans extinction augmente leur espérance de vie. Ceci est un indicateur de robustesse. La robustesse d’une entité ou d’un objet qui répond à cette loi est proportionnelle à sa durée de vie.

En d’autres termes, les choses qui ne sont pas vivantes — les religions, les technologies, les entreprises, etc. — et qui existent depuis longtemps peuvent être considérées comme plus robustes — ou antifragiles, pour reprendre le terme de Taleb — et sont donc susceptibles de continuer à exister plus longtemps que les nouvelles choses qui n’ont pas encore passé l’épreuve du temps.

Plus quelque chose est ancien, plus il y a de chances pour qu’il soit résistant, et chaque année qui passe augmente de la même durée ses probabilités de survie dans l’avenir. L’effet Lindy n’est pas une règle scientifiquement prouvée, mais un modèle mental qui nous permet d’apprécier la robustesse d’une entité en s’affranchissant de calculs de probabilités complexes.

https://ucan.blog/ligne-rouge/

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avec une telle métaphysique, comment vivre ? avec quelle sagesse ? une sagesse épicurienne

En quoi consiste cette sagesse ? À devenir soi, en usant de sa raison et de sa volonté pour se libérer des désirs vains de pouvoir, de richesse, de gloire et même d'amour charnel, pour ne satisfaire que des désirs simples, naturels, et l'essentiel désir de philosopher qui l'a saisi très tôt quand il a voulu aller voir à 6 ans si le monde continuait après le tournant de la route. Marcel Conche ne cède pas aux sirènes de la consommation, du tourisme, des voyages, de la « culture » spectaculaire, de la mode (des effets de mode, y compris intellectuelles). Il juge par lui-même en argumentant, contre-argumentant, ce qui le conduit à des positions singulières, les siennes, et singulières par rapport à l'esprit du temps (sur l'avortement, sur la guerre en Irak, les interventions des pays démocratiques en Libye, en Syrie, sur le suicide en fin de vie, sur la grandeur ou petitesse des hommes politiques).

Marcel Conche, l'Épicure d'Altillac, n'a pas de disciple, c'est un solitaire aimant la discussion épisodique avec des amis, (ses amis les plus fidèles sont des philosophes grecs : Héraclite, Parménide, Anaximandre, Épicure, Lucrèce, et Pascal, Montaigne ; il a dû renoncer à écrire sur Empédocle), aimant la nature, les paysages de Corrèze, les flots toujours renouvelés de la Dordogne, les figuiers qu'il a plantés et arrose, les chats errants qu'il nourrit sans s'attacher à eux. Sa maison d'enfance n'est plus celle qu'il a connue, elle a été transformée, il s'en accommode. Marcel Conche est un insoumis qui réussit à avoir avec son œuvre une audience et sans doute une influence ne dépendant pas des médias.

"À l'écart de l'agitation, dans le Jardin d'Épicure où sont cultivés les désirs naturels et nécessaires, la sagesse, l'amitié et l'absence de superstitions, s'épanouit une joie qui n'attend pas... L'épicurisme fleurit ainsi dans un coin perdu de Corrèze. Nous sommes chez Marcel Conche, la table est mise pour un banquet épicurien. Des amis y conversent comme dépourvus d'avenir, tant la minute présente leur paraît complète ; tels « des humains vivant la même vie dans le même esprit, et complices de leur mutuel bonheur. » Les Belles Lettres.

superbe extrait de Lucrèce : De la nature

https://soundcloud.com/editionslesbelleslettres/lucrece-de-la-nature

 

 

Jean-Claude Grosse, Le Revest, 10 avril 2020

pour rêver le jour d'après en remontant très loin dans le temps
pour rêver le jour d'après en remontant très loin dans le temps
pour rêver le jour d'après en remontant très loin dans le temps
pour rêver le jour d'après en remontant très loin dans le temps
pour rêver le jour d'après en remontant très loin dans le temps
pour rêver le jour d'après en remontant très loin dans le temps

pour rêver le jour d'après en remontant très loin dans le temps

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Mayacumbra / Alain Cadéo

28 Mars 2020 , Rédigé par grossel Publié dans #jean-claude grosse, #notes de lecture

Mayacumbra / Alain Cadéo

Mayacumbra

Alain Cadéo

Editions La Trace, 2019

 

La lecture de ce roman d'Alain Cadéo, 417 pages, m'a pris environ quinze jours mais j'ai lu en un jour les 150 dernières pages. Parce que ça s'emballe. Un mauvais pressentiment. Et il suffit de penser mauvais pressentiment pour que ça arrive. Car le réel n'est que la projection, la réalisation de nos pensées, désirs, rêves. On est en pleine moussemouise aussi, quantique. Ce qui n'était pas se met à exister parce qu'un désir le fait exister. Désirs de vie, désirs de mort, éros et thanatos. 

Mayacumbra est le roman d'un éveillé. Cela est rare. Cela donne lieu à des bonheurs d'écriture innombrables. Un éveillé c'est-à-dire un homme qui sent, éprouve, vibre, au plus intime, du plus infime à l'infini, du moment présent, ici et maintenant à l'éternité installée dans ce moment présent, un homme qui ressent combien tout est relié parfois en harmonie, en grâce, en beauté, parfois en chaos, en conflit, en violence. C'est la qualité d'éveil de l'homme qui est le tremplin de l'écriture, inspirée, traversée de l'écrivain. Qui écrit ? L'homme, l'écrivain, la Voix derrière, la Source, la Bouche d'Ombre, la Bouche de Lumière, le Vide à haut potentiel d'où tout jaillit en fragmentation comme lave d'un volcan, la corne de Dieu.

Mayacumbra c'est une géographie à 4 niveaux, 

  • la forêt humide où vivent les hommes invisibles, sans doute une tribu primitive, très organisée, adaptée à ce milieu, ce climat d'insectes, de serpents, d'animaux venimeux et d'oiseaux comme les ibis, aux environs de 1000 mètres d'altitude

  • la zone tampon, faite d'arbustes, buissons, herbes de toutes sortes, une sorte de bush entre 1000 et 1500 m

  • la zone du volcan éteint, la corne de Dieu, entre 1500 et 2300 m avec 3 étages / l'étage de la source qui, abondante, transforme le bas en bourbier, on patauge dans la boue à Mayacumbra, / la plateforme à 2000 m, où le jeune Théo, 27 ans, va s'installer, construire sa cabane, son refuge en bois puis l'habiller de pierres du volcan, choisies et jointées par ses mains et au-dessus jusqu'au sommet, jusqu'au cratère, / une zone de laves sèches, sans végétation

  • et si avec un camion, on descend la piste sinueuse puis la route droite, on arrive à la ville à environ 50 kms de Mayacumbra, fin de piste, rien après, cul de sac ; la ville et ses trafics, ses marchés, ses plaisirs monnayés, ses tentations, ses mystères et secrets (celui de Lisbeth)

Mayacumbra, ce sont de drôles de zozos, de drôles d'oizeaux, des hommes cabossés, en fuite, au bout du rouleau, au bout de la piste, en quête d'absolu, d'argent, d'émotions fortes, d'invisibilité, d'amour, de chair humaine ; s'y côtoient les contraires qui s'assemblent, les semblables qui se supportent jusqu'à ce que ça craque ; je ne donnerai pas leurs noms ; il y a une vraie jubilation à les découvrir ainsi que leur portrait, leurs actions, leurs interactions ; il y a deux femmes, la chinoise et Lita, la magnifique Lita, jeune femme entre trois mondes, médiatrice entre la forêt et le volcan, entre le marais et le bush, femme entre deux hommes, parlant d'elle à la 3°personne quand elle monte à la cabane voir celui qui se considère comme le gardien du volcan, Théo, le bâtisseur, contemplatif et actif « tu lui liras ? tes mots lui font du bien ; elle se souvient de tes phrases ; en bas elle se les récite ; c'est comme une prière »là-haut, à 2000 m, sur une plateforme protectrice, la solide cabane qu'a construite Théo, 27 ans ; il cultive son jardin, cherche des pierres, aime Lita (il la rêve, elle viendra à lui), il tient son cahier de formules comme Montaigne en sa librairie, il sculpte érotiquement les poteaux porteurs de son refuge en compagnie de Ferdinand, l'âne; il est le facteur Cheval, le Gaudi du volcan.

Mayacumbra, c'est un roman de confinés aux confins du monde quand la vie, résumée aux petites habitudes, aux détails du quotidien pesant, soudain devient Vie par la part divine en nous, la part du jeu, de l'invention, de la créativité, la part du rêve éveillé, la part d'une graine qui envahit tout (le corps, le coeur, l'âme, l'espace) puis disparaît aussi vite qu'elle est apparue, la joie, quand aussi se déchaîne le Mal, la violence, la mort atroce, infligée par des hommes, quand enfin le feu, destructeur et salvateur à la fois, du volcan, bien vivant, de très ancienne mémoire, se déverse en lave en fusion emportant tout sur son passage, y compris la cabane et statufiant Théo. 

