Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Blog de Jean-Claude Grosse

notes de lecture

l'enseignement de Jean-Yves Leloup

Rédigé par grossel Publié dans #JCG, #développement personnel, #notes de lecture

L'assise et la marche sont deux postures complémentaires face à la vie. Méditer, pour ne pas se laisser disperser, mais rester au contraire en connexion avec soi-même. Marcher, pour ne pas rester prisonnier des liens qui nous entravent, mais être toujours relié au mouvement de la vie.   Jean-Yves Leloup n'a jamais interrompu cette recherche intérieure, faite de méditations inspirées des traditions chrétiennes et orientales, et de marches, des sommets du mont Kailash aux dunes du désert. Puisant à la source de la mystique et des grands textes sacrés, il nous livre ici un véritable éloge du voyage intérieur, rythmé par de longues quêtes et de riches haltes méditatives. « Assieds-toi et marche ! » : deux paroles à tenir ensemble pour se rapprocher de soi-même, s'ouvrir et atteindre la présence, au coeur de l'être.

L'assise et la marche sont deux postures complémentaires face à la vie. Méditer, pour ne pas se laisser disperser, mais rester au contraire en connexion avec soi-même. Marcher, pour ne pas rester prisonnier des liens qui nous entravent, mais être toujours relié au mouvement de la vie. Jean-Yves Leloup n'a jamais interrompu cette recherche intérieure, faite de méditations inspirées des traditions chrétiennes et orientales, et de marches, des sommets du mont Kailash aux dunes du désert. Puisant à la source de la mystique et des grands textes sacrés, il nous livre ici un véritable éloge du voyage intérieur, rythmé par de longues quêtes et de riches haltes méditatives. « Assieds-toi et marche ! » : deux paroles à tenir ensemble pour se rapprocher de soi-même, s'ouvrir et atteindre la présence, au coeur de l'être.

Autrement que Félix Guattari et Arne Naess, qui ont employé ce terme, Jean-Yves Leloup nous introduit ici à cette écologie intégrale qu’il appelle écosophie. Elle intègre en effet l’écologie rationnelle et scientifique, l’écologie instinctive ou chamanique, l’écologie intuitive ou non dualiste et l’écologie affective et religieuse ou écologie sacrée. Changer notre regard sur nous-mêmes et notre environnement est le préalable à tout désir de préserver ou de changer le monde.  Aux regards de la politique, de l'économie, de la science et de la philosophie, il faut joindre celui de la contemplation et de la Philocalie ; Rumi et François d'Assise ont été les précurseurs de cette écosophie qui respecte, prend soin de la nature et en célèbre la beauté – l'Être infini y est manifesté et caché.

Autrement que Félix Guattari et Arne Naess, qui ont employé ce terme, Jean-Yves Leloup nous introduit ici à cette écologie intégrale qu’il appelle écosophie. Elle intègre en effet l’écologie rationnelle et scientifique, l’écologie instinctive ou chamanique, l’écologie intuitive ou non dualiste et l’écologie affective et religieuse ou écologie sacrée. Changer notre regard sur nous-mêmes et notre environnement est le préalable à tout désir de préserver ou de changer le monde. Aux regards de la politique, de l'économie, de la science et de la philosophie, il faut joindre celui de la contemplation et de la Philocalie ; Rumi et François d'Assise ont été les précurseurs de cette écosophie qui respecte, prend soin de la nature et en célèbre la beauté – l'Être infini y est manifesté et caché.

L'Enseignement de Jean Yves Leloup

MEDITER ET PRIER DANS TOUS LES SENS
Dans la prière, l’oeuvre de l’Esprit, avant d’illuminer, est de guérir, de rendre à l’homme le bon usage de ses sens afin qu’il puisse – en vérité – voir, entendre, toucher, sentir, goûter « ce qui est » et entrer dans la Présence de « Celui qui Est ».
L’exercice méditatif de tous les sens pourrait être ainsi l’introduction à une oraison profonde.
Il s’agit de les considérer comme des alliés dans la prière et non comme des ennemis ou des obstacles à la grâce.
Tout ce qu’on sait de Dieu, c’est toujours un homme qui le sait.
Tout ce que l’homme sait de Dieu, il le sait dans son corps. Paul Evdokimov, à la suite de la tradition orthodoxe, parlera d’une « sensation de Dieu » indiquant la participation de tout l’être à la prière.
Dans l’étude contemporaine des processus de la mémoire on connaît mieux l’importance du corps. On ne se souvient que de ce que l’on a réellement éprouvé dans son corps. Se souvenir de Dieu dans la tradition ancienne n’est pas un simple acte de l’intelligence et du coeur, c’est garder en soi l’empreinte d’une présence. « Marche en ma présence et sois parfait » disait Dieu à Abraham.
Prier ce n’est pas penser à Dieu ; c’est entretenir la sensation d’une présence qui nous enveloppe et qui nous guide.
Bien sûr il ne s’agit pas de réduire cette présence à la sensation que nous pouvons en avoir (comme à la compréhension ou l’amour que nous pouvons en avoir).
La présence déborde de toute part notre appréhension, mais néanmoins « selon notre capacité » qui reste toujours à élargir, elle se communique réellement à nous.
L’essence de Dieu demeure inaccessible, c’est son énergie qui se communique à nos sens, pourrions-nous dire en reprenant les distinctions de Grégoire Palamas. Nous ne sommes pas au coeur du soleil, et pourtant chaque rayon de sa lumière c’est bien le soleil… Prier, c’est être nu et se laisser ensoleiller.
L’ascèse commence par une purification de tous les sens. Il s’agit de les accorder à la présence de l’incréé, de les rendre silencieux, sans les interprétations du mental, c’est-à-dire nus dans l’étreinte avec ce qui est.

Méditation hésychaste

Méditer comme une montagne, méditer comme un coquelicot, méditer comme l’océan, méditer comme un oiseau, je m’étonnais que le père Séraphin fasse appel aux « maîtres » que nous donne la nature. Dans son optique, il fallait récapituler tous les règnes de la création, minéral, végétal, animal, avant de prétendre être un homme et de prier comme Abraham…La grâce de Dieu, avant d’illuminer notre nature, doit d’abord la guérir…

L’effort qu’il me demandait n’avait par pour but de provoquer la grâce, mais de m’y disposer naturellement. A quoi bon polir le marbre de la fontaine si ce n’est pour que la source s’y donne plus claire ?...

Il m’enseigna l’importance du corps dans la prière : « La prière est un acte physique. Tu confonds la glose et la gnose. La gnose, la connaissance dans l’Esprit Saint, touche aussi bien le corps que l’intelligence. Te soumettre humblement à une pratique d’assise régulière t’évitera bien des illusions. Ton corps a aussi quelque chose à te dire sur Dieu, toute créature a quelque chose à te dire sur son Créateur… »
…Le Père accordait également beaucoup d’importance à l’écoute (plus qu’à la maîtrise) de la respiration. « Prier, c’est respirer », me disait-il.

La méthode de prière orthodoxe

Selon l’enseignement du Père Séraphin du Mont Athos
Auteur question de Jean-Yves Leloup
Lorsque M. X…, jeune philosophe français, arriva au Mont Athos, il avait déjà lu un certain nombre de livres sur la spiritualité orthodoxe, particulièrement la petite philocalie de la prière du Coeur et les récits d’un pèlerin russe. Il avait été séduit sans être vraiment convaincu. Une liturgie, rue Daru à Paris, lui avait inspiré le désir de passer quelques jours au Mont Athos, à l’occasion de vacances en Grèce, pour en savoir un peu plus sur la prière et la méthode d’oraison des hésychastes. Ces silencieux en quête d’ “hésychia”, c’est-à-dire de paix intérieure.

Raconter dans le détail comment il en vint à rencontrer le père Séraphin qui vivait dans un ermitage proche de Saint-Panteleimon (le Roussikon comme l’appellent les Grecs) serait trop long. Disons seulement que le jeune philosophe était un peu las. Il ne trouvait pas les moines ‘‘à la hauteur’’ de ses livres. Disons aussi que s’il avait lu plusieurs livres sur la méditation et la prière, il n’avait pas encore vraiment prié ni pratiqué une forme de méditation particulière ; et ce qu’il demandait au fond, ce n’était pas un discours de plus sur la prière ou la méditation, mais une ‘‘initiation’’ qui lui permettrait de les vivre et de les connaitre du dedans, par expérience et non par “ouï-dire".

Le père Séraphin avait une réputation ambiguë auprès des moines de son entourage. Certains l’accusaient de léviter, d’autres d’aboyer, certains le considéraient comme un paysan ignare, d’autres comme un véritable staretz inspiré du Saint-Esprit et capable de donner de profonds conseils ainsi que de lire dans les coeurs. Lorsqu’on arrivait à la porte de son ermitage, le père Séraphin avait l’habitude de vous observer de la façon la plus indécente : de la tête aux pieds pendant cinq longues minutes, sans vous adresser le moindre mot. Ceux que ce genre d’examen ne faisait pas fuir pouvaient alors entendre le diagnostic cinglant du moine : 
- Vous, Il n’est pas descendu en dessous du menton. 
- Vous, n’en parlons pas. Il n’est même pas entré. 
- Vous, ce n’est pas possible, quelle merveille. Il est descendu jusqu’à vos genoux.

C’est du Saint-Esprit bien sur qu’il parlait et de sa descente plus ou moins profonde dans l’homme. Quelquefois dans la tête mais pas toujours dans le coeur ou dans les entrailles, il jugeait ainsi la sainteté de quelqu’un d’après son degré d’incarnation de l’Esprit. L’homme parfait, l’homme transfiguré, pour lui c’était celui qui était habité tout entier par la Présence de l’Esprit-Saint de la tête aux pieds, “Cela je ne l’ai vu qu’une fois chez le staretz Silouane, lui disait-il, c’était vraiment un homme de Dieu, plein d’humilité et de majesté.”

Le jeune philosophe n’en était pas encore là, le Saint-Esprit s’était arrêté ou plutôt n’avait trouvé de passage en lui que “jusqu’au menton”. Lorsqu’il demanda au père Séraphin de lui parler de la prière du cœur et de l’oraison pure selon Evagre le Pontique, le père Séraphin commença à aboyer. Cela ne découragea pas le jeune homme. Il insista… alors le père Séraphin lui dit : “Avant de parler de prière du coeur, apprend d’abord à méditer comme la montagne..” et il lui montra un énorme rocher. “Demande-lui comment il fait pour prier. Puis reviens me voir.”

MÉDITER COMME UNE MONTAGNE
Ainsi commençait pour le jeune philosophe une véritable initiation à la méthode d’oraison hésychaste. La première indication qui lui était donnée concernait la stabilité. L’enracinement d’une bonne assise.

En effet, le premier conseil que l’on peut donner à celui qui veut méditer n’est pas d’ordre spirituel mais physique : assieds-toi.

S’asseoir comme une montagne cela veut dire aussi prendre du poids : être lourd de présence. Les premiers jours le jeune homme avait beaucoup de mal à rester ainsi immobile, les jambes croisées, le bassin légèrement plus haut que les genoux (c’est dans cette posture qu’il avait trouvé le plus de stabilité). Un matin il sentit réellement ce que voulait dire méditer comme une montagne. Il était là de tout son poids, immobile. Il ne faisait qu’un avec elle, silencieux sous le soleil. Sa notion du temps avait complètement changé. Les montagnes ont un autre temps, un autre rythme. Être assis comme une montagne c’est avoir l’éternité devant soi, c’est l’attitude juste pour celui qui veut entrer dans la méditation : savoir qu’il a l’éternité derrière, dedans et devant soi. Avant de bâtir une église il fallait être pierre et sur cette pierre (cette solidité imperturbable du roc) Dieu pouvait bien bâtir son Église et faire du corps de l’homme son temple. C’est ainsi qu’il comprenait le sens de la parole Évangélique : “Tu es pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Église."

Il resta ainsi plusieurs semaines. Le plus dur était pour lui de passer ainsi des heures “à ne rien faire ‘’. Il fallait réapprendra à être, à être tout simplement - sans but ni motif. Méditer comme une montagne c’était la méditation même de l’Être, “du simple fait d’Être’’, avant toute pensée, tout plaisir et toute douleur.

Le père Séraphin lui rendait visite chaque jour, partageant avec lui ses tomates et quelques olives. Malgré ce régime des plus frugal, le jeune homme semblait avoir pris du poids. Sa démarche était plus tranquille. La montagne semblait lui être entrée dans la peau. Il savait prendre du temps, accueillir les saisons, se tenir silencieux et tranquille comme une terre parfois dure et aride, mais aussi parfois comme un flanc de colline qui attend sa moisson.

Méditer comme une montagne avait également modifié le rythme de ses pensées. Il avait appris à “voir” sans juger, comme s’il donnait à tout ce qui pousse sur la montagne “le droit d’exister”.

Un jour, des pèlerins le prenant pour un moine, impressionnés par sa qualité de présence, lui demandèrent une bénédiction. Il ne répondit rien, imperturbable comme la pierre. Ayant appris cela, le soir même le père Séraphin commença à le rouer de coups... Le jeune homme se mit alors à gémir. “Ah bon, je te croyais devenu aussi stupide que les cailloux du chemin... La méditation hésychaste a l’enracinement, la stabilité des montagnes, mais son but n’est pas de faire de toi une souche morte mais un homme vivant.” Il prit le jeune homme par le bras et le conduisit dans le fond du jardin où parmi les herbes sauvages on pouvait voir quelques fleurs. “Maintenant, il ne s’agit plus de méditer comme une montagne stérile. Apprends à méditer comme un coquelicot, mais n’oublie pas pour autant la montagne...”

MÉDITER COMME UN COQUELICOT
C’est ainsi que le jeune homme apprit à fleurir...

La méditation c’est d’abord une assise et c’était ce que lui avait enseigné la montagne. La méditation c’est aussi une “orientation” et c’est ce que lui enseignait maintenant le coquelicot : se tourner vers le soleil, se tourner du plus profond de soi-même vers la lumière. En faire l’aspiration de tout son sang, de toute sa sève.

Cette orientation vers le beau, vers la lumière le faisait quelquefois rougir comme un coquelicot. Comme si “la belle lumière" était celle d’un regard qui lui souriait et attendait de lui quelque parfum... Il apprit également auprès du coquelicot que pour bien demeurer dans son orientation, la fleur devait avoir “la tige droite” et il commença à redresser sa colonne vertébrale.

Cela lui posait quelques difficultés, parce qu’il avait lu dans certains textes de la philocalie que le moine devait être légèrement courbé. Quelquefois même avec douleur. Le regard tourné vers le coeur et les entrailles.

Il demanda quelques explications au père Séraphin. Les yeux du staretz le regardèrent avec malice : “Ça, c’était pour les costauds d’autrefois. Ils étaient pleins d’énergie, et il fallait un peu les rappeler à l’humilité de leur condition humaine, qu’ils se courbent un peu le temps de la méditation cela ne leur faisait pas de mal... Mais toi, tu as plutôt besoin d’énergie, alors au moment de la méditation redresse-toi, sois vigilant, tiens-toi droit vers la lumière, mais sois sans orgueil... d’ailleurs si tu observes bien le coquelicot, il t’enseignera non seulement la droiture de la tige, mais aussi une certaine souplesse sous les inspirations du vent et puis aussi une grande humilité..."

En effet, l’enseignement du coquelicot était aussi dans sa fugacité, sa fragilité. Il fallait apprendre à fleurir, mais aussi à faner. Le jeune homme comprenait mieux les paroles du prophète : “Toute chair est comme l’herbe et sa délicatesse est celle de la fleur des champs. L’herbe sèche, la fleur se fane... Les nations sont comme une goutte de rosée au bord d’un seau... Les juges de la terre à peine sont-ils plantés, à peine leur tige a-t-elle pris racine en terre... alors ils se dessèchent et la tempête les emporte comme un fétu."(cf. Isaie 40.)

La montagne lui avait donné le sens de l’Éternité, le coquelicot lui enseignait la fragilité du temps : méditer c’est connaitre l’Éternel dans la fugacité de l’instant, un instant droit, bien orienté. C’est fleurir le temps qu’il nous est donné de fleurir, aimer le temps qu’il nous est donné d’aimer, gratuitement, sans pourquoi, car pour qui ? Pour quoi fleurissent-ils, les coquelicots ?

Il apprenait ainsi à méditer “sans but ni profit", pour le plaisir d’être, et d’aimer la lumière. “L’amour est à lui-même sa propre récompense’’, disait saint Bernard. “La rose fleurit parce qu’elle fleurit sans pourquoi”, disait encore Angelus Silesius. “C’est la montagne qui fleurit dans le coquelicot, pensait le jeune homme. C’est tout l’univers qui médite en moi. Puisse-t-il rougir de joie l’instant que dure ma vie.” Cette pensée était sans doute de trop. Le père Séraphin commença à secouer notre philosophe et de nouveau le prit par le bras.

Il l’entraina par un chemin abrupt jusqu’au bord de la mer, dans une petite crique déserte. “Arrête de ruminer comme une vache le bon sens des coquelicots... Aie aussi le coeur marin. Apprends à méditer comme l’océan.”

MÉDITER COMME L’OCÉAN
Le jeune homme s’approcha de la mer. Il avait acquis une bonne assise et une orientation droite. Il était en bonne posture. Que lui manquait-il ? Que pouvait lui enseigner le clapotis des vagues ? Le vent se leva. Le flux et le reflux de la mer se firent plus profond et cela réveilla en lui le souvenir de l’océan. Le vieux moine lui avait bien conseillé en effet de méditer “comme l’océan” et non comme la mer. Comment avait-il deviné que le jeune homme avait passé de longues heures au bord de l’Atlantique, la nuit surtout, et qu’il connaissait déjà l’art d’accorder son souffle à la grande respiration des vagues, j’inspire, j’expire ..., puis, je suis inspiré, je suis expiré, je me laisse porter par le souffle, comme on se laisse porter par les vagues... Ainsi faisait-il la planche, emporté par le rythme des respirations océanes. Cela l’avait conduit parfois au bord d’évanouissements étranges. Mais la goutte d’eau qui autrefois “s’évanouissait dans la mer” gardait aujourd’hui sa forme, sa conscience. Était-ce l’effet de sa posture ? De son enracinement dans la terre ? Il n’était plus emporté par le rythme approfondi de sa respiration. La goutte d’eau gardait son identité et pourtant elle savait “être un” avec l’océan. C’est ainsi que le jeune homme apprit que méditer c’est respirer profondément, laisser être le flux et le reflux du souffle.

Il apprit également que s’il y avait des vagues en surface, le fond de l’océan demeurait tranquille. Les pensées vont et viennent, nous écument, mais le fond de l’être reste immobile. Méditer à partir des vagues que nous sommes pour perdre pied et prendre racine dans le fond de l’océan. Tout cela devenait chaque jour un peu plus vivant en lui, et il se rappelait les paroles d’un poète qui l’avaient marqué au temps de son adolescence : “L’Existence est une mer sans cesse pleine de vagues. De cette mer les gens ordinaires ne perçoivent que les vagues. Vois comme des profondeurs de la mer d’innombrables vagues apparaissent à la surface, tandis que la mer reste cachée dans les vagues." Aujourd’hui la mer lui semblait moins “cachée dans les vagues”, l’unicité de toutes choses lui semblait plus évidente, et cela n’abolissait pas le multiple. Il avait moins besoin d’opposer le fond et la forme, le visible et l’invisible. Tout cela constituait l’océan unique de la vie. Dans le fond de son souffle n’y avait-il pas la Ruah ? Le pneuma ? Le grand souffle de Dieu ?

Celui qui écoute attentivement sa respiration, lui dit alors le vieux moine Séraphin, n’est pas loin de Dieu.”

Écoute qui est là à la fin de ton expir. Qui est là à la source de ton inspir. Il y avait là en effet quelques secondes de silence plus profondes que le flux et le reflux des vagues, il y avait là quelque chose qui semblait porter l’océan...

MÉDITER COMME UN OISEAU
Être dans une bonne assise, être orienté droit dans la lumière, respirer comme un océan, ce n’est pas encore la méditation hésychaste, lui dit le père Séraphin, tu dois apprendre maintenant a méditer comme un oiseau, et il le mena dans une petite cellule proche de son ermitage où vivaient deux tourterelles. Le roucoulement de ces deux petites bêtes lui parut d’abord charmant mais ne tarda pas à énerver le jeune philosophe. Elles choisissaient en effet le moment où il tombait de sommeil pour se roucouler les mots les plus tendres. Il demanda au vieux moine ce que signifiait tout cela et si cette comédie allait durer encore longtemps. La montagne, l’océan, le coquelicot passe encore (quoiqu’on puisse se demander ce qu’il y a de chrétien dans tout cela), mais maintenant lui proposer cette volaille languissante comme maître de méditation c’en était trop !

Le père Séraphin lui expliqua que dans le premier testament la méditation est exprimée par des termes de la racine “haga” rendus le plus souvent en grec par mélété - meletan - et en latin par méditari - méditatio. La racine en son sens primitif signifie “murmurer à mi-voix’’. Elle est également employée pour désigner des cris d’animaux, par exemple le rugissement du lion (lsaie 31, 4), le pépiement de l’hirondelle et le chant de la colombe (lsaie 38, 14), mais aussi le grognement de l’ours. “Au mont Athos on manque d’ours. C’est pour cela que je t’ai conduit auprès de la tourterelle, mais l’enseignement est le même. Il faut méditer avec ta gorge, non seulement pour accueillir le souffle mais aussi pour murmurer le nom de Dieu jour et nuit...”

Quand tu es heureux, presque sans t’en rendre compte tu chantonnes, tu murmures quelquefois des mots sans signification, et ce murmure fait vibrer tout ton corps de joie simple et sereine.

Méditer c’est murmurer comme la tourterelle, laisser monter en soi ce chant qui vient du coeur, comme tu as appris à laisser monter en toi le parfum qui vient de la fleur... Méditer c’est respirer en chantant. Sans trop t’attarder à sa signification pour le moment, je te propose de répéter, de murmurer, de chantonner ce qui est dans le coeur de tous les moines de l’Athos. “Kyrie eleison, kyrie eleison...” Cela ne plaisait pas trop au jeune philosophe. Lors de certaines messes de mariage ou d’enterrement il avait déjà entendu cela, on traduisait en français par “Seigneur prend pitié".

Le moine Séraphin se mit à sourire : “Oui, c’est une des significations de cette invocation, mais il y en a bien d’autres. Cela veut dire aussi “Seigneur, envoie ton Esprit... ! Que ta tendresse soit sur moi et sur tous, que ton Nom soit béni, etc., mais ne cherche pas trop à te saisir du sens de cette invocation, elle se révélera d’elle-même à toi. Pour le moment sois sensible et attentif à la vibration qu’elle éveille dans ton corps et dans ton coeur. Essaie de l’harmoniser paisiblement avec le rythme de ta respiration. Quand des pensées te tourmentent reviens doucement à cette invocation, respire plus profondément, tiens toi droit et immobile et tu connaitras un commencement d’hésychia, la paix que Dieu donne sans compter à ceux qui l’aiment. ” Le “Kyrie eleison” lui devint au bout de quelques jours un peu plus familier. Il l’accompagnait comme le bourdonnement accompagne l’abeille lorsqu’elle fait son miel. Il ne le répétait pas toujours avec les lèvres. Le bourdonnement devenait alors plus intérieur et sa vibration plus profonde.

Le “Kyrie eleison”, dont il avait renoncé à “penser” le sens , le conduisait parfois dans un silence inconnu et il se retrouvait dans l’attitude de l’apôtre Thomas lorsque celui-ci découvrit le Christ ressuscité “Kyrie eleison”, Mon Seigneur est mon Dieu.

