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Blog de Jean-Claude Grosse

sel

Trotskisme, de Lambert à Mélenchon

Rédigé par grossel Publié dans #notes de lecture, #agoras, #SEL

couverture de 68, et après de Benjamin Stora

couverture de 68, et après de Benjamin Stora

68, et après

Les héritages égarés

Benjamin Stora

collection un ordre d'idées, Stock

 

Après avoir lu et commenté La dernière génération d'octobre, consacré aux années de militance de Benjamin Stora au sein de l'OCI devenue PCI (le parti trotskiste dit lambertiste), j'ai apprécié que l'auteur poursuive son bilan en reprenant son parcours, pouvant ainsi comparer avec mon propre bilan puisque j'ai passé presque 12 ans au PCI (dans le nord, puis à Toulon). Benjamin Stora a occupé des fonctions importantes dans l'appareil du PCI, ça n'a pas été mon cas. Il a quitté le PCI vers 1985 pour aller vers le PS avec Cambadélis qu'il avait recruté via l'AJS, entraînant derrière eux, dans ce mouvement, 400 militants regroupés dans Convergences socialistes. Moi, j'ai été exclu en 1980 avec d'autres puis après recours auprès de la commission des conflits, réintégré. C'était le temps des affaires, des exclusions (Charles Berg en 1979, Stéphane Just en 1984, Pierre Broué en 1989, et d'autres en 1991, 1992), des mesures incompréhensibles dont je ne comprends pas qu'on ait pu collectivement les accepter même si des « explications » étaient données, déviationnisme, trahison, agent provocateur de la CIA ou de l'URSS... Après mon passage au PCI (1969-1980), 12 ans au conseil municipal du Revest (1983-1995) qui ont permis l'émergence du festival de théâtre du Revest puis du théâtre, la Maison des Comoni. En 2006, je rentre au PS pour en interne soutenir la candidature de Ségolène Royal. Je quitte le PS après la présidentielle de 2007, ayant compris que son échec était dû avant tout à l'appareil du PS, aux éléphants hostiles à cette femme (propos sarcastiques de Fabius).

Deux traits du lambertisme semblent décisifs pour comprendre les exclusions :

- le verticalisme (la direction décide, les militants exécutent ; la réalité de cette organisation basée sur le « centralisme démocratique » c'est dans les faits l'absence de démocratie, le centralisme l'emporte. La direction ce sont les permanents du parti, vivant sur les cotisations, les phalanges des militants (10% du salaire plus abonnement au journal plus campagnes financières plus participation aux meetings à financer, aux manifestations à financer),

- le fonctionnement des cellules dites amicales est quasi-militaire (réunions hebdomadaires, présentation par chacun de ses résultats, comparés à ses objectifs, définis la semaine d'avant ; l'analyse de la situation, la révolution est imminente, justifie le harcèlement des militants dans ces réunions ; c'est le taylorisme, j'appelle ça le tayrorisme, capitaliste au service de la révolution = de la direction = bureaucratisation du Parti).

- Verticalisme et fonctionnement militaire expliquent le décalage entre sommet et base, les luttes intestines au sommet (on l'a vu assez récemment après la scission au sein du POI, avec procès engagé pour savoir à qui reviendrait le local de la rue du Faubourg Saint-Denis et le butin-le patrimoine du PCI, archives, fonds …)

 

 

 

http://www.lacommune.org/Parti-des-travailleurs/archives/CCI-POI-et-TCI-POid/Lambertisme-d-hier-et-d-aujourd-hui-i1678.html

http://www.gauchemip.org/spip.php?article12858

http://www.gauchemip.org/spip.php?article28296

http://www.gauchemip.org/spip.php?article25497

http://www.clubpolitiquebastille.org/spip.php?rubrique1

http://www.luttedeclasse.org/dossier44/oci_112016.pdf

le PDF de 422 pages rédigé par Pierre Salvaing est à récupérer par le lien ci-dessus

https://www.workersliberty.org/story/2017-07-26/pierre-broue-1926-2005

 

 

 

Les documents que j'ai sélectionnés peuvent sembler « surréalistes » mais on ne peut pas faire l'impasse sur le bilan du lambertisme d'où sont sortis Jospin, Cambadélis, Mélenchon, Stora, sur le bilan des autres courants trotskistes (Julien Dray, Harlem Désir viennent de la LCR) car ces mouvements ont joué des rôles non négligeables dans toutes sortes de conflits, dans des moments « historiques » et cela non seulement en France mais en Amérique centrale et latine, aux USA, à l'est du temps du stalinisme brejnevien...

Ce qui ressort tant du livre de Benjamin Stora que de ces documents, c'est la facilité avec laquelle les petits enjeux personnels prennent le pas sur l'accompagnement de l'émancipation des travailleurs. Un exemple : lors du passage au PS en 1986, Cambadélis fait adhérer une centaine de militants dans le 19° arrondissement. Cela lui permettra d'obtenir l'investiture pour être candidat aux législatives et d'être élu député (début de sa carrière politique avec ironie de l'histoire, lui sort par la droite du PCI en 1986, Valls tire vers la droite le PS dirigé par Cambadélis ce qui va provoquer le délitement du PS à la présidentielle de 2017).

Ce qui est frappant à la lecture de ce livre, ce sont les illusions qui ont aveuglé des responsables aguerris aux analyses et aux pratiques politiques susceptibles d'agir sur le réel. On entre au PS, soit. C'est quoi le PS ? Ils répondent : Un parti moderne, social-démocrate. Comment y entre-t-on ? Entrisme, travail de fraction ? Pour Cambadélis, gagner des postes dans l'appareil, changer le parti de l'intérieur. Pour Stora, créer une tendance, développer des idées qui nourrissent le débat, font évoluer.

Cambadélis a fait carrière dans l'appareil de 1986 à 2017. Voir sa proposition de garde nationale le 12 janvier 2016

 

https://lundi.am/retour-garde-nationale

 

Stora a quitté l'activité militante en 1988. Faiblesse du raisonnement, découverte après coup : le PS n'était pas un parti moderne, social-démocrate déjà en 1986, c'était un parti de notables, de professionnels de la politique, de gens vivant sur les subsides de l'état, n'ayant jamais travaillé pour la plupart, donc une forme de corruption liée aux privilèges des élus de la République, parti sclérosé incapable de comprendre les évolutions de la société, les nouvelles demandes politiques venues des jeunes des quartiers, venues des migrants, des précaires, venues des communautarismes, venues des femmes, incapable de proposer une offre politique à la hauteur des enjeux, un parti acceptant malgré le « coup d'état permanent » stigmatisé par Mitterrand, la constitution de la V° république, constitution anti-démocratique qui nous a conduit à la monarchie macroniste, un président, un parti aux ordres, une non-séparation des pouvoirs, le législatif inféodé à l'exécutif, le judiciaire sous contrôle, les médias devenus organes de propagande.

Deux phénomènes complètement occultés suite à cette impéritie :

  • la radicalisation des banlieues qui va devenir la radicalisation islamiste d'une partie de la jeunesse, les fameux beurs qui avaient fait la marche des Beurs du 3 décembre 1983 et la marche pour l'égalité des droits du 3 novembre 1984 ; à cette demande d'égalité des droits, on a répondu par SOS racisme (invention de Julien Dray et Harlem Désir, manipulation par le haut d'un mouvement d'en bas, spontané), le mythe de la France multi-culturelle incarnée par l'équipe de France de foot, de la fraternité ; par l'exclusion sociale, la ghettoïsation spatiale, on a favorisé la dérive vers l'islamisme de cette jeunesse, l'affaire du voile n'a pas été comprise dans sa signification profonde (pas seulement une remise en cause de la laïcité, mais un rejet du « modèle » proposé, la société du consumérisme qui les laisse sur le côté) ; la gauche n'a jamais accordé le droit de vote aux municipales pour les immigrés, vieille revendication, cela conforte le sentiment deux poids, deux mesures, sue le burnous, exerce les fonctions ancillaires dont notre société a besoin, tu n'as aucun droit à réclamer et à attendre. On comprend que le dégagisme ait été puissant en 2017 qui a balayé les caciques de droite comme de gauche via les primaires ouvertes (Sarkozy, Valls) entraînant le naufrage des Républicains, des Socialistes, l'émergence par défaut de Macron, sans parti, ne s'appuyant pas sur un appareil. La présidentielle 2017 a été un séisme politique, scission au FN, partis dominants laminés, mouvement conquérant de Macron, une France insoumise qui a les défauts lambertistes de son leader

  • la radicalisation des petits-blancs comme on dit aujourd'hui qui ont conduit Trump au pouvoir aux USA et qui conduiront l'extrême-droite au pouvoir chez nous. Macron lui ouvre une voie royale

  • D'autres aspects ont été négligés par ce parti (je ne parle pas des autres) : les enjeux écologiques, des enjeux de société : égalité femmes-hommes, réforme en profondeur de l'école devenue un ascenseur social en panne ou école à la maison, lire ci-dessous

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  • https://lundi.am/Une-liberte-de-plus-en-moins-1428

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  • N'a pas été mesurée l'offensive, la guerre de plus en plus féroce, cynique du néo-libéralisme contre les classes populaires (répression de la grève des contrôleurs aériens sous Reagan, surtout cassage de la plus grande grève de Grande-Bretagne, celle des cheminots sous Thatcher, en 1985-1986 ; les cheminots sont rentrés sans avoir rien obtenu et ce fut la privatisation des services publics de transport dont les Anglais voient aujourd'hui les effets néfastes) ; dans un contexte de guerre ouverte, déclarée, affichée des riches contre les pauvres, peut-on être conciliant, arrangeant avec le capitalisme mondialisé, peut-on être social-démocrate, réformiste avec les prédateurs, peut-on négocier et arracher des miettes à donner en pâture aux déclassés ? De là découlent normalement des analyses censées guider dans l'action : quel est le rôle des syndicats ? Peut-on faire confiance aux directions syndicales ? Quels rapports entre parti ouvrier et syndicats ouvriers ? Comment doit se pratiquer la tactique du Front unique ouvrier, tactique de libre discussion entre toutes les tendances du mouvement ouvrier (le journal Informations Ouvrières, tribune libre de la lutte des classes n'a jamais été une telle tribune ; doit-on s'étonner de la dérive bureaucratique de ce mouvement ?) L'exemple de la Grèce soumise au terrorisme de la troïka exigeant le remboursement de la dette (dont on sait que c'est une fabrication artificielle puisque on a obligé les états à ne plus battre monnaie mais à emprunter auprès des banques privées) montre assez que les peuples peuvent être saignés avec la complicité de leurs dirigeants « progressistes de gauche », devenant droitiers au pouvoir. La prise du pouvoir c'est une chose, on peut être radical dans les discours, le programme, les promesses. L'exercice du pouvoir c'est autre chose: on s'adapte, on se compromet, on trahit ses promesses. C'est le capital qui gagne toujours dans ces tentatives d'arrangement, l'Allemagne de la sinistre Merkel, la nouvelle Thatcher, étant le chef d'orchestre de cet alignement de tous sur une politique monétaire intransigeante et de fabrication de la dette qui profite aux actionnaires.

