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Blog de Jean-Claude Grosse

Vassili Golovanov / Vélimir Klebnikov / Andréï Platonov

16 Septembre 2023 , Rédigé par grossel Publié dans #Corsavy, #FINS DE PARTIES, #SEL, #essais, #histoire, #notes de lecture, #pour toujours, #poésie, #écriture, #épitaphier

Vassili Golovanov / Vélimir Klebnikov / Andréï Platonov
Vassili Golovanov / Vélimir Klebnikov / Andréï Platonov
Vassili Golovanov / Vélimir Klebnikov / Andréï Platonov
Vassili Golovanov / Vélimir Klebnikov / Andréï Platonov
Vassili Golovanov / Vélimir Klebnikov / Andréï Platonov
Vassili Golovanov / Vélimir Klebnikov / Andréï Platonov
Vassili Golovanov / Vélimir Klebnikov / Andréï Platonov
Vassili Golovanov / Vélimir Klebnikov / Andréï Platonov
 
que lire après de tels livres, Suite française, Le passage des anges ?
un livre à la célèbre couverture jaune des éditions Verdier m'a attiré tout de suite : espaces et labyrinthes
son auteur Vassili Golovanov m'avait enthousiasmé avec son Éloge des voyages insensés, il y a quelques années 
déjà deux récits lus: 
- La source, consacré à la source de la Volga avec une évocation magnifique de fête traditionnelle avec accordéoniste et artistes, fête dédiée à la Vierge Marie en date du 21 septembre dans un village perdu proche de la source (femmes et hommes ont besoin de ces fêtes, boire, oublier, s'oublier, chanter, danser, se souvenir, le malheur de chacun étant connu de tous et chacun le faisant sien)
- et Khlebnikov et les oiseaux, l'inventeur de la langue Zaoum, 
là, je pense à D. K. qui m'a fait connaître ce génie
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D.K. qui m'a fait découvrir Khebnikov, lisant Zanguezi au parc du Mugel à La Ciotat Poésie dans l'arbre, une initiative portée par Jacqueline Dussol, cela se passa en août 2011

D.K. qui m'a fait découvrir Khebnikov, lisant Zanguezi au parc du Mugel à La Ciotat Poésie dans l'arbre, une initiative portée par Jacqueline Dussol, cela se passa en août 2011