L’invocation le plongeait peu a peu dans un climat d’intense respect pour tout ce qui existe. Mais aussi d’adoration pour ce qui se tient caché à la racine de toutes les existences. Le père Séraphin lui dit alors : “Maintenant tu n’es pas loin de méditer comme un homme. Je dois t’enseigner la méditation d’Abraham.”

MÉDITER COMME ABRAHAM
Jusqu’ici l’enseignement du staretz était d’ordre naturel et thérapeutique. Les anciens moines, selon le témoignage de Philon d’Alexandrie, étaient en effet des “thérapeutes’’. Leur rôle avant de conduire à l’illumination était de guérir la nature de l’être, de la mettre dans les meilleures conditions pour qu’elle puisse recevoir la grâce, la grâce ne contredisant pas la nature mais la restaurant et l’accomplissant. C’est ce que faisait le vieillard avec le jeune philosophe en lui enseignant une méthode de méditation que certains pourraient appeler “purement naturelle’’. La montagne, le coquelicot, l’océan, l’oiseau, autant d’éléments de la nature qui rappellent à l’homme qu’il doit avant d’aller plus loin, récapituler les différents niveaux de l’être, ou encore les différents règnes qui composent le macrocosme. Le règne minéral, le règne végétal, le règne animal... Souvent l’homme a perdu le contact avec le cosmos, avec le rocher, avec les animaux et cela n’est pas sans provoquer en lui toutes sortes de malaises, de maladies, d’insécurité, d’anxiété. Il se sent “de trop’’, étranger au monde. Méditer c’était d’abord entrer dans la méditation et la louange de l’univers car “toutes ces choses savent prier avant nous", disent les pères. L’homme est le lieu où la prière du monde prend conscience d’elle-même. L’homme est là pour nommer ce que balbutient toutes créatures. Avec la méditation d’Abraham, nous entrons dans une nouvelle et plus haute conscience qu’on appelle la foi, c’est-à-dire l’adhésion de l’intelligence et du cœur à ce “Tu” ou à ce “Toi” qui est, qui transparait dans le tutoiement multiple de tous les êtres. Telle est l’expérience et la méditation d’Abraham : derrière le frémissement des étoiles il y a plus que les étoiles, une présence difficile à nommer, que rien ne peut nommer et qui a pourtant tous les noms...

C’est quelque chose de plus que l’univers et qui pourtant ne peut pas être saisi en dehors de l’univers. La différence qu’il y a entre Dieu et la Nature, c’est la différence qu’il y a entre le bleu du ciel et le bleu d’un regard... Abraham, au-delà de tous les bleus, était en quête de ce regard...

Après avoir appris l’assise, l’enracinement, l’orientation positive vers la lumière, la respiration paisible des océans, le chant intérieur, le jeune homme était ainsi invité à un éveil du coeur. “Voici tout à coup que vous êtes quelqu’un.” Le propre du coeur c’est, en effet, de personnaliser toute chose et, dans ce cas, de personnaliser l’Absolu, la Source de tout ce qui est et respire, la nommer, l’appeler “Mon Dieu, Mon Créateur” et marcher en Sa Présence. Méditer pour Abraham c’est entretenir sous les apparences les plus variées le contact avec cette Présence. Cette forme de méditation entre dans les détails concrets de la vie quotidienne. L’épisode du chêne de Mambré nous montre Abraham “assis à l’entrée de la tente, au plus chaud du jour", et là, il va accueillir trois étrangers qui vont se révéler être des envoyés de Dieu. Méditer comme Abraham, disait le père Séraphin “c’est pratiquer l’hospitalité, le verre d’eau que tu donnes à celui qui a soif, ne t’éloigne pas du silence, il te rapproche de la source”. “Méditer comme Abraham, tu le comprends, n’éveille pas seulement en toi de la paix et de la lumière, mais aussi de l’Amour pour tous les hommes.” Et le père Séraphin lut au jeune homme le fameux passage du livre de la Genèse où il est question de l’intercession d’Abraham :

Abraham se tenait devant “YHWH celui qui est - qui était – qui sera”. Il s’approcha et dit : “Vas-tu vraiment supprimer le juste avec le pêcheur ? Peut-être y a-t-il cinquante justes dans la ville, vas-tu vraiment les supprimer et ne pardonneras-tu pas à la cite pour les cinquante justes qui sont dans son sein ?...”

Abraham, petit à petit, dut réduire le nombre des justes pour que ne soit pas détruite Sodome.

Que mon Seigneur ne s’irrite pas et je parlerai une dernière fois : peut-être s’en trouvera-t-il dix ?...” (cf. Genèse 18, 16). Méditer comme Abraham c’est intercéder pour la vie des hommes, ne rien ignorer de leur pourriture et pourtant “ne jamais désespérer de la miséricorde de Dieu.”

Ce genre de méditation délivre le coeur de tout jugement et de toute condamnation, en tout temps et en tout lieu, quelles que soient les horreurs qui lui soient données de contempler il appelle le pardon et la bénédiction.

Méditer comme Abraham cela conduit encore plus loin. Le mot avait du mal à sortir de la gorge du père Séraphin, comme s’il avait voulu épargner au jeune homme une expérience par laquelle il avait dû lui-même passer et qui réveillait dans sa mémoire un subtil tremblement : cela peut aller jusqu’au Sacrifice. .. Et il lui cita le passage de la Genèse où Abraham se montre prêt à sacrifier son propre fils Isaac. “Tout est à Dieu, continua en murmurant le père Séraphin. Tout est de lui, par lui et pour lui” ; méditer comme Abraham te conduit à cette totale dépossession de toi-même et de ce que tu as de plus cher... cherche ce à quoi tu tiens le plus, ce avec quoi tu identifies ton moi... pour Abraham c’était son fils, son unique, si tu es capable de ce don, de cet abandon total, de cette infinie confiance en celui qui transcende toute raison et tout bon sens, tout te sera rendu au centuple : “Dieu pourvoira. ” Méditer comme Abraham c’est n’avoir dans le coeur et la conscience “rien d’autre que Lui’’. Quand il monta au sommet de la montagne, Abraham ne pensait qu’à son fils. Quand il redescendit il ne pensait qu’à Dieu.

Passer par le sommet du sacrifice, c’est découvrir que rien n’appartient au “moi”. Tout appartient à Dieu. C’est la mort de l’ego et la découverte du “Soi”. Méditer comme Abraham c’est adhérer par la foi à celui qui transcende l’Univers, c’est pratiquer l’hospitalité, intercéder pour le salut de tous les hommes. C’est s’oublier soi-même et rompre ses attaches les plus légitimes pour se découvrir soi-même, nos proches et tout l’Univers, habité de l’infini présence de ‘‘Celui-là seul qui Est".

MÉDITER COMME JÉSUS
Le père Séraphin se montrait de plus en plus discret. Il sentait les progrès que faisait le jeune homme dans sa méditation et sa prière. Plusieurs fois il l’avait surpris, le visage baigné de larmes, méditant comme Abraham et intercédant pour les hommes. “Mon Dieu, ma miséricorde, que vont devenir les pêcheurs... ?” C’est le jeune homme qui un jour vint vers lui et lui demanda : “Père, pourquoi ne me parlez-vous jamais de Jésus ? Quelle était sa prière à lui, sa forme de méditation ? Dans la liturgie, dans les sermons on ne parle que de lui. Dans la prière du coeur, telle qu’on en parle dans la philocalie, c’est bien son nom qu’il faut invoquer. Pourquoi ne me dites-vous rien ?”

Le père Séraphin eut l’air troublé. Comme si le jeune homme lui demandait quelque chose d’indécent, comme s’il lui fallait révéler son propre secret. Plus grande est la révélation que l’on a reçue, plus grande doit être l’humilité pour la transmettre. Sans doute ne se sentait-il pas assez humble : “Cela, ce n’est que l’Esprit-Saint qui peut te l’enseigner. Nul ne sait qui est le fils, si ce n’est le père, ou qui est le père si ce n’est le fils et celui a qui le fils veut bien le révéler" (Luc 10, 22). Il faut que tu deviennes fils pour prier comme le fils et entretenir avec Celui qu’il appelle son père et notre Père les mêmes relations d’intimité que lui, et cela c’est l’oeuvre de l’Esprit-Saint, il te rappellera tout ce que Jésus a dit. L’Évangile deviendra vivant en toi et il t’apprendra à prier comme il faut.

Le jeune homme insista. Dites-moi encore quelque chose. Le vieillard lui sourit. “Maintenant, dit-il, je ferai mieux d’aboyer. Mais tu prendrais encore cela pour un signe de sainteté. Mieux vaut te dire les choses simplement.

Méditer comme Jésus, cela récapitule toutes les formes de méditation que je t’ai transmises jusqu’à maintenant. Jésus est l’homme cosmique. Il savait méditer comme la montagne, comme le coquelicot, comme l’océan, comme la colombe. Il savait méditer aussi comme Abraham. Le coeur sans limites, aimant jusqu’à ses ennemis, ses bourreaux : “Père pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font.” Pratiquant l’hospitalité à l’égard de ceux qu’on appelait les malades et les pécheurs, des paralysés, des prostituées, des collabos… La nuit il se retirait pour prier dans le secret et là, il murmurait comme un enfant “abba”, ce qui veut dire “ papa’‘. Cela peut te sembler tellement dérisoire, appeler “papa” le Dieu transcendant, infini, innommable, au-delà de tout ! C’est presque ridicule et pourtant c’était la prière de Jésus, et dans ce simple mot tout était dit. Le ciel et la terre devenaient terriblement proches. Dieu et l’homme ne faisaient qu’un. .. Peut-être faut-il avoir été appelé “papa” dans la nuit pour comprendre cela... Mais aujourd’hui ces relations intimes d’un père et d’une mère avec leur enfant ne veulent peut-être plus rien dire. Peut-être que c’est une mauvaise image ?...

C’est pour cela que je préférais ne rien te dire, ne pas employer d’image et attendre que l’Esprit-Saint mette en toi les sentiments et la connaissance qui étaient dans le Christ Jésus et que cet “abba” ne vienne pas du bout des lèvres mais du fond du coeur. Ce jour-là tu commenceras à comprendre ce que sont la prière et la méditation des hésychastes. ”

MAINTENANT, VA !
Le jeune homme resta encore quelques mois au Mont Athos. La prière de Jésus l’entraînait dans des abimes, parfois au bord d’une certaine “folie” : “Ce n’est plus moi qui vit, c’est le Christ qui vit en moi”, pouvait-il dire avec saint Paul. Délire d’humilité, d’intercession, de désir “que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la pleine connaissance de la vérité”. Il devenait Amour, il devenait feu. Le buisson ardent n’était plus pour lui une métaphore mais réalité : “Il brûlait et pourtant il n’était pas consumé.” D’étranges phénomènes de lumière visitaient son corps. Certains disaient l’avoir vu marcher sur l’eau ou se tenir assis immobile à trente centimètres du sol...

Cette fois le père Séraphin se mit à aboyer. “Ça suffit ! Maintenant, va !” et il lui demanda de quitter l’Athos, de rentrer chez lui et là il verrait bien ce qui reste de ses belles méditations hésychastes !...

Le jeune homme partit. Il revint en France. On le jugea plutôt amaigri et on ne trouva rien de très spirituel dans sa barbe plutôt sale et son air négligé... Mais la vie de la ville ne lui fit pas oublier l’enseignement de son staretz !

Quand il se sentait trop agité, n’ayant jamais le temps, il allait s’asseoir comme une montagne à la terrasse du café. Quand il sentait en lui l’orgueil, la vanité, il se souvenait du coquelicot, “toute fleur se fane", et de nouveau son coeur se tournait vers la lumière qui ne passe pas. Quand la tristesse, la colère, le dégoût envahissaient son âme, il respirait au large, comme un océan, il reprenait haleine dans le souffle de Dieu, il invoquait son Nom et murmurait “Kyrie eleison’’. Quand il voyait la souffrance des hommes, leur méchanceté et son impuissance à changer quelque chose, il se souvenait de la méditation d’Abraham. Quand on le calomniait, qu’on disait sur lui toutes sortes de choses infâmes, il était heureux de méditer ainsi avec le Christ... Extérieurement, il était un homme comme les autres. Il ne cherchait pas à avoir “l’air d’un saint”. Il avait même oublié qu’il pratiquait la méthode d’oraison hésychaste, simplement il essayait d’aimer Dieu instant après instant et de marcher en sa Présence...

 

Essence

Dérivé du latin esse, qui signifie « Être »

Lorsque nous parlons de l’« essence » de Dieu, nous évoquons le mystère de Dieu, son Être en soi, entièrement autre, invisible, inconcevable, au delà de tout ce que nous pouvons en dire ou en penser, radicalement transcendant.

Il est incompréhensible, au sens où comprendre signifierait qu’on peut le définir, le cerner, le connaître entièrement avec les ressources de notre intelligence.

L’essence désigne Dieu tel qu’Il est en Lui-même, restant au-delà de toute connaissance humaine Grégoire de Nazianze : « Ce que Dieu est nature et Son essence, nul humain ne l’a découvert et ne le découvrira jamais. ››

Mais ce Dieu est toutefois proche de nous partout et remplissant tout. Il se révèle à nous en tant que personne : son Verbe incarné, son Fils fait homme. Il se manifeste par ses actions, ses énergies. «Il est, par son essence, en dehors de tout, mais Il est en tout par sa puissance » (saint Athanase). « Nous ne connaissons pas Dieu dans son essence. Nous le connaissons plutôt par la magnificence de sa création et l’action de sa Providence qui nous présentent, comme en un miroir, le reflet de sa bonté, de sa sagesse et de sa puissance infinies ›› (saint Maxime le Confesseur).

Dictionnaire amoureux de Jérusalem p.286/287


 

Conscience

Il y a deux types de conscience :
À la différence des arbres qui ne peuvent s’empêcher de monter vers la Lumière, l’homme a la possibilité de dire « non », il n’est pas obligé d’être « bienheureux ». Il faut l’adhésion du cœur et de la volonté. « Dieu » ne nous veut pas heureux sans nous. L’arbre de Vie est théocentré, l’arbre de la connaissance est ego-centré : « ça c’est bien, ça c’est mal, » à partir de ce que je pense. Bien par rapport à qui ? Bien par rapport à quoi ? Il y a la projection du milieu familial, de la culture. Il y a la possibilité d’être un ego coupé du Soi.

Il y a une « connaissance » qui ne peut que nous faire du mal. Il ne s’agit pas d’un interdit, mais d’un avertissement. « Tu ne consommeras pas »… Ce n’est plus « la communion » souhaitée.

Comment discerner entre pensée parasite et pensée éclairée ?
Ne pas tuer ni la pensée, ni le mental, ni l’ego, mais ouvrir, éclairer, éclaircir, replacer dans une vie plus vaste.

Peut-on être dans la conscience sans utiliser le mental ? Il y a une conscience non cérébrale. Le cerveau fonctionne par comparaison, mais quand le mental est calme, on peut aborder une conscience non duelle…

Il y a une conscience juste. La pensée parasite, c’est ce que l’on rajoute (jugements, obsessions) si on observe les pensées parasites, elles disparaissent.

Il y a différentes façons de refuser ou d’accepter, adhésion ou refus du réel.
Tout le travail des anciens est la purification de la conscience : l’âme gouverne le corps. (SGE)

Avoir ce minimum de conscience qui permet de mesurer l’infini qui distingue « ma » réalité de « la » Réalité suffit à me garder ouvert et à ne pas m’enfermer dans cette relative réalité comme dans une coquille ou une idole. (AG p.394)


 

Prière du cœur

En 313, l’Édit de Milan proclame la paix et offre à la chrétienté un statut légal.

L’Église entre dans l’histoire, mais elle demeure habitée par des hommes qui se sentent à l’étroit dans ce monde et veulent déployer leur infinie capacité d’amour au-delà des frontières de l’espace et du temps. Anticipée par les ermites d’Égypte, une réaction violente s’oppose au conformisme de l’Empire de Constantin, trop rapidement proclamé chrétien. Au baptême du sang des martyrs va succéder le baptême de l’ascèse…

Ces hommes, qu’on appellera plus tard les « pères du désert » sont les ancêtres des hésychastes, dont la tradition, du IVe siècle jusqu’à nos jours, demeure ininterrompue.

On a trop souvent donné à l’hésychasme un sens historique trop restreint, réservant l’appellation d’hésychastes aux mystiques byzantins du XIVe siècle, alors que le mot est déjà bien établi comme terme technique dans la première moitié du VIIe siècle.

Qu’est-ce que l’hésychasme ? Ce terme, en langue byzantine, désigne un système de spiritualité ayant pour principe l’excellence, voire la nécessité de l’hésychia. Hésychia veut dire : tranquillité, silence, quiétude…

C’est dans ces milieux (hommes et femmes retirés dans le désert) que s’élaboreront petit à petit les techniques d’oraison et plus particulièrement la prière du cœur – ou prière à Jésus – considérée encore aujourd’hui comme l’ « âme de la spiritualité orientale. »

Cette tradition spirituelle a eu ses foyers de vie principaux dans les monastères du Sinaï à partir du VIe siècle et du Mont Athos, surtout au XIVe siècle avec Grégoire Palamas…

Depuis la fin du XVIIIe siècle, la « prière du cœur » s’est répandue en dehors des monastères grâce à la Philocalie publiée en 1782, par un moine grec, Nicodème l’Hagiorite, et éditée en russe peu après par Païsi Velitchkovsky… Les Récits du Pèlerin russe (fin du XIXe siècle), traduits en français en 1945 par Jean Gauvain et la présence d’Églises de la diaspora l’ont fait mieux connaître en Occident…

Il ne faudrait pas, par exemple, opposer la prière du cœur et la prière liturgique. Ce sont deux voies différentes qui poursuivent le même but : l’union au Dieu Jésus-Christ…

Ecrits sur l’Hésychasme, p.161/164

 

L’assise et la marche 

sont deux postures complémentaires face à la vie. Méditer, pour ne pas se laisser disperser, mais rester au contraire en connexion avec soi-même. Marcher, pour ne pas rester prisonnier des liens qui nous entravent, mais être toujours relié au mouvement de la vie. Jean-Yves Leloup n’a jamais interrompu cette recherche intérieure, faite de méditations inspirées des traditions chrétiennes et orientales, et de marches, des sommets du mont Kailach aux dunes du désert.

 

 

Puisant à la source de la mystique et des grands textes sacrés, il nous livre ici un véritable éloge du voyage intérieur, rythmé par de longues quêtes et de riches haltes méditatives. « Assieds-toi et marche !», deux paroles à tenir ensemble pour se rapprocher de soi-même, s’ouvrir et atteindre la présence, au cœur de l’Être.


 

Vers une écologie intégrale
Autrement que Félix Guattari et Arne Naess, qui ont employé ce terme, Jean-Yves Leloup nous introduit ici à cette écologie intégrale qu’il appelle écosophie. Elle intègre en effet l’écologie rationnelle et scientifique, l’écologie instinctive ou chamanique, l’écologie intuitive ou non dualiste et l’écologie affective et religieuse ou écologie sacrée. Changer notre regard sur nous-même et notre environnement est le préalable à tout désir de
préserver ou de changer le monde.

Au regard de la politique, de l’économie, de la science et de la philosophie, il faut joindre celui de la contemplation et de la Philocalie ; Rumi et François d’Assise ont été les précurseurs de cette écosophie qui respecte, prend soin de la nature et en célèbre la beauté
— l’Être infini y est manifesté et caché.
Editions UPPR

 

 

Lire la suite

L'absurde et la grâce/Jean-Yves Leloup

Rédigé par grossel Publié dans #jean-claude grosse, #essais, #notes de lecture

quelques livres de Jean-Yves leloup
quelques livres de Jean-Yves leloup
quelques livres de Jean-Yves leloup
quelques livres de Jean-Yves leloup
quelques livres de Jean-Yves leloup
quelques livres de Jean-Yves leloup
quelques livres de Jean-Yves leloup
quelques livres de Jean-Yves leloup

quelques livres de Jean-Yves leloup

L'absurde et la grâce

Jean-Yves Leloup

Albin Michel 1991

J'ai fini L'absurde et la grâce (1991, trouvé par "hasard" à la foire bio de La Farlède, le 14 avril), le jeudi de l'ascension, le 30 mai, après avoir lu L'Évangile de Marie, il y a au moins trois ans (parce que la figure de Marie-Madeleine à la Sainte-Baume m'attire depuis longtemps, années 1975-1987; on m'a confié un texte sur la Sainte-Baume à l'époque du père Maillard, à éditer, je vais le faire d'ici la fin de l'année; le 2° été du Léthé lui fut consacré à La Coquette le 1° juillet 2017 pour mes 50 ans de mariage avec la Mouette, 10 auteurs rassemblés). J'ai par ailleurs commandé une pièce de théâtre de JYL sur Marie-Madeleine, Le testament de Myriam de Magdala/Si je me tais...les pierres crieront et un roman, Une femme innombrable, le roman de Marie Madeleine.

L'absurde et la grâce est un livre éblouissant, en particulier les chapitres 20 et 21. Fin de lecture le jour de l'Ascension, hasard ?

Récit autobiographique nourri de quantité de citations en lien avec des lectures, des rencontres et des paroles entendues. Récit autobiographique d'une vie peu commune avec une expérience de mort clinique et une multitude d'expériences, non cherchées comme telles pour certaines, douloureuses ou heureuses, ou au contraire expériences voulues, provoquées. Il y a du révolté, du dérèglement de tous les sens, des bilans tirés, des bifurcations, des reprises. Ce n'est pas un parcours tout tracé d'une vocation monastique. C'est un ensemble de fragments de vie donnant une itinérance qu'arrivé à 40 ans en 1991, JYL peut enfin « unifier ». Il a parcouru un nombre invraisemblable de pays, de traditions, en Extrême-Orient, en Orient, en Occident. Il a rencontré des « maîtres » divers d'univers spirituels différents et en même temps avec un fond commun, universel : il faut se poser, tenter de mettre le mental au repos (par des exercices mais chez lui, rien de figé, ce n'est pas installé en règles rigides), apprendre à regarder avec attention, aller par cette attention vers ce qui fait que ce qui apparaît, est et que ce qui est, Est ; l'aller vers la transcendance est un chemin personnel, sans doute propre à chacun et en ce sens, je ne m'impose aucune école, aucun maître, je me nourris de lectures diverses sans tenter un syncrétisme impossible comme je tente de pratiquer différentes activités plutôt que techniques (méditation, qi jong mystérieux de la grande ourse, écritures, modifications d'habitudes alimentaires...) ; je ne me fixe pas un but, l'éveil, l'Éveil, le nirvana, la béatitude : je ne veux pas poser de mots sur ces états (mot trop statique) que je n'ai pas encore expérimentés (mot impropre, il s'agit de vivre ces états - ou un état, celui auquel nous sommes potentiellement promis - qui doivent éventuellement nous arriver par grâce).

JYL est facilement accessible par un nombre important d'écrits et par toute une série de vidéos. Devenu orthodoxe d'une obédience minoritaire après avoir été dominicain (et marié secrètement), il est rattaché au monastère Saint-Michel du Var à Flayosc.