Benjamin Stora, devenu historien reconnu des deux guerres d'Algérie (celle de la France coloniale sous Mollet, Mitterrand jusqu'à De Gaulle ; celle de la décennie sanglante entre le FLN au pouvoir et le FIS- le GIA) montre très bien comment le travail de mémoire n'ayant pas été fait, la guerre des mémoires (souvent déformées, partisanes, idéologiques) a lieu, semant des germes de racisme, de violence, favorisant la montée de l'extrême-droite. La notion d'identité nationale est devenue un enjeu politique, expliquant en partie l'échec de Jospin à la présidentielle de 2002 ; satisfait de son bilan économique et social, il a sous-estimé les questions d'identité et de sécurité. L'espace politique pollué par un parti légal, le Front National, a vu émerger des débats auxquels la gauche sociale-démocrate n'était pas préparée, thèmes qui l'ont amené à se droitiser (Hollande et Manuel Valls ayant été l'illustration la plus nette de cette droitisation qui a provoqué l'effondrement du PS, en 2017). Non le PS n'a plus rien d'un parti ouvrier, même plus d'un parti des classes moyennes qui sont en pleine régression sociale, idéologique. La droitisation s'est faite sur la question de l'immigration.

Ce qui est incroyable plus de 55 ans après l'indépendance de l'Algérie, c'est la croyance de certains, les plus droitiers, les plus extrémistes de droite, que les immigrés algériens, tunisiens, marocains des années de la reconstruction, des 30 glorieuses reviendront au pays. Ils sont Français, ils ne reviendront pas « chez eux », ils sont chez eux chez nous et leurs enfants, petits-enfants ne sont pas prêts d'accepter ces « exigences » développées par une partie non-négligeable de la population blanche, raciste, les petits-blancs justement. La société française dérive-t-elle à droite ? En particulier la classe ouvrière ? C'est vers l'abstention qu'elle va surtout plus que vers le Front national.

Ce décalage entre la réalité et les prismes idéologiques dont les uns et les autres se servent (les lieux communs étant un indicateur de ces visions idéologiques, c'est-à-dire déformant, niant la réalité) a une autre raison, le rôle joué par l'ENA. « Depuis De Gaulle, les dirigeants de la V° République sont devenus une caste de gouvernement la plus hermétique qui soit dans le monde occidental. » écrit l'historien anglais Perry Anderson. Nous sommes gouvernés dans les domaines politique, administratif par une caste de hauts-fonctionnaires issus de cette école. Ce n'est pas avec cette « élite » s'auto-reproduisant que la société française ira vers l'apaisement, la réconciliation. Les germes de division, de violence, de guerre civile sont bien plantés, se développent. L'offensive idéologique contre les idées de mai 68, menée par la droite, l'extrême-droite dans les années 2000 (Sarkozy, Luc Ferry...) a permis de faire de 68, un mouvement d'énervement jeuniste exclusivement, un mouvement hédoniste-libertaire de la jeunesse ouvrant la voie à l'individualisme et au consumérisme.

C'est la génération des baby-boomers, accusée de tous les maux comme le montre la discussion que j'ai eu à propos de l'article consacré à la leçon de marxisme donné à Marlène Schiappa, secrétaire d'état macroniste à l'égalité hommes-femmes, par son père, trotskiste de l'OCI.

L'offensive anti-68 a eu pour objectifs de remettre en cause l'antiracisme accusé de faire monter le FN, de dénoncer l'antifascisme comme recyclage des partisans du communisme, le féminisme comme séparant hommes et femmes, l'antimilitarisme comme destructeur de la nation, de stigmatiser les immigrés parce qu'on ne peut pas accueillir toute la misère du monde, de remettre en question sans succès le droit à l'avortement, le droit à la retraite, à la sécurité sociale, ça c'est en cours. Sur notre passé colonial, pas de repentance mais une tentative de loi en 2005 sur la « colonisation positive ». Cette offensive idéologique n'empêche pas que se développent des idées dans la continuité de mai 68 : plus de démocratie participative voire directe, retrouver notre pouvoir constituant (le peuple souverain écrivant sa constitution comme ce fut le cas en Islande après la crise des subprimes, les ateliers constituants d'Etienne Chouard même si on a des réserves sur lui, ses propositions lui échappent si nous nous en saisissons) abandonné aux politiques, moins de verticalité autoritaire, du pluralisme partout et pas tout le pouvoir entre les mains d'un parti, pas de pouvoir personnel. Évidemment, avec Macron on est à l'opposé de ces aspirations héritées de 68. L'avenir nous dira si la gouvernance macroniste à double langage (c'est blanc et en même temps c'est noir à moins que ce soit en même temps l'inverse), à effets permanents de communication pour masquer la réalité (on dépense un pognon dingue pour les assistés) était ce dont le pays avait besoin ou voulait. L'avenir nous dira si des jeunes générations, des conjonctions de projets et de luttes sont en train de se lever pour éventuellement arrêter la course vers le mur. Pour ma part, je crois que nous ne croyons pas ce que nous savons : on va dans le mur, on le sait, on reste figé, l'exemple de la disparition des abeilles l'illustre parfaitement ; on sait, on ne fait rien, peut-être on ne peut rien faire, l'industrie agro-alimentaire nous empoisonne, la techno-science est devenue inhumaine ou l'a toujours été, contre l'humanité, contre la nature.

Ainsi soit-il.  Et c'est ainsi qu'Allah est grand, concluait Alexandre Vialatte.

Nathalie - Encore un arrogant pur produit du patriarcat qui se pense Marxiste. Comme on en a beaucoup au PS et à Gauche en général. Si sa fille avait été un fils il aurait probablement ravalé sa rancoeur. Le problème au 21e siècle est que l’on a patrons et patron ( l’économie est composée à plus de 80% de PMI PME ou indépendants contre 20 % de grandes entreprises ), on a travailleur/ses et de travailleur/se qui réclament la liberté de la main gauche et le paternalisme de la droite et on a fonctionnaires qui « servent » le service public et dysfonctionnaires qui se servent ( notamment dans les grands corps d’Etat mais aussi sur le terrain)... alors qui de l’exploité qui de l’exploiteur .... le manque d’éthique nourri chacun et chaque classe en souffre. Sauf pour le grand patronat qui fait l’unanimité : il est par essence un manque d’éthique. Ce que je vois moi, c’est que ce sont les femmes qui se tapent le sale boulot pour des salaires de misère et qui sont les premières pourvoyeuses d’économie vertueuses dans les quartiers. Jean-Marc Schiappa , est un bon mâle blanc de plus de 60 ans. Il aura essayé... par la libre pensée, et ça l’emmerde que sa fille tente depuis plus haut que lui. Depuis à place de père, je trouve très déplacé qu’il se serve de la place de sa fille pour être enfin entendu du public. La médiocratie se situe aussi ici.
 
 
JCG -  rien compris, leçon pas particulière STP
 
Nathalie -  Je suis heureuse de te faire rire Jean-Claude. Mais votre génération a mangé le pain blanc des nôtres et de celles de nos enfants. Plein emploi, pleine retraite, pleins congés , temps libre, bénéfices maximaux. Une Génération de baby-boomer « après moi le déluge ». De gauche comme de droite, tout le monde a mangé la soupe. Alors ce sera difficile de reprocher aux jeunes générations de tenter de rétablir une justice sociale avec ce qui nous est laissé . Et encore aujourd’hui, de nombreux retraités bénéficient de la solidarité des retraites payées par nos générations et prennent aussi des postes ou  ont leur entreprise sur le marché de l’emploi. Comment appelle t on ça ? Du marxisme ??? Le père de MS devrait se poser la question.
 
Nathalie - parfaitement compris : pour Jean-Marc Schiappa , comme pour beaucoup de « papy bedonnants de la ligue » que j’administrerai encore jusqu’à la semaine prochaine, le projet collectif est au dessus du projet individuel ... quand ça l’arrange. D’une part c’est le but de la république sociale et d’autre part, si la république n’utilise pas la ré mobilisation individuelle pour créer son projet collectif, on va encore ramer longtemps. La bourgeoisie et son conservatisme n’est pas forcément là où l’on croit. Le risque n’est pas la start up mais l’effondrement de la protection sociale qui est déliée  du modèle de gestion « auto entreprise » ou start up. Le risque est la glissade vers un système anglo-saxon pur. Il ne me semble pas que ce soit le cas avec la réforme des retraites.
 
JCG - on en parlera quand tu voudras, je ne me reconnais pas dans tes descriptions, je ne me sens pas concerné par la notion de génération, je suis JCG et qu'ai-je fait comme chemin, selon quelles valeurs, quel bilan puis-je montrer ? ai-je été un profiteur, un dysfonctionnaire, suis-je un retraité doré ?
 
Nathalie - ok pour en parler. Et tu vois, c’est ça le problème : on est qui on est , on a participé à un effet collectif générationnel sans en avoir conscience. On s’est battu pour un idéal mais sans voir que la technique desservirait l’autre qui vient, les siens, ses enfants , petits enfants. Génération gaspillage, ultra production, consommation, temps libre... parfait. Mais l’utopie sans technique pour l’ici et maintenant. Aujourd’hui c’est la technique stratégique et la prospective sans utopie. Je n’aime pas. Le manque d’idéal est inquiétant. Mais on aura du mal à le reprocher . Surtout à nos enfants.
 
 
JCG -  les effets secondaires, tertiaires et pervers sont-ils contenus dans les données initiales ? et de quelle milliardième de fraction suis-je responsable des dégâts évoqués, 5 voitures dans une vie, 2 aspirateurs, 3 frigo à obsolescence programmée, un ordi depuis 10 ans... bref, ce genre de responsabilités, je m'en fous mais comment je te parle, quelle relation j'ai avec toi, ça je me sens responsable à 100% et suis prêt à évoluer, changer
 
 
Nathalie - je ne parle pas vraiment des actes de la vie courante bien qu’ils engagent aussi et sont effectivement des actes politiques. Je parle de politique du 20 e siècle qui n’ignorait pas la cata post baby boom- ni la gauche ni la droite- et qui n’a rien anticipé et je parle de politique du 21 e siècle qui doit se débrouiller avec de nouveaux paradigmes d’environnement mondialisé et de responsabilités, la durabilité... Sais tu quand mes amis de gauche ont commencé à me vivre comme un danger ? Quand j’ai mis leur place en jeu en réclamant l’égalité hommes-femmes dans les instances décisionnaires ( des partis, des associations d’éduc pop, du CESER... ). Quand j’ai réclamé que l’on cesse de couper la parole aux femmes et que l’on cesse de faire des moues dubitatives chaque fois qu’un jeune ou qu’une femme s’exprimait.
Donc ma tolérance avec le patriarcat virilocrate est proche de zéro. 30000 ans que l’on en mange et franchement il est temps de passer à autre chose. Voilà pourquoi cet encart « Schiappapa » dans le Monde est bien plus profondément Anti-Marxiste que la bourde de la secrétaire d’Etat à propos de Marx.
 
 
Nathalie - Après.... je ne sais pas comment tu as fait avec seulement deux aspirateurs... tu me diras la marque ?
Amitiés et bonne nuit.
 
 
JCG - je ne m'en sers pas; balai sait
 
 
Frank -  Finalement, les bons mâles de plus de 60 ans qu'en fait-on? Moi je dis ça parce que, vous allez voir c'est ballot, j'ai un peu le mal des transports et je souhaiterai savoir si je dois prendre une petite laine et éventuellement du singe...
 
