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Blog de Jean-Claude Grosse

Le 2° été du Léthé/1° juillet 2017

1 Juin 2017 , Rédigé par grossel Publié dans #écriture, #bocals agités

marie madeleine par Donatello

marie madeleine par Donatello

deux visions de Madeleine, Donatello,  Le Titien, deux livres pour tarés, vignette de couverture de L'Ultime scène de Moni Grego
deux visions de Madeleine, Donatello,  Le Titien, deux livres pour tarés, vignette de couverture de L'Ultime scène de Moni Grego
deux visions de Madeleine, Donatello,  Le Titien, deux livres pour tarés, vignette de couverture de L'Ultime scène de Moni Grego
deux visions de Madeleine, Donatello,  Le Titien, deux livres pour tarés, vignette de couverture de L'Ultime scène de Moni Grego

deux visions de Madeleine, Donatello, Le Titien, deux livres pour tarés, vignette de couverture de L'Ultime scène de Moni Grego

Pour préparer le 2° été du Léthé qui se déroulera le 1° juillet 2017 à Toulon au lieu dit La Coquette, à Saint-Jean du Var, 124 Avenue Joseph Gasquet, 83100 à Toulon, à partir de 10 H, je propose différents liens sur Madeleine, sainte controversée, disons plutôt composite parce que mélange de plusieurs personnages féminins des Écritures. Elle est aujourd'hui surtout affirmée comme apôtre des apôtres parce que première à avoir reconnu Jésus ressuscité et à avoir annoncé la nouvelle, après avoir entendu tomber l'injonction Noli me tangere, Ne me touche pas, qui mérite qu'on s'y attarde. On sait le pouvoir de cette formule sur peintres et littérateurs. Depuis 1969, l'Église tente de restaurer une image plus pure de Madeleine, ce n'est plus une pècheresse, une prostituée, une repentante. Mais les tenants d'une figure plus ambigüe sont légions. Combats entre exégètes. Pour moi, c'est la sexualité spiritualisée (comment ?) de Madeleine qui me semble la voie d'approche la plus féconde. Sa traversée avec d'autres migrants, légendaire sans doute, de la Méditerranée sur une barque sans voile, sans rame, sans gouvernail est on ne peut plus d'actualité et oblige à penser la vie en termes d'exil, de destin, de survie, transcendés par un amour infini. À cette traversée, il faut ajouter sa traversée au désert du Plan d'Aups où bonheur, les sources donnent de l'eau fraîche ce qui doit rendre plus faciles, le renoncement aux tentations que connaissent tous les ermites menant une vie érémitique ainsi que l'apaisement, l'étanchement des désirs d'amour extatique.

Les N° d'Aporie, revue de légende que j'ai animée avec François Carrassan, sur Le Désert (N°7 de 1987) et sur Égée-Judée de Lorand Gaspar (N°9 de 1988) seront mis en circulation pour l'occasion.

Ce 2° été du Léthé comportera, outre les écritures sur la base de consignes que j'élaborerai, une lecture à voix haute du monologue théâtral, L'Ultime scène, ode à la disparition de la scène de théâtre, de Moni Grego. Et elle se fera un plaisir de donner des conseils de lecture à voix haute quand sera venu le temps de la restitution publique.

Ce 2° été comme le 1° est strictement sur invitations nominatives. Les textes seront mis sur le site des Écritures nomades.

