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Blog de Jean-Claude Grosse

Marilyn, une femme/Barbara Leaming

19 Août 2011 , Rédigé par grossel Publié dans #pour toujours

 

Marilyn, une femme

par Barbara Leaming

 

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Cette biographie date de 2000. Elle est bien documentée pour le point de vue qu'elle adopte, l'essentiel étant centré sur le conflit permanent entre le Studio et Marilyn. Le récit sur plusieurs chapitres aboutissant à la victoire de Marilyn sur Zanuck est presque fastidieux, tant les péripéties sont innombrables, illustrant ces deux lieux communs américains : business is business, time is money. Pratique du double jeu, secrets et effets d'annonce, utilisation habile des rivalités, utilisation habile ou maladroite des médias, importance du temps, des dates (tenir jusqu'à … puis accélérer … ), pressions diverses, menaces, procès, mises à pied, suspensions … Marilyn a appris à se battre en écoutant, voyant, souffrant et finalement, par son obstination, sa férocité, son habileté, ses maladresses aussi, elle obtient un contrat à la mesure de son rêve, de son attente, de son talent voire de son génie. Ce récit montre pour qui en douterait que les plans les plus élaborés peuvent échouer parce que des éléments imprévus se présentent, des événements inattendus ont lieu. Il faut faire avec, s'adapter. Ce récit montre que l'on peut souvent se tromper sur les intentions de ses partenaires comme de ses adversaires. Marilyn a connu maintes trahisons comme elle aussi a trahi mais dans la balance, ceux qui ont voulu se servir d'elle sont plus nombreux que ceux dont elle s'est servi.

On s'aperçoit que la vie de rêve ne l'est pas. Qu'Hollywood est une machine à exploiter, à broyer, sans état d'âme, seules les rentrées d'argent comptant. Payée de façon dérisoire alors même qu'elle rapporte déjà beaucoup, soumise à des rythmes ou des cadences infernales (4 jours entre la fin d'un tournage et le début d'un autre, horaires exigeants : 7 heures du matin … ), considérée comme une image sans cervelle, un visage sans cerveau, méprisée dans ses désirs de perfection, ignorée dans ses remarques sur les rôles, les personnages qu'on lui fait jouer, on se dit que l'énergie déployée par Marilyn pour se battre et gagner a été colossale, qu'il lui fallait une motivation d'une force exceptionnelle.

C'est son rêve d'enfant, devenir une star à Hollywood, inauguré avec Grace Mc Kee, qui l'a porté toute sa vie. Rêve puéril comme celui de milliers d'autres au moment de la crise de 1929, pour échapper au quotidien des familles d'accueil, de l'orphelinat, des agressions sexuelles précoces. Elle aurait tout aussi bien pu devenir une épouse comme tant d'autres dont la vie s'arrêtait à 20 ans. Cela faillit être son cas avec son mariage à 17 ans avec Jim Dougherty. Mais son rêve était très fort (elle l'a dit : en contemplant la nuit de Hollywood, je pensais : il doit y avoir des milliers de filles seules comme moi qui rêvent de devenir vedettes de cinéma ; mais je n'ai pas à me préoccuper des autres ; c'est moi qui rêve avec le plus de force), elle ne craignait pas la concurrence et sa proximité géographique avec Hollywood nourrissait son rêve (elle voyait les lettres RKO depuis une fenêtre de l'orphelinat).

Cette force s'origine t'elle dans le rejet de Norma Jeane par sa mère Gladys qui a tenté de l'étouffer à sa naissance et l'a livrée par manque de moyens et par instabilité aux familles d'accueil ? On a dit que les problèmes de Marilyn avec le studio étaient d'origine psychologique. Il faut alors s'entendre. Elle n'était pas intéressée par l'argent, elle voulait être merveilleuse, être admirée non comme la madame blonde qui roule des hanches, la sex symbol, la bombe sexuelle, objet des fantasmes masculins, mais comme artiste, comme actrice talentueuse, être respectée comme femme avec une cervelle et un coeur. Et elle a mis tout son talent, toute son énergie pour atteindre et obtenir l'amour et le respect des autres.