 
Nathalie - Mal des transports, mâle des trans-porcs (porcs en transition?), malle de transport ... Ce qui n’est plus supportable, c’est le degré de la misogynie que l’on peut, à ce titre, comparer à la connerie, au racisme et même à la mort: Quand on est dans cet état, nous ne le savons pas et ce sont les autres qui souffrent. Les révolutionnaires trotskistes, les Proudhons ... n’ont pas échappé à la contagion. Les plus fort en gueule encore moins. Les « bons mâles », l’humanité les somme de se transformer ou de périr. Pas physiquement bien sûr, mais symboliquement et surtout, dans les instances de pouvoir. Les hommes eux, adviennent en toutes qualités : empathie, amour, tendresse, soins, durabilité, utopies ... prêtées jusqu’ici à la féminité, ou plutôt au féminin: le seul avenir valable. C’est probablement un commencement du surhumain. Après, sinon, pour la petite laine, nous ne pouvons que la conseiller. Quand au singe ... ça fait belle lurette que ça ne se mange plus... ça siège !
 
 
Frank -  Et ben... On est pas sorti du sable.....
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La vie la poésie

Rédigé par grossel Publié dans #Emmanuelle Arsan, #SEL, #agoras, #amour, #développement personnel, #engagement, #essais, #notes de lecture, #pour toujours, #poésie, #vide quantique, #vraie vie, #écriture, #épitaphier

La vie la poésie

Des 100 plus beaux poèmes du monde (édition de 1979)

(merci à Alain Bosquet de proposer 1/3 de poètes inconnus car nous sommes trop occidentalocentrés)

je retiens le troisième Cosmogonie dans l’Atharva-Veda (14°- 10° siècle avant J.C.). Il correspond à là où j’en suis aujourd’hui de mon cheminement.

C’est ce qui s’est dit de plus précis et de plus déroutant sur la Création.

(Voir la question du 7° paragraphe : celui qui veille sur elle au plus haut du ciel le sait sans doute... ou s’il ne le savait pas ?)

 

Et surtout ne pas chercher à confirmer par la physique quantique.

J’en ai produit une version dans Et ton livre d’éternité ?, page 639, L’hymne à la création.

 

Version de l’anthologie d’Alain Bosquet

1-

Ni le non-Être n’existait alors, ni l’être.

Il n’existait l’espace aérien, ni le firmament au-delà.
Qu’est-ce qui se mouvait puissamment ? Où ? Sous la garde de qui ?

Etait-ce l’eau, insondablement profonde ?

2-

Il n’existait en ce temps ni mort, ni non-mort;

Il n’y avait de signe distinctif pour la nuit ou le jour.
L’Un respirait de son propre élan, sans qu’il y ait de souffle.
En dehors de Cela, il n’existait rien d’autre.

3- 4- 5- 6- 7-

(Pages 16-17, traduction Louis Renou)

 

Et page 639 de Et ton livre d’éternité ?

 

L’Hymnne à la création

(Nasadiya Sukta. Rig Veda, X, 129)

Il n’y avait pas l’être, il n’y avait pas le non-être en ce temps. Il n’y avait espace ni firmament au-delà. Qu’est-ce qui se mouvait ? Où, sous la garde de qui ? Y avait-il l’eau profonde, l’eau sans fond ?

Ni la mort n’était en ce temps, ni la non-mort, pas de signe distinguant la nuit du jour. L’Un respirait sans souffle, mû de soi-même : rien d’autre n’existait au-delà.

A l’origine les ténèbres couvraient les ténèbres, tout ce qu’on voit n’était qu’onde indistincte. Enfermé dans le vide, l’Un, accédant à l’être, prit alors naissance par le pouvoir de la chaleur.

Il se développa d’abord le désir, qui fut le premier germe de la pensée ; cherchant avec réflexion dans leurs âmes, les sages trouvèrent dans le non-être le lien de l’être.

Leur cordeau était tendu en diagonale : quel était le dessus, le dessous ? Il y eut des porteurs de semence, il y eut des vertus : en bas était l’Énergie spontanée, en haut le Don.

Qui sait en vérité, qui pourrait l’annoncer ici : d’où est issue, d’où vient cette création ? Les dieux sont en deçà de cet acte créateur. Qui sait d’où il émane ?

Cette création, d’où elle émane, si elle a été fabriquée ou ne l’a pas été, – celui qui veille sur elle au plus haut du ciel le sait sans doute... ou s’il ne le savait pas ?

Rig Veda, X, 129, 1. Trad. Louis Renou, La poésie religieuse de l’Inde antique. 1942

 

la couverture évoque la libellule et le piment rouge des deux haïkus, de Kikaku et de Bashô que je donnais en pâture à mes élèves Kikaku une libellule ôtez-lui les ailes un piment rouge  Bashô un piment rouge  mettez-lui des ailes une libellule

la couverture évoque la libellule et le piment rouge des deux haïkus, de Kikaku et de Bashô que je donnais en pâture à mes élèves Kikaku une libellule ôtez-lui les ailes un piment rouge Bashô un piment rouge mettez-lui des ailes une libellule

Des cent tankas 5/7/5/7/7 (la forme la plus ancienne) et haïkus 5/7/5 (la forme la plus aboutie et la plus connue) de Poèmes de tous les jours (1993 chez Picquier-Unesco),

Je note d’abord, l’excellente préface d’Ôoka Makoto qui depuis 1979 tient une rubrique de poésie en 1° page d’un journal tirant à 10 millions d’exemplaires

Et j’en retiens deux,

j’ai évité les plus connus Bashô, Issa, Buson, Tu Fu, Li Po, Po Chû I et les 4500 poèmes du recueil des dix mille feuilles, vieux de 1300 ans :

L’arc-en-ciel lui même

Pense que le temps existe

Abe Seiai né en 1914 page 77,

commentaire d’Ôoka Makoto, page 76

———————————————

Joignant les mains devant cet homme nu, brûlé, perdu

Je partis en courant

Yamamoto Yasuo (1902-1983) page 213

Tanka tiré d’un recueil de tankas sur Hiroshima,

Yamamoto y ayant perdu son fils :

Le cadavre du petit ficelé à la charrette

Ma femme et moi poussions à tour de rôle

Commentaire d’Ôoka Makoto, page 212

coquelicots by ab

coquelicots by ab

on ignore l'impact profond d'un mot sur l'autre comme sur soi pris comme esprit-corps, on ignore l'impact profond d'une chose du monde sur soi  et sur l'autre pris comme corps-esprit; 

nos outils de perception sont les sens, mais il est évident que les illusions sensorielles sont nombreuses, qu'on croit réel ce qui souvent ne l'est pas; il en est de même des sentiments; dire je t'aime à quelqu'un, le plus vivant des poèmes, est peut-être un délire, né d'un désir, d'où ce titre ambigu Parole dé-s/l-irante, s/l = est-ce elle ? tout désir n'est-il pas délire, toute parole délirante n'est-elle pas parole désirante ? la confusion par projection ou tout autre processus est au rendez-vous; il faut donc une grande prudence là où l'exaltation nous saisit; ce je t'aime dont je me dois de douter, une fois dit, chemine en l'autre vers un coeur qui bat la chamade, un esprit qui s'emballe, dans un corps qui s'émeut, au plus profond, le message pensé et émis, une fois reçu par l'autre devient milliers de messages chimiques, hormonaux, moléculaires, quantiques dont j'ignore la réalité et les effets, seule la personne réceptrice perçoit quelques effets, coeur qui bat plus vite, rêves érotiques, organes sexuels en émoi, appétit moindre...; n'est-il pas clair que prendre conscience de cette complexité peut nous inciter à plus de responsabilité, à accepter d'être responsable d'effets imprévus, secondaires, tertiaires et pervers; je peux même en arriver à bouger le moins possible pour déranger le moins possible l'ordre des choses car en fin de compte, on est toujours dérangeant, semeur de désordre; vivre en poète c'est déranger le moins possible et prendre son temps, vivre en poète c'est vivre sobrement, c'est réduire sa surface, son empreinte, c'est ne pas vouloir embrasser l'infini, c'est ne pas vouloir être éternel, c'est voir un monde dans un grain de sable, un ciel dans une fleur sauvage, tenir l'infini dans la paume de la main et l'éternité dans une seconde comme le dit William Blake dans Augures d'innocence, le plus fort programme que je connaisse

j'ai bien raison de prendre mon temps, j'ai tout le temps qui m'est compté (à condition de ne pas le décompter, c'est ainsi qu'il compte, qu'il est vivifiant) pour insuffler la vie à quelques mots pouvant toucher quelques belles personnes. Je laisserai 10 poèmes intitulés Caresses. Caresses 1 et Caresses 2 existent déjà. Les autres Caresses sont à venir, le moment venu, un moment inattendu. Il y aura aussi les 12 Paroles dé-s/l-irantes. Parues dans La Parole éprouvée, le 14 février 2000.

si j'inverse, soit non une pensée d'amour adressée à l'autre mais la vue d'un champ de coquelicots du côté de Lourmarin; ça fait longtemps que je n'ai vu autant de profusion de rouge, de rouge vivant, se balançant dans le vent léger, un vent solaire, autant de rouge habité par la lumière, je prends des photos, je filme pour prolonger mon émotion, mon plaisir; ces coquelicots sont impossibles à cueillir, se refusent au bouquet, trop fragiles; ces coquelicots qui m'éblouissent se resèment d'eux-mêmes, je ne peux les semer, ils refusent la domestication; ces coquelicots fragiles résistent aux grands vents du midi; je perçois, ils me touchent au profond par leur beauté éphémère, impermanence et présence, insignifiance et don gratuit sans conscience du don (quoique sait-on cela ?) et ils me font penser, leur vie me vivifie, m'embellit, je me mets à chanter une rengaine venue d'un vieux souvenir, un petit bal perdu, je m'allonge, me livre au soleil, caresses qui font du bien, pas trop longtemps, messages héliotropiques envoyés aux niveaux les plus infimes, les plus intimes en toute inconscience même les yeux fermés et en méditation visualisante

voilà deux brèves tentatives de mise en mots pour conscientiser (c'est notre privilège) ce que nous éprouvons, pour vivre à la fois plus pleinement (c'est autre chose que l'aptitude au bonheur, au carpe diem, non négligeable) de plus en plus en pleine conscience (et là je m'aventure, si tout ce qui vit est échange, circulation, énergie, information, tout ce qui vit est peut-être aussi conscience ou dit autrement, une conscience, la Conscience est à l'oeuvre dans tout ce qui se manifeste, elle serait l'unité de et dans la diversité, elle serait la permanence sous l'impermanence; ne pas se laisser duper par le côté automatique, bien régulé de notre corps-esprit ou des systèmes univers, multivers avec leurs constantes universelles jusqu'à dérèglements et entropie croissante remettant les pendules à l'heure

(j'ai découvert un livre au titre révélateur : La "Conscience-Énergie", structure de l'homme et de l'univers, du Docteur Thérèse Brosse, paru en 1978 à Sisteron, ça semble du solide !); évidemment, sur ce chemin, je me laisse accompagner par Deepak Chopra qui réussit à articuler approche scientifique et approche ayurvédique

La vie la poésie

Au plus près : entretiens avec Philippe Djian par Catherine Moreau, La passe du vent, 1999

De ces entretiens déjà anciens, j’ignore donc si Djian s’y reconnaîtrait aujourd’hui, 25 ans après, et 40 ans après son entrée en écriture au plus près, je retiens quelques propos :

  • séduire, c’est mourir comme réalité et se produire comme leurre

Ce propos vaut tant pour la séduction de l’autre que pour l’auto-séduction; ajoutons qu’étymologiquement une des significations de seducere serait détruire.