Il est pour moi, présentement, un des maillons de ma propre itinérance. L'athée matérialiste que j'étais (par croyance au caractère objectif de la science déterministe, matérialiste, darwinienne...) a été bousculé d'abord par l'indéterminisme de la physique quantique qui fait qu'aujourd'hui, après plus de 50 ans, Einstein (relativité générale) et Bohr (physique quantique) ne sont pas réconciliés par une quelconque des théories unificatrices inventées par les théoriciens de la physique. À cela s'est ajouté, les découvertes en neuro-sciences sur la plasticité du génome, l'épigénétique, sur les possibilités de régénérescence des neurones ou d'activation de nouveaux neurones, sur le pouvoir des croyances ou de l'intention (l'effet placebo ou l'effet nocebo comme étant applicable à toute croyance - et on peut aller jusqu'à l'affirmation que tout est croyance, qu'il n'y a pas de preuve -  dans la mesure où aucune certitude ne tient). Autrement dit, de matière, de corps, je me suis découvert aussi esprit, pensée (non réductible à des impulsions électriques ou des variations neuro-chimiques; il y a une phrase de Jean-Pierre Changeux qui eut son heure de gloire et dont on ressent aujourd'hui fortement la prétention ridicule, voir la vignette de présentation de L'homme neuronal). Et c'est donc comme corps-esprit que je me considère au quotidien avec des rituels que je m'invente, qui m'amusent (toujours avoir l'humour qui distancie, ne pas prendre tout ça très au sérieux : on ne sait rien, si ça fonctionne peut-être, tant mieux, si ça ne marche pas peut-être, changer de formule). Quand sont arrivés le cœur et l'âme ? Pour le cœur, je n'ai pas de problème avec l'amour, j'aime l'amour, j'aime l'amour incarné, j'aime l'amour que j'ai pour une personne, je n'aime qu'une personne, je suis un inconditionnel de l'amour unique, fidèle. Autrement dit, je ne suis pas un coureur et je ne me laisse pas courir, la séduction ça n'est vraiment pas pour moi. Évidemment avec un peu de temps, je suis passé de l'amour  envers quelqu'un à l'Amour qui est de toujours et partout. Au moment du départ de l'épousée fin 2010, pendant le mois d'hôpital, nous avons pu échanger et une question me fut posée par la mouette dès l'admission aux urgences, je sais que je vais passer, où vais-je passer ? Question à laquelle je n'ai pas répondu en athée, tu vas passer dans le néant, tu vas retourner au néant... Ou l'absurde de la vie finissant par la mort, négation de la vie. Ce qui est peut-être vrai du corps, l'est-il de l'esprit ? Est-ce vrai de nos productions intellectuelles, affectives, sentimentales, émotionnelles dont il sera toujours vrai qu'elles ont eu lieu, indépendamment du souvenir ou de l'oubli. Il y a un livre d'éternité qui nous est propre, écrit jour après jour, moment après moment, du premier cri au dernier souffle, livre non écrit d'avance, non destinal donc (pas de destin même si certains y croient,  mais une destinée, une destination, la mort, être mortel; pas de hasard disent-ils, moi, le hasard me plaît bien, une forme d'imprévu s'offre nous proposant d'être dans l'Ouvert), ni destiné à un jugement dernier, livre personnel, infalsifiable, non lisible par les autres même les plus chers, livre au prix d'une vie, livre d'une vie unique, singulière, livre gratuit et « inutile » parce qu' on ne sait pas où cette mémoire qu'est une vie immatérielle va se stocker alors que par ailleurs, on voit bien qu'on est mémoire (3 milliards d'années d'évolution mémorisés dans l'ADN, mémoire agissante à tout moment, pouvoir donc qui survit un million d'années à ma disparition). Tout d'un coup, l'éternité me tombait dessus, ce que j'ai appelé l'éternité d'une seconde Bleu Giotto. Et ce faisant, je tombais ou m'élevais jusqu'à l'âme. Bienvenue à elle, là depuis toujours, patiente, qui m'attendait mais que je n'ai point encore rencontrée, vécue, expériencée.

"Que reste-t-il quand il ne reste plus rien, qui suis-je avant ma naissance, qui suis-je après ma mort, qu'est-ce qui meurt quand je meurs, qu'est-ce qui naît quand je nais, qui passe, qui demeure ? 
[...] La première naissance est absurde et on a le droit de maudire ses parents pour cela s'ils ne proposent rien d'autre. C'est ce que fit Job. La seconde naissance donne du sens à ce qui n'en a pas par nature. Si le Christ n'est pas ressuscité, "monté au ciel", c'est à dire éveillé au monde sans mort, à quoi bon vivre, à quoi bon aimer, se battre pour la vérité, la justice ? C'est la mort qui aura le dernier mot. 
Mais si le Christ est ressuscité, cela veut dire qu'il y a quelque chose de plus fort que la bêtise, la violence et la décrépitude. Il n'est plus absurde d'aimer : "L'amour est plus fort que la mort". 
 
Se réincarner c’est encore appartenir à « l’être pour la mort », prolonger du temps ; 
ressusciter, c’est sortir du temps, ne plus être « pour la mort », demeurer dans le vivant…
 
La grâce de Dieu, beaucoup le savent, ne passe pas toujours par les hommes ; 
un chat, une fleur, l'océan ou une montagne nous disent parfois d'étranges mots d’amour.
 
Nos pensées en sont souvent que des échos : bruits et rumeurs amplifiés des bruits et rumeurs du temps.
Redire a cor, revenir à son coeur, éveiller en soi une "écoute centrée" afin d'entendre la voix infiniment discrète de notre plus profond désir… 
et plus bas encore ou plus haut, entendre comme un battement d'ailes la respiration qui nous fonde et fonde les univers."

Il y a dans les 18 pages du chapitre 20, Fragments d'une itinérance, des formules écrites, trouvées, livrées, inspirées, arrivées en différents endroits du monde, formules éclairantes, éblouissantes. Je crois que je vais arracher les pages pour les avoir avec moi. Elles correspondent à l'étape où j'en suis.

Le chemin a pris longtemps le visage et l'oeuvre de Marcel Conche avec ses deux métaphysiques. Métaphysique de l'apparence absolue mettant l'accent sur la disparition de tout, sauf du Tout d'où l'absurde de la condition humaine mais aussi paradoxalement, la liberté absolue de chacun de donner le sens qu'il veut à sa vie puisque le but ou le sens de la vie serait commun à tous si l'on pouvait connaître le sens de la mort, négation de la vie or la mort est impensable donc à nous librement de choisir nos valeurs, celles qui vont donner sens à notre vie. Métaphysique de la Nature, l'englobante de tout ce qui apparaît, disparaît, créatrice selon le hasard créateur (un peu comme le clinamen d'Épicure), infinie, éternelle, source de Vie, de mort selon l'unité des contraires d'Héraclite. Passage donc d'un matérialisme très réductionniste, réduction à l'inférieur, à l'infiniment petit de la matière passage donc à un naturalisme, Nature naturante engendrant la nature naturée dans sa diversité. Beaucoup de propos de Marcel Conche sur la Nature créatrice dans l'ombre, ne se montrant pas, pourraient être ceux de JYL.

Avec la disparition de la mouette, le 29 novembre 2010, c'est sur le Temps (le temps passe mais le passé lui ne s'efface pas, le nevermore se transforme instant après instant en forever d'où la question où passe le passé qui ne s'efface pas ?) que j'ai buté, comment accepter sa perte à même pas 63 ans en un mois ? J'ai accepté, c'est ma façon de calmer la souffrance, la douleur. Si c'est arrivé c'est que (c'est possible) entre parenthèses, rien à dire, absurde, incompréhensible et se dire à soi-même, sans plaintes, sans regrets, ça va, titre comme par hasard du dernier spectacle de Cyril, le fils parti 9 ans avant. Il m'a fallu 12 ans pour aboutir à L'éternité d'une seconde Bleu Giotto, un drame de 64 pages sur deux disparitions, avec une panne d'écriture de 8 ans dénouée grâce à une forme de révélation au bord du Baïkal, entre chien et loup, le 14 août 2010.

Deepak Chopra a été ensuite une étape importante à travers la lecture de 7 de ses livres et à travers des sessions de méditation audio-guidées. Avec lui, j'ai compris la nécessité d'une approche globale, corps-esprit et le pouvoir de nos décisions, de nos choix. M'installant dans une posture de vieillissant, j'ai soudain réagi et décidé de me bouger. J'ai survécu à un malaise cardiaque que j'ai pris à la légère, allergie aux pollens et je vis avec une TNE sur la queue du pancréas suivie deux fois par an.

Tango hebdomadaire et qi jong également hebdomadaire sont les deux activités régulières auxquelles je m'oblige avec plaisir et discipline (qi jong presque quotidien).

Et en cette ascension, la rencontre de Jean-Yves Leloup. Pour les Sémites, le numineux est le non même, le non pareil, le Tout Autre qu'aucune pensée ne peut saisir. Pour les Grecs, le numineux c'est la perception du même, de l'Unique, de l'Un présent dans le multiple, c'est le précisément ici. Le numineux n'est-ce pas encore le Tout Autre précisément ici ? Transcendance irréductible et inévitable Immanence ? Plus moi que moi-même (où ailleurs qu'en moi pourrais-je l'éprouver ?) et tout autre que moi-même (si ce n'était que moi, qu'aurais-je à éprouver ?), Transcendance immanente. Découvrir que le Tout Autre est aussi le Tout Nôtre. (Bruxelles)

Le numineux est, selon Rudolf Otto et Carl Gustav Jung, ce qui saisit l'individu, ce qui venant « d'ailleurs », lui donne le sentiment d'être dépendant à l'égard d'un « tout Autre ». C'est "un sentiment de présence absolue, une présence divine".

Présentation de Manque de plénitude : A la lumière de la psychologie contemporaine, Jean-Yves Leloup relit ici ce qu’écrivait à l’aube de notre ère le philosophe juif Philon d’Alexandrie au sujet d’une étonnante communauté spirituelle, celle des « thérapeutes ». Ceux-ci entendaient prendre soin de l’homme dans sa globalité – corps, âme, esprit -, et Jean-Yves Leloup réactualise ce grand projet en s’inspirant des recherches de Karlfried Graf Dürckheim, mais aussi d’autres écoles contemporaines d’investigation de l’inconscient (Freud, Jung, Reich, Lacan).

Il nous invite à pratiquer « l’anamnèse essentielle », que l’on peut définir comme une remémoration, par les moments privilégiés ou « numineux » qui nous ont touchés, de l’Origine qui sans cesse nous fonde. Une telle expérience n’est pas ressassement du passé : elle est ouverture de l’intelligence du cœur et du corps, par un véritable travail de recentrage sur le Soi. Ponctuant sa réflexion de nombreux exemples empruntés aux traditions orientales ou monothéistes, Jean-Yves Leloup cerne les éléments constitutifs d’une « mémoire de l’essentiel » capable de nous conduire sur la voie d’une guérison spirituelle.

JYL est pour moi, un sacré marcheur, un sacré éveilleur parce que s'éveillant par Ce qui l'éveille et l'anime, la Vie, la Présence. Je fais le détour tant bien que mal vers l'ailleurs de l'ici-bas qui est aussi ici et ainsi, même et autre, Autre et nôtre. Ai-je "compris" JYL ?

Un homme entier, c'est aussi un homme qui, après l'avoir fuie ou niée, finit par accepter son ombre et par l'aimer "comme soi-même". Je pense souvent à François d'Assise, au beau chevalier qui un jour descend de sa monture pour embrasser le lépreux...Il embrasse ce qui alors lui fait le plus peur, ce qui se tient à la racine de ses plus profonds dégoûts, et là, au coeur de l'ombre incarnée, il reconnaît le Christ Vivant... Mais accepter l'ombre ce n'est pas se complaire en elle : François revient de son baiser au lépreux avec des lèvres de lumière...Il m'est arrivé souvent d'être descendu de cheval et de culbuter dans l'ombre...à la rencontre d'un autre soleil.
 


Ma note de lecture est-elle philocalique ?
De la philosophie à la philocalie, une école du regard.
Pour nous approcher d’une « vision » plénière des choses et des évènements, nous avons besoin du regard scientifique qui explicite leur « comment » ? du regard philosophique qui s’interroge sur leur « pourquoi » ? et du regard philocalique ou contemplatif qui célèbre leur « présence » ou « ainsi-ité ». Parfois « éborgné », myope, aveugle, notre regard est plus ou moins déterminé par chacune de ces disciplines et conditionne le « climat » dans lequel nous vivons. Pouvons-nous passer de « l’angoisse d’exister » à « la gratitude d’être » ? De « la peur de vivre » à la « joie d’être vivant » ? Passer des philosophies de « l’absurde » et du « soupçon » contemporaines vers une « philocalie » (amour de la beauté, en grec) à la fois traditionnelle et à venir qui éclairerait notre regard sur le monde, pour en faire ni un spectre ni une idole mais une icône?

Jean-Claude Grosse

 

 

 

le but de L'homme neuronal de Jean-Pierre Changeux

le but de L'homme neuronal de Jean-Pierre Changeux

L'Enseignement de Jean Yves Leloup
28 avril 

LES 12 CLIMATS CORPORELS

Voulez-vous parler des émotions, par exemple ? On les ressent dans le corps et, en même temps elles ne sont pas matérielles.

Entre autres. La vie a douze façons de s’incarner, de se manifester en chacun de nous. Je distingue douze corps comme il y a douze constellations, douze disciples, douze mois de l’année…

On pourrait aussi les décrire comme étant les douze « climats corporels ›› que la vie expérimente en nous.

Premièrement, il y a le corps de mémoires, le code génétique, celui que l’on reçoit à la naissance. Il y a là toute l’histoire de nos parents, de nos grands-parents. Nous sommes habités par toutes les mémoires de notre famille, de nos ancêtres.

Nous en sommes les héritiers. Comment être en paix avec nos parents, avec nos ancêtres? La réconciliation est importante, car c’est dans notre sang, dans notre corps. On ne peut dilapider notre héritage, on doit l’accueillir, sans le juger, car tout ce qui n’est pas accepté ne peut pas être transformé; tout ce qui n’est pas assumé ne peut pas être sauvé. Donc pour faire de notre héritage une grâce, ça passe par ce « oui ›› à ce que la vie nous a donné à notre naissance. On doit cependant être conscient que si j’appartiens à cette lignée, je ne suis pas cette lignée. Je ne dois pas en faire mon identité, mais l’accueillir sans la juger. Je ne suis pas que ça, je suis plus que ça, je suis qui je suis.

Quand on rencontre quelqu’un, on ne rencontre pas seulement cette personne, mais aussi sa tribu, sa lignée. Deux personnes peuvent bien s’aimer, mais ce sont parfois leurs histoires qui ne s’aiment pas. Parfois, ça fait beaucoup de monde dans la chambre à coucher. On aurait envie de dire « Pouvez-vous sortir? ›› (Rires) Les mémoires du cosmos sont aussi inscrites en nous, puisque nous faisons partie de l’univers. Notre corps est la part de l’univers qui nous est confiée. Prendre soin de notre corps, c’est prendre soin de l’univers. Si on remonte encore plus profondément, il y a en nous la mémoire de la Source, de l’origine; il y a la mémoire du big-bang et de la Conscience.

Ensuite, il y a notre corps d’appétits. La vie s’incarne en nous sous la forme d’un appétit de vivre, d’une faim et d’une soif.

C’est important de respecter la nourriture, de voir ce qui nourrit notre faim, ce qui nourrit notre soif. Pour certains, c’est une véritable difficulté, un dégoût; le dégoût de la vie, de la nourriture, comme dans certaines formes d’anorexie ou de boulimie. C’est une épreuve. Comment accepter cette épreuve, comment la transformer, comment en faire une grâce?

Que l’on parle de la relation que l’on entretient avec la nourriture ou encore de celle que l’on entretient avec les autres, on doit apprendre à passer de « consommer ›› à « communier ››. La vie doit être communion et non consommation. Aujourd’hui on ne communie plus avec les êtres, on les consomme, on s’y consume. Au-delà de la consommation, on doit réapprendre à communier. Communier à la nourriture, savoir que la vie nous est donnée par la nourriture, l’honorer, la respecter, voilà ce qui a du sens.

Notre alimentation peut devenir quelque chose de sacré. ll suffit d’y mettre de la conscience, d’y mettre de l’amour.

La vie se manifeste donc à travers la mémoire de nos ancêtres, à travers nos appétits, et elle se manifeste aussi à travers notre libido. C’est notre corps de pulsions. La vie s’incarne en nous à travers un corps sexué et c’est ainsi que la vie se transmet à travers la sexualité, c’est un don de la vie par lequel nous devenons nous-mêmes créateurs, nous transmettons la vie.

L’autre fait partie du don. Comment sommes-nous par rapport à l’autre? Sommes-nous capables de communier ou nous limitons-nous à consommer, jusqu’à nous y consumer? Chacun à des pulsions différentes. Certains ont une vie libidinale pulsionnelle très forte et ils s’entendent très bien à ce niveau; c’est ce qui les soude. Mais savent-ils communier? Ou ne font-ils que consommer? Communiée, la sexualité devient une grâce, la chambre devient un temple.

La vie se manifeste aussi en nous à travers nos émotions. Il y a en nous toutes sortes de climats, des climats de tristesse ou encore de joie. Il s’agit ici de savoir rire et pleurer ensemble, savoir comment accorder nos émotions; savoir qu’on a le droit d’être triste pendant que l’autre ne l’est pas. On doit apprendre à mettre du calme dans nos émotions, à trouver notre assise. On ne doit pas devenir l’objet de nos émotions, on doit simplement les accueillir, en être le sujet le Je suis. Cela donne de la couleur à notre existence on peut goûter notre existence à travers ces différentes couleurs ces différentes saveurs. Ça devient une grâce. On n’a pas à renoncer à nos émotions tout comme on n a pas à renoncer à notre sexualité. Tout est à transfigurer, à vivre autrement. On peut aussi reconnaître le corps d’émotions dans la nature elle-même. La nature a des émotions.

Vous voulez parler des animaux?

Si. Mais les fleurs aussi peuvent être tristes. Je crois qu’il existe une intelligence des plantes, que les plantes reçoivent ou absorbent les choses. Je pense à ce petit garçon qui disait « J’ai mal aux arbres. ›› Je pensais qu’il avait des parents un petit peu écolos, mais non! C’est comme si ce garçon sentait que la nature souffre de notre comportement à certains moments.

Puis, viennent le corps de paroles et le corps de pensées. Dans une relation, il y a parfois trop de paroles, parfois pas assez. Parfois on n’a pas les mots pour dire notre plus grande joie, ou notre plus grande douleur; pour dire ce qui nous habite. Les mots peuvent être grâce ou malédiction. On doit apprendre à bien dire, à dire du bien, car à dire du mal, on s’enferme, on s’emprisonne. Bénir, c’est grandir. Bénissez, ne maudissez pas.

La vie est UNE. Elle se manifeste comme un arc-en-ciel. Ce serait dommage de ne connaître qu’une couleur de l’arc-en-ciel, de ne connaître qu’un climat de notre corps.

Il y a aussi le corps de désir. Le désir, ce n’est pas seulement la pulsion. Le désir, c’est l’orientation qu’on donne à sa vie. Qu’est-ce que je désire vraiment? On a tendance à avoir une multitude de désirs. On s’éparpille. On doit retrouver notre désir essentiel, celui qui nous habite. On doit se demander « Qu’est-ce que la vie veut en moi? Qu’est-ce qu’elle veut de moi? Qu’est-ce qu’elle désire en moi? Qu’est-ce que j’ai à faire dans cette vie que personne d’autre ne peut faire à ma place? ›› Cette vie qui prend une forme particulière, un corps particulier, un visage particulier, qu’est-ce qu’elle veut expérimenter en chacun de nous? Chacun de nous est une façon unique d’incarner cette grande Intelligence qu’est la vie. Il est important d’écouter cette vie qui nous traverse, de retrouver notre orientation, notre lumière. Dans un couple, on peut s’entendre très bien au niveau sexuel, de l’appétit ou des émotions, mais parfois on n’a plus le même désir, c’est-à-dire on n’a plus la même orientation. « S’aimer, ce n’est pas seulement se regarder l’un l’autre, mais c’est de regarder ensemble dans la même direction. ››, dit le Petit Prince.

Puis il y a le corps de sentiments. Là, c’est quand le corps est habité par la compassion. C’est le corps qui a un cœur.

On le différencie des émotions?

Oui. Dans le mot émotion, il y a moteur. On est mû. On est ému. On est mis en mouvement par les choses extérieures.

Le sentiment, lui, vient de l’intérieur. Je peux avoir de la compassion pour quelqu’un que je n’aime pas émotionnellement, quelqu’un qui ne me touche pas. La compassion est quelque chose de plus profond. Quelquefois, deux personnes peuvent se rencontrer dans leur corps de sentiments, même si sur le plan de la libido, ça ne marche plus; même si sur le plan du corps des émotions ou de celui des appétits, on a du mal à se comprendre. Malgré tout, il y a cet amour inconditionnel de l’un envers l’autre. C’est un amour durable, parce qu’on aime l’autre pour lui-même, même s’il ne nous excite plus, même si émotionnellement, il ne nous propulse pas dans la joie.

À partir du corps de sentiments, on pourrait dire qu’on entre dans les dimensions spirituelles. Après ce corps, on retrouve le corps imaginal. Il ne s’agit pas d’imagination, mais plutôt de songes. On peut rencontrer quelqu’un dans son corps de songes, notre corps de rêves, c’est-à-dire sur le plan de l’archétype, des images de l’homme et de la femme que l’on porte en soi. Quand on a un coup de foudre, c’est parce qu’on rencontre quelqu’un dont on connaît l’image à l’intérieur de nous-mêmes; comme si on l’avait déjà rencontré dans ses rêves, dans ses songes. Il est important de partager les mêmes songes, les mêmes rêves que notre partenaire.

Quelquefois, on dort dans le même lit, mais on ne dort pas dans les mêmes rêves, et le réveil peut être brutal! Partager le rêve de l’autre, le songe de l’autre, c’est partager les grandes images qui nous habitent, de l’homme, de la femme, du cosmos…

Et puis, si on creuse un peu plus profondément dans tous ces climats qui habitent notre corps, on découvre le corps de louanges. Le corps de louanges, comme tous les autres, peut être malade. On va bien, on est intelligent, on a tout ce qu’il faut, mais on est malheureux. Ça ne chante pas, ça ne célèbre pas, ça ne remercie pas à l’intérieur de nous. Quelquefois, on empêche la vie de chanter dans notre corps. Quand on est dans la louange, on entre vraiment dans la grande santé, dans la célébration de la vie. On chante ensemble et même si on se tait, c’est un silence qui chante. Ça, c’est merveilleux!

Maintenant, on s’approche du corps de lumière. On entre alors dans la dimension de l’infini qui est en nous, là où notre matière est transfigurée. On voit la lumière qui l’habite. La matière et la lumière ne sont pas séparées. La matière est simplement la forme la plus lente, la plus dense de la lumière. C’est pourquoi le corps, c’est de la lumière aussi, c’est de la vie. C’est à travers notre corps que l’on peut éprouver la vie. Sentez tout le respect que l’on doit avoir à l’égard de notre corps. Personne ne peut voir la vie, mais dans notre corps, on peut l’expérimenter. Tout ce que nous savons de la vie, c’est à travers le corps qu’on le sait.

Et petit à petit, on est conduit vers notre corps de silence, cette dimension en nous qui ne fait pas de bruit. Notre corps le plus intime, le plus spirituel, est silencieux. Ce corps peut être malade chez certains d’entre nous qui avons peur du silence. Obscur et lumineux silence. Ce silence n’est pas celui du non-dit. Ce n’est pas un manque de paroles, mais plutôt un silence de plénitude.

Y a-t-il un ordre dans lequel ces différents corps se développent ?

Je crois que c’est différent pour chaque individu. Certains corps nous sont très familiers et on vit davantage dans l’un que dans l’autre. Certaines personnes ne vivent que dans leur corps d’appétits. On pourrait dire qu’ils vivent dans leur ventre. D’autres sont bloqués dans leur corps de paroles, ils vivent dans leur cirque intérieur où les paroles sont incessantes, ça submerge tous les autres corps. D’autres vivent beaucoup dans leur corps de louanges, mais ils oublient leur ventre ou leur libido. Je crois qu’il est bon de savoir que « le corps ›› est composé de ces différents corps pour comprendre que l’être humain, c’est tout ça à la fois. Il s’agit donc, pour nous, de vivre toutes ces dimensions ensemble, de ne pas en privilégier une au détriment d’une autre.