temps prévus
1- 10 à 11 H, chacun vient avec un court texte d’un autre ou de lui (10 lignes) qui l’a structuré, lui a servi de repère, un texte fondateur
lecture par chacun ou un autre (par affinité ou hasard) de ces textes avec retour des autres participants
2- temps d’écriture, à partir de 11 H et après l'auberge provençale vers 12 H 30, durée 1 à 2 H, sur consignes; écriture en solo ou à deux (affinité ou hasard)
ça tournera autour de la figure de Madeleine (une image flottant dans nos inconscients);
faites vos propres recherches et lectures (mais ce n’est pas une nécessité ni une obligation)
3 pistes seront sollicitées pour 3 courts textes
- traverser sans voile, sans rame, sans gouvernail la Méditerranée
- 30 ans de vie érémitique dans une grotte particulièrement humide
- l’amour comme origine, chemin et but (Deepak Chopra avec Le chemin vers l’amour me semble intéressant à lire); 
les titres de deux livres photographiés à la Sainte-Baume serviront d'amorce
Épouse-là et meurs pour elle (des hommes vrais pour des femmes sans peur)
Marie-toi et sois soumise (pratique extrême pour femmes ardentes)
3- temps de partage, notre auberge provençale avec ce que nous apporterons, à partir de 12 H 30; n'oubliez pas d'apporter vos livres pour échanger, donner, qu'il s'agisse de vos oeuvres ou de livres que vous voudriez offrir au hasard de la rencontre
4- temps de lecture des textes avec échanges sur chaque texte, lecture soit par soi-même, soit par un autre à partir de 16 H
au préalable, Moni Grego nous donnera quelques conseils utiles sur comment lire à voix haute
5- lecture de L’Ultime scène de Moni Grego, texte édité aux Cahiers de l’Égaré pour ce moment, ode à la disparition de la scène de théâtre dans un lieu « magique »  appelé à disparaître, vers 17 H 30
ces deux temps de lecture seront ouverts au public et aux amis
6- agapes du soir, tangos dans le salon de La Coquette, vers 19 H
7- Christian Darvey réalisera un film, pour sauver les meubles, appelés à disparaître
8- les textes seront mis sur le site des écritures nomades
 
participent: Sylvie Combe, Michelle Lissillour, Lionel Parrini, Raphaël Rubio, Christian Darvey, Marilyne Brunet, Moni Grego, Fabienne Ashraf (le matin), Wianney Qoltan', Isabelle Barthélémy, Pauline Tanon, Léo Rocailleux, Eric Méridiano, moi-même; viennent pour accompagner Moni Grego,  Yves Ferry, comédien et Laurence Gaignère, cinéaste
ne participent pas : Marie-Hélène Taillard, Annie Bergougnous, Philip Segura, Alain Cadeo, Claire Descroix, Gilles Cailleau, Aïdée Bernard, Muriel Gébelin, Frank Lovisolo, Isabelle Bréchet, Gil Duran

Consignes

Les bienheureux qui séjournaient aux Champs Élysées dans le sous-sol grec pouvaient revivre une
nouvelle vie sur terre. Passant dans le Léthé, ils oubliaient tout de leur vie antérieure de héros ou de sage
mais pouvaient conserver, réactiver un souvenir pour leur nouvelle vie.
Vous êtes des bienheureux. Quel souvenir voulez-vous réactualiser pour votre nouvelle vie sur terre ?
Cela veut dire que vous êtes l'homme ou la femme qui était mort(e) et que vous allez vous réincarner en
un autre, l'homme ou la femme qui revit d'une autre vie, résurrection ? réincarnation ?
Vous aurez à votre disposition pour vos textes, ces deux personnages, l'homme qui était mort, l'homme qui
revit d'une autre vie.
Vous avez choisi un texte fondateur. Vous devrez vous en servir pour vos 2 écritures. Thème, citation ...
Nous sommes à La Coquette, vous intègrerez ce lieu et ce moment, 1° juillet 2017, dans vos textes.
3 thèmes à traiter en 3 textes courts :
– Madeleine dans une barque sans gouvernail, sans rame, sans voile, livrée aux vents, houles,
courants, encalminages de la Méditerranée, seule ou accompagnée, pour seul vêtement sa
chevelure abondante, et pour luxe, ses parfums ; elle souffre, elle prie, elle est en colère, elle a la
diarrhée, elle vomit, elle n'a rien à manger, à boire ; y a-t-il un miracle ? un événement
merveilleux surgit-il au pire des moments ? Votre Madeleine décidez si c'est la vraie, si elle est

d'aujourd'hui, venue d'où, pourquoi, pour où ? Ce qui lui arrive dans la barque jusqu'à Massilia est-
il réel ? Optez-vous pour un récit, un conte, un dialogue ?

– Madeleine dans la grotte de la Sainte-Baume vit 30 ans d'une vie érémitique, grotte humide, elle
ne se nourrit que de ses larmes. Quelles larmes pleure-t-elle ? De quelles larmes nourricières

s'agit-il ? Elle monte au ciel, entre terre et paradis, ascension pouvant durer 7 H. Que se passe-t-
il ? Contemple-t-elle quelqu'un, quelque chose ? Pense-t-elle pendant son ascension et son extase ?

