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Blog de Jean-Claude Grosse

pour toujours

Le poème de ceux qui partent

Rédigé par grossel Publié dans #pour toujours, #poésie

Tu sais, je t'entends, je ne suis pas loin, je suis là, juste de l’autre coté. Ainsi parlent Michel, Cyril, Annie, Mamie Guiguite, Papi Jean, le Père, maman.
Tu sais, je t'entends, je ne suis pas loin, je suis là, juste de l’autre coté. Ainsi parlent Michel, Cyril, Annie, Mamie Guiguite, Papi Jean, le Père, maman.
Tu sais, je t'entends, je ne suis pas loin, je suis là, juste de l’autre coté. Ainsi parlent Michel, Cyril, Annie, Mamie Guiguite, Papi Jean, le Père, maman.
Tu sais, je t'entends, je ne suis pas loin, je suis là, juste de l’autre coté. Ainsi parlent Michel, Cyril, Annie, Mamie Guiguite, Papi Jean, le Père, maman.
Tu sais, je t'entends, je ne suis pas loin, je suis là, juste de l’autre coté. Ainsi parlent Michel, Cyril, Annie, Mamie Guiguite, Papi Jean, le Père, maman.
Tu sais, je t'entends, je ne suis pas loin, je suis là, juste de l’autre coté. Ainsi parlent Michel, Cyril, Annie, Mamie Guiguite, Papi Jean, le Père, maman.
Tu sais, je t'entends, je ne suis pas loin, je suis là, juste de l’autre coté. Ainsi parlent Michel, Cyril, Annie, Mamie Guiguite, Papi Jean, le Père, maman.
Tu sais, je t'entends, je ne suis pas loin, je suis là, juste de l’autre coté. Ainsi parlent Michel, Cyril, Annie, Mamie Guiguite, Papi Jean, le Père, maman.

Tu sais, je t'entends, je ne suis pas loin, je suis là, juste de l’autre coté. Ainsi parlent Michel, Cyril, Annie, Mamie Guiguite, Papi Jean, le Père, maman.

Ne reste pas là à pleurer devant ma tombe. Je n'y suis pas, je n'y dors pas... Je suis le vent qui souffle dans les arbres. Je suis le scintillement du diamant sur la neige. Je suis la lumière du soleil sur le grain mûr. Je suis la douce pluie d'automne... Quand tu t'éveilles dans le calme du matin Je suis l'envol de ces oiseaux silencieux Qui tournoient dans le ciel... Alors ne reste pas là à te lamenter devant ma tombe Je n'y suis pas, je ne suis pas mort ! Pourquoi serais-je hors de ta vie simplement Parce que je suis hors de ta vue ? La mort tu sais, ce n'est rien du tout. Je suis juste passé de l’autre côté. Je suis moi et tu es toi. Quelque soit ce que nous étions l'un pour l'autre avant, Nous le resterons toujours. Pour parler de moi, utilise le prénom avec lequel tu m'as toujours appelé. Parle de moi simplement comme tu l'as toujours fait. Ne change pas de ton, ne prends pas un air grave et triste. Ris comme avant aux blagues qu'ensemble nous apprécions tant. Joue, souris, pense à moi, vis pour moi et avec moi. Laisse mon prénom être le chant réconfortant qu'il a toujours été. Prononce-le avec simplicité et naturel, sans aucune marque de regret. La vie signifie tout ce qu'elle a toujours signifié. Tout est toujours pareil, elle continue, le fil n’est pas rompu. Qu'est-ce que la mort sinon un passage ? Relativise et laisse couler toutes les agressions de la vie, Pense et parle toujours de moi autour de toi et tu verras, tout ira bien. Tu sais, je t'entends, je ne suis pas loin, je suis là, juste de l’autre coté

poème de Mary Elizabeth Frye (1932)

 

Quand je meurs : Poème de Rûmi (1207-1273)

Quand au jour de ma mort on apportera ma bière (cercueil),

Ne va pas t'imaginer que je pleure sur ce monde.