Sur les 6 récits lus dans Espaces et labyrinthes de Vassili Golovanov, décédé à 60 ans, en avril 2021, un écrivain rare et puissant, édité par Verdier à Lagrasse, l’éditeur d’Armand Gatti, de Pierre Michon et la ville du Banquet du livre, où je me suis rendu plusieurs fois, il y a bien des années, au tout début.
Récits fouillés, documentés, d’actualité et de toujours parce que Vassili Golovanov ne peut pas vivre dans ce monde globalisé, de consommation et de soumission volontaire, de destruction de la terre, des gens, des langues, des cultures et part donc en géographe métaphysique vers des lieux à la fois réels et mythiques, mystérieux et pouvant ouvrir des possibles liés à des territoires oubliés mais encore vivants, où vivent encore quelques rares témoins de traditions et de langues en train de mourir mais chargées de significations et d’énergies. 
- Ainsi le récit sur le retour à la source de la Volga, avec sa fille, source gardée par un gardien tentant de conserver ce qui peut l’être, révélant sur quoi ouvre cette source, le plus grand fleuve de Russie débouchant par de multiples bras, souvent impraticables dans la mer Caspienne, face à la Perse, face aux steppes de l’est. 
- Suit le récit sur Khlebnikov, sur les relations entre le père, ornithologue dans la réserve caspienne et le fils, sur l’attrait de la Caspienne, terre et mer où peuvent se voir des lotus venus d’Asie, des ibis venus d’Égypte… Le génie verbal de Khlebnikov, « inventeur de langues », semble être le résultat d’une initiation d’âme à âme par un maître soufi persan, mort plusieurs siècles avant Vélimir, Attâr, l’auteur entre autres de La conférence des oiseaux. 
Évidemment, une telle thèse est incompréhensible, irrecevable pour et par des esprits cartésiens, rationalistes.
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- Le récit du retour au mont Bogdo avec son amour est le récit d’une ascension de 140 mètres seulement sur un mont réel et très chargé énergétiquement, ouvrant sur les steppes.
- Le 4° récit est consacré au parc de Priamoukhino, agencé par le père de Bakounine, dans l’esprit de la philosophie des jardins du XVIII° siècle, visant à rendre sensible l’harmonie entre une famille et la nature qui l’entoure (maison de 24 pièces pouvant accueillir 6 invités en même temps, avec des chênes plantés pour la naissance des 11 enfants…). 
Aujourd’hui, cette maison, ce parc en ruines, est gardé par un gardien et restauré l’été par des anarchistes russes. 
Long essai sur Bakounine, très documenté, partisan de la destruction des structures de tout état, bâtiments, documents, archives. Et sur les liens inattendus, ambigus entre Bakounine et Dostoïevski qui se serait servi de lui comme modèle (sans la flamboyance) pour le personnage de Nicolas Stavroguine dans Les démons.
- Le 5° récit, Vision de l’Asie, journal de Touva, est centré sur les steppes, au-delà de la taïga, de là où sont venues les invasions des Barbares, selon l’appellation des Grecs. Et de découvrir le Grand Interdit de Gengis Khan, l’histoire secrète des Mongols, écrite en 1240, transmise de bouche à oreilles pendant 8 siècles, grand interdit interdisant toute construction de ville, tout travail agricole et même chasses et battues dans la région où il se retira après sa blessure, autour de la montagne sacrée Khamar-Daban, en Bouriatie. 
Ce grand interdit pour assurer un monde de paix et d’harmonie a duré 7 siècles. 
Quel barbare !
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- Le 6° récit est consacré à la recherche des ruines de Tchevengour, d’après le titre du roman d’Andreï Platonov, achevé en 1928, paru sous une forme tronquée en France en 1972, et en 1988 en Russie. Auteur russe majeur déclare Brodsky avant de disparaître. 
N’ayant jamais entendu parler de Platonov, ce récit m’a intéressé en montrant comment un ingénieur de l’époque révolutionnaire, chargé de grands travaux d’irrigation comprend assez vite que le monde nouveau, l’homme nouveau, l’avenir radieux est porteur de tout ce qu’a engendré le totalitarisme bolchevique (Staline avait commenté en marge d'un manuscrit de Platonov : c’est un salaud) et de créer l’anti-Pétersbourg, l’anti-Moscou, Tchevengour, le paradis des gueux, ces paysans jugés inutiles par les bolcheviks. 
Platonov comprend que la Terre est un organisme vivant, que tout y est en lien et à respecter. Il est sur la même longueur d’onde que Vernadski. 
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Tchevengour (en russe : Чевенгур) est un roman écrit par Andreï Platonov entre 1926 et 1929, et publié intégralement pour la première fois en URSS en 1988. Refusé par la censure, le livre connut cependant plusieurs publications très fragmentaires, la première fois en avril 1928. Le héros parcourt l’URSS vers 1925 pour découvrir "le Socialisme réalisé ", et découvre le village de Tchevengour, où le Socialisme a été établi : les "bourgeois " locaux ont été massacrés, le commerce et le travail sont strictement interdits. Le soleil doit pourvoir à tous les besoins. Et les villageois meurent de faim... 
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« Vous êtes un homme de talent, c'est sans conteste, et vous avez une langue tout à fait originale. Mais avec toutes ces qualités indiscutables, je ne pense néanmoins pas que vous serez édité. L'obstacle, c'est votre mentalité anarchiste, qui est visiblement une partie consubstantielle de votre esprit. Que vous le vouliez ou non, vous avez donné à votre description de la réalité un caractère lyrico-satirique. Malgré toute votre tendresse pour les hommes, vos personnages sont voilés d'ironie, le lecteur voit moins en eux des révolutionnaires que des toqués, des cinglés. Je n'affirme pas que cela soit fait consciemment, mais c'est ainsi que pense le lecteur, du moins moi, Peut-être me trompé-je. J'ajoute ceci : parmi les responsables de revue actuels, je n'en vois aucun qui serait capable d'apprécier votre roman, à l'exception de Voronski, mais comme vous le savez, il n'est plus aux commandes. »
— Maxime Gorki, Lettre du 18 septembre 1929
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Ces récits parus en 2008, écrits avant (le dernier en 2001) sont des récits d’un homme soucieux par ses expériences géographiques (aller voir sur place et pas en touriste) de mieux comprendre ce qui se joue là où il vit (Moscou et le monde occidental ou le triomphe de la rationalité et de l’exploitation no limits) et comment le déjouer, comment renouer avec la sensibilité, l'intuition, comment retrouver le lien avec des spiritualités nettoyées de dogmatisme. 
En 2023, ce ne serait pas des anarchistes qui investiraient le parc de Priamoukhino mais des colibris ou une association usant pour son fonctionnement du RIC. 
En 2023, Tchevengour, ce serait des tiers-lieux pluri-indisciplinaires, des centres de méditation, de non-agir. 
Il me semble qu’en une quinzaine d’années, la demande non de sens, mais de valeur, de virtu est en augmentation. 
Le confinement pendant la covid a fait prendre conscience à pas mal de gens de l’absurdité de la vie qu’on mène et du monde dans lequel on vit. D’où d’innombrables essais, expérimentations, terreau propice à peut-être un changement de paradigme, s’il n’est pas trop tard. 
Ces récits tournés vers les steppes m'ont rappelé mes deux voyages en Bouriatie et au Baïkal, ma rencontre avec trois traditions, orthodoxe, bouddhiste, chamanisme. Et le mensonge dans lequel j'ai cru pendant 60 ans : la nécessité de la révolution.
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Vélimir Khlebnikov
Vélimir Khlebnikov (1885-1922), « président du globe terrestre », le plus grand des poètes russes, si grand qu’il « ne passe pas par n’importe quelle porte », a participé à la fondation du mouvement futuriste, puis s’en est écarté pour suivre un chemin de solitude. Novateur, il va au-delà du langage transmental des futuristes (zaoum, élégamment traduit par l’outrâme), dynamitant le langage pour recréer un monde nouveau. Les mathématiques, l’ornithologie (la profession de son père), l’astronomie, la philosophie façonnent cette langue nouvelle – langue des oiseaux, poésie stellaire – qui dit les bruissements du monde, en cherche la structure profonde. Salué par Roman Jakobson, il est aussi admiré par les poètes de sa génération, aussi différents de lui que Mandelstam, Pasternak, Tsvetaeva, et fascine des peintres comme Larionov ou Malevitch.
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La révolution a eu lieu. Elle a entamé radicalement le siècle.
En mai 1919, Khlebnikov quitte Moscou, une petite valise à la main : « Je vais dans le Midi, c’est le printemps. »
Il part vers l’un des points les plus brûlants de la guerre civile, l’Ukraine. L’errance va durer plus de trois ans et le mènera autour de la Caspienne, en Azerbaïdjan, au Daghestan, en Perse, puis de nouveau en Russie. Il sera emporté par la misère et la gangrène à Santalovo, un village du Nord, près de Novgorod.
La valise a fait place à une légendaire taie d’oreiller dans laquelle il entasse ses manuscrits, poèmes, proses, lettres, feuilles parfois volées ou envolées, qui accueille aussi son sommeil.
Il écrit aussi dans l’urgence, dans l’obscurité, dans la maison des fous, au profond de la faim, des abris de fortune, devant des feux de camp où s’échangent pain et poème, pain et immortalité.
Langue des oiseaux, poésie stellaire, écriture des nombres…
Je pense écrire une chose dans laquelle toute l’humanité, 3 milliards, participerait et où elle serait obligée de jouer. Mais la langue habituelle ne convient pas pour la chose, il va falloir pas à pas en créer une nouvelle.
(Lettre à Maïakovski, 18 février 1921.)
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Oeuvres
1 150 pages, 47,00 €, 978-2-86432-920-6, septembre 2017
aux éditions Verdier