  • partagez-vous la proposition de Rimbaud Je est un autre ? - Je dirai plutôt Je est tous les autres. Et ce à partir du moment où je me rends compte que ma personnalité est tellement multiple. Plus, il y a de rapports avec les autres, plus elle devient riche et vaste…
  • c’est un gros problème que de se demander si le monde qui nous entoure n’est pas une vision de notre esprit. Et par quelles expériences, pouvons-nous confirmer ou infirmer cette sensation ?
  • On m’a demandé pourquoi il y a toujours du sexe dans mes livres. Je trouve que c’est une manière de définir les personnages mis dans ce genre de situation avec plus de finesse et d’exactitude que si je les décris. Un salaud qui est en train de faire l’amour à une femme, ça se voit si c’est un vrai salaud. Ce sont donc des situations susceptibles d’éclairer les personnages. Ce n’est pas simplement le plaisir de raconter ce genre de scènes.

 

La vie la poésie

J’en arrive à La jouissance et l’extase de Françoise Rey, un roman pornographique sur les relations entre Henry Miller et Anaïs Nin, de 1931 à 1934.

Henry Miller m’a passionné il y a longtemps avec sa trilogie Sexus Nexus Plexus, Hamlet, Le temps des assassins. Je ne sais pourquoi, j’ai ignoré les deux Tropiques. Peu importe.

J’ignore tout d’Anaïs Nin. Je dois bien avoir son journal sur un rayon. Pas La maison de l’inceste.

Y a-t-il des raisons à ces choix de lecture où le sexe est mis en scène et en jeu (Gabriel Garcia Marquez, Jean-Paul Dubois, Juan Rios, Philippe Djian, Françoise Rey) ?

J’ai conscience d’être un obsédé sexuel, sans remords, sans culpabilité, avec plaisir à l’être car je sens bien que c’est la pulsion de vie, celle qui affronte la mort. Bataille « de l'érotisme, il est possible de dire qu'il est l'affirmation de la vie jusque dans la mort. » Et ce désir est universel, cosmique, tous règnes minéral, végétal, animal, humain, toutes espèces, tous genres, féminin, masculin, hermaphrodite, androgyne. Obsédé sexuel à plus de 82 ans, je me sens bien vivant, traversé, habité par la Vie. Je ne laisse plus entrer le vieux comme dit Clint Eastwood.

En me plongeant dans ce genre de lectures, cela m’amène aussi à voir comment je sépare, combine amour et désir, comment j’ai vécu mes histoires d’amour et de désir, comment j’ai privilégié le sentiment sur le désir, avec des épisodes très sexuels, comment dans le désir, j’ai vécu la limite de la jouissance masculine et féminine exception de quelques femmes accédant à l’extase, comment j’ai privilégié dans mes histoires la durée, la fidélité avec coups de canif dans le contrat et métamorphose de la relation, de l’amour ou de la pulsion à l’amitié amoureuse…
Je ne suis pas un spécialiste en sexologie, ça ne m’intéresse pas plus que cela mais je ne suis pas un ignorant. J’ai été et je me suis initié. Je ne tourne pas en ridicule le petit cornac qui nous fait primate et primaire selon Rezvani, cet organe qui nous domine et fait de nous des dominants, des prédateurs. Le petit cornac est l’outil de la perpétuation, de l’onto et de la phylogenèse, lignée, espèce.

Le plaisir vient après dans l’histoire de l’évolution et de la perpétuation des espèces et seulement pour l’humanité semble-t-il. C’est par la perpétuation de l’espèce, de la lignée que chaque espèce, chaque lignée combattent la mort, chaque individu meurt, chaque lignée meurt mais non l’espèce qui se rend ainsi ou croit se rendre éternelle.

Vue à cette altitude, l’obsession sexuelle est questionnement sans fin sur la création, sur la vie, sur la mort, sur l’éphémère, la fragilité, sur l’éternité. Je continuerai donc à être un obsédé sexuel.

Le roman de Françoise Rey m’a dans un premier temps, plutôt déplu. Les scènes pornographiques sont crues, détaillées, longues, avec un lexique obscène, varié dans l’obscénité et l’ordure.

Tantôt du point de vue d’Henry, tantôt du point de vue d’Anaïs. Là, ça commence à devenir intéressant car impossible de savoir ce que l’autre pense de ce qu’on lui fait, impossible de savoir, de connaître, de ressentir  ses réactions. On est dans le malentendu absolu, dans l’opacité même quand on croit être dans la fusion, la communion, l’évidence, la transparence. D’où le côté dérisoire de celui qui se croit l’initiateur d’Anaïs. D’où le côté inconséquent de celle qui croit maîtriser la situation.

Si on ajoute à cette histoire d’un couple qui en est et n’en est pas un, qui va très vite se désunir, les histoires d’Anaïs avec son mari banquier, avec son cousin homosexuel Edouardo, avec son psychanalyste impuissant Allendy, avec Antonin Artaud, homosexuel et impuissant, avec son père Joachim, incestueux, avec le psychanalyste Otto Rank, avec la femme de Henry, June, on comprend que ce roman est foisonnant, déstabilisant, que ni l’un ni l’autre n’ont de boussole. Ils pataugent dans le foutre et le méli-mélo des pulsions.

Henry est faussement amoureux d’Anaïs, il veut l’épouser mais cela est un alibi, ne l’entretient-elle pas,  ne favorise-t-elle pas toutes ses frasques chez les putes, ne paie-elle pas l’édition du Tropique dont la couverture est un cancer sortant d’un vagin ?

Anaïs veut tout essayer qu’il s’agisse de positions, de pratiques, de transgressions, de scandales, de provocations; c’est une femme de tête qui croit maîtriser mais ballottée, écartelée entre des désirs inconciliables, une femme du cul, nymphomane, alcoolique (a manqué la drogue mais elle y a pensé, elle serait aujourd’hui chemsex), qui note tout dans son journal, ses cahiers, cahier vert, cahier rouge, tissus de vrai et de faux selon le destinataire du cahier: mari, Henry), qu’Henry est un faible, idem pour son père très dominateur et autoritaire.

Je ne sais pas comment caractériser cette femme, ni s’il le faut, laissons-là à sa complexité, à son ambigüité insondables, femme sans doute traumatisée petite fille par ce père la prenant en photo, nue, dans son bain et la caressant.

Les deux psychanalystes qu’elle séduit l’ont-elle aidée, l’un en la fouettant ou la fessant jusqu’au sang, l’autre en se faisant sucer ?

La fin est surprenante avec la découverte du cancer d’Anaïs, cancer de l’utérus ?, ignoré d’Henry mais non du mari.

Je ne regrette pas ma lecture mais pour en conclure que je ne me sens pas du tout de ce monde, de ces amants qui croient accéder à l’infini, vivre pleinement la vie par la pornographie perverse et la multiplicité des partenaires.

Ils ont osé, sans aller jusqu’à la mort par épectasse comme un président et un cardinal, sans aller jusqu’à la mise à mort comme dans Matador de Pedro Almodovar.

Parlant pour moi, j’ai dit oui à l’obscénité, oui à la pornographie, oui à l’érotisme, oui aux variations, dans l’intimité, dans un couple s’aimant et consentant. Ce fut je crois ce que nous avons vécu pendant 46 ans, l’épousée et moi, évoqué avec force entre Vita Nova et Lola, fille de joie dans Et ton livre d’éternité ? J’ai dit oui, je dis toujours oui.

Je me sentais plus d’affinités avec Emmanuelle Arsan et son érotisme. Bonheur et Bonheur 2.

Je renvoie à l’essai de Camille Moreau, publié à la Musardine Écrire, lire, jouir, quand le verbe se fait chair.

La vie la poésie
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Joseph Anton Salman Rushdie

Rédigé par grossel Publié dans #SEL, #agoras, #engagement, #essais, #notes de lecture, #écriture

 
Lus cet été à Corsavy
- Patries imaginaires de Salman Rushdie, chroniques, essais, discours des années 1980-1990 soit il y a presque 40 ans, articles écrits avant la fatwa de Khomeini du 14 février (Saint-Valentin) 1989 le condamnant à mort, et ayant engendré l'attentat du 12 août 2022...
articles qu'on peut lire dans le désordre; 
un régal; 
Rushdie est engagé, engagé comme écrivain, il se pense comme un écrivain de gauche, (laïque, pour la démocratie, le cosmopolitisme, les multitudes, contre le communalisme) créant, imaginant des univers dont thèmes, langues entrent en conflit avec les récits monolithiques politiques, religieux, historiques. Ses notes critiques sur pas mal d'écrivains sont passionnantes
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dans la foulée, j'ai pillé dans
- Les enfants de minuit, 1980; 
les enfants de minuit, c'est le roman échevelé des 1001 enfants nés à minuit, le 15 août 1947, nuit de l'indépendance de l'Inde; 
33 bocaux de chutney = 33 chapitres 
ça commence par le nez du grand-père dont Salman a hérité, truffe très vivante quand on le regarde lors d'un entretien; 
avec ce 1° roman, récompensé, Rushdie a usé de la voie du réalisme magique et comme Gabriel Garcia Marquez il cite Machado de Assis (1839-1908)
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il a su prendre son pif d'éléphant comme objet littéraire (Cyrano aussi mais c'est moins drôle) avec un feu d'artifice langagier qui ne se dément pas de tout le livre puisque c'est le pif qui guide aussi la fabrication des chutneys comme c'est le pif qui sert parfois à choisir
Rushdie, survivant de l'attentat au poignard par Hadi Matar le 12 août 2022, exécution de la fatwa, Hadi Matar plaide non-coupable
Rushdie, survivant de l'attentat au poignard par Hadi Matar le 12 août 2022, exécution de la fatwa, Hadi Matar plaide non-coupable
Rushdie, survivant de l'attentat au poignard par Hadi Matar le 12 août 2022, exécution de la fatwa, Hadi Matar plaide non-coupable

Rushdie, survivant de l'attentat au poignard par Hadi Matar le 12 août 2022, exécution de la fatwa, Hadi Matar plaide non-coupable