Ne t'afflige pas pour moi, ne dis pas : " Malheur, malheur ! "

Tu tomberais dans le piège du démon, cela, c'est le malheur.

Quand tu verras mon cadavre, ne t'écrie pas : " Parti, parti ! "

L'union et la rencontre seront miennes à prises.

Quand tu me confieras à la tombe, ne dis pas : " Adieu, adieu ! "

Car la tombe est un voile cachant l'assemblée du Paradis.

Après avoir vu la descente, contemple l'ascension.

Pourquoi le coucher de la lune et du soleil leur causerait- il du tort ?

Ce qui te parait un coucher en réalité est une aurore.

Bien que la tombe te semble une prison, c'est la libération de l’âme.

Quelle graine fut semée dans la terre qui n'ait poussé ?

Pourquoi avoir ce doute au sujet de la graine qu'est l'homme ?

Quel seau n'a été plongé dans l'eau sans ressortir débordant ?

Pourquoi le Joseph de l'esprit se plaindrait-il du puits ?

Puisque tu as fermé la bouche de ce côté, ouvre-la de l'autre

Afin qu'au-delà de l'espace retentisse ton cri de victoire.

 

 

When I die.

When I die when my coffin is being taken out you must never think i am missing this world   don’t shed any tears don’t lament or feel sorry i’m not falling into a monster’s abyss   when you see my corpse is being carried don’t cry for my leaving i’m not leaving i’m arriving at eternal love   when you leave me in the grave don’t say goodbye remember a grave is only a curtain for the paradise behind   you’ll only see me descending into a grave now watch me rise how can there be an end when the sun sets or the moon goes down   it looks like the end it seems like a sunset but in reality it is a dawn when the grave locks you up that is when your soul is freed   have you ever seen a seed fallen to earth not rise with a new life why should you doubt the rise of a seed named human   have you ever seen a bucket lowered into a well coming back empty why lament for a soul when it can come back like Joseph from the well   when for the last time you close your mouth your words and soul will belong to the world of no place no time.

 

- Poem by Rumi

 

 

شعر: جلال الدين الرومي ترجمة: خالد البدور عندما يحملون نعشي إلى الخارج لا تفكروا أبدا أنني سأشعر بفقدٍ لهذا العالم. لاتذرفوا الدموع لاترثوني ولا تشعروا بالحزن فأنا لا أسقط في الهاوية المرعبة. عندما ترون جثماني محمولاً لا تبكوا لأنني أرحل أنا لا أرحل أنا أصل إلى الحب الخالد. عندما تتركوني في القبر لا تقولوا وداعاً تذكروا أن القبر ليس سوى ستارة وأن الفردوس يكمن خلفها. أنتم فقط ترون أني أهبطُ القبرَ الآن انظروا إليّ ارتفعُ كيف تكون هناك نهاية حين تغرب الشمس أو يغيب القمر. إنها تبدو كالنهاية إنه يبدو كالغروب ولكن في الحقيقة هو الفجر، عندما يقفل عليك القبر في ذلك الوقت تتحرر روحكَ هل سبقَ أن رأيتم بذرة تُدفن في الأرض ولا تنبتُ في حياةٍ جديدةٍ لماذا تشكّوا في النمو في بذرة إسمها الإنسان. هل سبق أن رأيتم دلواً يوضعُ في البئر ويأتي فارغاً لماذا نرثي روحاً سوف تعود مرة أخرى كما عاد يوسف من البئر. عندما ستغلق فمكَ آخر مرة ستنتمي كلماتك و روحك

 

Le poème de ceux qui partent
Le poème de ceux qui partent

Le 14 février 2028, 64 ans après 1964,

devant un cadre sans photo, blanc.

Le répondeur – En mon absence, si tu veux bien me laisser ton message pour l'éternité

Le vieil homme – j'ai bien fait de t'enregistrer avant ton départ ; je peux entendre autant que je veux ta voix sur le répondeur ; l'autre, le Répondeur avec un R, l'opérateur Tout-Puissant avec majuscules, il avait réussi à nous priver de la voix de notre fils.