C'est un roman de vibrations (p. 248) et pour l'écrire, il faut être un diapason et au diapason.

retour sur Mayacumbra : on ne se débarrasse pas d'un tel roman en une note de lecture puisque lire c'est écrire l'oeuvre 
la mort est fort présente à la fin et c'est par ce thème que se termine le roman
Mayacumbra se termine par la lavification, la pétrification de Théo, gardien auto-proclamé du volcan et qui avait su, pu tisser des liens (vibratoires, au diapason) avec lui
avant l’éruption, une série d’assassinats particulièrement cruels, à froid, sadiques au possible, 3 assassins, 3 sortes d’assassins, Arnosen, le muet, Solstice, trois sortes de motivations
le nettoyage a été fait par Solstice, on peut penser que l’écrasement du muet libèrera le village mais l’absence d’Arnosen prive le village d’une sorte de régulateur, protecteur
survit Solstice qui, sûr, va se barrer; il a l'étoffe pour une nouvelle vie
Théo, le poète, le bâtisseur, statufié par la lave en fusion, se retrouve vite au milieu d’un petit jardin fertilisé par la lave (c’est toujours les fougères qui apparaissent en 1°, 3-4 ans après, vu à La Réunion)
par sa mort, il devient légende et protecteur bien plus efficace de cette zone entre 1500 et 2300 m car hommes invisibles de la forêt et petits blancs du village craignent les légendes, toujours chargées de menaces
l’éruption n’est pas rétablissement d’une justice immanente, elle coïncide avec des événements humains, une séquence violente et cruelle, l’éruption détruit et fertilise; le poète-bâtisseur est victime consentante par son obstination à monter, comme un sacrifice
il acquiert une dimension de légende par la parole d’autrui; d’être de chair, de poète avec ses mots, de bâtisseur avec ses mains, il devient poète de légende, porté par les mots des survivants et de leurs descendants, il s’est multiplié (il est multiplié) comme les petits pains; sa légende est à l'opposé de ce qu'il a été; vivant, c'est un voyant; pétrifié, c'est un rebrousse-chemin, un épouvantail
le paradoxe de ce roman est que ça finit « mal » alors qu’on avait affaire à un personnage fabuleux Théo, nous faisant aimer, la Vie, la Joie, l’infini, l’éternité, le présent et la présence, amoureux délicat, presque à l'ancienne; et tout bascule suite à un mauvais pressentiment, tout bascule dans la mort donnée à coeur joie et dans la mort donnée sans état d’âme (quoique) par le volcan
le roman nous laisse sur un mystère, le sort de Lita, la femme magnifique parlant d’elle à la 3° personne, comme absente d’elle-même alors qu’elle est si présente, si vivante au contact de Théo; on a aimé, on aimera encore cette chimère; bienvenue Lita dans les rêves où je t'inventerai

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Tu m'as donné de la crasse et j'en ai fait de l'or / Pacôme Thiellement

23 Février 2020 , Rédigé par grossel Publié dans #notes de lecture, #jean-claude grosse

Tu m'as donné de la crasse et j'en ai fait de l'or / Pacôme Thiellement

Tu m'as donné de la crasse et j'en ai fait de l'or

Pacôme Thiellement

Massot Éditions, 16 janvier 2020

 

Tu m'as donné de la crasse et j'en ai fait de l'or de Pacôme Thiellement est un récit initiatique nourri des souffrances de l'auteur, en amour, en amitié, professionnellement, politiquement, dans le milieu familial, dans son corps, sa sexualité, ses voyages hors du corps, dans ses rêves et cauchemars … souffrances provoquées par ce paradoxe : nous aimons ce que nous n'aimons pas, nous voulons ce que nous ne voulons pas, nous savons ce que nous ne savons pas... ; nous sommes complètement à l'ouest, complètement à côté de la plaque, nourrissant les riches, les politiques, les célébrités, les journalistes main-stream qui nous chient dessus et nous bouffent et avec nous, les animaux, les végétaux, la Terre, en bouffant leur bouffe industrielle et empoisonnée, en allant voter, manifester, en regardant leurs émissions débiter leurs mensonges, en les enviant tout en leur en voulant. Focalisés sur ce qu'ils nous présentent, proposent, nous passons à côté de l'essentiel, notre pouvoir, le pouvoir d'aimer ce que l'on aime, de vouloir ce que l'on veut, de savoir ce que l'on sait, de faire ce que l'on fait, d'être ce qu'on est. S'appuyant sur l'art de la guerre de Sun Tzu, sur les 36 stratagèmes (Traverser la mer sans que le ciel le sache,  Assiéger Wei pour secourir Zhao, Assassiner avec une épée d'emprunt,  Attendre en se reposant que l'ennemi s'épuise, Profiter de l'incendie pour piller et voler, Bruit à l'est / attaque à l'ouest), sur les textes de la bibliothèque Nag Hammadi, découverts en 1945, écrits gnostiques fondant ce qu'il appelle la révolution gnostique ou La Victoire des Sans Roi (titre paru aux PUF en 2017), il décrit comment petit à petit, il s'est construit comme un guerrier d'un type particulier parce que le bonheur est un art de la guerre mené pour devenir comme dit Krishnamurti, mais aussi l'ami Marcel Conche dans son dernier livre La nature et la beauté p.30-31, indifférent, je me fiche de ce qui peut arriver, apprendre à « se foutre des choses sans cynisme, sans désespoir, avec une gentillesse sincère, une générosité authentique, une bienveillance totale » (pour Marcel, la bonté est la vertu suprême p.31), que cela arrive dans le monde ou nous arrive, rupture d'amour, d'amitié, échec professionnel, fin du monde en cours, politique du désastre et du chaos... ; sur fond de ce détachement, de cette indifférence peut se développer notre capacité à transformer, à transmuter la crasse en or ; un échec amoureux étant transmuté en amour de l'Amour (c'est moi qui brode), de multiples non-bandaisons ou troubles de l'érection étant transmutées en accueil de la part féminine (voilà une dimension qui semble avoir échappé à Pacôme, je la lui signale), des trahisons d'amitié étant transmutées en vigilance (de quels amis ai-je vraiment besoin, très rares nécessairement ; là encore, une dimension me semble lui échapper, la nécessaire solitude tendant vers le silence / apprendre à fermer sa gueule / Pacôme est pour le moment intarissable)... L'arme du combat avec et contre le monde du miroir, le monde du Démiurge, le monde de la culpabilité, de la participation à la mise à mort du vivant (entendre les cris des animaux conduits à l'abattoir devrait suffire à nous faire renoncer à la viande, manger cette vie violentée puis transformée en mal bouffe c'est accepter de devenir viande violentée à son tour), de la vie dont la nôtre, c'est le boycott, en premier de la télé, éteindre sans chercher à justifier, à sauver quelques émissions, boycott de la viande, de la mal bouffe, boycott du vote et de tout combat soi-disant politique ; ne pas ajouter de la violence à la violence ; non-violence, désobéissance. 

Dans ce récit très intime, convoquant de grandes traditions spirituelles et guerrières, il y a deux moments particulièrement forts et émouvants, la mort de sa chatte, Yume et celle de son père. Par le fait de les avoir vus, après leur mort, il est amené à donner une interprétation de l'expression « ressusciter dans la vie ». Dans l'évangile de Philippe, Jésus dit « ceux qui disent qu'on va mourir et ressusciter ensuite sont dans l'erreur ; celui qui n'est pas ressuscité avant de mourir ne connaît rien et il mourra. » Il continue de parler à sa chatte, avec son père ; ce dialogue vivant avec les morts est l'occasion si on aime ceux qu'on aime de transmuter la souffrance du deuil en amour car ce que les morts nous transmettent, c'est de l'amour, ils sont devenus amour, force agissante, de l'or.

Pacôme Thiellement a 45 ans. Son univers est foisonnant, ses références surprenantes ; c'est un enfant de certaines BD, de Twin Peaks, des Beatles ; c'est un touche à tout, musique, écriture, cinéma. Il a une bonne pratique des réseaux, de certains médias, pas main-stream, il sait faire parler et parler de ce qu'il fait. Son livre me propose une vision du monde et de ce que nous pouvons y faire qui ne correspond pas à ce que je suis devenu avec presque 35 ans de plus mais à celui que j'ai été, un guerrier pour ce qui me semblait juste, que ce soit comme professeur de philosophie ou comme directeur d'un projet artistique ou comme citoyen engagé dans la vie publique (jusqu'en 2008). 

Le projet de transformer la merde en or, la crasse en or, la boue en or (Baudelaire dans l'épilogue de Mon coeur mis à nu)  suppose 

d'abord de croire que le monde est de la merde (je l'ai cru jusqu'à il y a peu, l'arrivée de mic€on, de trump, bolsonaro au pouvoir me renforçant dans mon dégoût de ce monde mais je ne vois plus les choses ainsi; arrivés au pouvoir par des élections, ils y sont avec le soutien des gens les ayant choisis; les souffrances infligées au corps social, à la planète, volontaires, peuvent, doivent être conscientisées individuellement et collectivement pour une élévation de conscience), suppose 

ensuite un changement de regard, un changement de vision, une exégèse de la vie, de sa vie qui met l'accent sur un combat, nécessaire, vital, donnant sens, direction à la vie, à sa vie; le bonheur est un sport de combat, la justice, l'égalité sont des sports de combat avec leurs règles, leurs objectifs... 

Il me semble que mon cheminement spirituel, plus récent que le sien, a pris d'autres voies. Appuyé sur ma « compréhension » de la métaphysique de la Nature de l'ami Marcel Conche, presque 98 ans, sur les connaissances apportées par la science la plus récente en lien avec l'épigénétique (je suis une master-class de Bruce Lipton, La biologie des croyances, passionnante) et surtout interpellé par la question transmise par l'épousée dans son testament oral le 29 octobre 2010 « je sais que je vais passer, où vais-je passer ? », c'est métaphysiquement que j'ai cherché ; de l'évidence du never more (ce qui est passé est passé) se transformant en for ever (il sera toujours vrai que ça a eu lieu), je suis allé vers l'éternité d'une seconde Bleu Giotto, j'ai rencontré par livres et méditations Deepak Chopra, Eckart Tolle et d'autres pour m'intéresser aujourd'hui aux enseignements de Jean Yves Leloup qui lui aussi a une grande connaissance des textes gnostiques et en fait un usage différent de Pacôme. 

