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Blog de Jean-Claude Grosse

Sur la politique en général/J.C. Grosse

Sur la politique en général/J.C. Grosse
Sur la politique en général/J.C. Grosse
 
Cet article a donné lieu à un débat entre Robert et grossel sous le titre

Quelques remarques
à propos de Ségolène Royal
et de la politique en général

D’abord, il me semble qu’il faut réaffirmer que la politique, c’est le domaine des opinions, au moins en démocratie, que ce n’est pas le domaine de la vérité, que les opinions de chacun sont souvent changeantes comme sont changeantes celles du grand nombre. Analystes et statisticiens, sondeurs et prétendants au pouvoir s’efforcent de se faire une idée des opinions des gens, de l’opinion légèrement dominante (50% environ des votes, ce qui fait 30% des inscrits) qui pourrait les élever au sommet. Sur la base de ce constat, j'avais même préconisé de se montrer infidèle à ses convictions, à ses opinions, aux sondages, pour faire trembler la classe politique, alors incapable de prévoir (c'est un peu ce qui s'est passé en 2002 et en 2005), pour l'obliger à se remettre en cause. Sarko nous joue l'air de la rupture en étant au pouvoir. Ségolène joue l'air de l'ordre juste. Je le préfère. Avec les deux mots: ordre et juste.
Ce n’est donc pas moi qui vais reprocher à Ségolène Royal et au PS d’essayer d’être à l’écoute de ce qui agite les cafés du commerce, les bureaux, les cités, les usines, les campagnes, les salles de professeurs, les quartiers, les bobos, les homosexuels, les femmes battues ou pas…
J’avais exprimé mon désaccord avec le 1° chapitre du livre sur internet de Ségolène Royal. Il s’agissait d’un diagnostic sur nos états d’esprit et il me semblait que la politique devait s’affronter aux réalités. Mais ce sont les gens qui votent ou s’abstiennent, ce sont les gens qui réagissent comme ils peuvent, pas souvent de façon réfléchie, au monde qui les déçoit, les rejette, les ghettoïse, les licencie, les déboussole… Aujourd’hui donc, je pense qu’on doit prendre en compte l’état d’esprit des gens, qu’on doit partir de là et c’est ce que fait et fort bien Ségolène Royal.
À ceux qui veulent de la hauteur, une politique prenant en compte les vrais problèmes, je dirai que l’électeur auquel ils pensent est virtuel, que leur électeur n’existe pas et cela m’expliquerait l’incapacité de tout un tas de mouvements minoritaires de ne pas réussir à convaincre la majorité, convaincre est même un mot trop fort car la politique, domaine de l’opinion n’est donc pas le domaine où l’argumentation suffirait. N’est convaincu par une argumentation que celui qui veut l’être et la politique permet toutes les perversions : on contredira pour le seul plaisir de contredire par exemple, on se dispensera d’argumenter puisqu’une opinion s’affirme, ne se prouve pas. Donc, la politique en démocratie d’opinion n’est pas qu’affaire d’argumentation, il faut entrer en résonance avec l’état d’esprit des gens, voire avec l’âme d’un peuple et cela relève d’autre chose que de la compétence, cela relève de dispositions personnelles acquises par l’expérience ou « naturelles ». Il me semble que c’est le cas de Ségolène Royal qui a le sens de l’écoute, la modestie de celle qui ne sait pas tout, la volonté de celle qui veut du pouvoir pour agir concrètement, en partant du local pour aller au global, qui bouscule les règles du jeu par des propositions qui gênent les corporatismes, les idées reçues, le consensus mou, la pensée unique. Ceux qui veulent des hommes de caractère à la hauteur des enjeux internationaux ou de la survie de l’espèce ont peut-être raison mais qui peut savoir ce que nous réserve l’avenir même en essayant de le construire responsablement pour nous et les générations futures ? On ne peut pas définir l’homme politique seulement comme celui qui aurait raison contre la majorité parce qu’en avance sur son temps ou faisant preuve de courage en temps de lâcheté. (Cette conception platonicienne du philosophe-roi, plus tard du roi-philosophe, est une conception aristocratique et non démocratique. Je rappellerai cependant que Platon dans La République envisage le tirage au sort en régime démocratique et gêné, parce qu'il n'est pas pour la démocratie, le trucage du tirage au sort. Pour ma part, je suis pour une généralisation du tirage au sort qui, utilisé aux Assises, ne rend pas une plus mauvaise justice que celle des professionnels en correctionnelle. La démocratie par tirage au sort serait peut-être plus  démocratique que la démocratie de parti qui désigne des candidats). Les grands hommes, cela peut marcher quelques fois dans l'histoire d'un pays qui n'est pas faite que par des grands hommes car le hasard est aussi pour quelque chose dans l'émergence d'un grand homme, de Gaulle le savait (volonté et chance, il faut les deux). L’homme ou la femme politique correspondent aussi à ce que nous sommes à un moment donné et il est sans doute vrai que nous avons les hommes et femmes politiques que nous méritons collectivement. Donc médiocres pour beaucoup, comme nous. Pour moi, Ségolène Royal correspond à ce que nous sommes, une partie des Français tout au moins, la majorité j’espère, à 51 ou 52% et elle a des traits de la femme de caractère, nécessaire pour faire bouger les choses. Et de ces deux déterminations, la 1° importe plus, avant les Présidentielles, la 2° vaudra après les élections si nous la faisons élire. Car ceux qui se gaussent sur sa soi-disant incompétence doutent-ils qu’arrivée à l’Élysée, elle manquerait de conseils et de conseillers pour l’aider d’autant que le projet du PS est le socle sur lequel s’appuierait son action.