VlVRE C’EST

Vivre notre corps dans toute sa grandeur !

Le corps c’est l’invisible devenu visible c est la Vie qui s’expérimente elle-même dans un espace temps lors d une incarnation terrestre. Nous n avons ni à idolâtrer ni à mépriser notre corps, nous devons permettre à la vie de s’y exprimer dans toute sa grandeur.

Notre corps sera toujours la vie devenue matière l’invisible devenu visible.

On doit donc apprendre à voir au delà de la matière ?

La science tente parfois de réduire le corps à un objet. On doit plutôt aborder le corps comme un phénomène, comme une manifestation. On doit savoir le regarder avec ce regard qui vient des profondeurs de notre cœur, ce regard qui cherche la beauté la grâce dans toute chose, la vie en toute chose. ll y a en nous une lumière que les ténèbres ne pourront jamais éteindre il y a en nous quelque chose qui est même plus fort que la mort.

La vie prend conscience d’elle même dans l’être humain que je suis, dans le corps que je suis. On ne doit donc pas regarder le corps uniquement sur le plan de son apparence, mais regarder l’apparition de la vie dans ce corps. Quand on passe du monde des apparences à celui des apparitions, notre vie prend tout son sens.

Nous devons donc prendre de l’altitude ?

Notre façon de percevoir notre corps doit s’élever au dessus du monde des apparences. Nous devons passer du mode de l’avoir à celui de l’être ; passer de la vérité que l’on a à la vérité que l’on est ; de la vie qu’on a à la vie qu’on est ; du corps que l’on a au corps que l’on est.

Le corps que l’on a va mourir. Le corps que l’on est ne mourra jamais, car le corps est ce lieu ou la vie s’éprouve elle-même. C’est la vie qui s’expérimente dans l’espace temps dans lequel je suis. Qu’allons nous faire de cette épreuve, de cette expérience ? Comment allons nous en faire l’occasion d’une grâce ? L’amour aura toujours le dernier mot. La vie aura toujours le dernier mot. Et cet amour, cette vie s’incarne dans notre corps. A nous d’en faire une Grâce.

Dossier : Le corps Ami ou Acquis?

Propos recueillis par Marie-Josée Tardif (journaliste et conférencière)

Lire la suite

le pouvoir de l'univers est en vous/Deepak Chopra

Rédigé par grossel Publié dans #jean-claude grosse, #notes de lecture, #vide quantique, #développement personnel

le pouvoir de l'univers est en vous/Deepak Chopra

 

Le pouvoir de l'univers est en vous

Deepak Chopra et Menas Kafatos

 

 

Deepak Chopra a écrit des livres importants, toujours en collaboration avec d'autres scientifiques, avec Rudolf Tanzi, sur le cerveau, les gènes, l'autoguérison et aujourd'hui avec Menas Kafatos, sur l'univers humain. Ces grands livres sont de bonne tenue, honnêtes intellectuellement, nourri des connaissances les plus récentes sur les sujets traités. Quand il y a doute, il le signale, quand il y a ignorance ou impasse, également, si des perspectives innovantes peuvent être proposées, il les propose. Avec le développement depuis une vingtaine d'années de l'épigénétique, on ne voit plus le devenir du corps de la même manière. Ces livres sont donc accompagnés de conseils à personnaliser par chacun. Les propositions sont suffisamment variées pour qu'on prenne les 3 ou 4 résolutions qui vont changer nos comportements et donc donner des signaux à notre corps, traité comme un tout (approche holistique) et avec respect, amour même. De tradition ayurvédique, Deepak Chopra articule les résultats de la science et les traditions ou connaissances spirituelles fort anciennes de l'Inde. Ce n'est pas du syncrétisme ni de l'occidentalisation de l'ailleurs ou une hindouisation du corpus scientifique occidental, c'est une recherche de complémentarité, de complétude entre une approche matérialiste (scientifique) où la matière est première et une approche spiritualiste où l'esprit, le mental sont affirmés agissant. Le pouvoir du corps sur l'esprit, le mental est complémentaire du pouvoir de l'esprit, du mental sur le corps.

Les titres peuvent paraître commerciaux, ronflants : Le pouvoir fabuleux de votre cerveau, le pouvoir fabuleux de vos gènes, le pouvoir de l'univers est en vous. Le mot pouvoir au cœur de ces titres n'est pas anodin. Il prend le contre-pied des attitudes dominantes consistant en soumission à ce qui nous arrive, en système D pour atténuer les effets affligeants de ce qui nous arrive. Le mot pouvoir ne signifie pas avoir la maîtrise de notre devenir physique, psychique, spirituel mais avoir la possibilité de modifier, de réorienter, de corriger des comportements, y compris semblant très déterminés génétiquement, très conditionnés culturellement. Avec Deepak Chopra et d'autres se développe une médecine corps-esprit refusant la séparation entre corps et esprit, cherchant l'intégration, la complémentarité, l'alignement corps-esprit. Deepak Chopra a mis en place des cycles gratuits de méditation accompagnée de 7 à 21 jours. Pour en avoir suivi 3, je peux affirmer que je me sens bien accompagné. Je pense que l'influence de ce chercheur scientifique et spirituel est positive. Personnellement, j'en profite.
Le livre sur le pouvoir de l'univers est pour moi, particulièrement important. Les enjeux de ce livre sont rien moins qu'un changement de paradigme. Les questions, mystères abordés dans ce livre sont les questions ultimes que l'on peut se poser, à la rencontre entre science et métaphysique. Qu'y avait-il avant le big bang ? Pourquoi l'univers est-il si parfaitement agencé ? D'où vient le temps ? De quoi est fait l'univers ? Y a-t-il un dessein dans l'univers ? Le monde quantique est-il relié à la vie de tous les jours ? Vivons-nous dans un univers conscient ? Quelle est l'origine de la vie ? Le mental est-il la création du cerveau ?

Chaque mystère est exposé pour tenter de le comprendre. Quelles réponses sont apportées par les scientifiques, réponses parfois contradictoires avec deux camps,

  • les conservateurs qui posent que l'évolution est due au hasard, que la matière est première, matérialistes et déterministes purs et durs qui ne pensent que mesures, calculs, quantités et qui résistent tant qu'ils peuvent aux effets de la théorie de la relativité et de la physique quantique, remettant en cause leur conception de la réalité physique,

  • les visionnaires qui à partir de leurs théories (sachant que les chercheurs n'ont toujours pas réussi à unifier la relativité qui traite magistralement des objets très grands dans l'espace-temps et la physique quantique qui traite magistralement des objets infiniment petits) plus qu'à partir d'observations (elles ne sont venues souvent qu'après coup et certaines prédictions de particules n'ont toujours pas été expérimentés) ont contribué à complexifier ce qu'on appelle la réalité, nous obligeant à au moins nous demander s'il n'y a pas une conscience à l'oeuvre.

    Evidemment, là, on est à la limite de la religion, il y a un dieu créateur. Au XVIII° siècle, ce dieu créateur a été conçu comme un dieu mécanicien, nécessaire pour mettre en route la machinerie puis la laissant fonctionner selon des lois immuables dites lois de la nature. Avec les théories du début du XX° siècle, finie la constance des constantes, finie la stabilité, c'est l'émergence de ce qui est vu comme chaos, désordre, le big bang étant le modèle théorique fonctionnant le mieux actuellement pour expliquer la naissance, le développement de l'univers mais évidemment le big bang ne sera jamais observable (des animations font croire à une gigantesque explosion, une énorme chaleur, une inflation très courte et intense, un refroidissement, une expansion, une décélération puis une accélération de l'expansion en lien avec énergie et matière noires, hypothèses théoriques sur des réalités inobservables, seuls 4% de l'univers sont visibles, le big bang c'est la création d'un univers à partir de rien, à partir de particules virtuelles devenant réelles, à partir du vide quantique et de ses fluctuations, c'est du potentiel devenant réel...). Comment cet univers créé à partir du vide quantique évolue-t-il jusqu'à la vie sur terre, jusqu'à l'homme, son cerveau, sa pensée consciente, ses buts, intentions, recherches de sens ? Les scientifiques sont inventifs en matière d'explications, de théories. On a parlé d'ajustement fin, on a posé l'existence d'un principe anthropique (l'univers est fait pour accueillir l'homme, température moyenne de notre soleil par rapport à d'autres étoiles, lumière arrivant sur terre dans le bon spectre ; là il faut corriger : la lumière venant du soleil, ce sont des photons se déplaçant de façon non lumineuse donc indétectable jusqu'à la rétine qui excitée rend le photon à son état lumineux, lumière de l'objet éclairé construite dans la boîte noire du crâne, le cerveau, qui voit, crée le rouge de la rose que je vois, j'espère être fidèle au récit de la vue, opération particulièrement mystérieuse, un quale, une perception éminemment subjective) ; le principe anthropique a été utilisé par les créationnistes à l'appui de leur vision de la création qu'ils ont tenté de rendre concurrente à celle des scientifiques, la justice américaine a tranché, pas de créationnisme enseigné dans les écoles.

  • Si l'univers est fait pour accueillir l'homme, il semble fait aussi pour accueillir les végétaux (et tout le reste) qui ont un mode de vie spécifique, grâce à la chlorophylle. Cette molécule est constituée de 137 atomes dont le seul objectif est d'accueillir 1 atome de magnésium. Cet atome est ionisé au contact de la lumière solaire permettant au carbone et à l'eau de former un glucide, c'est la photosynthèse. L'énergie solaire est captée, presque instantanément transmise aux cellules contenant de la chrorophylle et transformée en protéines et autres produits organiques. Transfert d'énergie particulièrement efficace sans gaspillage sous forme de perte de chaleur en particulier.

    Comme les objets de la physique quantique sont des objets particulièrement surprenants à tel point que Feynman a pu dire que le monde quantique était absurde, ces objets « fantasques » font moins l'objet d'observations que de modélisations. On ne peut que leur appliquer des statistiques, des calculs de moyenne ou des équations très complexes comme l'équation de Schrödinger. Les mathématiques supérieures sont devenues l'outil principal des chercheurs, à tel point que certains en sont arrivés à se demander si l'univers n'était pas mu par les Idées mathématiques, si le dessein de l'univers n'était pas mathématique, retour à Platon. Dans quel état est l'électron, corpuscule, onde ? superposé ? soit complémentarité de deux états opposés, autrement dit relation d'inclusion des deux états et ci et ça et non d'exclusion des deux états ou ci ou ça ? Quand il change d'orbite que se passe-t-il ? Il glisse d'une orbite à l'autre ? Non, il disparaît de l'orbite et réapparaît dans l'autre. Si deux électrons sont intriqués, les effets sur l'un sont immédiats et instantanés sur l'autre sans aucun déplacement (téléportation). De plus comment l'électron qu'on trouve dans les atomes se spécifie-t-il, se spécialise-t-il si on peut dire, on appelle ça activité secondaire. L'exemple de l'hémoglobine est particulièrement instructif (une molécule d'hémoglobine qui se trouve à l'intérieur d'un globule rouge, ce sont 10000 atomes dont 4 de fer pour capter 4 atomes d'oxygène, transporté par circulation sanguine à chaque cellule du corps).

    Avec l'effet observateur, on va encore plus loin dans le bizarre. Un observateur veut mesurer ou la masse ou la position ou la vitesse. Dès le moment où il a spécifié son intention, l'objet s'y conforme et lui donne à percevoir ce qu'il veut percevoir. Les photons semblent doués d'un pouvoir de décision comme l'a prouvé l'expérience de la double fente et comme le chat de Schrödinger n'a pas cessé d'interroger les chercheurs. Chacun y va de son interprétation. Deux effets ont été repérés, le choix retardé et l'effacement quantique. Autrement dit, l'univers est participatif, l'observateur fait partie intégrante de la réalité et sa présence, ses choix, intentions influencent le comportement des photons, en état indéfini jusqu'au moment où l'observateur décide de le mesurer, décision et mesure le faisant devenir onde, corpuscule conformément à ce que cherche l'observateur. Conséquence, observer le monde, c'est lui faire quitter un état indéfini pour un état défini. Observer c'est spécifier la réalité, c'est ce qu'on appelle l'effet Zénon. L'observateur et l'objet de son observation sont enfermés, l'observateur ne connaîtra jamais l'état de son objet fonctionnant « naturellement ». Observer comme on le voit n'est pas un acte passif. C'est modifier la réalité, interagir avec la réalité, créer celle qu'on perçoit.

    Il n'y a pas trop de chemin à faire pour en arriver à l'hypothèse d'un univers conscient, d'un univers participatif, d'un univers humain. Lors de sa rencontre avec Einstein (soit dit en passant, c'est à partir d'images mentales, genre chevaucher un rayon lumineux, qu'Einstein a élaboré ses théories, corroborées ensuite par l'observation, il ne cherchait pas les propriétés de la lumière mais à vivre mentalement une expérience, à cheval sur son rayon de lumière), le 14 juillet 1930 à Caputh près de Berlin, Tagore a pu lui dire : « ce monde est un monde humain, sans nous, le monde n'existe pas, c'est un monde relatif dont la réalité dépend de notre conscience ».

    Poser que l'univers est conscient, c'est passer assez facilement du big bang à l'homme, c'est plus difficile, voire impossible de passer du chaos initial à la pensée. Si la conscience est un champ qui comme le champ quantique engendre des réalités à partir de virtualités (le vide créateur), elle est partout à la fois, dans tout, devenant conscience spécifique dans chaque « je », conscience d'un « je » agissant sur la réalité par ses décisions, ses buts, ses intentions. L'homme n'est pas qu'observateur, il fait l'expérience du monde, de la réalité à chaque instant, la modifiant, se modifiant, se transformant, la transformant.

    Ou l'homme est le gagnant du casino cosmique sans qu'on sache très bien comment cela a été réalisé, ou l'homme comme l'univers sont l'oeuvre d'un dessein conscient qu'on n'a pas besoin d'appeler dieu. Deux façons de vivre le monde s'offrent, selon le mode de la séparation (on se perçoit comme individu isolé, l'égo passe avant autrui, pour survivre, travailler, batailler, s'inquiéter, en particulier du temps qui passe alors que Schrödinger nous a dit de façon définitive : « seul existe l'instant présent, éternel ; le présent est la seule chose qui soit sans fin » ou Einstein : « j'ai pris conscience que le passé et le futur sont de véritables illusions et qu'ils existent dans le présent, qui est la seule chose qui soit »…) ou selon le mode de la complétude (l'univers existe à l'intérieur de soi, phénomènes extérieurs et intérieurs sont des reflets mutuels, la conscience est continue et omniprésente, c'est la seule réalité qui soit ...).

    L'homme ne pouvant se séparer de la réalité qu'il vit, une notion devient centrale, celle de quale, de qualia, c'est-à-dire la manière subjective de vivre la réalité. Depuis une cinquantaine d'années, une philosophie de l'esprit et de la conscience se développe ayant pour objet d'étude les qualia ; nos perceptions, sensations, émotions, sentiments, pensées. Une annexe est consacrée à la science des qualia (la conscience n'est pas un attribut qui s'est développée au travers de l'évolution et par les jeux du hasard d'une base de matière pour émerger chez l'homme, la conscience est fondamentale et acausale, la conscience comme fondement de l'existence se comporte comme un champ, elle interagit avec elle-même et cette interaction aboutit à la création de toutes les formes spécifiques de conscience ...

    Ce livre est très documenté, on y apprend beaucoup de choses. L'argumentation est construite, étayée. Questions et réponses sans tourner autour du pot. On peut y adhérer, rester dubitatifs. Des exemples édifiants. De l'humour, beaucoup. Bref, un livre passionnant, à mettre en pratique par une vie de plus en plus consciente, pas une vie de volonté de puissance, mais une vie sachant s'abandonner au champ de la conscience cosmique qui fait surgir pensée nouvelle, image inédite, sentiment régénéré, empathie plus vivante, qui favorise le mouvement, le changement. Pas de recherche d'embrassement de la réalité dans sa totalité, ça ne veut rien dire. Une vie plus ouverte, élargie.

 
conclusion de mon article sur Deepak Chopra
comme a pu dire Djalâl-od-Din- Rûmi, la conscience dort dans les minéraux, rêve dans les végétaux, se réveille dans les animaux et commence à devenir consciente d'elle-même dans les êtres humains ; aujourd'hui, on pourrait le dire différemment : la conscience est présente et agissante à tous les niveaux sous des formes différentes, du vide quantique, des quanta à l'univers ;
tout l'univers est contenu dans un seul être humain : toi et dans tout grain de sable ; ce que tu cherches te cherche ; arrête d’agir petit, d'être étroitement conscient car tu es l’univers et l'univers est humain et végétal et minéral et céleste. Tel est le dessein.

 

les augures d’innocence de William Blake

Voir un Monde dans un Grain de sable 

Un Ciel dans une Fleur sauvage 

Tenir l’Infini dans la paume de la main 

Et l’Éternité dans une seconde.

 

la rencontre du 14 juillet 1930 entre Einstein et Tagore, près de Berlin; la religion du poète est à lire en complément du livre de Deepak Chopra;  avec la langue des poètes, avec sa propre langue, Tagore développe la même intuition, l'Unité sous la multitude
la rencontre du 14 juillet 1930 entre Einstein et Tagore, près de Berlin; la religion du poète est à lire en complément du livre de Deepak Chopra;  avec la langue des poètes, avec sa propre langue, Tagore développe la même intuition, l'Unité sous la multitude
la rencontre du 14 juillet 1930 entre Einstein et Tagore, près de Berlin; la religion du poète est à lire en complément du livre de Deepak Chopra;  avec la langue des poètes, avec sa propre langue, Tagore développe la même intuition, l'Unité sous la multitude
la rencontre du 14 juillet 1930 entre Einstein et Tagore, près de Berlin; la religion du poète est à lire en complément du livre de Deepak Chopra;  avec la langue des poètes, avec sa propre langue, Tagore développe la même intuition, l'Unité sous la multitude

la rencontre du 14 juillet 1930 entre Einstein et Tagore, près de Berlin; la religion du poète est à lire en complément du livre de Deepak Chopra; avec la langue des poètes, avec sa propre langue, Tagore développe la même intuition, l'Unité sous la multitude

Au début de son livre, Deepak Chopra raconte la rencontre entre Einstein et Tagore.

Le 14 juillet 1930, Albert Einstein a accueilli dans sa maison à la périphérie de Berlin, le philosophe indien, musicien, lauréat du prix Nobel, Rabindranath Tagore.

Les deux ont eu une des conversations les plus stimulantes intellectuellement de l’histoire, en explorant le lien entre science et religion, mais surtout qu’est-ce que la réalité et la vérité?

Le choc entre la spiritualité indienne et le génie d’Einstein…

Voici un extrait de cette conversation :


Croyez-vous que le divin est en dehors du monde?

 

Pas en dehors. La personnalité infinie de l’homme est incluse dans l’Univers. Ça ne peut pas être quelque chose qui n’appartient pas à la personnalité humaine, et cela prouve que la vérité de l’univers est la vérité humaine.

J’ai pris un fait scientifique pour expliquer cela – La matière est composée de protons et d’électrons, avec des espaces entre eux; mais la matière semble être solide. De même l’humanité est composée d’individus, mais ils sont interconnectés, ce qui donne une unité vivante dans le monde de l’homme. L’univers entier est lié avec nous d’une manière similaire, c’est un univers humain. Je poursuis cette pensée à travers l’art, la littérature et la conscience religieuse de l’homme.

 

Il y a deux conceptions différentes sur la nature de l’univers: (1) Le monde comme une unité dépendante de l’humanité. (2) Le monde comme une réalité indépendante du facteur humain.

 

Quand notre univers est en harmonie avec l’homme, avec l’éternel, nous savons ce qu’est la vérité, nous sentons la beauté.

 

 

Ceci est la conception purement humaine de l’univers.

 

Il ne peut y avoir aucune autre conception. Ce monde est un monde humain – le point de vue scientifique, c’est aussi celui de l’homme de science. C’est une norme issue de la raison et du plaisir que lui donne la Vérité, la norme de l’Homme éternel dont les expériences sont filtrées par nos expériences.

 

Ceci est une réalisation de l’entité humaine.

 

Oui, une entité éternelle. Nous devons nous réaliser à travers nos émotions et nos activités. Nous avons réalisé l’Homme suprême qui n’a pas de limite individuelle par le biais de nos limites. La science est préoccupée par ce qui ne se limite pas à des individus; il est le monde humain impersonnel des vérités. La religion réalise ces vérités et relie entre eux nos besoins les plus profonds; notre conscience individuelle de la vérité gagne une signification universelle. La religion applique les valeurs à la vérité, et nous savons que cette vérité est bonne à travers notre propre harmonie avec elle.

 

 

La vérité ou la Beauté n’est pas indépendante de l’Homme?

 

Non!

 

S’il n’y avait pas d’êtres humains, l’Apollon du Belvédère ne serait pas plus beau.

 

Non!

 

Je suis d’accord à l’égard de cette conception de la beauté, mais pas à l’égard de la vérité.

Pourquoi pas? La vérité est réalisée par l’homme.

 

 

Je ne peux pas prouver que ma conception est bonne, mais c’est ma religion.

 

La beauté est dans l’idéal de l’harmonie parfaite qui est dans l’être universel; la vérité de la parfaite compréhension de l’esprit universel. Nous approchons des personnes à travers nos propres erreurs et maladresses, à travers nos expériences accumulées, à travers notre conscience illuminée – comment sinon pouvons-nous connaître la vérité?

 

Je ne peux pas prouver scientifiquement que la vérité doit être conçue comme une vérité qui est valable indépendante de l’humanité; mais je le crois fermement. Je crois, par exemple, que le théorème de Pythagore en géométrie affirme quelque chose qui est  vrai, indépendamment de l’existence de l’homme. Quoi qu’il en soit, s’il y a une réalité indépendante de l’homme, il y a aussi une vérité par rapport à cette réalité; et de la même façon, la négation du premier engendre une négation de l’existence de ce dernier.

 

 

La vérité, qui est l’un avec l’Être universel, doit être essentiellement humaine, sinon tout ce que les individus réalisent aussi vrai ne peut jamais être appelé vérité – au moins la vérité qui est décrite comme scientifique et qui ne peut être atteint à travers le processus de la logique, en d’autres termes, par un organe de la pensée qui est humaine. Selon la philosophie indienne, c’est Brahman, la Vérité absolue, qui ne peut être conçu par l’isolement de l’esprit individuel ou décrit par des mots, mais ne peut être réalisé en fusionnant complètement l’individu dans son infinité. Mais une telle vérité ne peut pas appartenir à la science. La nature de la Vérité dont nous parlons est un aspect – c’est-à-dire, ce qui semble être fidèle à l’esprit humain et par conséquent est humain, et peut être appelé Maya ou l’illusion.

 

Donc, selon votre conception, qui peut être la conception indienne, ce n’est pas l’illusion de l’individu, mais de l’humanité dans son ensemble.

 

 

Les espèces appartiennent aussi à une unité, à l’humanité. Par conséquent tout esprit humain réalise la Vérité; l’Indien ou l’esprit européen se rencontrent dans une réalisation commune.

 

Le mot espèce est utilisé en allemand pour tous les êtres humains, en fait, même les singes et les grenouilles devraient être inclus.

 

 En science, nous passons par cette discipline pour éliminer les limites personnelles de nos esprits individuels et ainsi atteindre la compréhension de la vérité qui est dans l’esprit de l’homme universel.

 

Le problème commence si la Vérité est indépendante de notre conscience.

 

 

Ce que nous appelons la vérité réside dans l’harmonie rationnelle entre les aspects subjectifs et objectifs de la réalité, qui tous deux appartiennent à l’homme superpersonnel.