Aujourd'hui est un grand jour pour nous deux.

Voilà, mon p'tit chat, ton bouquet de roses blanches. Pour tes 80 ans.

J'aime bien penser à vous, les éternels. Et à nous, les éphémères.

Le 28 mars, roses rouges pour ta petite fille qui aura 20 ans.

Le 13 avril, roses blanches pour les 57 ans de notre fils.

Le 29 juin, roses rouges pour notre fille qui aura 60 ans.

60 + 20 = 80. Ah la ronde des chiffres ronds.

Moi, je vais vers mes 88 ans.

J'ai remplacé vos dates de départ par vos dates d'arrivée.

Cuba c'est fini.

Finis 11 septembre, 19 septembre, 28 septembre, 29 novembre.

Finies vos morts. Éternelles, vos vies passées.

C'est le cadeau que tu nous as fait avant ton départ, le dévoilement des évidences du Temps.

Je ne suis pas trop parti pendant ces 18 années à la recherche du temps perdu.

Je n'ai pas trop cherché à remonter le temps, revivre nos vies.

Je préfère les échanges nourriciers avec toi au jour le jour.

Le répondeur – En mon absence, si tu veux bien me laisser ton message pour l'éternité

Le vieil homme – Où vais-je passer, m'as-tu demandé avant de passer. Ce que tu m'as fait découvrir, avant de passer, c'est que le temps ne se perd ni ne se retrouve. Notre temps fini de vie passe. Mais chaque instant qui passe ne s'efface, il s'inscrit comme vérité dans le temps de l'éternité, enregistré pour toujours. Puisque rien ne peut faire qu'il n'ait pas eu lieu.

Éternellement vraies les traces de chair, les effluves de caresses, les signatures de mains tendres que tu as laissées dans ton cahier d'amour sans mots ni chiffres.

Pour tes 80 ans, je lève la coupe de notre promesse :

à notre amour, jour après jour jusqu'à ce que, moi passant aussi, j'espère sans douleur, en douceur, ça fasse Toujours, Pour Toujours. 23115 jours aujourd'hui, mon p'tit chat !

L'été prochain, je repartirai au Baïkal retrouver notre isba de Baklany.

Pendant les quatre jours et quatre nuits de transsibérien,

dans le wagon de queue, par la porte donnant sur la voie, je regarderai le temps s'enfuir.

Devant, le train avalera le temps présent, traverse par traverse.

Moi, je regarderai les traverses arrières s'éloigner.

Quelques centaines de mètres après, quelques secondes plus tard,

je ne les verrai plus mais elles ne disparaîtront pas pour autant.

Le bruit solidien du train sur les joints des rails, à 80 kilomètres à l'heure,

ta dak ta dak, ta dak ta dak, ta dak ta dak

me dira le temps qui passe tous les 18 mètres, parfois tous les 36 mètres.

C'est au Baïkal que je me sens au plus près des évidences du Temps :

Le contraire de ce que j’ai pensé trop longtemps,

non la mort de tout, le refroidissement éternel, l’oubli perpétuel,

le Jamais Plus, Plus jamais, nevermore

mais tout coule, chaque seconde passe,

se métamorphosant en éternité

d’une seconde Bleu Giotto, forever.

Face au cadran électronique du four électrique, je regarde fasciné,

les 60 secondes bleu Giotto

de la minute à venir qui vient de s'afficher,

de 23 H 59 à minuit.

Je les regarde s'évaporer never more

et s'éterniser for ever,

une à une,

laissant de petites fluorescences bleues comme queues de comètes.

Je compte : 33 285 628 minutes, 1 997 136 680 secondes bleu Giotto.

Ça m'enveloppe, Ça me submerge, Ça m'immerge dans le Ventre-Mère, matrice d'Infini, de Vie,

arriver

là où ça prend fin

avec des bras remplis de rien ...

comme tu m'as écrit au commencement de nos étonnements.