Extraits du livre de Salman Rushdie
Langages de vérité. Essais 2003-2017
traduits de l’anglais par Gérard Meudal
(Actes Sud, novembre 2022)
“La littérature n’a jamais perdu de vue ce que notre monde querelleur essaie de nous forcer à oublier. La littérature se réjouit des contradictions et dans nos romans et nos poèmes nous chantons notre complexité humaine, notre capacité à être simultanément à la fois oui et non, à la fois ceci et cela, sans en éprouver le moindre inconfort. L’équivalent arabe de la formule « il était une fois » est kan ma kan, que l’on peut traduire par « C’était ainsi, ce n’était pas ainsi ». Ce grand paradoxe se trouve au cœur de toute fiction. La fiction est précisément ce lieu où les choses peuvent être à la fois ainsi et pas ainsi, où il existe des mots dans lesquels on peut croire profondément tout en sachant qu’ils n’existent pas, n’ont jamais existé et n’existeront jamais. À cette époque où l’on vise à tout simplifier, cette magnifique complexité n’a jamais été plus importante. […] Nous vivons une époque où l’on nous somme de nous définir de plus en plus étroitement, de comprimer notre personnalité multidimensionnelle dans le corset d’une identité unique, qu’elle soit nationale, ethnique, tribale ou religieuse. J’en suis venu à me dire que c’était peut-être cela le mal dont découlent tous les maux de notre époque. Car lorsque nous succombons à ce rétrécissement, lorsque nous nous laissons simplifier pour devenir simplement des Serbes, des Croates, des Musulmans, des Hindous, alors il nous devient plus facile de voir en l’autre un ennemi, l’Autre de chacun de nous et tous les points cardinaux entrent alors en conflit, l’Est et l’Ouest se heurtent, ainsi que le Nord et le Sud.”
(extrait du chapitre “Eh bien, soit, je me contredis”)
***
“Nous nous croyions, ma génération, tolérants et progressistes, et nous vous laissons un monde intolérant et rétrograde. Mais le monde est un lieu plein de résilience et sa beauté est toujours époustouflante, son potentiel toujours étonnant ; quant à la pagaille que nous avons provoquée, vous pouvez y remédier et je pense que vous allez le faire. Je soupçonne que vous êtes meilleurs que nous, plus attentifs au sort de la planète, moins sectaires, plus tolérants, et vos idéaux pourraient bien résister mieux que les nôtres.
Ne vous y trompez pas. Vous pouvez changer les choses. Ne croyez pas ceux qui vous disent le contraire. Voici le moyen d’y arriver. Remettez tout en cause. Ne tenez rien pour acquis. Discutez toutes les idées reçues. Ne respectez pas ce qui ne mérite pas le respect. Donnez votre avis. Ne vous censurez pas. Servez-vous de votre imagination. Et proclamez ce qu’elle vous dit de proclamer.
Vous avez reçu ici tous les outils nécessaires grâce à votre éducation sur ce magnifique campus. Servez-vous-en. Ce sont les armes de l’esprit. Pensez par vous-mêmes et ne laissez pas votre esprit suivre des rails posés par quelqu’un d’autre. Nous sommes des animaux parlants. Nous sommes des animaux rêveurs. Rêvez, parlez, réinventez le monde.”
(extrait du discours prononcé par Salman Rushdie à l’adresse des étudiants lors de la cérémonie de remise des diplômes à l’Université d’Emory en 2015)
Joseph Anton 2012, Les versets sataniques 1988, Haroun et la mer des histoires 1990, Quichotte 2020
Joseph Anton 2012, Les versets sataniques 1988, Haroun et la mer des histoires 1990, Quichotte 2020
Joseph Anton 2012, Les versets sataniques 1988, Haroun et la mer des histoires 1990, Quichotte 2020
Joseph Anton 2012, Les versets sataniques 1988, Haroun et la mer des histoires 1990, Quichotte 2020

Joseph Anton 2012, Les versets sataniques 1988, Haroun et la mer des histoires 1990, Quichotte 2020

Quichotte : Inspiré par le classique de Cervantès, Sam DuChamp, modeste auteur de romans d’espionnage, crée Quichotte, un représentant de commerce à l’esprit nébuleux et raffiné, obsédé par la télévision, qui tombe éperdument amoureux de Miss Salma R., reine du petit écran. Flanqué de son fils (imaginaire) Sancho, Quichotte s’embarque dans une aventure picaresque à travers les États-Unis pour se montrer digne de sa dulcinée, bravant galamment les obstacles tragicomiques de l’ère du “Tout-Peut-Arriver”, cependant que son créateur, en pleine crise existentielle, affronte ses propres démons.

À la manière d’un Cervantès qui fit avec «Don Quichotte» la satire de la culture de son temps, Salman Rushdie, en prodigieux conteur, entraîne le lecteur dans un «road trip» échevelé à travers un pays au bord de l’effondrement moral et spirituel. Les vies de DuChamp et de Quichotte s’entremêlent dans une quête amoureuse profondément humaine et esquissent pour notre plus grand amusement le tableau d’une époque qui n’a de cesse de brouiller les frontières entre réalité et fiction.

Exubérant, drolatique et terriblement lucide, «Quichotte» est une bombe littéraire sur fond d’apocalypse.

septembre, 2020
14.50 x 24.00 cm
432 pages

Gérard MEUDAL

ISBN : 978-2-330-13942-1
Prix indicatif : 24.00€ 

 
Joseph Anton de Salman Rushdie (2012),
lecture commencée le 8 octobre 2022
découverte de Salman Rushdie ou à peu près;
tu t'es intéressé à lui au moment des Versets sataniques sans les lire, tu as soutenu ton fils soutenant Rushdie dès 1992 avec un texte Patries imaginaires, titre repris du recueil d'essais de Rushdie, tu as commencé Quichotte et c'est tout
la fiction ne t'était pas nécessaire; à la littérature, tu préférais les essais, la pensée philosophique à l'oeuvre (Marcel Conche par exemple)
un message sur FB, récent, t'a donné l'envie de lire Joseph Anton
 
Le Prologue : Le premier merle
tu es vite dans le bain de son réalisme magique
fatwa de Khomeini prononcée le 14 février 1989, un jour de saint Valentin
attentat au poignard par Hadi Matar le 12 août 2022, exécution de la fatwa, Hadi Matar plaide non-coupable
(le premier merle qui va devenir un fléau comme dans les oiseaux de Hitchcock, un premier oiseau puis des milliers qui depuis 40 ans humilient, battent à mort, violent, tuent femmes et filles d'Iran mais aussi opposants, résistants)
ce 14 février 1989, sortie de sa maison qu’il ne reverra plus, embarqué par une voiture de la BBC qui le sauve de la nuée-ruée paparazzi
assiste à la messe en souvenir de son ami Bruce Chatwin, mort le 18 janvier 1989 à Nice…
chapitre 1 : un pacte faustien à l'envers
13 ans, Salman convainc ses parents d'aller poursuivre ses études dans un collège anglais à Rugby; les mercredis après-midis sont consacrés au sport : coups, humiliations, bizutage; Salman va voir le directeur des études, en tant qu'issu d'un pays qui s'est libéré du joug britannique par la non-violence et la désobéissance civile, à minuit dans la nuit du 14 au 15 août 1947, je demande à être dispensé de ces pratiques; accordé; et Salman de passer ses mercredis en bibliothèque
entré à Kings'college à Cambridge en 1967, il choisit en option de sa licence d'histoire, un thème proposé pour la 1° fois : Mahomet, la montée de l'islam et le premier califat; il fut le seul à le choisir, l'enseignant responsable annula le cours, Salman exigea que le cours soit maintenu (c'était la règle), trouva le professeur qui le dirigerait et c'est ainsi que pendant 3 ans, il se coltina en athée passionné par la religion de sa famille à la Récitation reçue par Mahomet; il découvrit la double version (version angélique d'abord puis version satanique) de ce qui s'appelle les versets sataniques (sourate 53), pensa que cela ferait une bonne histoire, 20 ans après il écrivait Les versets sataniques et la fatwa fut prononcée peu après, le 14 février 1989
pourquoi Mahomet attribua-t-il dans un 2° temps, les versets incriminés au tentateur alors que dans leur version première, les déesses al-Lhat, al-Uzat et al-Manna étaient des oiseaux exaltés dont l'intercession était souhaitable ?
au retour d'un 2° séjour en montagne, il revint avec cette version : "connaissez-vous al-Lhat, al-Uzat et al-Manna; ce ne sont que des noms inventés par nos ancêtres et il n'y a en eux aucune vérité. Dieu aurait-il des filles tandis que vous avez des fils ? Ce serait un partage bien injuste"
il n'y a aucune explication historique à ce revirement, peut-être pour la 1° version, un compromis avec les familles au pouvoir à La Mecque profitant des offrandes des caravaniers aux 3 déesses alors que al-lah était trop généraliste, très peu populaire, peu sollicité...
Mahomet a préféré revoir sa copie et l'exilé, le persécuté a vu sa récitation se répandre vitesse grand V parmi les pauvres, les marginalisés...et triompher des marchands, païens polythéistes
on mesure où a conduit la disqualification des femmes (exaltées, folles) en terres d'islam
(en Europe aussi au temps de l'inquisition avec la chasse aux sorcières)
Joseph Anton de Salman Rushdie
le prologue a pour titre Le premier merle, tu ne le remarques pas, puis 2, 10, 100, 1000 et là tu te souviens du 1°, c'était le merle annonciateur du déferlement du fanatisme islamique-islamiste à partir de la fatwa du 14 février 1989
9 ans de planques (56 lieux à trouver, à sa charge), de protection policière (opérations du nettoyage à sec, bon pour écrire un polar ou un livre d'espionnage) jusqu'à l'arrangement entre l'Iran et la G.B. mais pour les fanatiques fanatiques, la fatwa existe toujours et le 12 août 2022, aux Etats-Unis, où il vit normalement, discrètement (à peu près, je suppose), l'attentat au poignard par un libanais américain Hadi Matar
les 9 ans de mort aux trousses auxquels il a été soumis ont provoqué des dizaines de morts et d'explosions dans le monde (librairies surtout), des autodafés de son livre, des manifestations particulièrement agressives avec mise au feu de son pantin...
Joseph Anton est le nom qu'il a fabriqué quand la police lui a demandé de s'invisibiliser d'après Conrad et Tchekhov
voici quelques moments de cette autobiographie, parue en 2012
page 240 "l'éclat du siècle des lumières est en train de s'éteindre dit un journaliste à Günter Grass, peut-être, répondit-il, mais il n'y en a pas d'autre"
moi - universalisme des lumières relativisme culturel : le débat est toujours très vif et nécessaire
page 312 sollicité par l'institut des arts contemporains pour s'exprimer, "il (il parle de lui, l'invisibilisé, à la 3° personne) sut immédiatement qu'il avait envie d'écrire sur l'iconoclasme, d'affirmer que, dans une société ouverte, aucune idée, aucune croyance ne pouvait être protégée, mise à l'abri des défis de toutes sortes, philosophiques, satiriques, profonds, superficiels, malicieux, irrévérencieux ou corrects. La liberté supposait avant tout que la possibilité du débat soit protégé. Le lieu même de la liberté, c'était le débat et non la solution du débat, la possibilité d'attaquer même les croyances les plus chères d'autrui; une société libre n'était pas placide mais turbulente. Le bazar des opinions conflictuelles était le lieu même de la liberté. Cette idée donnerait lieu à la conférence Qu'y a-t-il de sacré ?"
moi - la référence à une société ouverte me fait penser au livre en 2 volumes de Karl Popper La société ouverte et ses ennemis qui mériterait peut-être qu'on y retourne (avant Hannah Arendt, il analyse les sources du totalitarisme, Platon, Hegel, Marx avec pour celui-ci des aspects trouvant grâce aux yeux de Popper)
le récit de Joseph Anton, extrêmement précis, lieux, noms, dates, propos, mêlant grande et petites histoires, scènes de ménage, réconciliations, séparations et anecdotes (beaucoup avec les policiers) permet par exemple de voir comment en un an la vie de l'humanité engendre bas et hauts, horreurs et sursauts, avancées et reculs : fatwa, 14 février 1989, Tian'anmen, juin 1989, chute du mur de Berlin, nuit du 9 au 10 novembre 1989, libération de Mandela 11 février 1990
mais avant il y a Nouvel-An: il le passe chez Michael Herr (l'auteur de l'extraordinaire Putain de mort) et sa femme Valérie; tous deux s'appellent Jim
"Hey Jim ? Oui Jim bonne année Jim bonne année à toi aussi Jim je t'aime Jim moi aussi Jim.
1990 arriva dans un sourire en compagnie de Jim et Jim.
Et Marianne était là aussi. Oui, Marianne, aussi"
fin du chapitre 3 L'année zéro
chapitre 4 Le piège du désir d'être aimé
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en regardant l'entretien de 28' de 2016, j'ai vu un extrait de la comédie musicale sur les versets sataniques, jouée une fois seulement aux USA
je me demande sans doute inutilement quand des artistes se saisiront chez nous des Versets sataniques pour une interprétation décoiffante, pas décapitante ?
comme je me demande inutilement pourquoi, pas le Nobel de littérature en 2022 ?
l'année 1989 fut pour lui l'année de l'écriture de Haroun et la mer des histoires, écrite pour son fils de 9 ans; le déclic eut lieu quand il écrivit : "Il était une fois, dans le pays d'Alifbay, une ville triste, la plus triste des villes, une ville si épouvantablement triste qu'elle en avait oublié son propre nom. Elle se trouvait près d'une mer lugubre remplie de poissons-chagrin..."
texte écrit par Cyril Grosse, lecteur assidu de Rushdie, Joyce, Flaubert, Tolstoï, Shakespeare, Tchekhov, Céline, Hugo, Proust ...
texte écrit par Cyril Grosse, lecteur assidu de Rushdie, Joyce, Flaubert, Tolstoï, Shakespeare, Tchekhov, Céline, Hugo, Proust ...