A-t-elle des visions ? Donnez-nous envie de nous élever. Donnez-nous envie de revenir ici-bas !
La grotte est-elle rassurante, inquiétante ? Quelles résonances entre la grotte et le ventre-mer, entre
la grotte et le ventre-mère ? A-t-elle été engrossée ? A-t-elle un désir d'enfant ? Porte-elle un tel
désir ? Ou y a-t-elle renoncé, femme à moitié ou femme accomplie malgré tout ? Votre Madeleine
grotesque est-elle la vraie, est-elle un fantasme ? A-t-elle un interlocuteur, un intercesseur ?
Demande-t-elle ? Quoi ?
– Madeleine et l'amour sublime. Imaginez sa relation de prostituée repentie, de pècheresse,
d'épousée, d'épouse à l'Époux. Quel statut souhaitez-vous lui donner ? Un, plusieurs ? Cet Époux,
l'acceptez-vous fils de Dieu, se refusant à Madeleine, Ne me touche pas ! Ressuscitant, donc se
montrant à elle pour ensuite disparaître, s'élever avec la promesse de revenir à la fin des temps
pour le grand rassemblement des ressuscités ? Croyez-vous à sa mission de Sauveur ? Le
préfèreriez-vous plus soucieux de Madeleine, la comblant, comment ? Cet amour sans
consommation est-il source d'élévation, d'extase ? À quoi peut-il faire accéder ? L'extase mystique,
est-ce que ça, ÇA, vous parle ? Le sexe peut-il être source de comblement ? La jouissance, la
petite mort, n'est-elle pas chacun son moment de plaisir, dans son moment de plaisir ? L'autre
Jouissance dont parle Lacan, indicible, réservée à certaines femmes, sur laquelle rien ne peut être
dit car cette Jouissance est accès au Réel le Grand Réel de René Char, croyez-vous possible de la
décrire ? En poète, en dramaturge, en psychanalyste ?
– Si possible des textes d'une quinzaine de lignes. Bonne écriture.

JCG

8 – Oui je veux bien OUI

Lui-Je, hyérosolymitain d’Avers sous les eaux depuis le Déluge, celui qu’on appelle communément J.C., tenait à marquer l’événement. 50 ans de mariage, ça se fête, même en l’absence de l’épousée, partie, passée, trépassée 7 ans avant. Il choisit un lieu magique au bord du petit étang de La Coquette à Toutenlong, le coin exclusif pour deux personnes, des amoureux, des tourtereaux, des tourterelles, la tonnelle à laquelle on accède par un ponton. Il loua les services d’une fille de joie. Il préfère ce mot aux autres, prostituée, pute. La fille de joie à la réputation très discrèten’avait pas l’âge de l’épousée. L’épousée aurait eu 69 ans. La fille de joie avait 47 ans. Il fut surpris de découvrir que c’était la métisse qu’il avait rencontrée chez Serge et Lula à La Béate dans la forêt des Maures en août 2001. Elle se prénommait Lola. La fille de joie était intuitive et spirituelle. Elle s’aperçut vite que l’épousé, le marié n’était pas triste, qu’il n’avait nulle envie de finir la nuit par une fellation. Elle comprit quand l’épousé lui montra le texte qu’il avait écrit et qu’ils allaient vivre. Il insista sur le mot.

− Vous allez être une femme extraordinaire, Lola, vous allez être Marie- Madeleine

− La Marie-Madeleine de la Sainte Baume, wouah ! Elle savait s’envoyer en l’air, celle-là, elle n’avait pas besoin d’un praticien des points G

− Vous pensez que vous serez à la hauteur ?

− Jusqu’au 7° ciel, sûrement pas, je ne monte jamais si haut ; par contre, mes clients atteignent toujours l’épectase, raides morts en dégorgeant dans la volière en plein air à La Béate où ça se passe. Le caquètement des volatiles est extrême, favorisant l’envol. Si vous ne le savez pas, les oiseaux, entre terre et ciel, médiateurs, ont un extraordinaire magnétisme animal. La volière est donc idéale pour mon travail.

− Ça doit vous valoir une réputation et des ennuis.

− Réputation, oui, ennuis, non. Ce sont des candidats au suicide laissant toujours une lettre d’adieu expliquant leur choix. De ma part, ce n’est en aucun cas une punition, une vengeance parce que je détesterais les hommes – c’est vrai que je les déteste, ils ne savent que violer, mais je ne suis pas méchante, je suis une bonne âme, j’ai le cœur et leur queue dans la main. Je leur rends service au mieux de mes compétences.