La petite fille – pépé, mamie a écrit riens avec s ; pourquoi t'enlèves l's ?

extrait final de L'éternité d'une seconde Bleu Giotto de Jean-Claude Grosse

(Les Cahiers de l'Égaré, 2014)

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La vie la poésie

Rédigé par grossel Publié dans #Emmanuelle Arsan, #SEL, #agoras, #amour, #développement personnel, #engagement, #essais, #notes de lecture, #pour toujours, #poésie, #vide quantique, #vraie vie, #écriture, #épitaphier

La vie la poésie

Des 100 plus beaux poèmes du monde (édition de 1979)

(merci à Alain Bosquet de proposer 1/3 de poètes inconnus car nous sommes trop occidentalocentrés)

je retiens le troisième Cosmogonie dans l’Atharva-Veda (14°- 10° siècle avant J.C.). Il correspond à là où j’en suis aujourd’hui de mon cheminement.

C’est ce qui s’est dit de plus précis et de plus déroutant sur la Création.

(Voir la question du 7° paragraphe : celui qui veille sur elle au plus haut du ciel le sait sans doute... ou s’il ne le savait pas ?)

 

Et surtout ne pas chercher à confirmer par la physique quantique.

J’en ai produit une version dans Et ton livre d’éternité ?, page 639, L’hymne à la création.

 

Version de l’anthologie d’Alain Bosquet

1-

Ni le non-Être n’existait alors, ni l’être.

Il n’existait l’espace aérien, ni le firmament au-delà.
Qu’est-ce qui se mouvait puissamment ? Où ? Sous la garde de qui ?

Etait-ce l’eau, insondablement profonde ?

2-

Il n’existait en ce temps ni mort, ni non-mort;

Il n’y avait de signe distinctif pour la nuit ou le jour.
L’Un respirait de son propre élan, sans qu’il y ait de souffle.
En dehors de Cela, il n’existait rien d’autre.

3- 4- 5- 6- 7-

(Pages 16-17, traduction Louis Renou)

 

Et page 639 de Et ton livre d’éternité ?

 

L’Hymnne à la création

(Nasadiya Sukta. Rig Veda, X, 129)

Il n’y avait pas l’être, il n’y avait pas le non-être en ce temps. Il n’y avait espace ni firmament au-delà. Qu’est-ce qui se mouvait ? Où, sous la garde de qui ? Y avait-il l’eau profonde, l’eau sans fond ?

Ni la mort n’était en ce temps, ni la non-mort, pas de signe distinguant la nuit du jour. L’Un respirait sans souffle, mû de soi-même : rien d’autre n’existait au-delà.

A l’origine les ténèbres couvraient les ténèbres, tout ce qu’on voit n’était qu’onde indistincte. Enfermé dans le vide, l’Un, accédant à l’être, prit alors naissance par le pouvoir de la chaleur.

Il se développa d’abord le désir, qui fut le premier germe de la pensée ; cherchant avec réflexion dans leurs âmes, les sages trouvèrent dans le non-être le lien de l’être.

Leur cordeau était tendu en diagonale : quel était le dessus, le dessous ? Il y eut des porteurs de semence, il y eut des vertus : en bas était l’Énergie spontanée, en haut le Don.

Qui sait en vérité, qui pourrait l’annoncer ici : d’où est issue, d’où vient cette création ? Les dieux sont en deçà de cet acte créateur. Qui sait d’où il émane ?

Cette création, d’où elle émane, si elle a été fabriquée ou ne l’a pas été, – celui qui veille sur elle au plus haut du ciel le sait sans doute... ou s’il ne le savait pas ?