Je n’ai qu’un conseil à donner à Ségolène Royal : ne pas croire qu’avec le vote massif des militants du PS (dont j’ai été), elle a conquis le cœur des Français. La ferveur populaire qu’elle sent, que nous sentons, n’est pas unanime : oui, il faut gravir la montagne, oui, nous avons un devoir de victoire pour les faibles, les humiliés, les licenciés, les exclus. Il faut continuer à être à l’écoute sur tous les sujets, il faut des débats participatifs sans censure comme c’est actuellement le cas sur le site de Désirs d’avenir, il faut créer l’enthousiasme qui échappe en grande partie à la raison car c’est un sentiment, puissant qui plus est, mais sur fond de scepticisme, de pessimisme, de nihilisme, il n’est pas facile à faire naître et à faire vivre. Quand on visite un site comme celui d’Axiom, qui pourtant se veut d’éducation citoyenne, on mesure combien la tâche sera difficile. Les jeunes ne seront pas faciles à enthousiasmer et les déçus des milieux populaires seront difficiles à reconquérir en partie. Un analyste comme Emmanuel Todd en doute : il faut lui donner tort. Comme il faut donner tort à certains auteurs d’articles que j’ai pu lire sur agoravox. Encore faut-il les lire pour savoir ce qu’on lui reproche, ce qu’on nous reproche, souvent injustement, et redresser la barre ou la tordre dans le sens qui provoquera un revirement d’attitude. Est-ce se conformer aux diktats de l’opinion comme nous en ont accusé ceux qui nous reprochent d’avoir voté Ségolène Royal. Oui et non. Pour ma part, j’ai voté après avoir suivi les 3 débats, les avoir commentés, avoir lu pas mal d’articles sur internet et dans la presse : elle m’a convaincu. Et sa sérénité, son rayonnement m’ont séduit, j’ai le sentiment qu’elle peut rassembler y compris avec ces atouts qui ne sont pas qu’atours.
Je pense qu’une femme-femme à l’Élysée ferait du bien à ce pays, je dis femme-femme contre ceux qui nient qu’il y ait des différences, qui voudraient que les femmes ne soient jugées que sur leurs compétences, cela relève du vœu pieux. Ségolène Royal, y compris quand elle parle d’encadrement militaire pour les primo-délinquants, s’exprime d’un point de vue de mère qui préfère pour ses enfants « coupables » autre chose que la prison et qui donc veut la même chose pour les autres. Car soyons clair : dire qu’elle est de droite (feu Bourdieu), qu’elle est populiste par certaines mesures proposées, qu’elle marche sur le terrain sécuritaire de la droite extrême ou d’extrême, c’est coller des étiquettes pour discréditer (ce qui en politique est de bonne guerre) mais c’est un peu court. Il y a des problèmes d’incivilité, de violence (on peut les expliquer de multiples manières mais non les excuser et je suis persuadé qu’il y a une manière de gauche de traiter réellement ces problèmes). Il y a inégalité des chances à l’école, elles se sont accentuées (on peut les expliquer de multiples manières mais je crois qu’il y a une manière de gauche de réellement favoriser l’égalité des chances). Les problèmes ne sont pas de droite ou de gauche, ce sont des problèmes, c’est la réalité sociale de notre temps : il y a par contre des réponses de droite et des réponses de gauche. On dit qu'elle fait de la politique avec des slogans, des formules creuses comme la politique par la preuve, un ordre juste. Comme si le sentiment d'injustice qui n'a pas besoin de définition pour être violemment ressenti n'était pas en recherche de justice, de preuve, de reconnaissance, de changement. Voilà un sentiment important dont Ségolène Royal a senti la place qu'il occupe dans le coeur de beaucoup de gens humiliés. Ceux qui comme Sarko désignent des boucs émissaires à la vindicte sont des allumeurs de mèche, sont des diviseurs. Ségolène Royal est sur le chemin qui peut conduire les Français à se réconcilier avec eux-mêmes et la politique. Je pense que les "slogans" de Ségolène Royal sonnent juste. Rien à voir avec 2002. On se souvient comment Jospin nous a plantés  avec son programme qui n’était pas socialiste, avec sa politique qui ne peut pas tout résoudre, avec son silence sur les questions de société que des médias mal intentionnés agitaient mais qui étaient des problèmes réels, exaspérants. Je n'avais pas voté pour lui au 1° tour, sans regrets, ni au 2° tour pour Chirac, sans regrets, comme l'avait demandé le PS. N’en déplaise à certains, le travail, la famille, l’école, la tranquillité, la paix sociale, la paix civile, c’est important et c’est important qu’on améliore les choses dans ces domaines comme dans celui du logement, de l’environnement, de la culture… Pour cela, plus nous aiderons à construire un mouvement populaire autour de Ségolène Royal, plus nous donnerons de chances à des changements nécessaires que seule une nouvelle génération politique sera à même de mener à bien. Tant pis pour les éléphants de tous les partis.
Merci donc à Jack Lang d’avoir eu l’idée d’une campagne d’adhésion massive au PS.
Merci donc à ceux qui ont contribué à faire infléchir le projet socialiste nettement à gauche.
À nous d’aller rencontrer les gens, les braves gens : ils sont à côté de nous, ils votent droite ou FN, n’en ayons pas peur; ne les rejetons pas, écoutons-les, parlons leur. L’élection se jouera serrée à mon avis. Ce ne sera pas un raz-de-marée.
Oui, gravir la montagne. Oui, devoir de victoire.
Jean-Claude Grosse, 30/11/2006

 
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