texte écrit par Cyril Grosse, lecteur assidu de Rushdie, Joyce, Flaubert, Tolstoï, Shakespeare, Tchekhov, Céline, Hugo, Proust ...

en immersion dans Joseph Anton de Salman Rushdie
tu écris une histoire documentée et tu te retrouves sous le coup d'une fatwa le 14 février 1989 d'un ayatolla qui n'a ni vu ni lu ton roman
te voici désigné, accusé, montré du doigt, pleins feux sur toi
le terrorisme d'état iranien et islamique ne connaît pas les frontières
t'es obligé de te mettre à l'ombre, de t'enfermer de cache en cache, dans l'incapacité de prendre la parole, de te défendre;
tu dépends d'un service de sécurité, de la solidarité de tes amis, de la versatilité de tout un tas de faux amis, de la duplicité des gouvernements dont le décisif gouvernement britannique; tu découvres les retournements de veste, les manquements à la parole; tu suis les tentatives de négociations pour lever la fatwa, confirmée année après année avec augmentation de la prime promise aux tueurs
et tu fais l'erreur de te compromettre dans une déclaration "De bonne foi" parce que tu es tombé dans le piège du désir d'être aimé (chapitre IV)
l'avenir n'est plus ce qu'il était (chapitre V)
au fond du puits, tu comprends que "le compromis détruisait celui qui l'acceptait sans pour autant calmer l'adversaire sans concession. On ne devenait pas un merle en se peignant les ailes en noir mais une mouette mazoutée qui ne pouvait plus voler." page 502
tu ne peux que remonter ou t'effondrer, remonter (apparitions publiques très sécurisées, millimétrées, chronométrées) et parfois sombrer (à la maison, mauvaise humeur, déprime, boisson)
chapitre VI Pourquoi il est impossible de photographier la pampa, Joseph Anton décide de redevenir progressivement, en fonction des évolutions, des autorisations, des refus, des invitations, le romancier Salman Rushdie, un inventeur d'histoires et de poser la question Qui doit contrôler le récit ?
"dans son Aeropagitica, Milton chantait contre les oiseaux criards - celui qui détruit un bon livre tue la raison elle-même...donne-moi la liberté de savoir, de proférer, de débattre librement, selon ma conscience, au-dessus de toute autre liberté -"
et la réponse te paraît évidente : chacun doit être libre d'écrire, réécrire toutes les histoires car tout est histoire, récit, la nation est une histoire, la famille est une histoire, la religion est une histoire et chacun vit dans ces histoires et dans ces grands mythes et chacun doit être libre de prendre à partie ces récits, de les remettre en cause pour les obliger à changer et à s'adapter aux changements de l'époque, "notre capacité à redéfinir et à refaire l'histoire de notre culture est la meilleure preuve que notre société est libre. Dans une société libre, la mise en cause des grands récits est permanente. Et c'est cette discussion qui est la liberté." page 529
coincé de toutes parts alors que déjà des centaines de morts sont à déplorer, que faire ?
"il faut être sur tous les quais pour être là quand le train arrive mais certains quais n'avaient même plus de rails devant eux; c'était juste des endroits où rester debout." page 516
convaincu que la question de la liberté d'expression est centrale pour qu'une société soit ouverte, vivante, (je renvoie à Karl Popper La société ouverte et ses ennemis), Salman Rushdie va entreprendre "son long parcours à travers les couloirs du monde entier... et ainsi après avoir provoqué du désordre, il s'opposait au désordre qui s'en était suivi et demandait aux grands de ce monde de défendre son droit à être un fauteur de troubles... car quelque chose de nouveau était en train de se produire, la montée d'une nouvelle intolérance. Elle se répandait à la surface de la terre et personne ne voulait en convenir. Un nouveau mot avait été inventé pour permettre aux aveugles de rester aveugles : l'islamophobie... le puritanisme c'est la peur terrible que quelqu'un quelque part puisse être heureux... le véritable ennemi de ce nouvel islam n'était autre que le bonheur lui-même pages 506-508
sortir de tes caches-cachots pour des lieux publics, symboliques, c'est vivre des moments invraisemblables, par où et comment le service de sécurité te sort de la cache, par où te fait-il rentrer dans le lieu symbolique (jamais par la porte principale ouverte à tous, parfois par le vide-ordure), à quel moment tu apparais, pour l'intervention terminée, disparaître à nouveau
le moins que je puisse relever c'est l'incroyable pugnacité de Salman Rushdie, apprenant que "les idées fortes accueillaient volontiers les opinions contraires. Celui qui lutte contre nous renforce notre résistance et accroit notre habileté. Notre adversaire nous rend service."
et plus loin de critiquer le relativisme culturel, de défendre l'universalisme de certaines valeurs, le multiculturalisme comme certaines sociétés ont su le vivre
Joseph Anton, qui raconte la période vécue par Salman Rushdie, au coeur d'une tourmente d'intolérance qui va du 14 février 1989 aux attentats du 11 septembre 2001, est un livre magistral et d'une actualité toujours aussi brûlante
voir les procès qui s'enchaînent sur les attentats terroristes islamiques en France, à Paris, Toulouse, Nice et autres villes, églises, villages;
voir la féroce répression meurtrière des mollahs et "gardiens de la révolution" contre ce qui est peut-être l'irrésistible révolution des femmes iraniennes soutenues par de nombreux hommes réclamant la vie et la liberté;
à l'intolérance meurtrière et mortifère islamique, d'abord appliquée contre les femmes de ces pays "religieux"
il faut aujourd'hui ajouter la nouvelle intolérance que constitue le déferlement de la religion woke venue des Etats-Unis, effet boomerang du succès de la French theory des années 70, religion pas encore meurtrière mais ça peut venir
sans oublier l'intolérance des vieux totalitarismes du XX° siècle, fascisme et soviétisme, reconfigurés
et les ingérences-interventions planétaires de l'impérialisme américain (le plus agressif des impérialismes depuis plus d'un siècle) sous l'habile déguisement des droits de l'homme et de la démocratie.
Ne pas être dans le rejet, mais dans le combat par le débat. Entendre les arguments souvent fallacieux style novlangue, inversion de la réalité, les démonter, ridiculiser, moquer et être ferme sur les principes universels, s'il y en a (pensons à l'héritage à contre-temps de Lévi-Strauss). Cela ne convaincra pas les fanatiques. Seuls les rapports de forces économiques, politiques, juridiques... décideront des issues des confrontations
Bref, "il n'y aura jamais assez de larmes pour que le monde change." Godard
Il change pourtant, très vite et nous sommes paumés, tentés par la frilosité, menés par les peurs.
une telle note de lecture (sur Le cartographe de l'absence de Mia Couto) résonne pour moi particulièrement avec le Joseph Anton de Salman Rushdie, contextes différents mais même interrogation pourquoi écrire des histoires ?
dans le chapitre VII une cargaison de fumier, je retiens quelques citations :
"la politique mondiale, le grand jeu malpropre, finissait toujours par se retrouver dans cette demeure relativement petite où un gros homme rose dans un bureau ovale tranchait à coups d'affirmations et de négations en dépit du bavardage assourdissant de ses conseillers qui ne cessaient de l'assommer avec leurs "peut-être".
"il s'obligeait à repenser aux règles les plus importantes qu'il s'était lui-même fixées. Ne jamais accepter la description de la réalité que donnaient les responsables de la sécurité, les hommes politiques et les prêtres. Insister au contraire sur la valeur de ses propres jugements et de son instinct.
Il était peut-être un "mort en sursis"... mais lui aussi referait le voyage depuis Le Livre des morts vers "l'éblouissant livre de la vie".
et page 611, je vous laisse découvrir sa déclaration quand il est élu président du Parlement international des écrivains à Strasbourg en 1994, déclaration insistant sur le territoire des langues et des littératures, infiniment plus vaste, plus imaginatif, plus créatif que toute puissance terrestre politique, économique, militaire, déclaration qui fut à l'origine de l'idée réalisée des villes-refuges (une trentaine de par le monde) pour les écrivains pourchassés, exilés ... les maires des villes pouvant plus aisément que les gouvernements pris la main dans le sac entre défense d'un principe et accords commerciaux, mettre à disposition un logement et une bourse

lecture des 915 pages achevée le mardi 8 novembre 2022 (1 mois)

pour des lecteurs entre 50 et 90 ans, ce livre citant lieux, noms avec précision renvoie à beaucoup de noms et de lieux connus; nous sommes à peu près en territoire connu surtout en ce qui concerne les hommes et milieux politiques sauf que nous entrons dans le coeur des pouvoirs; peu d'hommes d'affaires dans cette auto-biographie, sauf des éditeurs, distributeurs, beaucoup d'hommes de l'ombre des services secrets, des services de police, des hommes publics en vue mais vus dans une relative intimité, des portraits au vitriol ou comiques; Derrida, Chirac, Balladur, sauf Mitterrand, sans oublier Clinton, Thatcher, Blair (sa lettre à Tony Blair après sa réception à Chequers est d'une insolence particulièrement bien tournée, pages 780-783); on fait  le tour du monde des capitales européennes, américaines du sud et du nord, d'Afrique du Sud, d'Australie, en Inde à la fin où il revient; on est même invité par le comité Nobel (1992, pages 528-530) qui n'a toujours pas en 2022 attribué le Nobel à Rushdie, on déjeune avec les Nobels et on emporte la pièce d'or servant à payer le repas; on montre de quoi on est capable pour obtenir gain de cause contre les "pontes" du secret et de la sécurité