Mon renoncement définitif à la radio, à la télé remonte au 11 septembre 2001. J'ai compris dans les 5' aux commentaires de France Inter qu'on était en pleine manipulation. J'ai écrit un théâtre à vif là-dessus. Mon militantisme révolutionnaire a duré 12 ans (1969-1981). J'ai pratiqué l'abstention deux fois (2° tour de 2002 et 2° tour de 2017). Ce sera systématique dorénavant. J'ai mis trop de temps à admettre que la politique est ce qu'elle est, le lieu des luttes de pouvoir toujours au service des riches, des puissants, élites, oligarchies, les valeurs et programmes ou promesses ne servant qu'à gruger les gogos que sont les électeurs votant pour des représentants donc se dépossédant de leur pouvoir constituant. Je suis devenu favorable au RIC. Le renoncement à la viande, au foie gras remonte à 2015. Très méfiant vis à vis du veau d'or, l'argent, ce que j'ai aimé, voulu, réalisé, je l'ai fait bénévolement, création du festival de théâtre du Revest-direction artistique de la Maison des Comoni (1983-2004), Les Cahiers de l'Égaré depuis 1988 en lien avec deux mandats de conseiller municipal (1983-1995). Sur le plan amoureux, j'ai opté pour la durée, la fidélité (46 ans de vie commune, sans ennui, avec hauts et bas, petites trahisons, pardons, mises en mots des malaises...)

Marcel Conche va vers 98 ans. Jean Yves Leloup a 70 ans. Je vais sur 80. Pacôme qui a déjà beaucoup cheminé, cheminera encore, vers une vision moins dualiste, plus Une. Et vers le silence dans la solitude. Guerre ou paix.

Jean-Claude Grosse

23 février 2020


 

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Une révolution sexuelle ?/ Laure Murat

3 Janvier 2020 , Rédigé par grossel Publié dans #jean-claude grosse, #poésie, #écriture, #notes de lecture

Une révolution sexuelle ?/ Laure Murat


Une révolution sexuelle ?

Réflexions sur l'affaire Weinstein

Laure Murat

collection Puissance des femmes

Stock

 

Ce livre est sorti en décembre 2018. Il a été écrit entre Paris, 25 décembre 2017 et Los Angeles, 4 juin 2018, collant à l'actualité de l'affaire Weinstein, 5 octobre 2017 (révélations de plusieurs femmes sur les comportements sexuels et dominateurs de Harvey Weinstein, publiées par le New York Times) - 25 mai 2018 (arrestation d'Harvey Weinstein).

Laure Murat enseigne à UCLA (l'université de Californie à Los Angeles). Dans le cadre d'un séminaire De l'affaire DSK à l'effet Weinstein. Sexe et politique en France et aux USA, au printemps 2018, elle a échangé de nombreuses informations et discuté en profondeur avec ses étudiants.

Ce livre est donc l'occasion de comparer les réactions dans deux pays suite à ces révélations et procès et de confronter les points de vue de deux générations dont la génération 2.0, celle des réseaux sociaux sur les faits évoqués impliquant personnes influentes et institutions puissantes, faits sociaux globaux selon la définition de Marcel Mauss

(« Les faits que nous avons étudiés sont tous des faits sociaux totaux, c’est-à-dire qu’ils mettent en branle dans certains cas la totalité de la société et de ses institutions (potlatch, clans affrontés, tribus se visitant, etc.) et dans d’autres cas seulement un très grand nombre d’institutions, en particulier lorsque ces échanges et ces contrats concernent plutôt des individus. » Marcel Mauss, Essai sur le don)

Contexte de lecture. J'ai lu cet essai en 3 jours, fin décembre 2019, soit un an après la parution et en pleine activation de l'affaire Gabriel Matzneff, avec l'annonce de la parution du livre Le consentement de Vanessa Springora chez Grasset. Quelques semaines avant, c'était l'affaire Adèle Haenel suivie des réactions féministes contre les hommages à Roman Polanski avec la sortie de son film J'accuse et le comportement ambigu de Costa-Gavras, président de la Cinémathèque françaiseLe contexte, c'est aussi le combat contre les féminicides (149-150 en 2019 en France), le Grenelle contre les violences conjugales dont les résultats sont très en-dessous des attentes des associations oeuvrant sur le terrain. Je l'ai donc lu dans un contexte très agité, très polémique car les « accusés » ne sont pas sans réactions. Lire par exemple la lettre de Gabriel Matzneff à V., parue dans L'Express. Ils ne font pas amende honorable, ne s'excusent de rien, ne demandent pas pardon et semblent intouchables. Ils ont accès aux médias, trouvent des défenseurs.

 

https://www.lexpress.fr/culture/livre/gabriel-matzneff-ce-livre-je-ne-le-lirai-pas_2113239.html

 


 

 

 

A propos du cas Matzneff, j'ai publié ce matin sur Twitter un petit thread, en écho à la récente et utile chronique de Mathilde Serrell

https://www.franceculture.fr/emissions/la-theorie/la-transition-culturelle-du-jeudi-26-decembre-2019

Comme il semble que les lectrices et lecteurs le trouvent utile, je me permets de le reprendre ici. 

Mathilde Serrell invitait donc, l'autre matin, à se pencher sur la manière dont l'éloge de la transgression aurait changé de camp, en devenant aujourd'hui l'étendard de la pensée conservatrice. Cela me suggère trois séries de remarques.

1. D'abord, c'est vrai : la critique de "l'ordre moral" est devenue l'un des arguments préférés de ceux qui défendent la préservation des hiérarchies et des dominations existantes. Dès lors, l'éloge de la transgression trouve facilement à s'insérer dans la rhétorique plus générale de "l'incorrection politique" dont se revendiquent les tenants du camp conservateur.

Pour autant, je ne crois pas qu'on puisse en déduire a contrario que la transgression ait été, dans les années de l'après-1968, un étendard progressiste ou une catégorie de l'émancipation. Pour le dire simplement : l'idée de transgression est inséparable d'une référence à la loi que l'acte transgressif vient à la fois briser et élever à une forme de dignité supérieure - si ma liberté consiste à transgresser, alors elle trouve la loi pour aiguillon et pour foyer. On trouve cela assez bien dit dans le texte "Préface à la transgression" que Foucault consacre à Georges Bataille, en 1963 (à une époque où pourtant Foucault est encore assez bataillien) : il y a un pas de deux entre transgression et limite qui ne se laisse pas dénouer. Et s'agissant de Foucault, on pourrait dire que La Volonté de savoir en 1977 est un livre entièrement consacré à la critique de l'idée selon laquelle l'émancipation pourrait s'exercer dans la forme de la transgression. En bref : si l'éloge de la transgression sert aujourd'hui à justifier les positions les plus indéfendables, ce n'est pas d'hier que cette catégorie apparaît suspecte, par les volte-face qu'elle autorise avec l'amour de la loi.

2. Si basculement historique il y a, je ne le situerais donc pas dans ce renversement où l'idée de transgression serait passée de gauche à droite. Il me semble que pour le décrire il faudrait retracer deux transformations profondes dans l'économie du discours. La première transformation concerne la relation entre les concepts de désir et de consentement, et la façon dont ils ont pu être politiquement mobilisés. a) Le discours sur la libération des moeurs auquel on reproche d'avoir rendu possible une forme de bienveillance envers la pédophilie ne s'articulait pas tant en termes de transgression qu'en termes de libération du désir (et d'un désir délié de la référence psy à la Loi). b) Et face à ce discours, la référence au consentement pouvait apparaître comme compromise avec un ordre juridique qui (il est important de le rappeler) différenciait la majorité sexuelle selon qu'elle concernait les relations hétéro- ou homosexuelles. A mon sens, on ne comprend pas comment l'éloge de la pédophilie a pu se placer dans le sillage de la lutte pour les droits des homosexuels, si l'on ne se souvient pas comment l'ordre juridique établissait une continuité entre homosexualité et pédophilie (selon une disposition de 1942 qui ne sera abrogée qu'en 1974, il ne pouvait être donné de consentement valable pour un acte à caractère homosexuel qu’à partir de l’âge de 21 ans, alors qu’il était de 13 ans pour les actes hétérosexuels). C'est pourquoi la revendication d'abaissement de l'âge du consentement était l'un des chevaux de bataille de la lutte pour les droits des homosexuels, en France comme au Royaume-Uni (cf le 1er album de Bronski Beat : "The Age Of Consent")

On voit assez bien malheureusement comment, de cette affirmation du désir contre les restrictions abusives que le droit imposait au nom du consentement, certains ont pu glisser vers l'idée que la satisfaction du désir pouvait se passer de l'épreuve du consentement.

3. Deuxième transformation : les années 1970 sont, me semble-t-il, traversées par une critique des effets répressifs de la notion d'enfance, au nom d'une affirmation de la jeunesse comme sujet politique. L'idée est alors que l'enfance, et l'assignation à l'enfance, est une façon de renvoyer toute la jeunesse à sa minorité politique et de la condamner au silence (Lyotard le rappelle souvent : l'infans, c'est celui qui ne parle pas, etc). Là encore, on voit bien comment la critique de la catégorie d'enfance au nom du droit de la jeunesse à s'exprimer, à vivre et à agir, a pu être instrumentalisée et devenir une sorte de blanc-seing pour se comporter, vis-à-vis d'enfants, comme vis-à-vis d'adultes.

En bref, à mon sens, sur leur versant progressiste les années 1970 ont été non vouées au culte de la transgression, mais traversées par une double référence au désir et à la jeunesse, et par une double défiance envers l'encadrement juridique du consentement et l'instrumentalisation politique de l'enfance. C'est cet héritage problématique qu'il nous faut aujourd'hui réévaluer profondément - parce que d'abord, et comme en boomerang, la parole des concerné.e.s vient poser tout autrement la question du consentement et celle de l'enfance, interroger la façon dont l'éloge du désir peut verser dans le monologue, se renverser en injonction et présumer du désir de l'autre.