In the Deathcar est la chanson du générique d'introduction du film d'Emir Kusturica Arizona Dream. Écrite par Iggy Pop, elle est interprétée d'une voix lugubre par le chanteur punk sur une musique plagiée.

Le générique de fin reprend sous le titre This Is a Film la même musique avec un chœur et des paroles, non chantées, d'Emir Kusturica.

 

In the Deathcar

 

Le poème, écrit par Iggy Pop, évoque, sur le thème du post coïtum animal triste, différentes scènes métaphoriques du film récurrentes dans l'œuvre de Kusturica : l'aboiement du chien fidèle, la vie conçue comme un accident, l'amour à plus d'âge, la vie plus vraie vécue par les personnages de cinéma, la civilisation de la voiture comme un emportement illusoire... Son refrain « Dans la voiture de mort, nous sommes en vie » exprime la philosophie calderonienne, développée dans le film, d'une vie qui n'est faite que d'illusions mais d'un désir qui se perpétue au-delà de la mort.

 

This Is a Film

 

Les paroles, écrites par Emir Kusturica, reprennent les mots d'Andrei Platonov dans son roman Tchevengour« Il voudrait montrer à Zakhar Pavlovitch les yeux d'un poisson mort et lui dire, Regarde, là est la sagesse! Le poisson se tient entre la vie et la mort, et c'est pour cela qu'il reste muet et impassible. Je veux dire, que même un veau pense, mais un poisson, non. Il sait déjà tout. ».

Le titre initialement envisagé pour « ce film » était en effet La Valse du turbot

 

 
 
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