 

Même dans notre vie de tous les jours nous nous sentons obligés d’attribuer une réalité indépendante de l’homme aux objets que nous utilisons. Nous faisons cela pour relier les expériences à nos sens d’une manière raisonnable. Par exemple, même si personne ne se trouve pas dans cette maison, le tableau reste encore où il est.

 

Oui, il reste en dehors de l’esprit individuel, mais pas l’esprit universel. Le tableau que je perçois est perceptible par le même genre de conscience que je possède.

 

Si personne n’était dans la maison, la table existerait quand même – mais cela n’a pas de valeur de votre point de vue – parce que nous ne pouvons pas expliquer la signification de la présence de la table, indépendamment de nous.

Notre point de vue naturel en ce qui concerne l’existence de la vérité en dehors de l’humanité ne peut pas être expliqué ou prouvé, mais il y a une croyance que personne ne peut oublier – pas même les êtres primitifs. Nous attribuons à la vérité de l’objectivité d’un superhumain; il est indispensable pour nous que cette réalité soit indépendante de notre existence et de notre expérience et de notre esprit – même si nous ne pouvons pas comprendre sa signification.

 

 La science a prouvé que la table comme un objet solide est une apparence et donc ce que l’esprit humain perçoit comme une table n’existerait pas si cet esprit était absent. Dans le même temps, il faut admettre que le fait que la réalité physique ultime n’est rien, mais une multitude de vibrations séparées de force électrique appartiennent aussi à l’esprit humain.

Dans l’appréhension de la vérité, il y a un conflit éternel entre l’esprit humain universel et le même esprit confiné dans l’individu. Le processus de réconciliation est en cours entre la science, la philosophie, l’éthique… En tout cas, s’il y avoir une vérité absolue, elle n’a rien à voir avec l’humanité alors pour nous, elle est absolument non-existante.

Il n’est pas difficile d’imaginer un esprit dans lequel les choses ne se passent pas dans l’espace, mais seulement dans le temps comme la séquence de notes de musique. Pour un tel esprit, cette conception de la réalité est proche de la réalité musicale dans laquelle la géométrie de Pythagore ne peut avoir aucun sens. C’est la réalité du papier, infiniment différente de la réalité de la littérature. Pour l’esprit possédé d’une mite qui mange le papier, la littérature est absolument inexistante, mais pour l’esprit de l’homme la littérature a une plus grande valeur de la vérité que le papier lui-même. D’une manière similaire, s’il y avoir une certaine vérité qui n’a aucun rapport avec ses sens ou rationnel à l’esprit humain, elle restera toujours comme inexistante tant que nous resterons des êtres humains.

 

Alors je ne suis pas plus religieux que vous l’êtes!

 

Ma religion est dans le rapprochement de l’Homme superpersonnel, l’esprit humain universel, dans mon propre être individuel.

Tiré du livre : Science et tradition indienne

 
Lire la suite

De l'âme/François Cheng

Rédigé par grossel Publié dans #notes de lecture, #jean-claude grosse

couverture du livre De l'âme de François Cheng

couverture du livre De l'âme de François Cheng

De l'âme

François Cheng

Albin Michel, 2016

 

De François Cheng, j'ai lu un roman, L'éternité n'est pas de trop, les Cinq méditations sur la mort. J'apprécie mais sans le sentiment de l'essentiel, un essentiel que je cherche sans pouvoir être précis quant à ses contours, à son contenu. Si je vais vers François Cheng, c'est parce que je sens une recherche aussi, spirituelle au moins. Sa connaissance des sages et des peintres chinois est un élément supplémentaire d'attirance. Ajoutée à cela, sa connaissance de ce qu'on peut appeler la culture française, plus large, plus complexe que la philosophie des Lumières et l'esprit voltairien, fait de François Cheng, non un homme écartelé entre deux cultures mais un pont possible entre deux cultures. La synthèses est-elle possible ? Un dialogue, oui, des connivences aussi. C'est donc avec envie que j'ai lu De l'âme.

Il s'agit de 7 lettres à une amie, à une femme, à l'automne de sa plénitude, qui l'a abordé dans le métro, il y a déjà longtemps, l'ayant reconnu alors qu'il n'était pas encore connu, femme d'une beauté qui l'avait interpellé, lui demandant comment elle pouvait l'assumer, avec laquelle il a eu quelques échanges par intermittences et qui l'interroge 30 ans après, suite à un constat qu'elle fait : Sur le tard, je me découvre une âme... Acceptez-vous de me parler de l'âme ?

D'abord réticent, à cause du climat intellectuel en France où ce vocable est marginalisé au profit du dualisme corps-esprit, où le matérialisme, le scientisme sont dominants, arrogants, il finit par vouloir faire la clarté aussi pour lui, soucieux de son âme et de ses liens avec l'Âme. Car postuler que mon âme est unique, expression de mon unicité, de ma singularité, source de mon unité, c'est aussi postuler la même chose pour chacun, ce qui renvoie à une universalité. Toutes les âmes sont uniques et unissent, ce qui permet de poser l'Âme universelle comme principe de Vie et puisque chaque âme est unique, irremplaçable, cela rend nécessaire le respect de l'autre âme, rend possible l'amour de l'autre âme. Il constate que toutes sortes de vocables sont utilisés pour ne pas employer le mot « âme », for intérieur, jardin secret, appareil psychique... mais ces usages révèlent la dispersion, l'éclatement du sujet, l'impossible identité, la perte de l'unité de l'être. Être déformé, difforme, à la Bacon.

Il revisite une intuition universelle, si le corps, l'animus est animé, vivant, c'est que quelque chose l'anime, l'anima. C'est le Souffle de Vie, le Aum indien, le Qi chinois, le Ruah hébraïque, le Rûh musulman, le Pneuma grec, l'Âme. Sans âme, le corps n'est pas animé, sans corps, l'âme n'est pas incarnée. Mais il faut ajouter, ce qui est premier, c'est l'âme, c'est elle qui porte le désir d'être qui est plus que l'instinct de survie, plus que le vouloir-vivre instinctif. L'âme est désir de vie et mémoire de vie, elle est ce qui nous permet de désirer, de ressentir, de nous émouvoir, de résonner, de conserver mémoire, de communier par affect ou par amour. Trois puissances en elle, le désir, la mémoire, l'intelligence du cœur. L'auteur aborde évidemment la distinction esprit-âme puisque au couple corps-esprit, il préfère la triade corps-esprit-âme. L'esprit raisonne, son champ est l'action dans les domaines de la vie sociale, politique, économique, juridique, éducative ; l'âme résonne, son champ est celui de l'amour, de la compassion, de la beauté et de la création artistique ; elle peut aussi s'égarer, se pervertir puis se repentir et se relever de l'exercice du mal ; elle est ange et démon. C'est elle qui prend en compte les souffrances et la mort, qui les intègre à la vie, à la Vie. Et de citer Hildegarde de Bingen : le corps est le chantier de l'âme où l'esprit vient faire ses gammes.

Il résume de façon claire les traditions chinoise, indienne, grecque (platonicienne) de l'âme. De nous prévenir contre une mésinterprétation du bouddhisme, radicalement agnostique vis à vis de l'âme : il n'y a pas d'entité permanente qui subsisterait après l'abandon du corps, tout est impermanence et la compassion bouddhiste ne consiste pas en un rapport d'âme à âme. De l'impermanence naît l'interdépendance de tous les êtres, dénués d'unicité. Il nous rapporte aussi les leçons des trois monothéismes. En particulier l'apport de Pascal avec ses trois ordres superposés. Il y a une verticalité de ces trois instances, l'ordre des corps, celui des esprits, celui de la charité, de l'amour.

Les lecteurs découvriront de belles pages sur la Joconde ou sur Léda (tableau perdu) de Vinci, et de montrer ce qui lie beauté et bonté, qui permet à l'âme de s'élever et de trouver sa voie dans la Voie, d'être l'oeil ouvert et le cœur battant de l'univers vivant, cela souvent au prix de grandes épreuves et souffrances mais aussi d'extases, de grands instants de félicité quand on contemple un lever, un coucher de soleil. Se sent-il petit, seul perdu dans l'univers, poussières d'étoiles, grains de poussière, celui qui contemple l'avènement de l'univers ? Oui, grain de poussière mais qui a vu. Tu es celui qui a vu. Et personne ne peut faire que tu n'aies pas vu. Le fait d'avoir vu est ineffaçable. Cet instant de rencontre donne sens à toi comme à l'univers. Instant d'éternité... Nous qui voyons de l'univers la part visible et qui en faisons partie, sommes-nous vus ? Si le voir n'était pas à l'origine, serions-nous capables de voir ? Oui, nous devons être assez humbles pour reconnaître que tout, le visible et l'invisible est vu et su par Quelqu'un qui n'est pas en face mais à la source.

Aum, âme, amen.

La sixième lettre est importante car elle parle longuement de Simone Weil, figure d'absolu du XX° siècle dit-il, caractérisé par un cheminement vers l'âme. Simone Weil, l'auteur de La pesanteur et la grâce (7 fois le mot esprit, 60 fois le mot âme), Attente de Dieu (5 fois le mot esprit, 100 fois, âme), Prélude à une déclaration des devoirs envers l'être humain, titre remplacé par Camus L'enracinement, formidable inventaire des besoins terrestres de l'âme et du corps de chacun dont nous sommes tous responsables, l'auteur des Cahiers de Marseille qui s'écroule à 34 ans, morte d'anémie. Pour elle, les besoins de l'âme sont des obligations envers la Vie avant d'être des droits pour soi-même, exemple: l'âme humaine a besoin d'obéissance consentie et de liberté... ou l'égalité est un besoin vital de l'âme humaine, l'honneur est un besoin vital de l'âme humaine... Voici une puissante pensée de Simone Weil : la joie et la douleur sont des dons également précieux qu'il faut savourer l'un et l'autre intégralement, chacun dans sa pureté, sans chercher à les mélanger. Par la joie, la beauté du monde pénètre notre âme. Par la douleur, elle nous entre dans le corps. L'amitié est pour elle la vertu suprême. Simone Weil, figure à découvrir ou redécouvrir car articulant individuel et collectif, âme et corps, politique et morale, immanence et transcendance.

Je conclurai cette note en disant que François Cheng fait une présentation classique, traditionaliste de l'âme, persuadé qu'il y a Quelqu'un à la source, la Source de Vie. Son approche est spiritualiste sans être religieuse. Elle est critique à l'égard du matérialisme occidental dominant qui nous voit comme poussières d'étoiles, amas de molécules, faisceaux de neurones, la Vie et tout ce qui la constitue étant le fruit du hasard. Cette approche me semble ne pas tenir compte de tout un tas d'avancées scientifiques qui montrent bien les intrications entre le corps et l'esprit, et dans les deux sens, actions du corps, actions de l'esprit. Il n'est plus possible pour les scientifiques honnêtes d'être arrogants dans leur matérialisme. Une conception plus holistique se développe, le corps-esprit et c'est ce qui explique pourquoi des tentatives de synthèse sont entreprises entre science et tradition, entre médecine rationnelle et médecine ayurvédique. Être à l'écoute du « chant » de l'univers, être à l'écoute de son corps (qui lui nous écoute, mémorise ce que nous en faisons, comment nous le traitons sans mesurer les conséquences au plus infime, au plus intime), donner sens à ce que nous vivons, amour inconditionnel à ceux que nous aimons, créer de la beauté, agir avec bonté c'est le travail de l'âme dont je pense de plus en plus qu'elle a à voir avec l'éternité du livre que nous écrivons de notre premier cri à notre dernier souffle. Rendre l'âme, expression que Cheng ne relève pas (il note en mon âme et conscience, la force d'âme, un supplément d'âme, l'âme sœur, l'âme damnée, sauver son âme, la mort dans l'âme) c'est rendre un livre qui éternise au fur et à mesure nos émotions, sentiments, actions, pensées, puisqu'il sera toujours vrai que j'ai pensé ainsi, agi comme ça, aimé de travers, été ému aux larmes, une mémoire de vie à la Vie qui continue. Je signale au passage que Marcel Conche emploie le mot âme. Il distingue son âme ordinaire, âme commune, produit de l'éducation, du milieu, de l'époque et son âme authentique, incarnée dans son œuvre.

Jean-Claude Grosse

Lire la suite

Le fabuleux pouvoir de vos gènes/Deepak Chopra

Rédigé par grossel Publié dans #notes de lecture, #agoras, #développement personnel

deux livres stimulants, accessibles, sans concessions
deux livres stimulants, accessibles, sans concessions

deux livres stimulants, accessibles, sans concessions

Le fabuleux pouvoir de vos gènes

Deepak Chopra, 2016

Livre de 384 pages, le fabuleux pouvoir de vos gènes demande de l'attention et de la persévérance. J'ai mis plusieurs semaines à le lire parce que je me suis essayé à effectuer un certain nombre de choix faciles dans différents domaines, alimentation, activités, méditation... Ce sont des choix pour la vie, il n'y a donc pas lieu de se précipiter, il faut évaluer ce qui nous convient. Ce n'est pas un livre de prescriptions, c'est un livre de conseils que chacun est libre de suivre selon ses besoins, ses désirs, ses buts. Il y a donc lieu de faire le point, une sorte de bilan, un peu comme le dit l'inscription d'un cadran solaire non loin de chez moi : si tu ne sais pas où tu vas, arrête-toi, fais la pause et regarde d'où tu viens.

Je ne vais pas décrire mes choix et décisions. Chacun doit les faire pour lui-même s'il est convaincu de l'intérêt profond de ce qui est proposé. Que ces choix et décisions soient complètement fondés scientifiquement, rien n'est moins sûr. Mais la probabilité est grande. Et surtout, le fait de croire aux effets positifs de ce que l'on décide se suffit comme le prouve le fameux effet placebo. Nos convictions, croyances sont agissantes.

Avec ce livre, il en est de même avec le précédent, le fabuleux pouvoir de votre cerveau, Deepak Chopra fait le point sur ce que nous savons, met en question les hypothèses, évalue les effets possibles de ce savoir évolutif sur les gènes. C'est une somme, vivante, non une bible, sur les usages possibles au quotidien d'un savoir récent, en construction, qui met à mal nombre de certitudes, de lieux communs nous venant d'un savoir précédent, devenu obsolète en grande partie, mais qui continue à être colporté, diffusé, partagé. La réactivité de la "communauté" scientifique aux avancées techniques, scientifiques est freinée par des lourdeurs, des enjeux de prestige, de profit, par des cabales, des résistances dogmatiques. La réactivité de la société est bien entendue en résonance avec celle de la "communauté" scientifique, « communauté » étant un euphémisme. Selon le niveau de culture, le statut socio-professionnel et autres déterminations plus ou moins agissantes, les groupes et les individus seront plus ou moins en phase ou plus ou moins en décalage avec l'état actuel des connaissances, avec l'état actuel des polémiques, avec l'état actuel des incertitudes.

Au sortir de ce livre, ce qui domine pour moi est l'impression d'avancées, de percées aux potentialités considérables mais aussi le sentiment que nos savoirs sont plein d'incertitudes, qu'ils ne sont pas acquis durablement, qu'ils sont instables. Il faut donc avoir une curiosité scientifique inlassable, hélas difficile, imposssible à satisfaire car les domaines concernés sont très spécialisés, que les spécialistes sont souvent seuls à se comprendre, que la vulgarisation n'existe pas ou peu, que les passeurs de ces savoirs évolutifs, voire révolutionnaires, sont rares. Autrement dit, l'objectif de vivre avec son temps, avec son temps scientifiquement parlant, qu'il s'agisse de nous, notre corps, notre esprit, qu'il s'agisse de la Terre, de l'Univers, est un objectif inatteignable mais auquel, pour ma part, je préfère ne pas renoncer. Me voir et me vivre selon ce que nous savons aujourd'hui de nous, vivre dans un Univers selon ce que nous en savons aujourd'hui me semble une tentative difficile mais aux effets bénéfiques, en tout cas préférables aux effets sclérosants des modèles précédents obsolètes ou en cours d'obsolescence. Et pour tout dire, je préfère passer une partie de mon temps à me mettre au courant (expression intéressante) de l'état actuel des recherches qu'à m'indigner en permanence des histrions qui occupent le devant de la soi-disant scène qui compte.

Obsolète, la séparation inné-acquis. Obsolète, l'ADN, signature immuable d'un individu. Obsolète, la démarche par causalité linéaire : un symptôme, une « maladie », un traitement. Obsolète probablement, le darwinisme pur et dur confiant au hasard seul, le moteur de l'évolution.

À reconsidérer, les rapports corps-esprit ou corps-mental. Le rôle, la place de la mémoire, des mémoires (le domaine à mon avis, le plus important comme le montre l'ADN, mémoire vivante, agissante en permanence de 3,5 milliards d'années d'évolution, c'est cette mémoire qui est à considérer comme intelligence créatrice, évolutive; l'IA -intelligence artificielle- a beaucoup à nous apprendre sur comment un système se corrige, se développe...). À reconsidérer, nos croyances sur la mort, les représentations que nous en avons. Faire appel à de nouveaux outils, concepts et réalités, la causalité nébuleuse, l'intelligence auto-organisationnelle par rétro-action, feed-back, homéostasie, le génome et sa plasticité, l'épigénome et ses capacités réparatrices ou destructrices découvertes par l'épigénétique selon qu'il y a activation ou désactivation par méthylation , le microbiome (les milliards de bactéries, plus nombreuses que nos cellules qui nous colonisent, très lointaines ou très anciennes et sans lesquelles nous ne pourrions digérer et nous défendre...) et ses interactions au plus petit niveau avec nos cellules. Admettre que nos corps fonctionnent bien, en harmonie, que nous n'avons presque qu'à laisser faire, sauf dans les domaines essentiels de l'alimentation, du sommeil, du stress, de l'activité physique, de l'environnement dans lequel nous vivons, que les dérèglements sont rares, peuvent être partiellement prévenus par une bonne hygiène et qualité de vie, la diversité des cellules et des organes n'étant pas régie par la seule loi de la survie pour chacune et chacun, auquel cas ce serait la guerre permanente en nous mais aussi par une autre loi, le service de l'ensemble, le vivre ensemble si je puis dire, chacun restant spécialisé mais en lien avec le reste, avec l'ensemble, ce n'est pas seulement chacun pour soi, c'est chacun pour tous (à relever le fait que cette diversification, cette spécialisation des cellules et des organes, 79 organes dans le corps humain dont un vient d'être découvert et nommer - il s'appelle le mésentère et est situé dans le système digestif, reliant l'intestin aux parois abdominales, on ne connaît pas encore ses fonctionns -; cette diversification est obtenue à partir d'une cellule qui se divise par mitose, 2 donnent 4 puis très vite on est à des milliards, d'où problème métaphysique, l'indéfiniment grand est-il engendré par division de l'unité ou faut-il postuler l'infini pour en dériver tout ce qui est fini, comptable ?). Ne pas s'énerver quand des paradoxes surgissent et ils sont nombreux, contribuant à nous déstabiliser. Porter un regard différent, nouveau sur nos maladies, l'Alzheimer (pour se faire une idée de comment on a avancé dans ce domaine, on lira L'éclipse de Rezvani où celui-ci décrit avec force détails, sorte de confession implacable, le développement de la maladie chez sa femme, Lula), les cancers, le diabète, l'obésité, nos dépressions. Ne pas croire à la toute puissance de nos choix de vie. Ne pas croire à leur inutilité pour retomber dans les mêmes compulsions de répétition. Avoir plutôt une approche holistique, corps-esprit, une approche tenant compte du contexte environnemental (vit-on en zone fortement polluée ou a-t-on la chance d'y échapper partiellement, ai-je échappé au nuage de Tchernobyl ou pas ?), interrogeant les comportements, remontant dans la psycho-généalogie pour découvrir de possibles héritages par transmission sans doute épigénétique après avoir été culturels et familiaux, une approche consciente de l'impact des mémoires qui nous constituent, donc des durées historiques dont nous sommes les héritiers et les passeurs. Je pense même qu'il faut élargir cette conscientisation jusqu'aux étoiles dont nous sommes des poussières.

Évidemment, je dis tout cela avec mes mots, pour me rendre accessible ce que j'ai retiré de ce livre stimulant, offrant un nombre important de nouvelles connaissances, portant sur la place publique les différends traversant la « communauté » scientifique dont l'ultime différend, métaphysique, primat de la matière, du hasard créateur, option matérialiste dominante chez les scientifiques, primat de la Conscience, d'une Intelligence créatrice, option spiritualiste, minoritaire chez les scientifiques, (il ne semble pas nécessaire de considérer cette Intelligence comme ayant à voir avec « Dieu », avec le créationnisme; comme je l'ai signalé plus haut, je pense que c'est la mémoire qui se constitue, qui se transmet, qui évolue, qui s'adapte, le moteur de cette intelligence créatrice). J'opte pour un mixte des deux, pour une approche corps-esprit, étroitement reliés.

Un exemple de la fécondité de cette approche. L'ADN de chacune de nos cellules, déplié, fait 2,5 m. Sont mémorisés 3,5 milliards d'années d'évolution des espèces avec 4 lettres A, C, G, T enroulés en double hélice, ingéniosité de stockage, ingéniosité de reproduction, de réparation... Par exemple, le chromosome1 humain, qui est le plus grand des chromosomes humains, contient environ 220 millions de paires de bases pour une longueur linéaire de 7 cm. L'ADN recèle toute l'information génétique permettant aux êtres vivants de vivre, de croître et de se reproduire. Certains constituant de l'ADN, l'adénine, la guanine semblent avoir été formés dans l'espace. Cette mémoire n'est pas une mémoire figée, c'est une mémoire évolutive dans le temps, l'évolution continuant, évolution dont on peut penser qu'elle s'accélère avec ce que l'épigénétique nous apprend, à savoir que des modifications acquises de comportements, transmises culturellement sont, dès une ou deux générations, aussi transmises épigénétiquement, transmission dont on ne sait pas dire encore sur combien de générations elle s'effectuera. Ces découvertes modifient l'approche inné-acquis, obligent à reconsidérer les rapports nature-culture (pour le dire clairement, il y a une intelligence créatrice de la nature, de l'univers, de la vie, du corps qui est sans doute sous-estimée par rapport à l'importance accordée à l'éducation, à la culture comme vecteurs de transmission; la tentation cartésienne, l'homme maître de la nature, est toujours dominante; humilité SVP; les mémoires de la Vie sont autrement plus efficaces que cette "mémoire" qu'on appelle Histoire, leçons de l'histoire; l'homme en société n'est pas capable pour le moment de s'auto-réguler, s'auto-corriger; des individus par démarche personnelle évoluent considérablement; un mouvement de fond semble se dessiner mais évidemment les accrocs au fric et au pouvoir veulent se servir au passage d'où le développement de toutes sortes de techniques et stages de bien-être). Cette mémoire est agissante à tout instant car les cellules meurent plus ou moins vite, certaines très rapidement, de l'ordre de la seconde, cellules gastriques par exemple, et donc elles doivent se reproduire à l'identique, se répliquer quasi en permanence (nous avons un corps nouveau, le même et un autre tous les 5 ou 6 mois). Autre information et non des moindres, notre ADN a une durée de vie d'1 million et demi d'années après notre mort. Le clonage a de beaux jours devant lui et donc une certaine immortalité. On ne s'explique pas autrement les recherches à visée très messianiques et lucratives de géants de l'IA comme Google et d'autres. Dernière information: seulement 10% de notre ADN est utilisé pour la fabrication de protéines. C'est ce sous-ensemble d'ADN qui intéresse les chercheurs occidentaux et qui est actuellement examiné et catégorisé. Les autres 90% sont considérés comme de l'ADN junk, l'ADN poubelle dit Deepak Chopra. Cependant, les chercheurs Russes, convaincus que la nature n'est pas stupide, ont rejoint les linguistes et les généticiens en entreprenant d'explorer ces 90% de d'ADN poubelle. Leurs résultats et conclusions sont tout simplement révolutionnaires ! (voir le 1° article en lien ci-dessous).