Et l'on voit bien comment, pour cette tâche, la vitupération qui fait de la pédophilie la métonymie des errements des années 1970, et l'éloge de la trangression ou de la part maudite que l'on ne saurait plus aujourd'hui accueillir, sont l'avers et l'envers d'une même médaille ternie, inutile et fossile.

https://journals.openedition.org/clio/12778

Valérie Marange : Merci pour cette analyse.Je me demandais ce que devenait actuellement la notion de "pédérastie", si courante encore dans ces années et qui indiquait un rapport entre un initiateur et un initié, , lié à une forme de transfert pédagogique sur le modèle grec, et qui est en partie ce à quoi s'en prenaient les lois anti-homosexuelles du 20 eme siècle, les homos étant accusés de pervertir la jeunesse. Que fait on aujourd'hui de cette notion de "jeunesse" dont tu parles, si les pubères sont considérés comme des "enfants" et les majeurs qui ont des relations avec des mineurs comme des "pédophiles"? Si d'autre part cliniquement il est bien clair que la "séduction" infantile ne saurait être considérée comme appelant autre chose que de la tendresse, que dire de la séduction adolescente, vis à vis des enseignants par exemple? Les années 70 sont aussi celles de l'affaire Gabrielle Russier pour laquelle les notions de "sexe" et d'"emprise" ne semblent guère appropriées.

sur l'affaire Gabrielle Russier

http://les4saisons.over-blog.com/article-19639102.html

Cet essai m'a révélé des histoires sordides, des affaires à grand retentissement. Je ne fais que les nommer, l'affaire Larry Nassar, l'affaire du docteur Tyndall. Ce qui est à noter, c'est le fonctionnement de la judiciarisation de la société américaine au travers des clauses de confidentialité dans les contrats privés (dont Weinstein a su faire une arme ; tenues à la confidentialité, les actrices, devenues victimes, ne pouvaient révéler ce qui leur arrivait) et de la gestion des dommages potentiels (dont la finalité est la protection des institutions et non des victimes, ce qui fait qu'une université verse 500 millions de dollars aux 332 victimes déclarées de Nassar, ainsi l'université échappe au procès et à ses responsabilités).

La comparaison entre les deux pays après #metoo peut se ramener à la question : y a-t-il une exception française ? La galanterie à la française autoriserait-elle ce que semble interdire le puritanisme américain ? Le déclencheur fut une tribune dans Le Monde du 9 janvier 2018 « Nous défendons la liberté d'importuner, indispensable à la liberté sexuelle » signée par 100 femmes issues du milieu de la culture dont Catherine Millet et Catherine Deneuve. Tribune de revendication bourgeoise d'une liberté individuelle face aux accidents de la galanterie et aux risques du libertinage, parue juste après la célèbre déclaration d'Oprah Winfrey aux Golden Globes le 7 janvier 2018, déclaration universaliste et humaniste, dénonçant un système politique et une structure d'oppression (des femmes, des travailleuses, des noirs et ethnies minorées). 

La galanterie française fait partie d'un mythe, l'art de vivre à la française, attrape-nigauds pour touristes dévastateurs, Paris étant la 1° destination touristique du monde mais aussi Toulon, sa rade pour croisiéristes et tout un tas de coins touristiques de France. Mythe donc pour vendre les produits français, remplir des hôtels, des restaurants...

L'art de vivre à la française, c'est la douceur de vivre, la gastronomie, la qualité des vins et fromages, les arts de la table, la haute couture, l'élégance vestimentaire, le raffinement des moeurs, le commerce de l'esprit, la courtoisie, l'exceptionnel patrimoine. Cet art de vivre est un peu passéiste, nostalgique d'hier, méfiant de demain, partisan du présent, du feu de la conversation et du plaisir partagé de la table (surtout avec des homards et de grands vins).

Ce mythe, toujours actif car un mythe national est fait pour produire des effets dans le réel, envie d'agir et confiance dans ces valeurs, est balayé dès qu'on regarde la réalité historique et sociologique.

La France est un des derniers pays à donner le droit de vote aux femmes (1944) qui resteront mineures jusqu'en 1965 dans la loi matrimoniale. Les conquêtes des femmes dans la société française ont été laborieuses et justifient ce questionnement : et si la galanterie française était une habile façon de mettre sous tutelle les femmes, de les maintenir en situation d'infériorité alors même que cette fameuse galanterie se résume à l'homme propose, la femme dispose. 

L'art de vivre à la française ne concerne pas l'ensemble de la société, trop disparate, trop divisée, clivée. L'art de vivre à la française concerne surtout la bourgeoisie, les classes supérieures, les « élites », culture de distinction au sens de Bourdieu.

La culture populaire, chansons, cinéma, théâtre de boulevard véhicule une toute autre image de la femme et les féministes s'en donnent à cœur joie avec par exemple le sexisme de la langue française que l'académie française ne s'empresse pas de changer, de féminiser ou et de démasculiniser (le masculin l'emporte sur le féminin dans les accords depuis 1647).

La langue est de toute évidence un véhicule structurant des inégalités. Les femmes sont facilement traitées de putes, de salopes, les hommes sont des séducteurs... Vaste chantier.

Comme elles s'en donnent à coeur-joie avec un malin qui lui aussi s'en donne à coeur-joie, Orelsan (chapitre 4 où il est aussi question de Bertrand Cantat), auteur d'un rap Sale pute dont il est difficile de dire si c'est du lard ou du cochon, du 1° ou du 2° degré, ambiguïtés entretenues par le chanteur ce qui rend difficile toute action en justice. Il a gagné contre les féministes en appel.

La différence des sexes, butoir ultime de la pensée selon Françoise Héritier, théorisée par Lacan naturalise ce qui n'est peut-être qu'une fabrication culturelle, idéologique, justifiant ainsi l'inégalité des sexes, leur asymétrie et leur impossible rencontre.

L'entretien avec François Héritier ci-dessous est fort éclairant. Claude Lévi-Strauss et Françoise Héritier, différences d'approches

 

https://www.cairn.info/revue-le-philosophoire-2009-1-page-9.htm#

 

(parenthèse sur deux formules de Lacan : « La Femme n’existe pas » et « il n’y a pas de rapport sexuel ». Conclusion « L'amour, c'est donner ce qu'on n'a pas à quelqu'un qui n'en veut pas »

Un mot de chacun d’eux. « La Femme n’existe pas » : on remarque qu’à strictement parler, ça ne peut pas se dire, mais seulement s’écrire – la preuve, je dois vous l’épeler. C’est ce qui signe qu’on est dans la dimension d’une formulation logique, et qu’on n’a plus affaire à une proposition de la langue commune. Car ce qui est nié, ce n’est évidemment pas le sexe féminin, mais la possibilité que ses représentantes puissent se subsumer sous un concept qui aurait une prétention à l’universalité. Il n’y a pas de trait sous lequel nous pourrions rassembler toutes les femmes pour en faire un « La Femme ». Pour l’homme, en revanche, ce trait, nous l’avons : c’est qu’il n’est pas possible pour l’homme de se soustraire à sa soumission à la fonction phallique ; tous les hommes sont strictement cantonnés dans ce champ de la jouissance phallique. Les femmes, non. Elles peuvent, dit Lacan, pour une part, s’en extraire. C’est pourquoi Lacan dit aussi de la femme qu’elle est « pas-toute », ce qui signifie : pas toute soumise à la fonction phallique. Cette part de jouissance qui ne s’enrôle pas sous la bannière phallique, Lacan la nomme : jouissance supplémentaire. Nous allons y venir, car c’est elle que Lacan essayera de cerner dans le séminaire Encore qui sera notre prochaine étape.

Quant au « il n’y a pas de rapport sexuel », il signifie que cette dissymétrie foncière entre les sexes que l’on vient d’énoncer interdit toute mise en rapport – au sens logique du terme, encore une fois – de complémentarité entre deux sexes, dont la définition est si insaisissable et dont les jouissances sont à ce point incommensurables. Impossible avec ces deux-là que ça fasse Un, le Un de l’union sexuelle.

Bref, l’essentiel à retenir, c’est que, pour ce qu’il en est du rapport entre les sexes, c’est toujours de l’ordre de l’incomplétude, de l’aléatoire, de la boiterie, dans ce rapport au leurre qui est le lot de l’être parlant. Ça n’empêche certes pas de continuer à faire courir le monde, mais ça ne cesse pas tout en même temps de faire demander autre chose. 

Là où le sexe ne peut pas faire Un avec deux, l’amour ne le pourrait-il pas ? 

Mais L'amour, c'est donner ce qu'on n'a pas à quelqu'un qui n'en veut pas.

Paul Ricoeur

https://www.cairn.info/revue-psychanalyse-2007-3-page-5.htm#)

Le chapitre III, Le syndrome Ansari ou le problème de la « zone grise » est d'après moi, le chapitre le plus dérangeant et le plus susceptible de nous faire cheminer car il porte sur la question du consentement au travers du récit d'une jeune femme de 23 ans, sous le pseudonyme de Grace, paru le 13 janvier 2018 sur le site babe.net. La jeune photographe raconte sa première grande mésaventure sexuelle : je suis sortie avec Aziz Ansari ou la pire soirée de ma vie. 

Ce récit paraît 6 jours après que Aziz Ansari, arborant le badge Times'Up est récompensé par le Golden Globe du meilleur acteur de série dans Master of None, série très populaire décrivant la vie sentimentale et sexuelle de la génération 2.0. 