si vous faites cela, vous n'aurez pas le beau rôle lui dit-on mais vous savez vous non plus;  si vous laissez la lecture avoir lieu, aucun de nous deux ne perd la face, si vous l'interdisez, nous la perdons tous les deux, à vous de choisir

et la lecture est autorisée; il se comporte comme L'Innommable à la Beckett : je ne peux pas continuer, je continue

son désir et sa volonté de retrouver une vie libre, libérée des contraintes et consignes, des autorisations et interdictions, de cache en cache en passant à l'offensive par l'écriture, c'est-à-dire la liberté d'expression, d'imagination en acte (par exemple l'écriture en état d'anticipation de Furie qui sort le 11 septembre 2001) donc par l'édition, donc par la promotion, les lectures publiques et non par la défense abstraite de l'idée de la liberté d'expression, finissent par progressivement porter leurs fruits, cela avec beaucoup d'argent en jeu (les caches sont à ses frais, les déplacements aériens sécurisés donc privés aussi); on comprend  qu'au contrat dont il est l'objet, il répond par des exigences contractuelles envers ses éditeurs et diffuseurs (il lui faudra 5 ans pour obtenir la parution en poche de l'édition anglaise des Versets sataniques);

se libérer, se montrer c'est aussi en montrant qu'il n'a pas peur, inciter chacun à ne pas avoir peur, à vivre malgré tout comme on a envie de vivre; vous ne m'aurez pas à la peur; vous ne m'aurez pas à la haine; vous n'aurez pas ma haine

ou dit autrement, en me montrant comme écrivain face à mon public, je réfute en acte la posture de victime d'une fatwa pour les laïcs, la posture de blasphémateur d'une religion pour les fanatiques, deux impostures qui me sont imposées, l'une devant pourtant combattre l'autre

il apprend à travers des vacances régulières et déplacements non sécurisés aux USA, à apprécier ce pays et décide de s'y installer tout en conservant un pied à terre en Angleterre

cette période de 1989 à 1998 puis 2001 est bien sûr chaotique du point de vue personnel, affectif, sentimental mais en sachant que "le bonheur s'écrit à l'encre blanche sur des pages blanches" Montherlant

c'est la séparation et le divorce avec Marianne, la rencontre d'Elizabeth, la naissance de son second fils, Milan, leur mariage, les hauts et bas de leur histoire (elle veut rester en Angleterre, il veut vivre aux Etats-Unis), leur divorce difficile, leur réconciliation ensuite et l'amitié durable, le souci de l'éducation de son premier fils, Zafar, qu'il a eu avec Clarissa,  et qui perd sa mère d'un cancer en très peu de temps, l'aventure d'une nuit avec Caroline L. (elle est nommée, je ne le révèle pas), la rencontre avec L'Illusion au pied de la statue de la Liberté lors d'une fête somptueuse donnée par Harvey Weinstein (je vous laisse le soin de faire le people sur internet) et la vie avec L'Illusion dont il se séparera au bout de 3 ou 4 ans

cette autobiographie publiée en 2012 lui a permis de tourner la page de ces 10 ans, elle n'a pas empêché un fanatique de le poignarder en août 2022, il a perdu un oeil et l'usage d'une main (révélations datant d'octobre 2022) sans connaissance encore des séquelles des autres blessures, il se remet doucement dans le plus grand secret

il a eu le temps de faire paraître un ensemble d'essais Langages de vérité, chez Actes-Sud, le 2 novembre 2022, jour des défunts

en conclusion, je suis très content d'avoir renoué avec la fiction, ici l'auto-fiction

j'ai senti plus d'une affinité entre Joseph Anton et mon propre récit Et ton livre d'éternité ? alors que ma méconnaissance de Rushdie était quasi-totale

vies et mondes parallèles par exemple, pages non paginées 

ou le récit pages 315-338 : 

11 septembre 2001 / Frappe au Cœur du Monde / Le tayrorisme 

une différence notoire, tout de même; Rushdie traite tous les gourous indiens de charlatans (évidemment il ne cite personne, sinon, il se ridiculiserait : Tagore, Krishamurti, Ramana Maharshi, Sadhguru, Gandhi, Deepak Chopra, Eckart Tolle, Bruce Lipton...);

ce n'est pas mon cas; depuis 2019 j'ai lu énormément, suivi des master-classes mais avant j'avais déjà de l'intérêt sans que j'y attache d'importance (Krishnamurti lu très jeune, yoga, qi jong)

lui crée des passerelles entre modes très anciens de narration et monde moderne allant de plus en plus vite (si internet avait existé en 1989, la fatwa aurait provoqué un raz de marée, le basculement eut lieu en 2001; Google est créé en 1998) mais il n'y a pas eu chez lui le signal d'un éveil spirituel

il a formidablement géré sa situation d'exilé, de séquestré, en y intégrant les siens, ses proches, avec rigueur, droiture, honnêteté, humour mais son logiciel reste un logiciel de dualité;  même s'il refuse de décréter ceci c'est le bien, cela c'est le mal, ses valeurs, ses principes, universalistes, humanistes sont valeurs et principes d'une aire civilisationnelle s'étant imposée au reste du monde et de plus en plus massivement contestée, doublement contestée (par d'autres puissances, empires et par l'éveil spirituel, la métamorphose intime de plus en plus de gens)

la dimension spirituelle c'est la découverte et la pratique du travail sur soi, d'accueil de tout ce qui nous habite ombres (avec la lumière de l'outre-noir offerte à Pierre Soulages, et celle renvoyée par les trous noirs) et lumières (voir en infra-rouge et en vision normale, infra-rouge pour les guerriers, normale pour les normaux plutôt aveugles, aveuglés, voir en myope ou en presbyte, voir en regard éloigné ou en regard d'actualité...), de tout ce qui nous traverse (nous sommes des passants et des passeurs de ce qui nous dépasse, ne serait-ce que ce que nous appelons le temps : c'est quoi vivre son temps, vivre contre son temps, vivre l'impossible aujourd'hui ?) et le remplacement du vide incréé dont il parle une fois page 722 par le vide créateur, la transformation de la dualité (même sous le nom de l'unité des contraires héraclitéenne) en expérience de la non-séparation, de l'intrication, de l'effet papillon, de la masse critique faisant passer de la chenille urticante au papillon), expérience de l'Unité, du Un, du Soi

c'est à 80 ans que "ma" métamorphose a eu lieu, il en a 75, il a encore le temps, je le lui souhaite

dernière remarque et pas des moindres: le vide de l'incréé; il évoque la naissance de Milan, son deuxième fils; Elisabeth est atteinte de translocation chromosomique; bonheur, la première grossesse est viable (le hasard, une chance sur deux), voilà une façon très matérialiste de parler, réductrice,  scientiste; elle veut plusieurs enfants, deuxième grossesse, échec, fausse couche; elle renonce, il n'y aura que Milan

autre façon de faire récit, créant une autre réalité : et si la Vie - on peut dire aussi l'Amour - force cosmique -, si une âme en attente, avait choisi de s'incarner en Milan qui rendra l'âme hors, l'âme or quand sa mission de vie sera terminée 

 

une citation d'Albert Camus et deux autres d'Eckhart Tolle
1- Quoi que nous fassions, la démesure gardera toujours sa place dans le coeur de l'homme, à l'endroit de la solitude. Nous portons tous en nous nos bagnes, nos crimes et nos ravages. Mais notre tâche n'est pas de les déchaîner à travers le monde; elle est de les combattre en nous-mêmes et dans les autres. 
2- Les conflits dans le monde sont le miroir de nos conflits intérieurs non résolus.
Eckhart Tolle :
Au lieu de se demander « qu’est-ce que je veux de la vie ? », une question plus puissante est : « qu’est-ce que la vie veut de moi ? »
Rushdie parle de bonheur, il voit bien que ce sont de petits moments, de rares moments, et dont le prix est dans la réponse à la question : "jusqu'à quelle cruauté était-il prêt à aller pour poursuivre son bonheur personnel ?" page 850
page 644, il écrit : "la vie humaine prenait rarement une forme logique, elle n'avait de sens que par moments, ses maladresses étaient la conséquence inévitable de la victoire du fond sur la forme, du quoi et du quand sur le pourquoi et le comment."
pour que l'inverse prenne forme, pour que pourquoi et comment soient plus puissants que quoi et quand, il faut renoncer à une vision de la vie selon le hasard, les aléas de l'existence
on va du miracle de la naissance au mystère de la mort au travers d'épreuves nécessaires pour que nous puissions nous libérer de schémas répétitifs acquis dès avant la naissance et venus d'héritages familiaux, sociaux, civilisationnels qui nous font agir en état d'hypnose individuellement et collectivement au prix de grandes violences, de morts par millions (pensons aux deux guerres mondiales du XX° siècle)
page 841, il en a conscience en écrivant : "le schéma de sa vie amoureuse continuait à se répéter." mais il ne va pas plus loin
j'ai tenté après le livre d'éternité de faire le point dans le carnet l'amour de la vie
 
 

extrait  de Et ton livre d'éternité ? de JC Grosse et Vita Nova

pages 237 à 240 

*** note d’un chercheur :

chercheur en cherchologie, qu’est-ce ? Il s’agit d’un discours et d’une pratique visant à valider le travail du chercheur. Le travail du chercheur peut porter sur lui, il cherche le sens de la vie, le sens de la mort, il cherche le bonheur, il cherche des pièces de monnaie dans le sable, il cherche le graal, il cherche à se résilier, à se détruire, à se réaliser, à s’élever, à faire chier le monde, à dominer. Tout existe, vertus, vices, perversions, variétés des positions, des pratiques de n’importe quoi. Tout existe en nombre indéfini, incommensurable mais fini. L’infini n’est ni pour l’univers ni pour la terre ni pour la connerie. L’infini c’est la matrice qui engendre le fini. Nous sommes êtres finis, êtres de finitude, êtres de finité.

Le chercheur peut être humble dans sa cherche, il peut être hubrique, lubrique, brique. Bref, chaque chercheur est unique et sa cherchologie lui est personnelle, n’est nullement scientifique, objective. L’objet de sa cherche peut lui être extérieur, curieux qu’il est du monde, de tel ou tel illustre personnage, de telle ou telle belle anonyme.

Je suis donc chercheur en révélations sur Celui qui parfois se fait appeler Lui, qui parfois dit Je, hyérosolymitain d’Avers sous les eaux depuis le Déluge, d’Avers sur les eaux et de Corps Ça Vit, celui qu’on appelle communément J.C.

Pourquoi m’a-t-il tapé sur le système sympathique, celui du stress et des sentiments négatifs ? Parce que je sens dans sa volonté d’invisibilité, dans sa pratique du bénévolat un insatiable désir de reconnaissance faciale par les caméras urbaines installées dans le village qu’il prétend aimer.