L'ADN étant utilisé par les êtres vivants pour stocker leur information génétique, certaines équipes de recherche l'étudient comme support destiné au stockage d'informations numériques au même titre qu'une mémoire informatique. Les acides nucléiques présenteraient en effet l'avantage d'une densité de stockage de l'information considérablement supérieure à celle des médias traditionnels avec une durée de vie également très supérieure. Il est théoriquement possible d'encoder jusqu'à deux bits de données par nucléotide, permettant une capacité de stockage atteignant 455 millions de téraoctets par grammes d'ADN monocaténaire demeurant lisibles pendant plusieurs millénaires y compris dans des conditions de stockage non idéales; à titre de comparaison, un DVD double face double couche contient à peine 17 gigaoctets pour une masse typique de 16 g, soit une capacité de stockage 400 milliards de fois moindre par unité de masse.

Prospective personnelle. Il me semble qu'on peut aborder le paradoxe never more, for ever sous l'angle de la mémoire. Tout ce que nous vivons d'immatériel, ce que nous pensons, éprouvons, ressentons, tout cela passe, ne reviendra pas, est passé une fois pour toutes, never more; il n'y a que l'instant présent en déduisent certains, vivons l'instant présent devient un mot d'ordre, rétrécissant, réducteur. Or, il sera toujours vrai que ce qui a passé a eu lieu, for ever, il sera toujours vrai que mon amour pour toi au jour le jour, instant par instant, a duré 50 ans. Outre que je m'en souviens avec plus ou moins de fidélité (en réalité nos mémoires construisent des fictions, des légendes; les chercheurs montrent aujourd'hui que se souvenir c'est se tromper), la mémoire au jour le jour de cet amour existe. Il en est de même de tout ce que j'ai pensé, éprouvé, ressenti, de mon premier cri à mon dernier souffle. J'écris donc un livre non pas d'éternité mais d'immortalité, infalsifiable, véridique, pas écrit d'avance ni utilisé pour un quelconque jugement dernier, livre que je rends en rendant l'âme, expression à revisiter en dehors de toute référence religieuse. Où est stocké ce livre d'immortalité ? Filant la métaphore du livre, on imagine une bibliothèque de tous les livres de chacun, une Babel cosmique. Il me semble que ce livre qui s'écrit instant après instant doit se mémoriser instant après instant dans notre cerveau, dans 4 neurones de notre hippocampe (4 neurones suffisent vu ce que j'ai dit plus haut sur la capacité de stockage dans les nucléotides), peut-être même se mémoriser épigénétiquement. Mais je ne suis pas un chercheur, seulement un questionneur.

J'espère vous avoir donné l'envie de faire votre usage personnel d'un livre qui peut permettre de vivre sa vie, autrement, « mieux », plus sereinement, plus responsablement, de façon plus élargie (le corps comme enveloppe est une notion un peu trop limitée, de même le corps comme machine, on est, on n'est qu'échanges, vie et mort cellulaire en permanence, toujours le même, toujours renouvelé), plus ouverte (sur les autres, à appréhender comme personnes plus que comme groupes, foules, masses, sur la Terre comme auto-organisation de mondes se survivant (la loi du plus fort, la loi du mieux adapté) et en même temps inter-dépendants (la chaîne alimentaire, les éco-systèmes...), l'univers comme le grand milieu ayant rendu possible sous certaines conditions et constantes, la Vie, vivre de façon plus consciente et plus libre, plus créative, plus intelligente, comme un Grand Jeu.

Mais ne soyez pas dupe de la présentation dithyrambique de l'éditeur :

« Selon les auteurs du best-seller Le fabuleux pouvoir de votre cerveau, contrairement à une croyance profondément ancrée, nous ne subissons pas nos gènes : nous pouvons en tirer parti. Les perspectives soulevées par la génétique nouvelle sont palpitantes. Vous découvrirez dans cet ouvrage comment influencer vos gènes de manière à transformer votre vie comme vous le souhaitez. Car vos gènes sont dynamiques et réagissent à tout ce que vous pensez, dites et faites.
Les Drs Deepak Chopra et Rudolph Tanzi vous indiquent les éléments clés pour ne plus subir votre patrimoine génétique : alimentation, sport, méditation, sommeil et gestion du stress et des émotions, tels sont les leviers que tout un chacun peut utiliser pour obtenir des effets sans précédent sur la prévention de la maladie, l’immunité, le vieillissement et les troubles chroniques.
• ouvrage révolutionnaire, qui prend le contre-pied de croyances obsolètes dans les milieux scientifiques et au sein du grand public
• ouvrage à la pointe de la science, mais très accessible à un public non averti
• des clés pratiques et éprouvées pour agir sur ses gènes et sa vie
• des connaissances illustrées par des récits touchants et bien réels
• ouvrage bénéficiant du soutien d’une partie de la communauté scientifique ».


Jean-Claude Grosse, 4 janvier 2017

 

Lire la suite

Le corps quantique / Deepak Chopra

Rédigé par grossel Publié dans #notes de lecture, #développement personnel

le corps quantique, collection J'ai lu
le corps quantique, collection J'ai lu

le corps quantique, collection J'ai lu

Le corps quantique

de Deepak Chopra

 

C'est grâce à une amie virtuelle de FB devenue amie réelle dans la vie que j'ai découvert Deepak Chopra lorsqu'elle m'a offert Le livre des coïncidences.

Je suis sensible aux coïncidences. Peut-être même que je les favorise. Lanceur de fils d'une part, réceptionniste de fils d'autre part, telle est « ma » toile d'araignée. Quand on voit une araignée tisser sa toile, quand on voit la toile au vent, sous la pluie, la rosée éclairée par le soleil levant ou couchant, quand on voit un insecte s'engluer dans la toile, on est sans doute métaphoriquement parlant, assez près de la texture de la vie et de la mort. La vie comme tissage, la mort comme déchirure.

Depuis Le livre des coïncidences, j'ai lu La vie après la mort, Le corps quantique, Le fabuleux pouvoir de votre cerveau, Le fabuleux pouvoir de vos gènes. Tous sont passionnants. Le corps quantique déjà ancien (1989) est actualisé par le livre sur le cerveau (fin 2013) et par celui sur les gènes (avril 2016).

La lecture du corps quantique est une expérience d'éveil. Ça ouvre des perspectives, met en perspective, oblige à revoir quantité de certitudes. Ça remet en mouvement.

La démarche de Deepak Chopra me semble honnête. Il définit ses notions, indique quand il se heurte à des absences d'explications, idem d'ailleurs pour les limites de la médecine scientifique, il émet des hypothèses, étayées sur des enquêtes reconnues par le milieu scientifique, sur des cas cliniques. Il n'oppose pas médecine moderne et médecine ayurvédique (médecine traditionnelle indienne, vieille de plusieurs millénaires) mais repère bien les blocages de l'institution médicale. Devant un cas inexplicable, ne rentrant pas dans les statistiques, la science l'évacue. Miracle, inexplicable, donc à ne pas interroger. Les moyens doivent rester concentrés sur la majorité des cas.

Et c'est ainsi que la science, l'industrie pharmaceutique, l'université se ferment à des remises en question au nom d'un darwinisme pur et dur, une sélection naturelle seulement régie par le hasard, au nom d'un matérialisme plutôt simpliste, de type mécaniste (le corps est une machine, une maladie a une cause et un traitement) fonctionnant selon une causalité unique, une cause, un effet. Les conséquences de ces dogmes sont énormes en termes de santé publique, de santé individuelle, de rentabilité économique. Pas question de s'interroger sur ce qu'on appelle, terme pratique, les effets secondaires des médicaments ou des traitements dont certains sont dits lourds. Comme nous ne sommes pas à l'échelle de ce qui se passe, nous ne voyons rien, nous ne sentons rien, dans l'immédiat. On somnole. Ça on l'éprouve. Notre système immunitaire a été attaqué, on s'en rendra compte plus tard, trop tard.

Dans la médecine moderne, la maladie a une cause et un traitement. Le patient est rarement pris en compte dans sa complexité et sa globalité, son mode de vie, son histoire personnelle, ses traumatismes, ses souffrances cachées...

De plus en plus de gens se détournent de cette médecine mécaniste, déterministe, en plus peu bienveillante, peu compassionnelle, parfois maltraitante : les brutes en blouses blanches. On voit se développer d'autres médecines, alternatives, douces, ayurvédiques, des techniques diverses de bien-être, des approches holistiques de la personne, du corps, de la maladie. De plus en plus de connaissances sont mises à notre disposition, souvent vulgarisées, non étayées, simplement affirmées donc déjà présentées comme dogmes (avec les régimes pour maigrir, on a un champ immense de manipulation, pareil avec les maladies liées au mauvais cholestérol, l'arnaque sans doute du siècle), souvent aussi sources de profits. La masse de connaissances proposées est considérable, éclectique et il est difficile sans doute de trier. Des modes se développent, ensuite critiquées, abandonnées pour de nouvelles modes. Alimentation sans gluten, une des dernières modes comme avant, le régime Dunkan. Pour ma part, je suis prudent. J'opte pour la simplicité.

Évidemment, Deepak Chopra n'échappe pas à cette accusation de faire du profit, en devenant dit-on le gourou de la santé. Je ne suis pas tenté de suivre ses détracteurs car son évocation de cas auxquels il a eu affaire montre son humanité qu'il ait réussi ou échoué. Il sait parler de « ses » patients, il sait leur parler.

Deepak Chopra vient de deux mondes, celui du védanta à travers l'influence qu'a eu sur lui Maharishi qui l'a initié à la méditation transcendantale et à l'ayurvéda, et le monde de la médecine de pointe, celle qui travaille aux plus petits niveaux, molécules, gènes, cellules. Il sait mettre à notre disposition, nombre de connaissances d'aujourd'hui sur le corps humain, le cerveau, le patrimoine génétique. À le lire, on peut être effrayé car si on est au niveau de l'infiniment petit, on est aussi en présence de très grands nombres, l'indéfini qui n'est pas l'infini; l'infiniment petit pullule. Les bactéries qui colonisent notre système digestif se chiffrent par milliards. Elles sont le résultat de l'évolution sur 3,5 milliards d'années. Elles ne sont pas nos ennemies, nous sont nécessaires. Petit à petit, on découvre que ce corps change, se renouvelle, que notre corps est neuf tous les 3 mois (les cellules gastriques ont une durée de vie de quelques minutes mais et c'est intéressant à noter, une mémoire fantôme semble se transmettre des cellules qui meurent aux cellules qui naissent, ce qui expliquerait l'effet yoyo des régimes; je ne parle pas de phénomènes qu'on appelle avec Jean-Claude Ameisem la sculpture du vivant à travers le phénomène de suicide collectif et organisé de cellules appelé l'apoptose), que même nos neurones, contrairement à ce qu'on croyait, se renouvellent, que donc le gâtisme n'est pas programmé génétiquement.

La plupart des médecins vont opter pour l'explication par la programmation génétique, nouveau mot pour destin, nouvelle forme du déterminisme, c'est inscrit dans vos gènes. L'ADN, l'ARN sont incroyablement astucieux et complexes, souples, plastiques. L'ADN c'est 3,5 milliards d'années d'évolution mémorisés. Cette mémoire active, en double hélice, dépliée, mesurerait 1,5 m par cellule à multiplier par 50 billions de cellules du corps (1 billion =1000 milliards). À notre mort, notre ADN a une durée de vie de 1,5 millions d'années de quoi nous cloner longtemps encore après cet événement, peut-être à penser différemment que comme un retour à la poussière, belle métaphore peut-être obsolète ou à réinterpréter. L'idée que la mort de nos cellules puisse être programmée par l'organisme lui-même, et non résulter d'agressions externes, ne s'est imposée que très récemment... Mais elle a tout changé dans nos conceptions de l'apparition de la vie, du développement, des maladies et du vieillissement. Comprendre qu'un embryon est autant dû à une prolifération qu'à une destruction massive de cellules, ou qu'un cancer puisse être causé par l'arrêt des processus de suicide cellulaire, c'est voir le vivant sous un jour nouveau. Et on est effaré de découvrir la plasticité du génome d'une part, l'émergence de l'épigénome d'autre part, particulièrement apte à se modifier, s'adapter. À tel point que la distinction inné-acquis elle-même est mise en question puisque de l'acquis devient de l'inné. La très ancienne distinction matière-esprit en prend un coup aussi. L'effet placebo est instructif à cet égard puisque des médicament neutres présentés comme actifs opèrent sur les gens qui les absorbent. Le pouvoir de l'auto-suggestion ou de la suggestion n'est pas négligeable, l'hypnose en étant un autre exemple. De là à se demander qui pense ? L'esprit ou le cerveau ?

On voit les enjeux métaphysiques de ce cheminement. Pas de preuves mais des argumentations. Et libre à nous de nous convaincre de la force, de la vérité de ces arguments, de ces hypothèses. Il semble que la simple croyance en des effets bénéfiques suffise à avoir les effets souhaités. Par exemple, dualité ou unité ? Dualité corps-esprit ou unité corps-esprit. Aujourd'hui, des médecines corps-esprit se développent où l'on fait intervenir les décisions, les désirs, la volonté du patient, où l'on met en pratique certaines techniques comme la méditation quotidienne, le son primordial, la visualisation, la technique de félicité. La question qui se pose ici est qu'est-ce qui est premier ? La matière ou l'esprit. On les sait complémentaires aujourd'hui mais le matérialisme semble un peu court pour rendre compte de ce que nous disent certains cas de rémission, de guérisons paraissant miraculeuses. C'est là que Deepak Chopra fait intervenir la physique quantique avec ses paradoxes comme l'intrication ou le saut quantique sans oublier ce que les théories cosmologistes sont amenés à nous proposer, en particulier sur le vide quantique, ses potentialités, ses virtualités pouvant devenir à l'occasion d'une singularité, un univers, des bulles d'univers. Ce que l'on appelle l'effet papillon pourrait illustrer ce qui se joue là : un battement d'ailes de papillon au Japon provoque un tremblement de terre en Amérique Latine ; une décision de changement d'hygiène de vie provoque un renouveau du métabolisme, de nouvelles expériences entraînent des connexions nouvelles, des synapses inédites, une mobilisation du système immunitaire inattendue...

La dernière question de nature métaphysique qui se pose est où se situe la réalité, nous est-elle extérieure ? notre conscience passive en prenant acte à travers nos sens ? Ou nous est-elle intérieure, est-elle produite par notre conscience active ? Deepak Chopra distingue 4 niveaux de conscience, la veille, le sommeil, le rêve et le 4° état de conscience qui semble être comme un branchement sur une Conscience universelle, éternelle, infinie, état accessible rarement, demandant préparation. Des schémas simples accompagnent les propos de Deepak Chopra mais je ne les trouve guère parlants. Par contre d'autres métaphores me semblent parlantes, celle de l'aimant et de la limaille de fer. Il faut une feuille de papier sur l'aimant pour que la limaille se dispose selon le champ magnétique terrestre. La feuille de papier est l'intermédiaire nécessaire à cette émergence.

Devant l'extraordinaire agencement de notre corps, avec ses organes, tous oeuvrant à nous maintenir en vie, à nous faire vivre, avec ses capacités spontanées à surmonter d'innombrables agressions, pensons à la coagulation du sang lors d'une blessure, ou sus à l'intrus quand des processus cancérigènes se mettent en place et c'est très fréquent et c'est très rare que ces processus réussissent, on est bien obligé de se demander si cela est le résultat du hasard créateur cher à Marcel Conche ou s'il n'y a pas une intelligence créatrice, rendant intelligents les organes comme les reins, le foie, le pancréas, le cœur, sans parler du cher cerveau que TF1 veut rendre disponible pour Coca Cola, rendant intelligentes les cellules, toutes issues d'une mitose originelle, cellules différenciées et spécialisées, à durée de vie très limitée mais renouvelées par l'ARN sur ordre de l'ADN. Dernier point : cette intelligence créatrice n'est-elle pas à l'oeuvre partout, à partir du vide quantique, à partir du silence auquel on accède par la méditation, laissant advenir l'état de félicité dans le champ de la Conscience.

M'étonnant de l'absence de l'eau dans la démarche de Chopra, je complète par le rôle majeur de celle-ci dans notre corps. Dans le ventre maternel, notre vie commence dans l'eau. Par la suite, l'eau diversifie ses fonctions. Elle devient tout à la fois transporteur, éboueur, énergéticien, penseur et messager... Elle nous aide à respirer et à nous protéger des microbes. Mais avant tout, l'eau est d'abord... architecte. Incroyable paradoxe: nous tenons debout parce que nous sommes faits d'eau ! Transporteur. L'eau transporte globules, nutriments qu'elle élimine, récupère et recycle notamment pendant la digestion. Elle transporte jusqu’au cœur des cellules un certain nombre de substances qui leur sont indispensables, comme les sels minéraux par exemple. S'agit-il de respirer, l'eau transporte globules rouges et dissout les gaz. Energéticien. Elle participe aux nombreuses réactions chimiques dont notre corps est en permanence le siège. L’eau joue donc un rôle considérable dans le fonctionnement de notre corps. Elle intervient dans la régulation thermique et aide au maintien d’une température constante à l’intérieur du corps par le biais de la transpiration. Policier ( protection). Pour protéger notre corps, elle supporte les globules blancs et les anticorps. Penseur et messager. Elle fabrique les ions nécessaires au système nerveux. 82 % de notre cerveau est composé d'eau et cette dernière transmet les influx nerveux et les hormones. Eboueur. Elle participe au « nettoyage » de l’organisme en facilitant le travail des reins et l’évacuation urinaire des déchets du métabolisme. Architecte. L'eau fabrique nutriments, globules, cellules... elle irrigue la peau. Elle structure la matière vivante grâce aux mécanismes hydrophiles et hydrophobes liés à la molécule H2O. Outre d'être le constituant essentiel des cellules (40 %), l'eau occupe l'espace intercellulaire, servant de réserve aux cellules et aux vaisseaux sanguins. Le reste est contenu dans le sang et la lymphe, et circule en permanence dans tout l'organisme. 45 litres d'eau pour un corps de 70 kilos.

Je ne suis pas trop sûr d'avoir été fidèle à Deepak Chopra dans cette note de lecture. J'ai tenté de dire avec mes mots, sans citations, ce que je crois avoir perçu de sa double approche, scientifique et védique. Ce que je sais, c'est que ces livres passionnants, difficiles, sont à relire. Ce que je sais aussi c'est que leur influence sur ma manière de voir, de sentir, de vivre est quasi-immédiate. Ils ont un pouvoir de transformation incroyable, à tel point que j'en arrive à m'adresser à moi-même à la 3° personne ou en me décalant légèrement pour d'acteur, devenir témoin, par exemple d'une colère qui disparaît quasi-instantanément, à m'adresser aussi à mes organes, à mes cellules comme je parle à mes chers disparus, bien vivants autrement ou comme je parle à ma fougère. Et changement notable, je peux énoncer ainsi ma résolution d'aujourd'hui :

sourire et faire sourire ou rire autour de moi, dans un rayon de 500 mètres, sachant que ça rayonne peut-être ensuite en ondes ou vibrations jusqu’au fin fond de nulle part, jusqu’au vide et au silence d’où tout surgit peut-être, de quoi éventuellement vivre plutôt joyeusement en évitant les bruits du monde, trop assourdissants. Ce n'est pas parce que j'aurai mal au monde que le monde changera, j'ai pratiqué l'urgence, tout est urgent et rien ne change sauf moi qui me pourris la vie à avoir mal au ventre, ce cerveau si influent.

Je me sens et me veux de plus en plus en paix, moi qui fus si longtemps guerrier pour ce que je croyais de bonnes causes : une société plus juste, une école plus ouverte, une culture du partage et de l'échange, des artistes plus humbles et réellement créatifs, des gens plus simples, des amours vrais et durables, des valeurs de dignité : honnêteté, courage, constance, persévérance, respect, liberté, égalité, fraternité.

Fais d'abord la paix avec toi-même bonhomme. La paix avec ton corps, la paix dans ton esprit. Un esprit sain dans un corps sain, disait-on. On peut aussi dire un corps sain dans un esprit sain. Bien sûr, la formule Science sans Conscience mérite d'être repensée à la lumière du 4° niveau de conscience.

J'évite le dérèglement de tous les sens rimbaldien, la mise à contribution, à l'extrême de leur acuité, de mes cinq sens. Je ne suis plus avide de tout saisir. Pas plus le beau que le laid. Mes oreilles sont distraites, j'ai tendance à fermer les yeux, à m'abandonner à une forme de mollesse, à faire le vide, on dit aussi à lâcher-prise. J'inspire un peu du monde, j'expire un peu de moi-même, bouche ouverte en cul de poule. Ça fait beaucoup rire. Cela me suffit à être présent, à être vivant. Et je bois de l'eau pour m'arroser comme un jardin qui va donner.

J'ai conscience en écrivant cette résolution qu'elle n'est possible que parce que je bénéficie d'une retraite et de conditions de vie suffisantes, que je suis en bonne santé, que je pratique des activités gratifiantes seul ou avec des gens que j'apprécie et parce que j'ai résolu d'aller vers une forme de sagesse, de félicité, de sérénité.

Lire la suite

Penser encore / Marcel Conche

Rédigé par grossel Publié dans #notes de lecture

Penser encore / Marcel Conche
Penser encore

(sur Spinoza et autres sujets)

Marcel Conche

chez encre marine 2016

Voilà un ensemble de 52 essais, plutôt courts, variés, comme souvent chez Marcel Conche, non datés, et dont la succession n'est pas signifiante sauf pour certains enchaînements comme la série sur Spinoza, de 45 à 52. Une préface et deux portraits complètent l'ouvrage.

Parmi les thèmes abordés : la mort, 3 essais, la Nature naturante-la nature naturée-l'infini-l'indéfini-l'infinité-l'indéfinité, la Nature comme infini actuel, 4 essais, thèmes qui m'intéressent particulièrement.

La mort (pour des raisons personnelles à travers la perte d'êtres chers et parce que je ne peux me satisfaire de la vision athée radicale de la mort comme anéantissement, néantisation sur laquelle Marcel Conche fonde sa sagesse tragique consistant à donner le plus de valeur possible à ce que l'on fait alors même que ça disparaîtra, sagesse tragique qu'il distingue du sentiment tragique de la vie de Unamuno).

La Nature car, si elle remplace Dieu auquel je ne crois pas, tenter d'en saisir la Créativité, c'est ne pas rester seulement béat devant sa Beauté, forme de passivité nous excluant du processus créateur, c'est tenter d'en saisir le mouvement et tenter de participer de ce mouvement créateur en l'étant soi-même. Marcel d'ailleurs étant plus sensible à son Éternité qu'à sa Beauté. Sensible bien sûr à sa Créativité, ignorante de ce qu'elle crée comme l'homme créateur ignore ce qu'il crée tant qu'il ne l'a pas créé.

Sur La mort, essai 25, il articule avec précision corps et esprit, unis-complémentaires quand on vit, qu'on peut exister, se séparant quand on meurt, se décomposant en ce qui concerne le corps, vie, mort donc du corps, vie quand l'ordre l'emporte sur le désordre car mourir c'est se dé-composer, se désorganiser mais en éléments susceptibles d'être réutilisés ailleurs, autrement. L'unité des contraires d'Héraclite est le principe agissant de la Nature, elle est jour, nuit, paix, guerre, hiver, été... sans connotation positive ou négative par exemple pour la guerre.