Grace a rencontré Aziz à la cérémonie des Emmy Awards en 2017. Elle a pris le prétexte de la photographie pour le brancher (on dit comme ça). Flirt sur la piste de danse lors de la soirée, N° de portable donné à Aziz qui propose quelques jours après un verre chez lui à Manhattan avant d'aller dîner. Elle accepte la proposition et (je ne développe pas la suite, celle d'un homme pressant, pressé, Quand veux-tu que je te baise ? Où est-ce que tu voudrais que je te baise ? le sexe sur ses fesses, celle d'une femme qui dit je ne veux pas me sentir forcée sinon je vais te haïr ce qui ne serait pas souhaitable... qui par divers signaux corporels de rétractation, d'inconfort signifie son refus mais qui n'est pas un non catégorique ; aujourd'hui, le slogan NON c'est NON est revendiqué par les féministes parce que pour trop d'hommes NON c'est OUI ; il y a cunnilingus, fellations, doigts en forme de V dans la gorge et dans le sexe). Ils regardent un épisode d'une série et là, déclic, elle prend conscience qu'elle a été violentée. 

La parution de ce témoignage anonyme a suscité un débat très houleux aux USA, ce qui est arrivé de pire au mouvement # metoo titre le New York Times ; ce n'était pas un viol ni une agression sexuelle tranche une avocate. Evidemment, la carrière d'Aziz a explosé en plein vol.

À chacun de se demander comment il caractérise ce récit et ce qui y est raconté.

La « naïveté » de Grace, son flottement, ses questions à ses amies sur ce qu'elle a vécu révèlent la complexité de qu'on appelle la zone grise du consentement. Car à la différence des médias abominant Grace, celle-ci reçut le soutien de milliers de jeunes filles, se reconnaissant dans son récit d'une histoire boiteuse, douloureuse où les désirs n'étaient pas accordés. 

Le monde ne marche que par le malentendu. C'est par le malentendu universel que tout le monde s'accorde. Car si, par malheur, on se comprenait, on ne pourrait jamais s'accorder.

Charles Baudelaire, Mon coeur mis à nu

Pour les générations nées entre 1950 et 1970, la dissymétrie provoquée par le comportement du mâle sûr de ce qu'il veut et empressé pour l'obtenir, sourd aux attentes ou non de la femme est la norme et ce flou renvoie à une conception de la relation comme séduction induisant des rapports de défi et de jeu dont il faut assumer l'inconfort éventuel, une sorte de lutte provocante et complexe faisant le sel, l'excitation de la rencontre (tribune des femmes de renom revendiquant la liberté d'être importunées).
Pour les générations 2.0, cette 
norme n'est plus acceptable. Les filles et femmes de 18 à 35 ans réclament la prise en compte de leur désir, de leur plaisir, de leur corps, de leur rythme, une vraie conversation charnelle et verbale avec les hommes qui n'ont pas à se sentir castrés par cette écoute.  Le consentement ça semble simple, OUI c'est OUI, NON c'est NON. La zone grise ce sont toutes les pressions, hésitations, zones de flous qui peuvent entourer la personne et brouiller la « validité » de son consentement.

de Sylvia Bagli

Sérieux les filles c’est un monde comme ça que vous voulez ? Un monde où on devra sortir les contrats au bar avant le premier baiser ? Un monde où on discute indéfiniment sur la définition du mot consentement ? 

Sérieux les filles, vous voulez pas aussi prendre vos responsabilités ? La case « mauvais souvenir » vous connaissez ? La case j’ai fait le mauvais choix, j’assume, ça vous dit rien ? Faut-il toujours parler de viol ? Faut-il toujours que l’autre soit responsable de tout et nous de rien ? Sommes-nous de petites proies chétives qui ne savent pas ce qu’elles font ? Des Nora dans une maison de poupée ? 

Parce que c’est cela que vous sceller entre les lignes, c’est cela que vous mettez en place dans votre nouveau contrat social. 

Et le désir ? Etes-vous devenues de pauvres petites créatures sans fous désirs, sans pulsions, sans sensations, sans défense ? Ne prenez-vous jamais l’initiative ?

Et le sexe c’est quoi pour vous ? Un mauvais moment à passer ? Une monnaie d’échange pour avoir la paix ? Un contrat de couple ? Un acte qui vous horrifie ?

Comment comptez-vous susciter le désir avec ça ? Avec ces données là ? Quand les hommes seront dressés à l’éteindre ce désir ? Des couples sans sexe qui vivent côte à côte malheureux comme des pierres ?

Allez, parlons tabous : combien de couples encore sexuellement actifs au bout de 3 ans, 7 ans, 10 ans de vie commune ? Comment envisagez-vous la responsabilité de celui qui trompe alors que vous vous refusez à lui depuis si longtemps ? Parce que, qui l’a dit que celui qui souffre le plus c’est celui qui est trompé ? Ah oui, le contrat encore, le contrat de divorce ! 

Quand j’entends des hommes de ma génération se plaindre que leurs jeunes amoureuses se couchent sur le dos inertes et qu’ils se trouvent en difficulté devant des corps incapables d’être dans le partage parce qu’elles ont dans l’idée que le consentement est la part de leur contrat, je pleure. 

Sachez qu’au-delà de ce qu’il en sera légalement, le consentement sera toujours un glaçon dans le dos s’il n’est pas doublé de votre désir, si vous ne voulez pas qu’il vous touche qu’il vous embrasse qu’il vous éveille qu’il vous enlasse qu’il vous prenne vous pénètre jusqu’à la racine de vous-même !

Et les menteurs ? Oui, il y a des menteurs. Oui il y a des menteuses. C’est inique mais ça fait partie de la vie. Rien ne nous protègera des déceptions, alors justice dites-vous ? Ou bien vengeance ?

De grâce ne mélangez pas le viol et la mauvaise expérience !

Est-ce aussi simple ? 

C'est une question qui me travaille depuis longtemps au travers de mes rares histoires d'amour (aucune histoire de Q) ? Je ne vais pas faire le récit de ces histoires, juste évoquer où j'en suis. Et que je développe dans une écriture en cours, Your last video (porn theater) où un vieil homme comme celui de La dernière bande de Samuel Beckett fait le point, non sur son premier amour comme dans Beckett mais sur son dernier amour, 10 ans après la perte de l'amour de sa vie qui dans sa chambre d'hôpital, lui faisant un testament, osa évoquer leurs sexualités différentes avec une belle lucidité. (L'Éternité d'une seconde Bleu Giotto)

Une révolution sexuelle ?/ Laure Murat

extrait de L'Éternité d'une seconde Bleu Giotto, intrusion personnelle dans une note de lecture

LE PÈRE – ne me dis pas que tu ne t’en souviens pas, cet instant de félicité, au Baïkal, le 14 juillet 1970, quand on l’a conçu en le sachant, ce qu’il a confirmé en arrivant neuf mois après, un jour en avance

LA MÈRE – je m’en souviens, tu te souviens de quoi 

LE PÈRE – c’était le soir, on avait allumé un feu pour faire griller les omouls qu’on avait péchés, on avait porté deux toasts de kedrovaïa au lac, à l’amour, ça nous avait émoustillés, nous avons fait l’amour sur le plancher de l’isba de rondins blonds

LA MÈRE – j’aurais voulu que tu me baises
LE PÈRE – je t’ai fait l’amour
LA MÈRE – tu ne m’as pas baisée, tu m’as fait l’amour, pas comme j’attendais
LE PÈRE – tu m’as surpris, tu n’avais jamais été aussi ouverte
LA MÈRE – tu t’es retiré
LE PÈRE – tu m’as ramené en toi, tu l’as eu, ça ne te suffit pas
LA MÈRE – je n’ai plus jamais été Ouverte comme ce soir-là
LE PÈRE – je suis désolé, j’avais envie de m’abandonner, de me livrer à ton étreinte,
ça s’est bloqué
LA MÈRE – chez moi aussi
LE PÈRE – te plains-tu de nos étreintes
LA MÈRE – on fait l’amour comme tu dis, on ne baise pas, j’étais Ouverte par l’Appel de la Vie, ça pouvait ressembler à de l’indécence, 
je me suis sentie jugée, quelle violence, cette impression, pour la vie. Tu vois, mon sexe n’a pas oublié l’obscénité de ton retrait
LE PÈRE – je regrette vraiment de m’être refusé, peut-être par trop de respect pour ton corps 
que je ne voulais pas outrager
LA MÈRE – c’est ça, mon p’tit chat ; depuis, tu es le maître de cérémonies minutées avec paliers et plateaux, plus de place pour les effondrements dionysiaques, pour les envols mystiques. Tu ne ressentiras jamais où t’aurait mené une plongée sauvage, sans calculs, dans ma béance
LE PÈRE – tu as quand même du plaisir
LA MÈRE – plaisir, plaisir, petit mot qui convient bien à une pâle jouissance, sans retentissement au profond du corps et de l’âme. Fusionner avec le Tout, des Femmes rares connaissent.
Aurais-je pu connaître la Grande Vie Cosmique, pas la petite mort orgasmique
LE PÈRE – pourquoi avoir mis si longtemps à en parler 