− Vous êtes la garce qu’il me fallait. J’adore la saleté, la cochonceté, ça pimentera mon histoire d’amour sublime avec l’épousée.

- Vous n’y êtes pas du tout. Comment pouvez-vous m’imaginer en garce ? Vous êtes aussi un malade du gland ?

- Excusez-moi, je me suis imaginé ça. Je suis un gland malade.

Apéritif au champagne,

lui – à nos 50 ans de mariage mon p’tit chat,

Lola – à nos 50 ans d’amour avec coups de canif dans le contrat et pardon mutuel, mon p’tit chat,

lui. – ah bon, vous savez ?
Lola – non mais c’est possible donc réel, entrée à base de gambas grillées.

Lola lui raconte son parcours, d’enfer en enfer, de pervers en pervers, de trou duc’ en trou duc’, jusqu’à son accueil chez les Rezvanupied pour accompagner Lula, les mecs, je vous dis pas, le cerveau dans la queue,

Saint-Pierre au gros sel.

Il fait monter les larmes aux yeux de Lola quand il raconte le voyage à Culbas du fils et du frère,

  • –  ça a dû être terrible pour l’épousée,

  • –  quelque chose s’est cassé dans ma tête, elle m’a dit quand le maire du village nous a informés, avec 9 jours de retard ; partis en avion, accrochez-vous, le 11 septembre 2001, partis pour toujours le 19 septembre 2001, informés de leur mort le 28 septembre 2001, 9 jours de blanc, le blanc du temps

    À 10 mètres d’eux, Bubu, la légende, l’ami de Plume d’Ange, joue du saxo avec son trio de jazz cubain. Voluptueux, ce saxo qui respire, souffle et prolonge ses notes jusqu’à asphyxie, jusqu’à ce qu’elles meurent, fassent silence. C’est ce que demande le maître de musique de Tous les matins du monde.

Au dessert, ils iront danser un slow chaud, chaud leur show.

L’épousé, éméché, costume de marié débraillé – Bienheureux je suis. Pour vie nouvelle. Droit à un vieux souvenir. De l’ancienne vie. Vie de héros, de sage, d’ouvreur de voies ? En tout cas, j’ai eu droit aux Champs-Élysées. Je me souviens, je veux me souvenir de toi, Marie Madeleine. Il m’avait convaincu que j’étais son fils, le Fils de l’Homme. J’avais cru à ma mission de Sauveur des Hommes. Je me suis sacrifié. Ils m’ont crucifié. Père, pourquoi m’abandonnes-tu ? Phrase terrible. Désespéré, j’étais. Ces clous ! Cette éponge de vinaigre ! Saloperie de bourreaux ! Froids fonctionnaires de la mort en série. Mis au tombeau, j’en ressors comme Lazare, à qui j’ai dit : Lève-toi et marche ! M’a toujours fasciné ce retour de l’homme qui était mort. Ils y travaillent les prophètes du futur de la Silicon Valley. Ray Kurzweil, directeur de projet chez Google, annonce qu’on pourra revenir de la mort dès la Saint-Valentin du 14 février 2037. Je ressors du tombeau. Et toi, Marie Madeleine, première à me voir, à y croire. Pourquoi l’homme mort que j’étais a accepté cette ascension ? Pourquoi te répondre Noli me tangere, à mon surgissement nouveau. Pourquoi te faire cette Promesse de retour à la fin des Temps pour le grand rassemblement des ressuscités ? Sais-je qui je suis ? Un Sauveur ? Un Salaud ? Marie Madeleine, entends-tu mes tourments ?