Une étudiante en cherchologie, dents longues, se demande si j’ai des informations sur ce qui a poussé Lui-Je à écrire ces romans. La cherchologie ne peut exister que par l’existence de traces. Tout laisse trace et comme le passé ne s’efface pas, il est possible de retrouver des traces de tout ce qu’a vécu un vivant, traces matérielles mineures, genre déchets, rebuts, traces matérielles majeures, genre monuments, œuvres. C’est par l’interprétation subjective de ces traces matérielles qu’éventuellement on approche de l’âme : la sienne ou celle de l’ autre. Evidemment, faire parler les traces, c’est les faire parler au présent et du point de vue du chercheur. Aucun chercheur ne fait parler les traces en vérité. Tout chercheur falsifie donc en fonction de ses orientations conscientes et inconscientes. Il s’agit d’une pratique généralisée de la projection. Les chercheurs n’élaborent aucun savoir. Le travail d’un chercheur ne vaut que pour lui.

J’ai effectivement essayé de savoir ce qui avait conduit Lui-Je à écrire ce roman (fresque, épopée ?). J’ai découvert qu’il a suivi douze leçons gratuites de contentologie, douze leçons offertes par un contentologue sur comment écrire un roman. La contentologie c’est l’art d’être content par l’écriture. C’est aussi l’art de se contenter de ce qu’on est, de ce qu’on a, l’art donc de se résilier selon le neuro-psychiatre bienveillant, résilient et résistant des hauts-plateaux, Boris Cyrus de Niq.

Je soupçonne Lui-Je de se faire une cure de contentologie.

J’espère pour toi, lectrice, lecteur, étudiante en cherchologie que vous n’abandonnerez pas vos lectures après ces révélations.

Avouons-le : le roman de Lui-Je est particulièrement chaotique. Mais qu’à cela ne tienne, du chaos peut naître un nouvel ordre. Un ordre ancien s’effondre (ça dure, ça dure), chaos, un ordre nouveau émerge (ça dure, ça dure). Personne ne peut prédire la durée et les formes d’un effondrement, la durée d’un basculement et les formes d’une émergence. Personne, nihistorien, ni philosophe pré-socratique, ni scientifique nobélisé ne peut dire si ordre-chaos-ordre, c’est un cycle ou si c’est aléatoire, stochastique...

On peut dire que chaque chercheur trouvera dans ce roman ce qu’il y mettra.

Les rubriques de Sa vie antérieure se présentent selon un ordre chronologique concernant soit des périodes soit des événements. C’est un choix classique de construire sa vie antérieure, sa biographie, de façon chronologique. Sauf que Sa vie antérieure est une chronologie particulièrement trouée ou mitée. Aucune volonté de faire de sa vie antérieure, un tout, cohérent ou expression des hasards de sa vie. Sa vie antérieure par ses dites et redites semble moins le récit objectif (impossible, tout récit de vie étant une fiction, biographie fictionnelle ou fiction biographique) de sa vie que le miroir que se tend Je-Lui pour rendre sensible, perceptible son incommensurable commerie.

En montrant l’insistance dans ses « analyses » du monde, des bruits du monde à tel ou tel moment, des sempiternels lieux communs perroquetés cacatoétés par tout un chacun, croyant émettre une « analyse » personnelle, ne cherche-t-il pas à disqualifier l’indéfini bavardage commentant l’actualité.

On parle, on commente, on se croit personnel, original, on perroquette, on cacatoète.

Silence donc sur les bruits du monde. Parasitage universel, global dont les fonctions et effets sont la commerie, cette aptitude à faire comme, en croyant être singulier.
Sa vie antérieure est donc peut-être ce qui a permis à Lui-Je de se retourner, de retourner son regard vers l’intérieur, vers lui, vers qui suis-je ? Son nombril dit sa fille qui l’adore. De gagner en liberté intérieure en renonçant à toute « analyse », à toute « action » sur le monde. De renoncer par le silence au pouvoir dérisoire du faire et de gagner à être qui Je Suis. Cette libération du perroquetage, cacatoétage lui a demandé 60 ans.

Sa découverte récente de l’hypnose quantique (au sens de préfères-tu l’état ou le mouvement, la fixité ou la fluidité) lui a donné un outil fabuleux pour se reprogrammer. Tu es en colère contre le gouvernement. Tu ressens cette colère. Qui ne changera rien à l’état du monde et te rongera le foie. Hop, un pas de côté : Je suis en colère ou pas. Alors un deuxième pas. Je suis en colère ou pas. Ou pas. Tu sais plus dans quel état t’es. Ta colère s’est dissoute. T’es dans la mouvance de la vie, dans l’impermanence de tout « état ».

Il a même perfectionné l’outil. En changeant le temps du verbe. Je suis en colère, j’étais en colère, je serai en colère ou pas. Ou pas. En dansant le tango, il obtient des résultats pareils : ne pas rester dans un état morbide, une émotion négative, un sentiment paralysant. Pas de médoc.

De l’auto-suggestion, de la méthode Coué ridiculisée par le grand nombre mais si efficace quand on sait s’en servir pour prendre de la distance par rapport à soi comme et se trouver soi-s’aime.

*** note de l’auteur : la note du chercheur a été écrite alors que je n’avais pas encore décidé de la forme à donner à Sa vie antérieure. Le matériau était là. Me manquait la forme. C’est en lisant qu’on devient liseron. C’est en lisant les lignes suivantes que j’ai opté pour vies parallèles.

Les vies que nous n’avons pas vécues, les êtres que nous n’avons pas aimés, les livres que nous n’avons pas lus ou écrits, ne sont pas absents de nos existences. Ils ne cessent au contraire de les hanter, avec d’autant plus de force que, loin d’être de simples songes comme le croient les esprits rationalistes, ils disposent d’une forme de réalité, dont la douceur ou la violence nous submerge dans les heures douloureuses où nous traverse la pensée de tout ce que nous aurions pu devenir. Pierre Bayard, Il existe d’autres mondes. (Les Éditions de Minuit, 2014)

La physique quantique en révélant l’intrication, la superposition d’états des particules dont nous sommes composées nous invite à prendre en considération cette dimension d’états indéterminés, existant potentiellement et dont un devient réel par le simple fait de la présence d’un observateur. Je suis donc observateur et co-créateur des univers que j’observe et crée. Dans le même temps, les autres univers, les univers potentiels ne sont pas abolisbibelots.

À lire : La Théorie quantique (paru fin mai 2021) de John Polkinghome, physicien théoricien de Cambridge et père anglican. « J’ai personnellement appris la mécanique quantique directement de la bouche du cheval, de la source, de Paul Dirac qui l’enseigna 30 ans durant à Cambridge. Dirac prit un morceau de craie, le brisa en deux, plaça un des fragments d’un côté du pupitre, l’autre de l’autre côté. Dirac dit alors que pour la physique classique, il y a un état où le morceau de craie est « ici » et un état où le morcaeu de craie est « là ». Ce sont les deux seules possibilités. Si on remplace le morceau de craie par un électron dans le monde quantique, il n’y a pas seulement des états « ici » et « là » mais aussi toute une série d’autres états qui sont des mélanges d’un peu de ces possibilités, un peu d’ « ici », un peu de « là » qui s’ajoutent alors que dans la physique classique, ces deux états s’excluent mutuellement. Cette nouvelle possibilité est appelée le principe de superposition. » p.34

Furie sorti le 11 septembre 2001 qui sera lu comme le New York du 10 septembre, avant le basculement du monde; le livre dont Rushdie est le plus content, parce que le plus surréaliste avec mondes parallèles... c'est Deux ans, huit mois et vingt huit nuits
Furie sorti le 11 septembre 2001 qui sera lu comme le New York du 10 septembre, avant le basculement du monde; le livre dont Rushdie est le plus content, parce que le plus surréaliste avec mondes parallèles... c'est Deux ans, huit mois et vingt huit nuits
Furie sorti le 11 septembre 2001 qui sera lu comme le New York du 10 septembre, avant le basculement du monde; le livre dont Rushdie est le plus content, parce que le plus surréaliste avec mondes parallèles... c'est Deux ans, huit mois et vingt huit nuits
Furie sorti le 11 septembre 2001 qui sera lu comme le New York du 10 septembre, avant le basculement du monde; le livre dont Rushdie est le plus content, parce que le plus surréaliste avec mondes parallèles... c'est Deux ans, huit mois et vingt huit nuits

Furie sorti le 11 septembre 2001 qui sera lu comme le New York du 10 septembre, avant le basculement du monde; le livre dont Rushdie est le plus content, parce que le plus surréaliste avec mondes parallèles... c'est Deux ans, huit mois et vingt huit nuits

La furie s'est emparée du monde, de New York, du professeur Malik Solanka. Ce dernier a fui l'Angleterre, laissant derrière lui une femme et un enfant, et s'est établi à Manhattan pour « se déprendre et se refaire » . Mais recommencer de zéro est tout un art quand on est poursuivi par des spectres, des furies, des souvenirs. Délaissant l'histoire des idées qu'il enseignait dans le Vieux Monde pour la fabrication d'étranges poupées pensantes aussitôt médiatisées, Solanka découvre que d'autres poupées, de sang et de chair celles-ci, subissent la colère d'un mystérieux assassin, le Tueur au panama. Gravitant autour du Professeur, des femmes aussi ingénieuses que belles vont tenter de sauver Solanka de cette furie qui le dévore de l'intérieur : la mystérieuse Mila et ses jeux érotiques à la limite du pervers, et la somptueuse Neela, la plus belle femme du monde, qui se sacrifiera au bout de la planète pour que Solanka puisse retourner chez lui.

Quand il advient – tous les quelques siècles – que se brisent les sceaux cosmiques, le monde des jinns et celui des hommes entrent momentanément en contact. Venue une première fois sur terre au xiie siècle, Dunia s’est éprise d’Ibn Rushd (alias Averroès), auquel elle a donné une innombrable descendance dotée de l’ADN des jinns. Lors de son second voyage, neuf siècles plus tard, les jinns obscurs ont décidé d’asservir la terre. Pour assurer la victoire de la lumière sur l’ombre, Dunia s’adjoint le concours de quatre de ses rejetons et réactive leurs pouvoirs magiques afin que, pendant mille et une nuits (soit : deux ans, huit mois et vingt-huit nuits), ils l’aident à affronter un ennemi répandant les fléaux du fanatisme, de la corruption, du terrorisme et du dérèglement climatique…
Inspiré par une tradition narrative deux fois millénaire qu’il conjugue avec la modernité esthétique la plus inventive, Salman Rushdie donne ici une fiction époustouflante et saisissante d’actualité.

Langages de vérité : Dans ce recueil d’essais, articles et autres discours écrits sur une période de dix-sept ans, Salman Rushdie se fait historien, conteur, ami et critique de ses auteurs favoris, mais aussi guide pour écrivain en herbe. Ainsi navigue-t-il entre origine des contes et de la littérature, cours magistral d’écriture, anecdotes sur l’évolution d’une œuvre à travers les âges ou sur les liens entre tel et tel auteur, et analyse de ses propres romans. *Langages de vérité* jette une lueur sur “l’atelier poétique” de l’auteur, sublime caverne d’Ali-Baba. Réunis pour la première fois, ces textes entonnent un puissant hymne à la création et à la liberté de créer, dans un monde où la liberté d’être soi-même (quoi que cela recouvre) est de plus en plus menacée.

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