LA MÈRE – je n’aime pas les mots sur ça, ma sexualité s’est mutilée avec sa conception, ma vie s’est arrêtée avec sa disparition, je veux regarder sans terreur cette horreur
LE PÈRE – moi, je ne peux pas

extrait de Your last video (porn theater) en cours d'écriture depuis septembre 2016, intrusion personnelle dans une note de lecture
lecture publique de ce texte, le vendredi 17 avril à 19 H 30 à la Maison des Comoni au Revest
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Samuel Beckett – conclusion de cette histoire d'amour sans Q / pages inutiles ! à supprimer !
LUI – quand Samuel, tu dis règle 4 son corps son corps son corps ton corps et du temps du temps du temps du printemps du contre-temps / caresses et lèches /  ce sont les mots d'un technicien qui sait faire monter le désir / provoquer les jouissances / je crois d’ailleurs que t’as pas pratiqué ce que tu préconises / t’as renoncé à ton premier amour pour te consacrer à l’écriture du vide / bref, tes mots, je les reçois, différemment / ELLE, physiquement, un peu impressionnante pour le gabarit que je suis / aucune pratique de ce genre de femmes / je savais que je ne pourrais être un modèle de mâle viril / j'aurais donc été d'une infinie patience / écoute d'un corps / découverte d'un corps / apprivoisement d'un corps / au Bar de la Pipe, j'ai osé lui parler de ma sexualité de vieillissant qui serait ce qu'elle serait, sans recherche de performance / qui serait une sexualité limitée en tant que sexualité masculine / découverte d'une sexualité féminine et masculine
Samuel Beckett – là parle le Q / là parle la bête la bite la vie le vit / le Q c'est sans imagination le Q c'est corps à corps 
É Say Salé – t'es cru Samuel ! LUI, préfère le cuit, le réchauffé / LUI, as-tu une vision de cette sexualité féminine-masculine inventive ?
LUI –  le présent et l'avenir de l'humanité sont dans le féminin que chacun porte en lui pour pacifier le masculin guerrier ou le féminin cannibale ; le masculin, même chez la femme, est dominant et donc féminiser c'est tenter de rééquilibrer
É Say Salé – ça reste au niveau des idées / en pratique ? / est-il vrai que le Q c'est corps à corps ? / peut-on entendre des voix de Femmes avec F majuscule s'il vous plaît ? / je me suis donné le droit de convoquer d'autres Femmes que LUI connaît
une voix de 70 ans, la Visionnaire, ouvreuse de voies et de voix – les années Marilyn et BB ont marqué le corps des adolescentes, deux registres opposés et complémentaires, l'artifice débouchant sur la grâce, le charme et le naturel débouchant sur le rejet avec légèreté des corsets ; les hommes, eux, sont demeurés dans un corps ancestral, transmis par les mères à l'ancienne ; le féminin réel leur est inabordable, illisible à partir des archétypes appris, incarnés, désirés. Les femmes d'aujourd'hui sont en pleine construction d’un « féminin », d'une Histoire des femmes tandis que les hommes, collectivement, n’ont pas encore fait le premier pas qui les sortirait de leur Préhistoire
Samuel Beckett – neurones mâles concentrés en bas (rire)

une voix de 46 ans, la Femme cosmique – j'ai cheminé dans mes pratiques d'amour sublime ; aujourd'hui, je peux faire l'amour à la roche, au ciel, à l'arbre, je peux être bête à quatre pattes et belle au bois endormie, j'ai un goût prononcé pour la vieille sorcière cachée dans une grotte, je peux faire l'amour à mille guerriers casqués se jetant d'une falaise avec leurs chevaux. Dans ce cheminement d'amour incarné, je me sens plus intime avec mon masculin. J'aime faire l'amour pour de l'inédit et pas seulement pour passer mon excitation

 

La voix – mais c'est de l'érotisme panique que tu nous proposes (rire)
Samuel Beckett – neurones hormones femelles concentrés là où ça palpite, variable selon les humeurs variables des femmes = femmes agitées = impossibles à tranquilliser (rire)
É Say Salé – en disant Point, vous avez eu le dernier mot, ELLE ; la réciprocité en amour est une condition de sa réalité et de sa durée ; vous n'avez pas voulu être sa réciproque. Point. Mon rôle d'hétéronyme est terminé. Point.
Samuel Beckett – cette histoire d'amour à sens unique débouchant sur un sens interdit / (rire) fiasco foirade / histoire de rien texte pour rien / 

Le vieil homme – pas texte pour rien / comment faire l'amour de manière divine / ça que lui voulait LUI / pas clair faire l'amour de manière divine = amour inclusif de tout et non passion exclusive d'un, d'une = amour de la création, de Ça créé d’avant, de ça que tu vas créer = amour du minéral, du végétal, de l'animal, de l'humain = inspiré par la Beauté, en recherche de la Vérité agissante = le Monde = oeuvre de l'Amour selon les 10 échelons à la sauce Platon, (au public) allez répétez avec moi : porneia, pothos, mania, eros, philia, storgè, harmonia, eunoia, charis, agapè ; devenez grecs, pas nippons

 

Samuel Beckett – ton idéal ? le yaourt-amour à la grecque (rire) ? Connerie ! Sois homme, simplement = sexe-sexe terre à terre  (rire)

La voix – 3 personnages pour représenter le même : le vieil homme, É Say Salé, LUI, des états quantiques de l'auteur ? (silence) et moi ?

 

Le vieil homme – c'est le même à des places et moments différents = superposition des identités à la sauce quantique ou botanique ; toi ?

 

La voix – là pour te stimuler le bulbe ? ton livre d'éternité s'imprime à tout instant, indépendamment de ta volonté, 

dans tes neurones hippocampiques mais long temps ne fait pas éternité 

mort de ton corps = mort de ton cerveau / plat l'électro / 

mort de tes neurones même si ADN vit encore 1 million d'années après toi / 

donc clonable le vieil homme = éternité enfin trouvée ? 

clone c'est toi mais pas à l'identique donc pas toi, sauf erreur

est-ce la fin des questions ?

s'il est vrai que le passé ne s'efface pas, sauf erreur

il y a bien alors des traces éternelles de ce qui s'est passé, sauf erreur – 

tu as accepté d'appeler ce livre d'éternité âme, ton âme 

âme que tu acceptes de rendreque la faucheuse te prend serait plus juste

l'âme tu pourrais l'appeler aussi la conscience 

il y a tant à dire sur la conscience – savoir polémique en cours d'élaboration –

je choisis le silence – 

que la lumière te vienne, archer aveugle 

de l'intérieur, du noir du crâne 

il n'y a pas d'extérieur, tout y est noir sans ton cerveau qui voit 

................................................................. 

 

photo fournie par Bruno Boussagol, Gregory Peck et Ingrid Bergman ? pas sûr du tout, impossible de trouver trace d'un film avec cette photo; illustration superbe de nouvelles relations à inventer à 2, par des milliers de duos sans duels

photo fournie par Bruno Boussagol, Gregory Peck et Ingrid Bergman ? pas sûr du tout, impossible de trouver trace d'un film avec cette photo; illustration superbe de nouvelles relations à inventer à 2, par des milliers de duos sans duels

Le chapitre le plus long, le V, The elephant in the screennig-room, traite de la représentation de la femme dans le cinéma qu'il soit d'auteur ou de grand public et de la quasi-absence de femmes dans la profession à tous les niveaux mais d'abord comme réalisatrices comme dans les récompenses. Le cinéma est sous domination masculine. Et ce constat révèle que le patriarcat est un système d'oppression, pas prêt de se remettre en question puisque c'est l'ensemble des pouvoirs qui sont entre les mains des hommes d'où le titre du chapitre 1 sur l'affaire Weinstein : révolte ou révolution ? Les mouvements # metoo, # balance ton porc sont des mouvements de révolte qui feront changer, à terme, peut-être, avec bien des polémiques, de la violence, dans la longue durée, des comportements individuels et collectifs. 

Un autre volet de ce chapitre est le statut de l'oeuvre, les rapports entre l'oeuvre, le créateur et l'homme. En France, c'est Proust qui donne le la avec son Contre Sainte-Beuve. Roland Barthes tente la déconstruction de cette conception avec son texte La mort de l'auteur. Je renvoie à deux articles éclairants ci-dessous. L'idée de la séparation de l'homme et de l'artiste d'une oeuvre, position encore très majoritaire, mérite d'être interrogée. Personnellement, je me suis séparé d'auteurs dont le comportement éthique était discutable, genre être payé pour une écriture et ne pas rendre de texte; ça m'est arrivé avec deux auteurs. Je pense qu'éditeur depuis 1988, je n'aurais pas édité du Matzneff. J'ai par contre commandé, demandé des textes sur l'affaire Gabriel Russier ou sur l'affaire Agnès Marin.

https://www.fabula.org/atelier.php?Proust_contre_Sainte%2DBeuve

https://www.fabula.org/compagnon/auteur1.php

http://les4saisons.over-blog.com/article-19639102.html

http://les4saisons.over-blog.com/2016/02/elle-s-appelait-agnes.html

 

En conclusion de cette note de lecture que je pense fidèle et en même temps personnelle parce que je me suis senti interpellé entre autres par le chapitre sur le consentement, 

(est-ce l'effet de vie théorisé par Marc-Mathieu Münch
La théorie de l'effet de vie est une théorie des arts fondée sur la découverte d'un invariant mondial. On le trouve dans les textes des grands artistes de tous les arts et de toutes les cultures.
Il implique l'existence d'une aptitude d'homo sapiens à l'art. Il affirme qu'une œuvre d'art est réussie lorsqu'elle crée dans le corps-esprit d'un récepteur un "effet" qui n'éveille pas seulement les affects, mais toutes les facultés et ceci dans la cohérence.
Une œuvre réussie est donc une œuvre vivante et une œuvre de vie. Il faut, pour l'étudier, une science humaine spécifique fédérant le riche apport des autres sciences qui s'intéressent à l'art et étudiant de près les corollaires de l'invariant de l'effet de vie
),

je dirai que ce livre doit faire l'objet de discussions apaisées si possible entre femmes et hommes de bonne compagnie, soucieux de fonder de nouveaux rapports entre H et F, 

inventeurs de nouvelles façons d'aimer 

en renonçant à notre pouvoir sur l'autre

il semble plus facile d'être aimé que d’aimer,

donc, au lieu de tenir l'amant ou l’amante déclaré(e) en haleine, 

ne vaut-il pas mieux cheminer avec lui-elle, 

par le dialogue et les actes, les gestes, 

construire ensemble une histoire d'amour 

par approximations, ajustements, transparence progressive,

et ainsi de proche en proche, 

diminuer la violence, la souffrance 

née des amours mortes en un jour, 

dispenser et accroître l'Amour, 

une évolution, une révolution pacifique, 

de l’intime 

vers l’extime

(voeux pour 20vin à décliner en mode perec, prévert, oulipo et personnel)

 

Jean-Claude Grosse, Le Revest, le 3 janvier 2020

 

Je renvoie à un livre de Catherine Millot.