Dans l'essai 28, il précise d'abord deux certitudes : l'une, commune à la plupart des gens, la certitude de la mort comme cessation de la vie que l'on avait, de l'existence qu'on menait c'est-à-dire de la capacité à avoir des projets, des souvenirs, l'autre, particulière à certains, les athées radicaux, la certitude de la mort comme cessation pour toujours de la vie, certitudes métaphysiques sans preuves mais pouvant être argumentées.

Dans l'essai 29, La mort, libération de l'âme, il parle du suicide volontaire du philosophe quand il est indigne de supporter de vivre dans des conditions indignes. Si ce qui nous attend est une lamentable vie, il faut sortir librement de la vie. Puis il développe sur ce que peut bien signifier la libération de l'âme. Il se reconnaît deux âmes, l'âme étant ce qui fait que je suis ce que je suis. En mourant, ses deux âmes, l'âme ordinaire et l'âme philosophique se libèreront du corps périssable, seule l'âme philosophique accèdera à la complétude, à l'immortalité, à l'éternité, son âme philosophique c'est la vérité (la sienne, relative et en même temps absolue) contenue dans son œuvre, dans l'oeuvre enfin achevée donc complète, définitive du philosophe, œuvre certes périssable mais non son sens, la vérité qu'elle exprime, qui est éternelle.

Pour ma part, je pense que le corps meurt, devenant, redevenant briques élémentaires disponibles pour d'autres combinaisons. Quant à nos productions immatérielles, spirituelles, il me semble évident qu'il sera toujours vrai que telle production, telle pensée, tel sentiment ont eu lieu à tel moment, autrement dit, nos productions immatérielles deviennent ineffaçables dès le moment où elles sont produites. Notre vie spirituelle devient livre d'éternité, singulier même si je suis le plus conformiste des hommes, le plus influencé par l'homme collectif. L'oeuvre de Marcel Conche sous sa forme matérielle est devenue indépendante de lui, exprimant sa vérité sur le plan métaphysique. Elle est partageable, transmissible. Mais la forme livre disparaîtra. Restera sa métaphysique naturaliste dans le Monde des Vérités éternelles, métaphysique pouvant être réactivée, réactualisée.

Sous quelles formes sont conservées nos productions immatérielles ? En l'état ou ramenées en informations élémentaires, en énergie ? Je suis tenté de penser en l'état même si je sais que l'alphabet contient en puissance toutes les phrases humaines possibles, même si je sais que l'ADN contient tous les hommes réels et possibles.

Parlant de l'aphorisme d'Héraclite, je me suis cherché moi-même, essai 27, il affirme qu'Héraclite ayant trouvé la vérité au sujet du Tout de la réalité, connaît aussi ce qu'il en est de la place de l'homme et de sa propre place dans l'ordre total des choses. Il est en possession de l'éternelle vérité. Il est celui qui sait et le seul qui sache. Il s'est cherché lui-même. Le philosophe est le Sachant et il est vivant mais il n'est pas le Vivant car il est mortel. Le philosophe n'est pas la Vie, la Nature créatrice. Il est et ce n'est pas rien, le Connaissant, vivant dans la Vérité, sa Vérité (elle est à la fois absolue et relative : absolue car la métaphysique qu'il choisit, explicite, argumente est la métaphysique rendant compte des choses ; relative car il sait que sa métaphysique n'est pas la seule et qu'il sait que des arguments n'ont pas valeur de preuves). On voit que se chercher soi-même n'a pas grand chose à voir avec tous les cheminements à la mode et qui font le profit de quantité de coachs, de gourous, de techniques et de pratiques.

Sur la Nature, nombre de précisions sont apportées qui permettent éventuellement de ne pas s'égarer, d'être métaphysicien et pas physicien, cosmologiste, ou poète. La Nature c'est l'infini actuel. Ce n'est pas un nombre aussi grand qu'on veut de mondes, d'univers. Là, on a affaire à de l'indéfini, un fini variable aussi grand soit-il conçu. Un fini ne peut être à la source de toutes choses, finies, même très étendues dans l'espace, très dilatées dans le temps. Ce ne peut être que l'infini qui n'est pas dans l'espace et dans le temps mais qui déploie l'espace et le temps. Dit autrement, la Nature se dégrade en univers, en multivers. Curieuse formule. Car un univers naît d'une création spontanée de la Nature. Il naît avec un code cosmologique précis, il est ordre, ordres si on peut dire, il est ordonné et va user cet ordre, s'user pour finir dans le désordre, disparaître. Le jeu entre désordre créateur et ordre créé est le jeu que joue la Nature pour créer des mondes, des univers ordonnés qui vont se dégrader, auront un début et une fin dans un Présent éternel.

Rien ne sert de chercher des vérités de nature métaphysique dans la cosmologie. Aucune pensée de survol n'est possible pouvant penser la Nature puisqu'elle englobe tout. La Nature ne peut être pensée comme une, comme un tout totalisable. Il y a une Nature mais elle est un Tout intotalisable, interdisant toute pensée vraie de ce Tout intotalisable. Là est la limite de la pensée métaphysique naturaliste.

L'essai 7 Qu'est-ce que le moi ? est un de ces essais qu'on attend peu chez Marcel Conche car on sait qu'il se soucie peu de son moi, son intérêt, sa vocation le portant vers la recherche de la Vérité sur le Tout de ce qu'Il y a. Cet essai est intéressant car on voit Marcel Conche décrire simplement, sans référence à la psychologie, aux sciences humaines, avec bon sens dirai-je, comment fonctionnent les gens, et comment il fonctionne. On a une grille de lecture possible de nos vies afin de se connaître soi-même, afin de s'orienter aussi en distinguant se réaliser en extériorité ou en intériorité, en distinguant les différentes sortes de joie, extérieures, intérieures, en sachant beaucoup rejeter et peu garder, en sachant et voulant unifier son « moi », en séparant les qualités qui sont nous de celles qui relèvent du collectif, héritées de l'éducation, empruntées à la société dans laquelle on vit, engendrant un moi dispersé, bariolé, au gré des influences.

Je terminerai cette note par le portrait que fait une journaliste, Violaine de Montclos, de Marcel Conche dans Le Point. Portrait me semble-t-il plutôt juste, comment s'organise le temps du philosophe, travail le matin, promenade l'après-midi, les nouvelles du jour et le lien téléphonique ou épistolaire plus ou moins régulier avec proches et amis ; le philosophe nous est présenté comme sachant reconnaître et se saisir du clinamen pour trouver et conforter sa vocation, (le clinamen est différent du kaïros, le clinamen c'est l'intervention du hasard qui fait que ce fils de paysan « destiné » à devenir paysan, rentre par hasard au lycée et découvre la philosophie dont il a entendu l'appel, près de 10 ans avant, dans sa disposition à poser des questions, le kaïros c'est que ce hasard arrive au bon moment, l'entrée au lycée) ; il épouse Marie-Thérèse par « calcul » (sans aucun cynisme à mettre dans le choix de ce mot, le calcul comme exercice de la raison) ; semblant d'une grande froideur alors qu'il offre à sa femme ce qui est la plus grande joie d'une femme, un enfant, et parce qu'il veut connaître par le mariage tous les aspects de la condition humaine, le philosophe se révèle avoir des sentiments profonds qui le lient à certains autres, dont Marie-Thérèse, la seule dit-il à l'avoir compris, qu'il aurait voulu sauver, dont il a publié les lettres dans Ma Vie (1922-1947). Son dernier livre, Lettres à Marie-Thérèse, ce sont les lettres qu'il lui a écrites entre 1942 et 1947. Là encore, on assiste à l'importance du hasard. Il faut la ténacité d'une amie pour retranscrire ces lettres oubliées depuis 70 ans, il faut l'accord du fils, il faut une lectrice exigeante de ces missives pour obtenir la décision. Mon bémol sur ce portrait est dans le « style » qui a tendance tout en soulignant la singularité du philosophe à le ramener dans le bercail de l'humanité ordinaire, par exemple l'épisode Émilie est ramené à un épisode amoureux plutôt incroyable mais prévisible, la belle ayant fini par épouser un homme de son âge. Marcel Conche ne revendique aucune supériorité sur autrui mais il connaît sa singularité liée à sa vocation. Pour lui, l'épisode Émilie n'est pas un amour malheureux. Il a su passer outre sa propre souffrance, réelle, pour tenter de comprendre Le Silence d'Émilie.

À Corsavy, le 31 juillet 2016

Jean-Claude Grosse

Lire la suite

L'homme qui aimait les chiens/Leonardo Padura

Rédigé par grossel Publié dans #notes de lecture

L'homme qui aimait les chiens

Leonardo Padura

Métaillé 2011

(note de lecture mêlant analyse du roman et histoire personnelle, Histoire et histoires,

donc note de lecture "atypique", un peu à la manière de Padura, finalement, avec son personnage Ivan)

C'est parce que je racontais Viva de Patrick Deville à une ex comme moi, une ex-trotskiste, une amie, qu'elle me proposa L'homme qui aimait les chiens. J'avais lu de lui une nouvelle dans un recueil Havane Noir, trouvé par hasard dans un Replay de grande gare, alors que me travaillait une pulsion d'écriture remettant au cœur d'un récit familial et personnel, Cuba, pulsion devenue Tourmente à Cuba puis L'éternité d'une seconde Bleu Giotto.

J'avais occulté Cuba pendant 12 ans jusqu'à ce jour de septembre 2013 où fut annoncée en mensuelle des EAT, la création d'un festival de théâtre francophone à La Havane pour mars 2014, avec appel à textes traduits. J'y ai envoyé sans succès Tourmente à Cuba. Mais je ne désespère pas de faire entendre ce texte à Cuba même, à La Havane comme au Triangle de la mort à Jaguey-Grande, pour les champs d'orangers.

Dès le 1° chapitre, le narrateur Ivan raconte l'effet sur sa femme, Ana, en train de mourir d'un cancer des os, d'un ouragan en train de menacer Cuba, l'ouragan Ivan. Coïncidences.

Quand nous perdîmes à Cuba, à Jaguey-Grande, Cyril, le fils et Michel, l'oncle de Cyril, le 19 septembre 2001, ce fut un choc qui emporta sans doute ma femme, Annie, d'un cancer foudroyant, en un mois, le 29 novembre 2010 ; nous fûmes stupéfaits à l'époque de l'accident d'apprendre que l'ouragan Michel du 19 octobre 2001(1 mois après) avait balayé sur son passage la signalisation (contestable et sans doute responsable) du carrefour surnommé le Triangle de la mort, constatation qui amena Annie à se rendre à cinq reprises à Cuba, la Russie au soleil, nous avait dit Cyril. L'auteur lui, nous parle de Moa, ville minière comme d'une Sibérie cubaine, page 149. Or Cyril est allé 2 fois en Sibérie, au Baïkal en 1999 et en 2000 pour sa dernière création. Moi, j'y suis allé, sur ses traces, en 2004 et 2010. Le vieux monsieur de 88 ans de L'éternité d'une seconde Bleu Giotto y retournera en 2028. Coïncidences.

3 niveaux de récit donc dans cette histoire, le présent du narrateur, ami d'Ivan, racontant l'histoire que lui a livré Ivan en 2004, Ivan amené par son amour des chiens (les 3 personnages principaux aiment les chiens comme Padura aime la nouvelle de Chandler, L'homme qui aimait les chiens, miroirs, abîmes) à se promener sur la plage de Santa Maria.

Sur cette plage de Santa Maria, l'oncle Michel peignit ses 50 dernières gouaches, récupérées, dont une intitulée Les 2 fillettes au chien, réalisée le 13 septembre 2001, un jour après leur arrivée à Cuba (ils étaient partis le 11 septembre 2001, le jour des attentats, et décidèrent de poursuivre leur voyage malgré 13 heures d'attente en salon VIP à Madrid, à l'inverse de la majorité des passagers, rebroussant chemin). Cette gouache illustre la couverture du roman de Cyril, Le Peintre, trouvé inachevé dans son ordinateur mais suffisamment convaincant pour être édité. Coïncidences.

C'est sur la plage de Santa Maria qu'Ivan rencontre l'homme qui aimait les chiens, le 19 mars 1977. Le 5° chapitre est une description très précise du système cubain, du système castriste, un régime où l'idéologie corrompt comportements, relations, où la réalité réelle est escamotée sous des délires verbaux, des bilans tronqués, triomphalistes, exactement les caractéristiques du système soviétique, stalinien, bureaucratique dont Trotski fera l'analyse et la théorie dans La Révolution défigurée et La révolution trahie. Ivan, désenchanté, désespéré par son pays, son temps, par lui-même, sa peur, sa paralysie représente une génération, celle des années 1960-1970, qui y a cru puis qui a cessé d'y croire, de se sacrifier pour la révolution cubaine.

L'Histoire nous rattrape. Après 50 ans de boycott imposé par les USA, donc de souffrances pour les Cubains mais aussi d'alibi pour les deux systèmes, Castro et USA, en miroir dans leurs discours (voir pour l'assassinat de JFK et les tentatives d'assassinat de Castro) les relations vont peut-être se rétablir. Et les Cubains entrer dans la société de consommation.

On lira avec profit les livres (des pavés très documentés) d'un Français, vivant à Cuba par choix, Jacques-Antoine Bonaldi (que j'ai reçu au Revest le 7 juillet 2014 avec sa femme, metteur en scène cubaine et qui participe au projet d'écritures plurielles, Cervantes-Shakespeare, hasardantes coïncidences) : L'empire US contre Cuba (le mépris et le respect), 2 tomes; Cuba, Fidel et le Che. Bonaldi est aussi le traducteur du livre d'un ethnologue cubain majeur : Controverse cubaine du tabac et du sucre. "Fernando Ortiz est le premier à expliquer l'identité cubaine par le questionnement de l'agriculture et des rouages économiques. Par le concept de Transculturation, Ortiz a pu confronter données historiques et démographiques à des considérations géographiques, tout en les intégrant dans un texte qui, inspiré d'une forme dialogique issue de la musique cubaine, propose une expérience de la diversité et de la rencontre des cultures à l'origine de la formation sociale cubaine." Traducteur enfin de Lettres de José Marti, Il est des affections d'une humeur si délicate ... Comme quoi, un drame personnel peut gouverner vos lectures partiellement, parce que vous voulez comprendre Cuba, parce que votre fils y a disparu. Annie avait beaucoup lu sur Cuba et nous avions accueilli une jeune cubaine, Rosa, gagnante du concours de la francophonie organisée chaque année par les Alliances françaises. Elle a ensuite dirigée la Maison Victor Hugo à La Havane. Coïncidences.

Le 2° niveau concerne Lev Davidovitch, Trotski. Le chapitre 4 par exemple est remarquable pour sa tentative de conscientisation ; quelles questions, quelles réponses apportent Trotski quand il voit la dégénérescence du système, son pourrissement, sa trahison ; où se situent les responsabilités, en a-t-il ? Kronstadt, fut-ce une erreur ? et la terreur au moment de la guerre civile ?, justifiée dans Leur morale et la nôtre (militant trotskiste pendant 12 ans, je me suis souvent demandé comment nous nous comporterions si nous arrivions au pouvoir, ce qui était peu probable; la violence me paraissait nécessaire puis peu à peu je me suis détourné de cette conviction qui justifie tout; voir ma note sur La dernière génération d'octobre de Benjamin Stora); quel combat mener ? à l'intérieur du Parti ? à l'extérieur ? avec qui ? des écrits suffisent-ils ? comment Staline a-t-il réussi à s'approprier l'héritage ? Ce qui m'a frappé c'est comment Staline use en quelque sorte du langage religieux qui crée des absolus, fabrique des messianismes pour mener son projet ; il est l'incarnation de l'Idée, de la Révolution ; est contre-révolutionnaire, trotskiste tout ce qui s'oppose à l'Idée. C'est simple, radical comme les exécutions capitales. On assiste à la mise en place d'un système particulièrement pervers : pour asseoir son règne, Staline a besoin de Trotsky comme opposant, traître. C'est l'absolu repoussoir, le bouc émissaire justifiant tout, les purges, les mensonges. Il faut Trotski vivant, et isolé, calomnié. Et le socialisme étant en cours de réalisation en URSS, étant même réalisé (alors que la famine sévit), il ne faut pas que les communistes allemands par exemple fassent alliance avec les socio-démocrates pour empêcher l'avènement d'Hitler, aveuglement qui va conduire Hitler au pouvoir en 1933 et les communistes allemands en camp. Avec ces deux ennemis, Hitler et Trotski, Staline assoit son pouvoir absolu. Curieusement, l'opportuniste n'est pas Trotski mais Staline qui va en Espagne dans un premier temps favoriser l'alliance des communistes minoritaires avec socialistes et anarchistes et ce Front Populaire va gagner les élections de 1936 mais retournement d'attitude après le coup d'état franquiste, c'est l'organisation de la division, les exécutions et assassinats, rôles de Kotov-Leonid Eitingon, d'Africa, de Caridad, de Ramon. Et le pacte germano-soviétique viendra rajouter encore à la confusion idéologique, ces tournants étant imposés et justifiés par la formule irréfutable, le parti a toujours raison, tu dois obéir.

Comme on le voit ce roman est presque un manuel d'histoire plongeant les personnages dans le grand bain historique des années 1920 à 1980 et aussi un manuel de réflexion politique sur le trotskisme, le stalinisme, le marxisme-léninisme, sur le socialisme réel, sur la bureaucratie. Le chapitre 10 raconte en détail les années 1933-1936, les années d'exil, d'errance de Trotski sur la planète sans visa et montre comment la peur asservit, mécanisme parfaitement compris par Staline. Ce que dit Boukharine page 179, parlant de lui, de sa peur, de son retour à Moscou est on ne peut plus éclairant. Peut-on tirer des leçons de l'histoire quand le moteur est la peur et les effets imprévisibles qu'elle engendre ? On peut transposer en partie au comportement des intégristes islamistes qui eux usent de la terreur médiatisée. Mêmes mécanismes.

Le 3° niveau concerne Ramon Mercader, l'assassin de Trotski, le 20 août 1940 à Mexico. Le chapitre 3 par exemple raconte comment sa mère Caridad, une passionaria remplie de haine, a réussi à lui arracher le oui qui allait faire de lui, un tueur formé pour cela, es-tu prêt à renoncer à tout ? Le renoncement n'est pas qu'une consigne, c'est une forme de vie, est-ce que tu pourras ? page 47, sa mère le quittant après ce oui en tuant son chien Churro d'une balle en pleine tête. Avec ce oui, c'est toute sa vie que Ramon met en jeu, son arrestation une fois son forfait accompli, son jugement, ses 20 ans de prison au Mexique, sa libération en 1960, son retour en URSS, les médailles prestigieuses, ses privilèges (tout cela au prix d'une seule chose, le silence, ne pas dire qui il est, qui est le commanditaire), l'impossible retour en Espagne, la fin de vie à Cuba, atteint d'un cancer généralisé, sans doute irradié par les staliniens et le dessillement de Ramon par Kotov-Eitingon lui-même (chapitre 29 de la 3° partie, Apocalypse), son mentor revenu de ses illusions, aveux confiés à Ivan qui se sent écrasé par cette merde qui a coûté 20 millions de morts, a perverti à jamais l'idéal de la révolution, Ivan écrasé au sens propre par la chute de son toit sur lui et son chien peut-être au passage d'un ouragan (chapitre 30, Requiem).

Ces 3 niveaux alternent allant vers un dénouement connu d'avance, comme dans la tragédie grecque (page 124 en bas). Mais les étapes ne sont pas connues d'avance. Tout l'intérêt est là. Des parcours d'individus plongés dans les tourments collectifs de l'Histoire en train de se faire et de se défaire, révolution et thermidor, contre-révolution, restauration, communisme et fascisme. S'étonnera-t-on que les PC subordonnés à Staline et à ses successeurs n'aient pas joué leur rôle de moteur des luttes émancipatrices (68 en est une démonstration exemplaire) et conséquemment aient perdu de plus en plus de leur influence, la classe ouvrière se tournant pour une bonne part vers le Front National. Faut-il s'étonner aussi de la défiance envers les partis, de l'abstention massive, de la démocratie en panne, d'une constitution obsolète qui aurait dû être abrogée en 68, de l'apparition de tout un tas d'autres formes de luttes, parfois violentes, d'autres formes d'organisation. Ce qui s'est joué entre 1923 et 1940, Staline-Trotski, on en a les conséquences massives encore aujourd'hui. Le bilan globalement positif de Marchais Georges est un mensonge.

Je n'irai pas plus loin dans ma note qui mêle volontairement anecdotes personnelles et description de ce roman dont j'ai du mal à cerner la part documentaire (bien documentée) et la part fictionnelle (réelle et importante). En tout cas chapeau à Leonardo qui par son écriture magnifique, phrases longues, élégantes, précises, (apparemment, excellente traduction de René Solis de Libération) nous fait entrer dans les personnages, aucun n'est un repoussoir, beaucoup d'empathie comme on dit pour chacun d'eux même Mercader, la fin étant une réflexion sur la compassion, Ivan a envie de compatir au destin de Ramon et en même temps ne peut pas. Il nous restitue contexte historique, paysages, enjeux, nous amène à nous positionner, à nous questionner. C'est du polar politique porté au plus haut niveau.

Une question toutefois: Padura ne fait-il pas de Trotski un personnage peut-être trop tourmenté, trop sujet à découragement politique même s'il se reprend à chaque fois ? Sans doute parce qu'il a travaillé à partir de la biographie d'Isaac Deutscher, Trotski, le prophète armé, le prophète désarmé, le prophète hors-la-loi en 3 tomes (le mot prophète disqualifie en partie cette biographie). Il ne devait pas connaître le monumental et décisif Trotski de Pierre Broué chez Fayard.

On n'a pas le même Trotski chez Deville et chez Padura. Chez Deville, il est combatif et s'accorde parfois le temps de vivre, de soigner les lapins, de pécher, de contempler la nature désertique, glacée d'Alma-Ata, un peu comme Rosa Luxembourg dont les lettres de prison révèle un goût de la vie tout simple mais permettant de supporter ou comme Simone Weil, l'auteur de La pesanteur et la grâce et de La condition ouvrière (dont elle parle en allant travailler en usine), qui semble avoir été sensible un court temps aux idées trotskistes, d'après Deville. C'est le pacifisme qui l'en éloignera et le chritianisme.

Pour terminer, encore une anecdote perso.

Je suis né 2 mois après l'assassinat de Trostki (le 20 août 2040), le 25 octobre 1940, jour selon le calendrier russe de la révolution d'octobre, le 25 octobre 1917. J'en ai fait un poème dans La Parole éprouvée, Les dits d'octobre, dédié à Léon Trotski avec 4 couplets, du 25 octobre 1967 au 25 octobre 1997. Rajouterai-je un couplet pour le centenaire le 25 octobre 2017 ? En tout cas, je ne me sens en charge d'aucun héritage, d'aucune mission messianique, d'aucune lutte émancipatrice. J'ai choisi une vie minuscule et des actions de colibri.

Un autre poème est écrit à Coyoacan, le 21 août 1970, Mésallier les mots, Coyoacan étant le quartier de Mexico où se trouve la maison bleue de Frida Kahlo qui accueillit Trotski qui l'aima et celle où fut assassiné Trotski, toutes deux devenues musées. Pour ce poème, j'ai pensé au Manifeste pour un art révolutionnaire indépendant du 25 juillet 1938, signé André Breton et Diego Rivera mais dont Patrick Deville écrit dans Viva qu'il est pour une bonne part de Trotski, Breton étant trop intimidé pour écrire quelque chose de cohérent politiquement (pages 166-167). Toute licence en art est de Trotski, formule à appliquer aux polémiques contre des manifestations artistiques, qu'elles soient de droite extrême ou d'extrême-gauche comme celles qu'on a vu en France ces derniers temps contre Rodrigo Garcia ou contre Brett Bailey.