Rig Veda, X, 129, 1. Trad. Louis Renou, La poésie religieuse de l’Inde antique. 1942

 

la couverture évoque la libellule et le piment rouge des deux haïkus, de Kikaku et de Bashô que je donnais en pâture à mes élèves Kikaku une libellule ôtez-lui les ailes un piment rouge  Bashô un piment rouge  mettez-lui des ailes une libellule

la couverture évoque la libellule et le piment rouge des deux haïkus, de Kikaku et de Bashô que je donnais en pâture à mes élèves Kikaku une libellule ôtez-lui les ailes un piment rouge Bashô un piment rouge mettez-lui des ailes une libellule

Des cent tankas 5/7/5/7/7 (la forme la plus ancienne) et haïkus 5/7/5 (la forme la plus aboutie et la plus connue) de Poèmes de tous les jours (1993 chez Picquier-Unesco),

Je note d’abord, l’excellente préface d’Ôoka Makoto qui depuis 1979 tient une rubrique de poésie en 1° page d’un journal tirant à 10 millions d’exemplaires

Et j’en retiens deux,

j’ai évité les plus connus Bashô, Issa, Buson, Tu Fu, Li Po, Po Chû I et les 4500 poèmes du recueil des dix mille feuilles, vieux de 1300 ans :

L’arc-en-ciel lui même

Pense que le temps existe

Abe Seiai né en 1914 page 77,

commentaire d’Ôoka Makoto, page 76

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Joignant les mains devant cet homme nu, brûlé, perdu

Je partis en courant

Yamamoto Yasuo (1902-1983) page 213

Tanka tiré d’un recueil de tankas sur Hiroshima,

Yamamoto y ayant perdu son fils :

Le cadavre du petit ficelé à la charrette

Ma femme et moi poussions à tour de rôle

Commentaire d’Ôoka Makoto, page 212

coquelicots by ab

coquelicots by ab

on ignore l'impact profond d'un mot sur l'autre comme sur soi pris comme esprit-corps, on ignore l'impact profond d'une chose du monde sur soi  et sur l'autre pris comme corps-esprit; 

nos outils de perception sont les sens, mais il est évident que les illusions sensorielles sont nombreuses, qu'on croit réel ce qui souvent ne l'est pas; il en est de même des sentiments; dire je t'aime à quelqu'un, le plus vivant des poèmes, est peut-être un délire, né d'un désir, d'où ce titre ambigu Parole dé-s/l-irante, s/l = est-ce elle ? tout désir n'est-il pas délire, toute parole délirante n'est-elle pas parole désirante ? la confusion par projection ou tout autre processus est au rendez-vous; il faut donc une grande prudence là où l'exaltation nous saisit; ce je t'aime dont je me dois de douter, une fois dit, chemine en l'autre vers un coeur qui bat la chamade, un esprit qui s'emballe, dans un corps qui s'émeut, au plus profond, le message pensé et émis, une fois reçu par l'autre devient milliers de messages chimiques, hormonaux, moléculaires, quantiques dont j'ignore la réalité et les effets, seule la personne réceptrice perçoit quelques effets, coeur qui bat plus vite, rêves érotiques, organes sexuels en émoi, appétit moindre...; n'est-il pas clair que prendre conscience de cette complexité peut nous inciter à plus de responsabilité, à accepter d'être responsable d'effets imprévus, secondaires, tertiaires et pervers; je peux même en arriver à bouger le moins possible pour déranger le moins possible l'ordre des choses car en fin de compte, on est toujours dérangeant, semeur de désordre; vivre en poète c'est déranger le moins possible et prendre son temps, vivre en poète c'est vivre sobrement, c'est réduire sa surface, son empreinte, c'est ne pas vouloir embrasser l'infini, c'est ne pas vouloir être éternel, c'est voir un monde dans un grain de sable, un ciel dans une fleur sauvage, tenir l'infini dans la paume de la main et l'éternité dans une seconde comme le dit William Blake dans Augures d'innocence, le plus fort programme que je connaisse

j'ai bien raison de prendre mon temps, j'ai tout le temps qui m'est compté (à condition de ne pas le décompter, c'est ainsi qu'il compte, qu'il est vivifiant) pour insuffler la vie à quelques mots pouvant toucher quelques belles personnes. Je laisserai 10 poèmes intitulés Caresses. Caresses 1 et Caresses 2 existent déjà. Les autres Caresses sont à venir, le moment venu, un moment inattendu. Il y aura aussi les 12 Paroles dé-s/l-irantes. Parues dans La Parole éprouvée, le 14 février 2000.