En 2015, elle tente, en publiant La logique et l'amour, de relancer le projet de Lacan 

de faire de la psychanalyse le lieu de l'invention d'un nouvel art d’aimer courtois.

Evidemment depuis l'affaire DSK puis l'affaire Weinstein, depuis metoo, balance ton porc, depuis la tribune dite Deneuve en défenseur de l'art de séduire à la française, avec l'affaire Polanski, l'affaire Gabriel Matzneff, l'affaire Adèle Haenel, on peut se demander si c'est possible dans un monde à domination patriarcale. 

Le livre de Laure Murat, Une révolution sexuelle ? Réflexions sur l'après-Weinstein, chez Stock, me paraît essentiel pour faire le point et habiter la contradiction, à conscientiser si possible, qu'est le "consentement".

 

On en parlera lors de la prochaine réunion du groupe penser, écrire, agir l'avenir, dimanche 9 février 2020, salle des mariages de la mairie du Revest. Et on mettra en lecture un livre important d'Yvan Jablonka: Des hommes justes, du patriarcat aux nouvelles masculinités

pour sortir de l'impasse, deux livres, oui, des livres et des rencontres et un travail sur soi et des choix politiques...
pour sortir de l'impasse, deux livres, oui, des livres et des rencontres et un travail sur soi et des choix politiques...

pour sortir de l'impasse, deux livres, oui, des livres et des rencontres et un travail sur soi et des choix politiques...

une question non abordée par Laure Murat dans son livre est qu'est-ce qui est condamnable? et comment ? elle montre les effets pervers de la judiciarisation de la société américaine (confidentialité dans les contrats privés, gestion des dégâts potentiels) mais n'aborde pas vraiment la question des normes ; il y a à distinguer l'éthique (à définir comme fondant les choix personnels de style de vie, de sexualité, de rapport aux autres, au monde; Marcel Conche en distingue un certain nombre, éthique de la gloire, éthique de la fortune, éthique du courage, éthique du mieux...), la morale (à définir comme fondant les valeurs communes à tous, Kant est essentiel à cet égard ou Marcel Conche avec Le fondement de la morale...) ; Yvon Quiniou, philosophe, évoque une troisième voie entre éthique et morale, le devoir de vertu à travers deux essais sur l'éloge de la prostitution par Emma Becker, paru dans Le Monde, il y a peu et dont il juge qu'elle est condamnable, pourquoi et comment

https://blogs.mediapart.fr/yvon-quiniou/blog/231219/lamour-ou-le-libertinage-contre-la-prostitution

https://blogs.mediapart.fr/yvon-quiniou/blog/020120/au-nom-de-quelles-normes-peut-ou-doit-condamner-la-prostitution

un livre majeur, passé aux oubliettes; que nous dit la biologie sur le viol

un livre majeur, passé aux oubliettes; que nous dit la biologie sur le viol

Auteurs de nombreuses publications qui font autorité, Randy Thornhill enseigne la biologie à l'Université du Nouveau-Mexique et Craig Palmer l'anthropologie à l'Université du Colorado. Dans ce livre, publié en anglais par le Massachusetts Institute of Technology (MIT), les auteurs, par une approche socio-biologique, élucident enfin le problème du viol pour lequel on n'avait, jusque-là, que des réponses insuffisantes, tant pour le prévenir que pour aider les victimes. 325 pages, livre paru en 2002

À la sortie du cinéma, une femme suit jusqu'à sa voiture l'homme qui l'a invitée. Au lieu de la ramener chez elle, ce dernier verrouille les portières et la viole. Pourquoi cet acte répugnant qui laissera une victime traumatisée et un agresseur probablement honteux ? La psychologie et la psychiatrie traditionnelles ne manquent pas d'explications l'homme a violé peut-être parce qu'il déteste sa mère, ressent le besoin de dominer les femmes, est adepte de pornographie violente, a été élevé dans une culture patriarcale, a été lui-même objet d'abus sexuel, était ivre, etc. Ces explications, si pertinentes qu'elles soient, nous éclairent uniquement sur les causes proches du viol. Pour mieux prévenir cet acte horrible, il faut aussi en comprendre les causes premières, qui sont biologiques. Alors seulement la victime peut s'expliquer certaines réactions étranges liées au viol, par exemple pourquoi même son partenaire ne la soutient pas sans réserve comme il l'aurait fait dans le cas d'une agression non sexuelle. Le viol fait des ravages en dépit de toute culture, morale et religion : près d'une femme sur six en est l'objet, 60 % des victimes ont entre 11 et 29 ans, et il est probable que trois victimes sur quatre ne le déclarent pas, gardant pour elles un terrible fardeau qui les marque à jamais. Thornhill et Palmer s'élèvent contre cet échec avec une explication scientifique du viol qui peut enfin nous permettre de comprendre et d'agir. Des faits, pas d'idéologie.

Réaction à la note de lecture de Jean-Claude Grosse

 

J’ai apprécié les réflexions que nous livre J.-C. Grosse à propos du livre de Laure Murat sur l‘affaire Weinstein, ce qui suscite mes propres réflexions rapides, en écho. Dans l’ordre, donc.

1 Il a raison de souligner l’opposition entre le traitement des affaires de mœurs aux Etats-Unis et en France. Là-bas un puritanisme officiel d’origine religieuse, mais qui se double d’une judiciarisation hypocrite puisqu’on permet aux auteurs d’agressions sexuelles de payer leurs victimes pour qu’elles ne portent pas plainte – ce qui évite les scandales publics qui pourraient porter atteinte à l’image de leur nation. La France a une tradition bien plus ouverte ou libertine/libérale dans ce domaine, au point que des femmes connues ont pris position pour ne pas condamner trop vite les sollicitations des femmes par les hommes, ce qui n’est pas aberrant. Sauf que ces militantes féministes d’un nouveau genre, devraient s’inquiéter aussi de la réalité sociale de la prostitution dans notre pays, que Grosse rappelle justement, comme elles pourraient dénoncer ce qui demeure de la domination de l’homme sur la femme ici.

2 Cela suscite normalement une question délicate, celle de la différence entre l’homme et la femme, différence au nom de laquelle on a pu justifier leur inégalité sociale. Il évoque avec faveur, apparemment, l’idée qu’il y aurait là une construction culturelle, s’appuyant sur Lacan affirmant d’une manière provocante que « La Femme n’existe pas », ce qui rejoint, semble-t-il, F. Héritier. Je n’irai pas jusque là, quant à moi. Je suis attaché à la féminité, je dois l’avouer, il est possible que cet attachement renvoie à mon histoire affective personnelle et il est dangereux de théoriser à partir d’une disposition individuelle ! Mais outre que je ressens d’emblée cette différence (avec des degrés bien entendu, car il y a des femmes « masculines » !) et que j’ai donc une attirance pour LA Femme, je pense vraiment qu’il y a un noyau minimal de différenciation qui tient à la différences des sexes et cela n’interdit en rien leur égalité, qui n’est pas l’identité. Et s’agissant de l’égalité/identité je n’aimerais pas que les femmes acquièrent les défauts insupportables des hommes… au nom de l’égalité ! Je préfèrerais que les hommes deviennent davantage « féminins » et j’adhère à la formule d’Aragon, en la modifiant un peu : « La femme devrait être l’avenir de l’homme ».

3 Le thème du consentement est un thème terriblement actuel quand on sait que nombre d’agresseurs sexuels prétendent ne pas avoir été des agresseurs étant donné que leur victime aurait été consentante. Et l’on sait tout particulièrement ce qu’il en a été avec le cas de G. Matzneff en dehors même de sa pédophilie assumée. Je renvoie à ce qu’en dit avec précision Grosse et Laure Murat, et je suis d’accord pour affirmer que la notion de « consentement » est bien trouble et bien pratique –« zone grise » est-il dit – pour les agresseurs supposés puisque les victimes sont souvent soumises à un effet d’« emprise » qui les amène à dire « oui » à ce qui leur arrive. Reste qu’on ne peut pas exclure totalement que, dans certains cas, il puisse arriver que la victime nie après-coup un consentement auquel elle s’est laissée prendre et ce pour des raisons « intéressées ». D’autant que la séduction est en jeu et qu’il est parfois difficile d’avouer que l’on a été « séduite » et, donc, que l’on « s’est laissée séduire » ! Mais je passe car la question est délicate et je partage les hésitations de Grosse à se prononcer radicalement.

4 Le malentendu. La citation de Baudelaire, que je ne connaissais pas, est magnifique dans son pessimisme même et elle est aussi terriblement déstabilisante, surtout pour quelqu’un comme moi qui croit fortement, heureusement ou malheureusement, je ne sais, à l’amour. Elle a une extension universelle qui interdit de la réduire au domaine amoureux et elle m’interpelle dans mon optimisme foncier quant à l’homme et aux rapports interhumains, tant je pense, avec Marx, que l’histoire façonne les êtres humains sur le plan psychique et moral. Quant au plan de l’amour, qui est en jeu ici, je ne peux réagir au récit que nous donne Jean-Claude, inspiré de Beckett, mais qui fait écho, si j’ai bien compris, à ce qu’il a réellement vécu avec sa première femme qu’il a beaucoup aimée, mais d’une manière un peu douloureuse puisque liée à une espèce de malentendu sexuel entre eux, à « leurs sexualités différentes ». Ce genre de malentendu existe fréquemment, surtout dans les sociétés ou les milieux sociaux où le mariage en couple ne repose pas sur un « consentement libre » (c’est le cas de le dire) de part et d’autre. Mais il peut aussi exister dans des couples authentiques, du fait du conditionnement culturel ou de la biographie qui ont pu façonner un rapport différent, moins intense à la sexualité chez la femme, par comparaison avec l’homme. Comme il est dit, souvent « l’homme propose et la femme dispose ». 