Marie-Madeleine, éméchée, hystérique, les seins hors du balconnet de sa robe de mariée louée – Le fuir, fuir ce salaud. Toujours s’est refusé à rendre ce que je lui donnais, ce que je lui offrais, mon corps, ses orifices, ses trous. Mes palpitations du tréfonds, là où sont tapies les stupeurs pétrifiées de trop d’audaces. Pas assez gratuit mon don ? Prends ça dans les dents Noli me tangere ! Veut vrai don, don sans retour, don sans attente de retour ? C’est ça que je devais comprendre ? Oh Marie, mère de Jésus, ce mal de ventre, cette diarrhée diarrhée diarrhée é é é ! (3 jours plus tard, de plus en plus faible) vidée é é ! (petite voix ). Oh Jésus ! Que se passe- t-il ? ... Où suis-je ? ... La Coquette, Le Barbecue, La Plancha, 3 en 1, la Sainte-Trinité. Hahaha ! Je suis donc une Bienheureuse, autorisée à une vie nouvelle avec un vieux souvenir à oublier, l’amour charnel, l’amour physique toujours raté. Réinventer amour à l’ancienne, amour courtois, amour de troubadour. Marie-toi et sois soumise, dit le livre de la pratique extrême pour femmes ardentes. Oui je veux bien oui. Oh, ce coin de tonnelle pour tête à tête, à la Roméo et Juliette, au bord de l’étang, oui je veux bien oui ! Place réservée au Revenant, au Bienheureux. Oui je veux bien oui. Place réservée à la Revenante, la Bienheureuse, à l’épousée, jour après jour jusqu’à ce que ça fasse toujours, pour leurs 50 ans de mariage, ce 1° juillet 2017. Quelle réception ! comme il m’a embrassée sous la tonnelle et alors je lui ai demandé avec les yeux de demander encore oui et alors il m’a demandé si je voulais oui dire oui et d’abord j’ai mis mes bras autour de lui oui et je l’ai attiré sur moi pour qu’il sente mes seins tout parfumés oui et son cœur battait comme fou et oui j’ai dit oui je veux bien Oui

Sous la tonnelle du tête à tête, le Bienheureux – Quelle connerie ma première vie ! Croire que j’avais à les Sauver tous ! Quel orgueil d’Insoumis !

Sous la tonnelle du tête à tête, la Bienheureuse – Oui, quelle connerie de t’envoyer en l’air ! Ton ascension ! Alors que t’as pas été capable de rester en moi, le 14 juillet 1970, quand tu m’as éjecté par ton retrait du grand Orgasme Cosmique, de la noce mystique pour me ramener à la petite mort orgasmique. C’est pour me rappeler cette blessure de ma sexualité que tu fabriques ce mirage - d’une barque qui dérive à une table gastronomique ? Je vais te dire, fils de Pute. Tu as eu raison de revenir à la maison qui n’est pas celle du Père. Tu le sais que t’es né de Père Inconnu ? Que t’es né sous X ? Né du Saint-Esprit, 3 en 1 !

Le Bienheureux – D’où tiens-tu ce savoir qui me démolit ?

La Bienheureuse – 30 ans de vie grotesque dans la grotte à te nourrir de tes larmes, ça te ramollit le bulbe et la vulve tu sais. Je n’avais pour me distraire que mes envols, sept heures durant, entre terre et paradis, au septième ciel, vol stationnaire, lévitation quantique. Ça y est, ils commencent à admettre que c’est possible, les cartésiens ! J’ai vécu dans ma chair décharnée que la Vraie Vie est ici-bas, que le Très-Haut n’est pas là-bas, là-haut mais ici, sous cette tonnelle, oui, je veux bien oui que tu ne me fasses pas l’Amour, ni le sublime ni le sublimé, oui je veux bien oui que tu me baises comme je le criais avec mes yeux, le 14 juillet 1970. Ô mon Bien-Aimé, BAISE-MOI !

Le Bienheureux – Oh ce n’est pas mirage mais bien miracle, magie. Sous cette tonnelle pour nos 50 ans de mariage, tu n’es pas un mirage, une image. Te voilà de retour, en chair et en os, ma disparue depuis sept ans. Tu as dormi du sommeil des sept dormants d’Éphèse. Tu t’es endormie, tu avais mal entendu Hamlet, tu l’avais déformé : dormir, rêver ... mourir peut-être. Lui, dit : mourir, dormir rien de plus, rêver peut-être. Tu t’es endormie après 14 apnées comme le jour de ta naissance, ma Bien-Aimée Valentine du 14 février. Quel retour ! Vois comme le monde n’a pas changé. La modernité qu’ils disent ! Allez, on s’en tape de leur monde. Levons la coupe de champagne, de notre préféré, la Veuve Clicquot ! À notre amour au jour le jour ! Le livre ne le dit-il pas : Épouse-la et meurs pour elle, sois homme vrai pour femme sans peur ? Oui je veux bien OUI. Cette nuit, Je Te Baise ! Épectase !