si j'inverse, soit non une pensée d'amour adressée à l'autre mais la vue d'un champ de coquelicots du côté de Lourmarin; ça fait longtemps que je n'ai vu autant de profusion de rouge, de rouge vivant, se balançant dans le vent léger, un vent solaire, autant de rouge habité par la lumière, je prends des photos, je filme pour prolonger mon émotion, mon plaisir; ces coquelicots sont impossibles à cueillir, se refusent au bouquet, trop fragiles; ces coquelicots qui m'éblouissent se resèment d'eux-mêmes, je ne peux les semer, ils refusent la domestication; ces coquelicots fragiles résistent aux grands vents du midi; je perçois, ils me touchent au profond par leur beauté éphémère, impermanence et présence, insignifiance et don gratuit sans conscience du don (quoique sait-on cela ?) et ils me font penser, leur vie me vivifie, m'embellit, je me mets à chanter une rengaine venue d'un vieux souvenir, un petit bal perdu, je m'allonge, me livre au soleil, caresses qui font du bien, pas trop longtemps, messages héliotropiques envoyés aux niveaux les plus infimes, les plus intimes en toute inconscience même les yeux fermés et en méditation visualisante

voilà deux brèves tentatives de mise en mots pour conscientiser (c'est notre privilège) ce que nous éprouvons, pour vivre à la fois plus pleinement (c'est autre chose que l'aptitude au bonheur, au carpe diem, non négligeable) de plus en plus en pleine conscience (et là je m'aventure, si tout ce qui vit est échange, circulation, énergie, information, tout ce qui vit est peut-être aussi conscience ou dit autrement, une conscience, la Conscience est à l'oeuvre dans tout ce qui se manifeste, elle serait l'unité de et dans la diversité, elle serait la permanence sous l'impermanence; ne pas se laisser duper par le côté automatique, bien régulé de notre corps-esprit ou des systèmes univers, multivers avec leurs constantes universelles jusqu'à dérèglements et entropie croissante remettant les pendules à l'heure

(j'ai découvert un livre au titre révélateur : La "Conscience-Énergie", structure de l'homme et de l'univers, du Docteur Thérèse Brosse, paru en 1978 à Sisteron, ça semble du solide !); évidemment, sur ce chemin, je me laisse accompagner par Deepak Chopra qui réussit à articuler approche scientifique et approche ayurvédique

La vie la poésie

Au plus près : entretiens avec Philippe Djian par Catherine Moreau, La passe du vent, 1999

De ces entretiens déjà anciens, j’ignore donc si Djian s’y reconnaîtrait aujourd’hui, 25 ans après, et 40 ans après son entrée en écriture au plus près, je retiens quelques propos :

  • séduire, c’est mourir comme réalité et se produire comme leurre

Ce propos vaut tant pour la séduction de l’autre que pour l’auto-séduction; ajoutons qu’étymologiquement une des significations de seducere serait détruire.

  • partagez-vous la proposition de Rimbaud Je est un autre ? - Je dirai plutôt Je est tous les autres. Et ce à partir du moment où je me rends compte que ma personnalité est tellement multiple. Plus, il y a de rapports avec les autres, plus elle devient riche et vaste…
  • c’est un gros problème que de se demander si le monde qui nous entoure n’est pas une vision de notre esprit. Et par quelles expériences, pouvons-nous confirmer ou infirmer cette sensation ?
  • On m’a demandé pourquoi il y a toujours du sexe dans mes livres. Je trouve que c’est une manière de définir les personnages mis dans ce genre de situation avec plus de finesse et d’exactitude que si je les décris. Un salaud qui est en train de faire l’amour à une femme, ça se voit si c’est un vrai salaud. Ce sont donc des situations susceptibles d’éclairer les personnages. Ce n’est pas simplement le plaisir de raconter ce genre de scènes.