Reste que, partisan inconditionnel de l’amour tel que je me le représente et tel que je l’ai vécu longtemps, je penserais volontiers que l’amour peut être un domaine où le malentendu n’a pas lieu, où il peut être évité. Je pense ici très précisément à la manière dont René Guy Cadou et sa femme Hélène ont vécu leur amour sous une forme profonde et authentique, où c’était la réciprocité parfaite, apparemment, qui se réalisait. Les poèmes de Cadou et certains écrits d’Hélène sur lui en sont un remarquable témoignage, y compris sur le plan de la relation charnelle ! L’amour, donc, comme solution possible au malentendu déclaré universel par Baudelaire.

5 Reste la question subtilement abordée du rapport d’une œuvre à son créateur. Je dirai simplement que je suis contre le  Contre Sainte Beuve de Proust… surtout si l’on pense à quel point il s’exprime dans son œuvre en évoquant son enfance (rappelons-nous la scène du baiser de la mère, le soir, au début de La recherche). Mûnch, cité avantageusement par Grosse, a ici totalement raison d’enraciner l’œuvre d’art, spécialement littéraire, dans la subjectivité concrète de l’auteur, d’y voir donc un « effet de vie », un effet de sa vie, dès lors qu’on admet aussi, comme le fait Münch, que le fond vital lié à l’auteur est mis en forme selon des règles ou des critères formels justement, esthétiques, donc sublimé, transposé par l’imagination aussi, ce qui fait qu’on ne peut pas le deviner d’emblée. C’est pourquoi il faut également dire que la musique est expressive, qu’elle n’est pas seulement un jeu de formes sonores, qu’elle a un contenu affectif latent et qu’elle est donc un langage, ce qu’une certaine mode idiote ou, en tout sa superficielle, prétend !

6 Quant à Lacan, je m’abstiens : je l’ai lu, mais je ne suis pas « lacanien ». Je trouve que c’est un imposteur, un phraseur maniéré, même s’il peut avoir des formules séduisantes, ce qui ne veut pas dire qu’elles soient justes. Sur le plan théorique, il a enfermé la psychanalyse dans le langage et tiré Freud vers une sorte d’idéalisme linguistique. Or la conception de Freud est matérialiste et il accorde une importance considérable à la dimension biologique des pulsions, le ça, base des autres instances de l’appareil psychique construites avec l’aide de l’éducation. !

 

Merci donc à J.-C. Grosse de m’avoir permis de dire tout cela, même rapidement, en écho à ses commentaires d’un livre que je n’ai pas encore lu !

Yvon Quiniou

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Comme un enfant qui joue tout seul / Alain Cadéo

5 Novembre 2019 , Rédigé par grossel Publié dans #jean-claude grosse, #notes de lecture

Comme un enfant qui joue tout seul / Alain Cadéo

Comme un enfant qui joue tout seul

Alain Cadéo

Éditions La Trace, 2019

 

D'abord, noter la qualité du livre. L'éditeur aime le beau livre, belle couverture à rabats, belle photo aux beaux bleus, comme aquarellée, papier ivoire, caractères lisibles et aérés. Invitation à la lecture avec un livre bien en mains et marque-page indispensable pour un voyage qui a duré presque un mois. Refus de crayonner, d'éterniser ce qui s'offrait dans l'instant. Ô mémoire quels tours vas-tu me jouer ?

 

En 4° de couverture : Il faut peut-être des millénaires de gestation pour fabriquer une Rencontre...
Un sacré coup de pouce du destin pour la favoriser...
Un seul instant pour s’en saisir...
Une seule seconde pour passer simplement à côté. 

Raphaël, Eléna... ou le destin croisé de deux âmes errantes. 

Il y a ainsi, toujours, si vous cherchez, aussi minime, aussi lointaine soit-elle, une histoire en commun entre deux êtres qui finissent par se trouver..

 

Au sortir de son travail, dans un bureau d'un grand ministère, un homme, un cadre, un homme du pouvoir est apostrophé par un clochard qui, lui demandant une cigarette, lui crache au visage : pourquoi es-tu si dur ? Le clochard se retire sans autre mot d'explication. Cette question portée par cet anonyme, ce vagabond de la grande ville amène l'homme du pouvoir anonyme, lui-même anonyme mais se croyant indispensable, à quitter du jour au lendemain, sa carrière, son confort, ses certitudes et à partir à l'aventure, avec sa voiture, direction ? 

Une petite ville de province, ville d'enfance, retour en passé mais depuis ici et maintenant, réappropriation, revisitation de souvenirs, de sensations, d'émotions, de sentiments, rencontres d'anciens, de voisins, de connaissances qui racontent. Remontées au présent dans le passé vers celles et ceux qui ont compté, galerie de portraits reconstitués à partir de photos, d'un tableau, de lettres ou billets, d'objets aussi reçus comme talismans, scapulaires, porte-bonheur, fétiches chargés de sens, d'émotions, de souvenirs et Retour par étapes vers l'océan, l'Océan, cette mémoire immémoriale d'où vient la Vie, où se noie les vivants, en passant par le restaurant Roméro, bien planté dans le sable à quelques pas de l'océan, mugissant sur tous les registres et s'y attardant parce qu'il y a Eléna. 

Deux corps, deux cœurs, deux histoires, deux âmes se trouvent, se retrouvent près de l'étang aux carpes. Étaient-ils destinés l'un à l'autre ? Deux itinéraires, à un moment, le bon moment ? le kaïros ? se croisent, auraient pu ne pas se croiser. L'improbable est devenu l'évidence. Le hasard fait bien les choses dit-on. Il s'agit plutôt du cheminement spirituel de chacun, se saisissant ou pas d'événements, d'incidents, de mots, de signes, d'objets pour se relier à ce qui existe de toujours, l'éternité de nos récits imbriqués, réels, imaginés et participant d'un grand Tout, mouvant, remuant, vivant, chaotique et ordonné. Retrouvailles (ou trouvailles, enfin on voit, les yeux se décillent) avec les arbres-mères, avec le scarabée, la carpe guetteuse, la mésange et l'alouette, les saisons, les pluies et tempêtes.

Roman composé en récits alternés, Barnabé Raphaël, Eléna, pour finir par Raphaël, Eléna, enfin réunis au bord de l'océan dont les vagues ne jouent plus comme un enfant qui joue tout seul. 

Roman qui donne envie de goûter instants et gens, rencontres et solitude. 

Roman qui fait du bien, loin du bruit urbain, du gouvernement imbécile, calculateur des choses et des gens. 

Roman du détail qui donne sens, prend sens, fait signe, roman du mot juste, qui alerte, provoque l'arrêt-sur-image.

Jean-Claude Grosse, 5 novembre 2019

 

 

EXTRAIT :

p.12/13

(…)

Mon premier prénom, celui que j'ai longtemps refoulé dans le grenier des oubliés, me revient aujourd'hui en fanfare : Barnabé. Le second, Raphaël, fut plus facile à porter. Prénom si répandu de nos jours, comme un lâcher de pauvres archanges ne sachant plus voler. Mais Barnabé me plaît. Sa double labiale me rappelle «A.O. Barnabooth», ses «borborygmes», Valéry Larbaud, dont j'ai toujours aimé le dandysme, son regard fiévreusement mélancolique, sa nonchalance de gosse de riches à bord de paquebots et des grands trains de luxe.

On fait tous sa vie. Moi, j'ai défait la mienne. Maille après maille. Jour après jour. Sans calculs ni trompettes. J'ai désappris, tout désappris, et «je suis un berceau qu'une main balance, au creux d'un caveau : Silence, silence».

J'ai désappris ou je me suis défait, lambeau par lambeau, de tout ce qu'on m'a enseigné.

Et j'en suis là, désincarné, marchant sur un trottoir bordé de tulipiers.

Dans cette ville de province du sud-ouest, vieillotte et surannée aux maisons basses, avril offre à mes yeux neufs, la couleur blanche de toutes les naissances.

Oui, j'ai trente-sept ans, toutes mes dents et l'énergie d'un condottiere. J'ai sillonné le monde à grandes enjambées. J'ai travaillé comme un bourricot, noria des forçats de l'ère post-moderne. J'ai séduit, intrigué, connu l'ivresse du pouvoir, pauvre de moi... Et la voix d'un clochard un jour m'a remis à ma place : «Pourquoi es-tu si dur ?» Je me souviens toujours de cette voix. Elle fut le déclencheur de ma dégringolade ou de mon ascension. C'est selon.

(...)


Petite note sur Mots de contrebande d'Alain Cadéo

ce matin, j'ai fini les mots de contrebande d'Alain Cadéo, 105 mots et ce qui émergeait c'était ce que j'étais en train de devenir, assis devant mon grand bureau, sans ordi, avec une grande feuille de papier canson et une plume à tremper dans l'encrier, le grand bureau soudain barque, pirogue pour aventures sur des rives éblouies et des captures d'argent-vif frétillant puis le grand bureau soudain traineau pour glissades infinies sur lac gelé et flambées jusqu'au ciel sans risque d'incendie se propageant sans limite; bref, avec Alain Cadéo et ses mots prenant au lasso les cavales des désirs inconfortables, toujours insatisfaits, pour les apprivoiser, je me sentais grandi avec humilité, essentiel, sans enflure nombrilique, apte à prendre toutes les dimensions (nain, géant, famélique, efflanqué, obèse) pour avec les mains, les dents, mordre, mâcher, palper les beautés du monde, du cosmos sous les moisissures, les putréfactions organisées par ceux qui prétendent savoir; je redevenais un chasseur, pêcheur, cueilleur, un sauvage, un primitif en connexion avec le Mystère, ce qui a été avalé par les trous noirs, pas prêts à rendre la Lumière (4% de l'univers est composé de matière lumineuse donc observable)

Jean-Claude Grosse

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