On peut dire cinquante après qu'elle a réussi. Mais réussite paradoxale, comme s'il y avait un malentendu. Marilyn en fréquentant l'Actor's studio veut se faire reconnaître dans des rôles tragiques ou dramatiques (Grushenka, les femmes chez Shakespeare et Tolstoï, elle aurait pu penser à Molly de Joyce). Or, ce sont ses rôles comiques qui restent et resteront. Elle réussit à infléchir les rôles stéréotypés que lui concoctait le studio, à leur donner un contenu très personnel et ce sont ses rôles que le public a aimés et aime. Elle a sous-estimé ses compositions comiques (le mot composition n'est pas bon car elle habitait son personnage), elle a sous-estimé la Fille, la Marilyn qu'elle a créée ; elle cherchait une actrice qui sans doute ne lui convenait pas, une actrice que les circonstances ne lui ont pas permis de rencontrer (l'échec de son mariage avec Arthur Miller étant la principale raison mais aussi sans doute les limites d'Arthur Miller lui-même comme dramaturge tant dans Les Misfits que dans Après la chute).

Terminons en soulignant que les rôles comiques de Marilyn rencontraient et rencontrent l'adhésion du public américain, encore très puritain, en ce sens qu'ils donnent de la sexualité une image innocente, inoffensive et donc permettent aux Américains et aux autres de se réconcilier avec la sexualité, enseignée, intériorisée comme dangereuse, destructrice, coupable. Arthur Miller est caricatural de ce point de vue là tant il charge Marilyn dans Après la chute pour se disculper, fuir sa propre culpabilité (coupable d'adultère avant son divorce d'avec sa femme Mary).
Cette biographie commence par le triangle Kazan-Miller-Marilyn et s'achève sur le même triangle. C'est extrêmement intéressant car cela nous rappelle des souvenirs de cinéphile (Sur les quais avec Marlon Brando, Un tramway nommé désir avec Marlon Brando et Vivien Leigh, Baby Doll avec Marlon Brando et Marilyn Monroe mais Kazan ne voulut pas de Marilyn qui fit tout pour obtenir le rôle et Marlon ne put le faire non plus) et la triste époque du maccarthysme (Kazan en délateur, Miller en homme de conviction défendu par Marilyn).

Les documents de Barbara Leaming en particulier les carnets de Miller lui ont fourni la matière d'une approche psychologique parfois irritante en ce sens que Marilyn est reconstituée à partir de documents d'autres sur elle or personne dans ces documents n'est neutre, objectif ; tous ont des intentions, il y a toujours des enjeux et cela donne une biographie où l'on a l'impression que tout est calcul, enjeux, manipulation, intentions cachées, inavouées, erreurs d'appréciation … Cela conduit Barbara Leaming à des formules genre : il était clair …, à l'évidence … Autrement dit, Barbara Leaming est persuadée de dire la vérité sur les uns et les autres et cette approche psychologique la conduit à conclure au suicide de Marilyn. Elle transforme en destin après avoir tellement mis l'accent sur les péripéties, les imprévus, les jeux d'influence occultes ou pas, la vie de Marilyn, habitée par une pulsion de mort liée à sa mère Gladys et par un instinct de survie également puissant mais la nuit du 4 août, Marilyn avait finalement accepté le jugement maternel … elle avait achevé le geste que Gladys avait entamé à ses yeux en tentant de tuer sa petite fille (page 445).

Ce qui échappe me semble t-il à la biographe c'est :

Elle avait le cœur pur. Elle n'a jamais compris ni l'adoration ni l'hostilité qu'elle suscitait (Edward Wagenknecht)

Pour survivre, il lui aurait fallu être soit plus cynique, soit encore plus détachée de la réalité qu'elle ne l'était. Malheureusement, elle était tel un poète des rues qui s'efforce de faire entendre des vers à une foule railleuse et méprisante (Arthur Miller)

Il vaut mieux être malheureuse seule que malheureuse avec quelqu'unI ( Marilyn)

Une carrière c'est quelque chose de merveilleux mais on ne peut se blottir contre elle la nuit, quand on a froid (Marilyn)

L'argent ne m'intéresse pas. Je veux simplement être merveilleuse (Marilyn)

 

Jean-Claude Grosse

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