La Bienheureuse – Pas de Promesse ! La Preuve ! L’extase ! Oui je veux bien OUI.

Des gens attablés autour de l’étang sont intrigués par ce couple allumé, débraillé. Des femmes jalouses taquinent sous table leur vis à vis. Des hommes excités essaient d’obtenir l’adresse de Lola, fille de joie. Mais le moloch, le cerbère veille. Accès interdit.

Ils ont dansé, accompagné par Bubu, le roi du sax, jouant langoureux pour eux. Danses lascives, très serrées. Pas de baiser, pas dans le contrat. Mais l’épectase et l’extase en perspective.

Revenus à leur table, les deux lecteurs s’effondrent sur la table, sous la tonnelle. Leurs bras sont entrelacés.

Lola – Merci.

Lui– Pas de quoi.

Lola – Sacrée expérience.

Lui – Expérience sacrée plutôt. Je ferai appel à vous Lola quand je me sentirai prêt pour l’épectase.

Lola – vous ne serez jamais candidat à cette expérience, vous aimez trop la vie. Mes « clients », 2-3 par an, sont toujours des gens importants, talentueux, puissants, argentés mais de gros cons en tant qu’humains, que personnes, sans empathie, mutilés affectivement et sentimentalement, malades du gland et obsédés du nombril.

Lui – pourquoi viennent-ils vous voir ? 

Lola – ça c’est un mystère
Lui – comment ça se passe ?

Lola – le candidat doit venir me voir. Je ne suis pas facile à trouver. Aucun téléphone. Pas géolocalisable. Paiement d’avance : 15.000 €. Écoute du candidat. J’essaie de le ressentir, de le humer.

Rendez-vous 3 semaines après, toujours l’été, la saison des sexcités. Pour chaque candidat, je mets en place un rituel d’inspiration vaudou, que je lui détaille. La passe puisqu’il s’agit de passer n’a aucune limite de temps. Elle peut durer pour les cons les plus coriaces (la peur de la mort tout de même, il faudrait plutôt dire la peur de cesser de vivre parce que de la mort on ne saura jamais rien) bien que disponibles jusqu’à 12 h.

Lui – pourquoi un rituel de type vaudou ?

Lola – l’épectase que je pratique est une métamorphose. L’énergie sexuelle est biologiquement une énergie de reproduction. Sans reproduction, pas de perpétuation de la vie. Or l’homme a dénaturé cette énergie en énergie de plaisir, se dénaturant par là-même. Ma pratique consiste à nettoyer le gros con, souvent un corps lourd, adipeux, à l’alléger de tout un fatras de cadenas mentaux, sexuels, de schémas de domination. Le passage par les esprits est une nécessité. De la lourde matière aux corps subtils. Nus, tous les deux, il découvre enfin le corps, le respect du corps, le regard non lubrique ni hubrique sur le corps, l’amour non possessif du corps.

Il se vide en plusieurs fois de sa semence de plaisir. Vide de sa semence mal utilisée, il peut passer. Puisque cesser de vivre c’est cesser de pouvoir procréer. La métamorphose, c’est ça, passer du trop plein mal orienté au vide. Vous n’imaginez pas la beauté de ces corps, de ces visages après le passage, la paix qu’on lit sur les visages, la béatitude qu’on respire sur les lèvres.

Lui – vous m’impressionnez Lola. Quel métier ! Et quand le con est passé ?

Lola – je fais venir un médecin, la police, pour constater le passage par épectase, lettre du candidat présentée en premier. Je ne vous dis pas les regards noirs. Comme ce sont des gens importants, connus, le passage n’est pas ébruité. La famille fait profil bas.

Lui – vous n’avez jamais été menacée ?
Lola – Serge m’a laissé ses deux molosses. Celui qui s’aventurerait serait déchiqueté. Vous avez lu Le dresseur ?

Lui – oui, rien que le rappel du titre me renvoie au froid glacial que j’ai éprouvé. Lola, restons en contact, vous êtes une femme savoureuse. La métamorphose des esclaves (les puissants en premier) a besoin de personnes comme vous.

Lola – et oui je dis oui je veux bien Oui.

Et ton livre d'éternité ? (pages 124-130)

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