Il faut aussi lire Littérature et révolution. On mesure la capacité d'anticipation de l'évolution des écrivains sur lesquels Trotski écrit, Céline, Malraux par exemple et l'oublié Marcel Martinet, auteur d'une pièce remarquable et devenue introuvable sur 14-18, La nuit (1921), préfacée par Lev Davidovitch. C'est parce qu'il analyse en termes de classes qu'il réussit à dire vers où vont évoluer ces écrivains. Mais je ne suis plus sûr que de telles analyses seraient pertinentes aujourd'hui. La notion de classe a perdu de sa lisibilité au moins pour la classe ouvrière. Les capitalistes eux ont gagné la lutte des classes prétend l'un d'eux, Warren Buffet. Les classes moyennes ne savent toujours pas sur quel pied danser, quel camp choisir mais y a-t-il encore deux camps ? Les partis, machines à produire des professionnels de la politique et le système des élections sont des outils de confiscation du pouvoir, de détournement de la démocratie. Les experts et technocrates gouvernent en toute illégitimité. La rénovation démocratique est un énorme chantier qui doit venir d'en bas mais on n'est pas encore assez le dos au mur, prêts à crever ou à "vaincre". À la Charlot car sûr, Charlot est l'hypothèse démocratique contre tous les pouvoirs, travail, famille, patrie, Les temps modernes, Le kid, Le dictateur. Il court, il feinte, il mouline des bras, il tangente, lui, le précaire, le pas vu, le sans-part, le sans-parti, furieux de vivre alors qu'on n'en veut pas de lui, plus de place pour lui, le fragile, le faible mais le tourneur en ridicule des ridicules, le vengeur des minuscules comme lui, oui, oui, il défile même avec des grévistes, fait la nique à la police, doit souvent fuir, la rue comme échappée. À suivre.

Jean-Claude Grosse

L'homme qui aimait les chiens/Leonardo Padura
L'homme qui aimait les chiens/Leonardo Padura
Lire la suite

L'Extravagance/Mémoires de Salah Stétié

Rédigé par grossel Publié dans #notes de lecture

L'Extravagance/Mémoires de Salah Stétié

Avec les Mémoires de Salah Stétié, L'extravagance, parue chez Robert Laffont, on a affaire à une démarche de mémorialiste, assez peu soucieux de chronologie, de précision. Au gré des jours, des humeurs viennent les écritures plurielles, souvent belles, poétiques, émouvantes mais aussi caustiques, cassantes, sans complaisance sur des souvenirs s'entraînant plus que s'enchaînant par association. Plus de 600 pages de Mémoires, n'est-ce pas une tentative vaine ? J'ai hésité à me lancer dans ce marathon de lecture : c'est plusieurs semaines de temps or le temps m'est compté comme à chacun. Mon amitié pour lui et la connaissance que j'ai de son œuvre et de sa culture ont levé mes hésitations. Je me suis embarqué dans cette traversée de 50 ans qui précède ma propre traversée de onze années.

Salah Stétié est issu d'un milieu cultivé du Liban. Il a accès facilement aux livres, fait des études de qualité. Le Liban et Beyrouth attirent l'élite intellectuelle française. Stétié en profite, va écouter les conférenciers, n'hésite pas à intervenir, souvent avec un humour peu apprécié de ses victimes.

Il a une écriture travaillée, avec des phrases souvent longues, descriptives. Les épithètes sont nombreuses ainsi que les images. Références et citations montrent bien la culture immense de l'homme, capable de dire des poèmes pendant une heure (il l'a fait chez moi au Revest vers 1990, en particulier Jodelle, quelle modernité !), culture d'Occident acquise en partie pendant son long séjour en sanatorium où il a lu jour et nuit, homme des deux rives, donc de deux civilisations et cultures, l'orientale et l'occidentale. Indéniablement arabe, indéniablement musulman, sévère sur les dérives fanatiques et intégristes, il est aussi un moderne, soucieux de toutes les révolutions esthétiques du XX° siècle et en partie des révolutions scientifiques et techniques.

Poète, il est aussi un penseur de l'écriture poétique. Son récit d'enfance et d'adolescence nous montre comment certaines images, certaines métaphores obsédantes (selon Charles Mauron) lui sont venues, très tôt, comment elles l'ont travaillé avant même qu'il ne les travaille. Ce récit d'enfance à Barouk donne des paysages montagnards du pays du cèdre, une image de paradis et pour un enfant, cela doit l'être. Mais les drames atteignent aussi les enfants et la disparition d'une tante et de son fils dans un incendie (lui a un an au moment du drame) a durablement marqué l'homme et le poète. J'en frémis rien qu'à l'évoquer.

Ur en poésie, Les porteurs de feu, La Unième nuit sont de magnifiques essais que tout amateur de poésie se devrait d'avoir lu pour sa propre écriture ou pour l'évaluation des poètes qui ont sa prédilection. L'air du temps fait des réputations et le temps passant, l'aura s'estompe, le souvenir s'efface, la grandeur décline et le poète encensé se trouve ravalé au ras des pavés. Cela m'incite depuis longtemps à beaucoup d'humilité, à être économe en écritures rendues publiques. Salah Stétié nous révèle ainsi comment son admiration pour Liberté d'Éluard s'est transformée en incompréhension devant cette erreur de jugement. Comme lui, j'ai connu, je connais mes désaffections pour, allez, je le dis, Saint-John Perse, René Char et beaucoup d'autres. Aujourd'hui, ce sont seulement quelques fragments de poèmes pour une image, une association qui me nourrissent.

Salah Stétié, homme des mots, arpenteur de villes et de mythes est sensible à l'effervescence intellectuelle. Jeune homme faisant ses études à Paris, c'est-à-dire en dilettante disponible comme cela se pratiquait (ce qui n'est plus le cas aujourd'hui ; tout est extrêmement encadré, sans doute pour contrôler toute tentative de révolte, toute remise en cause du système) et malgré une certaine timidité, il fréquente assidument petits théâtres légendaires (La Huchette) et librairies mythiques (Adrienne Monnier, Sylvia Beach). Stétié a cette capacité très jeune à oser, à chercher la rencontre. Il en fera de très nombreuses, de très belles. Des amitiés durables en naîtront. J'aime bien ce type d'entreprenant. Je l'ai moi-même fait en écrivant à des gens que j'aimais, Odysseus Elytis, Lorand Gaspar, Le Clézio, Beckett, Lawrence Durrell, Emmanuelle Arsan, Marcel Conche, Salah lui-même. J'ai ainsi été invité à Rabat et à La Haye dans deux de ses postes d'ambassadeur et ces séjours ont été productifs : N° 13 de la revue Aporie, Salah Stétié et la Méditerranée noire, édition de Lumière sur lumière ou l'Islam créateur, Le Voyage d'Alep.

Mais cet entreprenant, ce reliant, ce passeur revient aujourd'hui de tout cela. Peu d'amis, peu de souvenirs heureux, beaucoup de souffrances, beaucoup de déceptions, de désillusions, d'amertume. Le monde lui fait mal. Écartelé entre ses idéaux humanistes et l'impuissance à agir, à changer les choses au proche et moyen-orient, au Liban, son pays tant aimé, si meurtri, détruit et s'autodétruisant. L'ambassadeur, le diplomate ont vécu des moments difficiles dans des situations où il était mal aisé d'y voir clair, d'avoir des repères. J'avoue que tout ce que raconte Salah Stétié sur les conflits israélo-arabes, sur les Palestiniens, sur les dictatures en Irak, en Syrie, au Yémen, en Égypte, en Lybie, sur les révolutions du printemps arabe est passionnant, consternant, effrayant. Quasiment au coeur de ce monde pas encore en fusion mais ça viendra, faisons confiance aux barbus des 3 camps (les israéliens, ultra-orthodoxes, les sunnites, salafistes et autres des royaumes et émirats, les chiites d'Iran et d'ailleurs, arme atomique comprise, j'en suis persuadé, les références bibliques et autres rendant possible par métaphore cet usage du feu céleste sur terre; que peuvent et pourront contre les paroles des Dieux abrahamiques, chacun ayant le sien, les paroles diplomatiques, politiques, les résolutions onusiennes, européennes ?), Salah nous fait prendre conscience des complexités, des ambiguïtés (ce mot est important chez lui; je pense qu'il accepte les ambiguïtés, qu'il ne cherche pas à les lever, façon de maintenir la dialectique agissante) de la dangerosité de cette région du monde dont les secousses, les séismes n'ont pas fini de nous ébranler. Il est évident que la création d'Israël en 1947-1948 est l'origine de cet abcès. L'attitude deux poids, deux mesures des États-Unis, selon qu'on est juif ou palestinien, nourrit la haine des uns et des autres. L'immense richesse due au pétrole et au gaz, inégalement répartis, ajoute aux risques de généralisation des incendies, au propre.

Salah Stétié, c'est clair, souhaite la séparation du spirituel et du temporel comme Abdelwahab Meddeb, il est laïque et donc une exception en cette partie du monde, pas prête à renoncer aux dits d'en haut du très Haut. Il souhaite la paix mais tant d'autres préfèrent les braises, l'enfer sur terre au nom du paradis ailleurs. Il a payé cher puisque pendant la guerre civile, outre les balles qui ne l'ont pas atteint, il a perdu ce qu'il possédait à Beyrouth (les pillards et les squatters ont eu raison de lui et même après la guerre, il n'a rien pu récupérer). Dépossession comme la vivent tant de gens devant fuir les fous de Dieu. Je comprends mieux l'attachement à l'argent de Salah, pas trop mais ce qu'il faut pour vivre et assurer l'avenir de Maxime comme de Caroline.

Salah assume ses amours et ses haines. Avec le temps, il n'est pas devenu sage mais a réduit sa surface d'exposition quoique faisant une dizaine de voyages dans le monde par an, toujours invité à des manifestations prestigieuses pour y porter sa parole. Il revendique son oeuvre pour 2000 lecteurs sachant lire. Il y a une croyance en la force, la durée, l'éternité de l'oeuvre qui me semble excessive. Je ne crois plus à cette ultime illusion. Ses références à la modernité selon Baudelaire et quelques autres, à de grands formulateurs en poésie, ses réquisitoires contre la fausse poésie, la littérature romanesque de consommation, ses liens avec les artistes peintres et sculpteurs pour des livres d'artistes et des oeuvres que j'ai pu voir au Musée Paul Valéry de Sète, c'est la face créatrice, ouverte de l'homme, ouvert à l'inédit, à l'inouï, au neuf, au départ dans l'affection et le bruit neufs, à l'imagination de l'obscur, du centre obscur.

Alors c'est qui l'extravagant, c'est quoi l'extravagance. Le verbe est employé une fois (page 544, "car c'est sans doute extravaguer que de vouloir raconter sa vie") et "extravagant", deux fois. Salah raconte bien des épisodes de sa vie avec les autres, contre certains autres. Il raconte bien sa présence au monde, ses combats dans ce monde de bruit et de fureur où la raison a peu de place, où les pulsions meurtrières rassemblent, dressent, séparent, où la justice est sans cesse bafouée, où l'incendie se propage menaçant présent et avenir. C'est le monde qui est extravagant, qui délire. Et les diplomates avec leurs rituels hypocrites, leurs discours incompréhensibles, codés, les politiques avec leur vision bornée de l'Histoire dont ils font une machine broyeuse d'hommes et de femmes ajoutent à ce délire du monde où les intérêts priment, financiers d'abord. Mais l'extravagant est aussi le poète, celui qui ne parle pas le langage commun, celui qui fait advenir du sens autre, d'autres façons de parler le monde et l'homme. Il y a du mystique (le soufisme en particulier) chez Salah. Et les pages sur sa vie à Trembay sur Mauldre, au milieu de ses chats, des fleurs et des abeilles sont pour moi parmi les plus belles avec celles sur l'enfance à Barouk. J'y retrouve ce qui me suffit, à la fois rétrécissement (ma juste place, une toute petite place éphémère) et élargissement (ma restitution matérielle et immatérielle au Ventre-Mer), les augures d'innocence de William Blake :

Voir un Monde dans un Grain de sable

Un Ciel dans une Fleur sauvage

Tenir l'Infini dans la paume de la main

Et l'Éternité dans une seconde.

Jean-Claude Grosse, Le Revest, le 28 novembre

(le 29 novembre à 21 H, cela fera 4 ans déjà)

Lire la suite

Épicure en Corrèze/Marcel Conche

Rédigé par grossel Publié dans #notes de lecture

Oublier, se souvenir

Épicure en Corrèze de Marcel Conche

L'Éternité d'une seconde Bleu Giotto

Par rapport à ce que nous vivons, que nous soyons directement concernés ou que nous soyons seulement témoins, nous avons deux attitudes possibles, oublier, nous souvenir. Les philosophes ont médité sur le temps, sur la mémoire, sur l'oubli. Il y a ceux qui prônent l'oubli, ceux qui prônent le souvenir.

Les gens ordinaires, de la moyenne région selon l'expression de Montaigne qui s'adressait aux gens de son temps, pas aux élites dont il se méfiait car il se considérait comme un quidam comme un autre, se comportent souvent en oublieux, certains ont le culte de la mémoire, ils se font mémorialistes.

Les sociétés elles, ont des rapports complexes et variées avec la mémoire. L'Histoire est souvent une reconstruction selon les besoins idéologiques du moment. Comment regardons-nous 14-18 par rapport à ceux qui ont vécu, raconté ? En 100 ans, c'est combien de 14-18 différentes qui nous ont été racontées ? Une chose est constatable, la généralisation des commémorations dans nos pays. Servent-elles à ne pas oublier ? à nous éduquer : plus jamais ça ? à tirer les leçons de l'Histoire ? quelle blague ! je me demande si les abondantes commémorations ne masquent pas l'impuissance créatrice de nos vieilles sociétés fatiguées. Bien sûr, il y a comme toujours le business de la mémoire, on escompte des retombées touristiques, économiques sur les lieux de mémoire, les champs de bataille, les musées, les sites rénovés. Le patrimoine est un patrimoine exploitable et exploité. Autant dire que je me détourne de toutes ces ferveurs et ces migrations touristiques.

Marcel Conche n'a pas spécialement d'intérêt pour le travail de mémoire. Ce n'est pas l'objet de sa vocation de philosophe. S'il a écrit Ma vie antérieure, c'est à la demande d'une revue corrézienne. Ce livre reprend les 4 articles écrits pour cette revue. Marcel Conche ayant eu droit à un chapitre dans un livre sur Les Corréziens de Denis Tillinac datant de 1991, sans doute la revue a-t-elle voulu aller plus loin. Ce livre commence par l'évocation très belle de la fin de vie de sa femme dans Traces de mémoire. Marie-Thérèse Tronchon qui fut son professeur de lettres classiques en 1°, de quinze ans son aînée, est partie début décembre 1997. Il distingue la fin, le telos comme accomplissement, plénitude et la fin, le teleutè comme terme. Quand on atteint le telos, on vit pleinement et Marie-Thérèse a atteint son telos dès 1947. Quand on atteint le teleutè, on cesse de vivre. Pour Marie-Thérèse ce furent donc 50 ans de plénitude parce que épouse devenue mère, accomplissement d'une femme selon Marcel Conche. Suivent des chapitres portant des noms de lieux : Mon enfance à Altillac, Mon adolescence à Beaulieu, Ma jeunesse à Tulle, Ma jeunesse à Paris. Fils de paysan, prenant part aux travaux des champs, Marcel Conche a une excellente mémoire des noms, des lieux, des dates, des mots de son pays. Il évoque de façon claire, simple, conditions de vie, heurs et malheurs de cette période. Ses conditions initiales d'entrée dans la vie ne sont pas propices à un accomplissement de philosophe. Fils de paysan, il n'apprend guère au cours complémentaire, il rate un concours d'entrée à l'école normale d'instituteurs, il ignore l'existence des lycées. Le hasard le fera rentrer au lycée de Tulle comme élève-maître. Acharné à combler son retard, il sera un excellent élève. Il réussira à devenir lui-même, à réaliser sa vocation de philosophe à force de volonté, de travail. Il se sera lui-même libéré des limitations d'origine, confirmant sa conception de la liberté absolue de chacun, notre pouvoir de dire NON. Une anecdote m'a particulièrement intéressé dans ce livre. Marcel Conche donne à lire la fin de sa dissertation sur un sujet donné par sa professeur : L'attachement aux objets inanimés. Ses causes. Ses manifestations. Elle-même avait eu à traiter ce sujet comme élève. Elle avait obtenu 16, elle lui mit un 18. Deux univers, deux écritures. Une élève issue d'un milieu cultivé, sachant faire usage de références et citations. Un élève issu d'un milieu ignorant le livre mais connaisseur de la nature : « La nature paraît répondre si bien aux appels de notre cœur et s'accorder avec nos tristesses et nos joies !... L'homme, c'est bien lui l'agent puissant du monde qui va au sein de toutes choses leur insuffler la vie. (p.18-19) » Aujourd'hui, le philosophe écrirait autre chose. Devant les flots changeants de la Dordogne, dérangeant parfois l'ordre des choses par inondation brutale, il rapetisserait le pouvoir de l'homme à l'image en plus limité de celui de la nature quand il est au meilleur de lui-même, poète, créateur, il mettrait en avant l'infini pouvoir créateur (et destructeur) de la Nature, agissant en aveugle, au hasard, sans se soucier de raison, de sens mais produisant de l'harmonie avec l'unité des contraires, vie-mort, fugitivité-éternité, fini-infini.

Dans son second livre consacré à sa vie, Ma vie, un amour sous l'occupation (1922-1947), on retrouve 7 chapitres avec des noms de lieux : Le Rodal (3 chapitres), La Maisonneuve, Tulle, Limoges, Paris. Dans ce livre, Marie-Thérèse Tronchon est fortement présente au travers de ses lettres à Marcel. La professeur Marie-Thérèse Tronchon sera la correspondante de l'élève Marcel Conche à Tulle. C'est ce qui se passait quand on était pensionnaire, interne pour un trimestre. Si on voulait échapper aux promenades collectives du dimanche, il fallait avoir un correspondant vous accueillant chez lui, le dimanche. J'ai connu la même expérience que Marcel à Tulle, lui au lycée Edmond Perrier en 1942, moi aux enfants de troupe (de 1954 à 1957, dans les casernes Lovy, Marbot, Les Récollets ; l'EMPT a été dissoute en 1967 ; Yves Gibeau a écrit un livre fort sur sa vie d'enfant de troupe à Tulle, Allons z'enfants - 1952- dont Yves Boisset a tiré un film en 1981, vu à Toulon avec mes parents, scandalisés par ce qu'ils découvraient, eux qui m'avaient incité à passer le concours d'entrée à l'EMPT).

Son 3° livre de souvenirs, tout frais sorti des presses, est une initiative de l'éditeur Stock, Épicure en Corrèze. C'est la vie entière de Marcel Conche qui est parcourue avec une grande liberté de ton, quelques termes inattendus sous sa plume (sans doute dus au fait que ce livre a été précédé d'entretiens avec une collaboratrice-journaliste de l'éditeur), une certaine légèreté et sa profondeur de sage. On retrouve les mêmes noms, les mêmes lieux, les mêmes anecdotes mais éclairés différemment, par la sagesse « épicurienne » de l'homme d'Altillac.

En quoi consiste cette sagesse ? À devenir soi, en usant de sa raison et de sa volonté pour se libérer des désirs vains de pouvoir, de richesse, de gloire et même d'amour charnel, pour ne satisfaire que des désirs simples, naturels, et l'essentiel désir de philosopher qui l'a saisi très tôt quand il a voulu aller voir à 6 ans si le monde continuait après le tournant de la route. Marcel Conche ne cède pas aux sirènes de la consommation, du tourisme, des voyages, de la « culture » spectaculaire, de la mode (des effets de mode, y compris intellectuelles). Il juge par lui-même en argumentant, contre-argumentant, ce qui le conduit à des positions singulières, les siennes, et singulières par rapport à l'esprit du temps (sur l'avortement, sur la guerre en Irak, les interventions des pays démocratiques en Libye, en Syrie, sur le suicide en fin de vie, sur la grandeur ou petitesse des hommes politiques).

Marcel Conche, l'Épicure d'Altillac, n'a pas de disciple, c'est un solitaire aimant la discussion épisodique avec des amis, (ses amis les plus fidèles sont des philosophes grecs : Héraclite, Parménide, Anaximandre, Épicure, Lucrèce, et Pascal, Montaigne ; il a dû renoncer à écrire sur Empédocle), aimant la nature, les paysages de Corrèze, les flots toujours renouvelés de la Dordogne, les figuiers qu'il a plantés et arrose, les chats errants qu'il nourrit sans s'attacher à eux. Sa maison d'enfance n'est plus celle qu'il a connue, elle a été transformée, il s'en accommode. Marcel Conche est un insoumis qui réussit à avoir avec son œuvre une audience et sans doute une influence ne dépendant pas des médias. C'est (sauf l'épisode Émilie qu'on peut aussi appeler l'intermède corse) le bouche à oreille qui fait la notoriété de ce philosophe hors-normes, hors-modes.

En attendant, je veux continuer à me questionner sur oubli et souvenir, en lien avec L'Éternité d'une seconde Bleu Giotto.

Un de mes thèmes est :

quand quelque chose a lieu, est dit, pensé, vécu, senti ... (tout ce qui est humain quoi), ça prend un peu de temps, un peu du temps infini, éternel sans lequel notre temps n'existerait pas, notre temps fini de vie dont on ignore la durée

(pour que mes 74 ans comptés existent à mon passage à la station des os usés sur la berge du temps, il faut que préexiste le temps de Tout Le Temps, le Temps du Tout)

donc un événement a lieu dans notre temps de vie

à partir du moment où il a eu lieu, rien ne peut faire qu'il n'ait pas eu lieu

donc il sera toujours vrai, éternellement, que j'ai écrit ce qui précède ce 11 novembre à 16 H

que devient cette vérité ?

c'est indépendant de moi, de mon souvenir, de mon oubli

et ça commence à ma naissance et ça continue jusqu'à ma mort

j'écris un livre, pas écrit d'avance, pas utile pour un jugement dernier

où est, où va ce livre éternel de la vie de chaque vivant mort ?

le passé passe-t-il et s'efface-t-il ?

s'il est ineffaçable comme vérité éternellement vraie de ce qui a eu lieu

(puisque rien ne peut faire que ce qui a eu lieu n'ait pas eu lieu),

que devient-il, où va-t-il ?

si elle est inutilisable une fois oubliée par les vivants et survivants, puisque les hommes se souviennent ou oublient et qu'aucune trace humaine n'est éternelle

à quoi sert cette mémoire non humaine (naturelle, récupérée par la Nature, restituée à la Nature) de nos vérités éternelles ? (je crois qu'avec cette idée, je vais sortir de l'impasse, la mort comme retour à la Nature)

questions pertinentes ou pas ?

en tout cas, elles me questionnent depuis plusieurs mois,

...

L’épousée – il y a des choses à penser sur ce qui se passe quand on passe, qu’est-ce que nous devenons

L’épousé – les Répondeurs religieux ont des réponses

L’épousée – réponses toutes prêtes, pour tous, je veux qu’on cherche nous-mêmes

l'écriture comme maturation ou plutôt n'étant possible, pour moi, qu'en lien avec la vie, avec ma maturation

sur 13 ans d'écriture de L'Éternité d'une seconde Bleu Giotto, une panne de 8 ans (2002-2010), une révélation en août 2010 au Baïkal, une autre à l'annonce en septembre 2013 du Festival de théâtre francophone à Cuba, une autre le jour anniversaire de l'épousée, le 14 février 2014 et la dernière réplique du texte au réveil, le dimanche 12 octobre 2014

13 ans pour un récit de 42 pages, ça me va.

Jean-Claude Grosse

Épicure en Corrèze/Marcel Conche
Épicure en Corrèze/Marcel Conche
Lire la suite
<< < 1 2 3 > >>