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Blog de Jean-Claude Grosse

Marilyn, la dernière déesse/Jerome Charyn

12 Août 2011 , Rédigé par grossel Publié dans #pour toujours

Note de lecture sur

Marilyn, la dernière déesse/Jerome Charyn

 mm083

 

Ce livre de la collection Découvertes/Gallimard date de 2007. La bibliographie comporte 14 titres, l'essentiel des titres sur Marilyn. Iconographie et légende de qualité. Témoignages et documents bien choisis.

Que nous apporte ce livre ? Des points de vue dont celui de Charyn. Des points de vue contrastés, à l'image de la Jekill and Hyde féminine que fut Marilyn (qui était Gémeaux), femme de lumière (pour autrui) et d'obscurité (à soi), me semble-t-il. Disons que de ces contrastes émerge une femme qui apparemment échappe aux clichés qu'on a présenté d'elle, ce que l'on pressentait. Intelligente, usant de stratagèmes le plus souvent inconscients, réactions somatiques si l'on veut, pour faire entendre raison autrement que par des arguments à ceux qui prétendaient la diriger dans sa vie professionnelle comme dans sa vie privée. Elle a payé le prix fort de cette radicale indépendance ou liberté alors même qu'elle était sous contrat avec des magnats ressemblant à des soudards. Certes, elle s'est plantée avec les Marilyn Monroe Productions, mais n'avait pas renoncé comme le montre sa lettre à Lee Strasberg dans les Fragments. Elle a ouvert la voie à l'indépendance des stars par rapport au star-system. Elle a su séparer, à peu près, vie publique et vie privée, ce que font aujourd'hui la plupart des vedettes.

Ce que ce livre rend perceptible aussi sans que l'on rentre dans les détails, c'est la difficulté à séparer la légende et la réalité, à trouver la vérité. Entre les rumeurs colportées par le service communication des studios, favorables ou défavorables à Marilyn selon ses rapports avec les patrons, les légendes inventées par elle sur son enfance, son adolescence, celles colportées par les plumes acerbes ou chaleureuses des chroniqueurs d'Hollywood, celles colportées par ses hommes, amants, collègues, partenaires … il est impossible de reconstituer un chemin de vérité. On en est réduit à se dire que cette image composite, floue, fruit de multiples interactions d'images n'est maîtrisée par personne, et pas par la personne concernée, cela malgré son indéniable talent et travail sur elle (son corps et son visage ; elle dit sa capacité à faire dire à son visage ce qu'elle veut) et son image (elle passe des heures à LA regarder, en réalité à la fabriquer avec les magiciens qui s'occupent de ses cheveux, de son maquillage, de son corps).

Ce qui me frappe, en écrivant ceci, c'est le relativisme affiché par Marilyn sur la célébrité dont elle sait qu'elle est éphémère et qu'elle ne sert à rien quand on est seule et qu'on a froid la nuit, qu'elle la doit pour l'essentiel à la chance et aux hommes qu'elle a rencontré au bon moment (Johnny Hyde qu'elle a couvert de son corps, la nuit de sa mort, à l'insu de la famille du défunt, dit la légende inventée par Elia Kazan mais c'est si vrai ; ou Lee Strasberg pour sa carrière). Autrement dit, non une vie comme un destin, non une vie comme une tragédie, mais une vie jouée aux dés, une vie livrée aux hasards, Marilyn intervenant avec son intelligence non pour maîtriser, orienter mais dévier ( comme au jeu de billards). Elle dit d'une fille intelligente, qu'elle embrasse mais n'aime pas, qu'elle écoute mais n'est pas dupe, qu'elle quitte avant d'être quittée. Joyce Carol Oates dit que Marilyn, née au moment de la grande crise de 1929, avait une chance sur des millions de devenir ce qu'elle est devenue. Elle avait si peu d'atouts (un corps de rêve, des rêves fous et forts, et un inconscient qui lui a fourni le meilleur (son talent comique mais pas exclusivement) et le pire (ses angoisses, insomnies, ses peurs, ses dépendances). La chance, l'intelligence et les circonstances (la guerre froide, l'anticommunisme des Américains, le maccarthysme – elle fit preuve d'une solidarité exemplaire avec Arthur Miller, lui-même courageux face à ces inquisiteurs – , la fabrique à rêves – moyen d'une domination culturelle mondiale dénoncée par les soviétiques – , l'émergence de la sexualité dans une Amérique puritaine où il faut échapper à la censure … ) ont donné ce cocktail indescriptible : Marilyn Monroe, que je vois moins en déesse qu'en sirène, être hybride. Et parmi les sirènes, 

– là-bas ! Thelxiopé la troublante ! ici ! Thelxinoé l'enchanteresse !

Mais ce pourrait être Himeropa, Parthénopé, Molpé, Aglaophone, Aglaopé ... 

 

Jean-Claude Grosse

 

 

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