 

La vie la poésie

J’en arrive à La jouissance et l’extase de Françoise Rey, un roman pornographique sur les relations entre Henry Miller et Anaïs Nin, de 1931 à 1934.

Henry Miller m’a passionné il y a longtemps avec sa trilogie Sexus Nexus Plexus, Hamlet, Le temps des assassins. Je ne sais pourquoi, j’ai ignoré les deux Tropiques. Peu importe.

J’ignore tout d’Anaïs Nin. Je dois bien avoir son journal sur un rayon. Pas La maison de l’inceste.

Y a-t-il des raisons à ces choix de lecture où le sexe est mis en scène et en jeu (Gabriel Garcia Marquez, Jean-Paul Dubois, Juan Rios, Philippe Djian, Françoise Rey) ?

J’ai conscience d’être un obsédé sexuel, sans remords, sans culpabilité, avec plaisir à l’être car je sens bien que c’est la pulsion de vie, celle qui affronte la mort. Bataille « de l'érotisme, il est possible de dire qu'il est l'affirmation de la vie jusque dans la mort. » Et ce désir est universel, cosmique, tous règnes minéral, végétal, animal, humain, toutes espèces, tous genres, féminin, masculin, hermaphrodite, androgyne. Obsédé sexuel à plus de 82 ans, je me sens bien vivant, traversé, habité par la Vie. Je ne laisse plus entrer le vieux comme dit Clint Eastwood.

En me plongeant dans ce genre de lectures, cela m’amène aussi à voir comment je sépare, combine amour et désir, comment j’ai vécu mes histoires d’amour et de désir, comment j’ai privilégié le sentiment sur le désir, avec des épisodes très sexuels, comment dans le désir, j’ai vécu la limite de la jouissance masculine et féminine exception de quelques femmes accédant à l’extase, comment j’ai privilégié dans mes histoires la durée, la fidélité avec coups de canif dans le contrat et métamorphose de la relation, de l’amour ou de la pulsion à l’amitié amoureuse…
Je ne suis pas un spécialiste en sexologie, ça ne m’intéresse pas plus que cela mais je ne suis pas un ignorant. J’ai été et je me suis initié. Je ne tourne pas en ridicule le petit cornac qui nous fait primate et primaire selon Rezvani, cet organe qui nous domine et fait de nous des dominants, des prédateurs. Le petit cornac est l’outil de la perpétuation, de l’onto et de la phylogenèse, lignée, espèce.

Le plaisir vient après dans l’histoire de l’évolution et de la perpétuation des espèces et seulement pour l’humanité semble-t-il. C’est par la perpétuation de l’espèce, de la lignée que chaque espèce, chaque lignée combattent la mort, chaque individu meurt, chaque lignée meurt mais non l’espèce qui se rend ainsi ou croit se rendre éternelle.

Vue à cette altitude, l’obsession sexuelle est questionnement sans fin sur la création, sur la vie, sur la mort, sur l’éphémère, la fragilité, sur l’éternité. Je continuerai donc à être un obsédé sexuel.

Le roman de Françoise Rey m’a dans un premier temps, plutôt déplu. Les scènes pornographiques sont crues, détaillées, longues, avec un lexique obscène, varié dans l’obscénité et l’ordure.

Tantôt du point de vue d’Henry, tantôt du point de vue d’Anaïs. Là, ça commence à devenir intéressant car impossible de savoir ce que l’autre pense de ce qu’on lui fait, impossible de savoir, de connaître, de ressentir  ses réactions. On est dans le malentendu absolu, dans l’opacité même quand on croit être dans la fusion, la communion, l’évidence, la transparence. D’où le côté dérisoire de celui qui se croit l’initiateur d’Anaïs. D’où le côté inconséquent de celle qui croit maîtriser la situation.

Si on ajoute à cette histoire d’un couple qui en est et n’en est pas un, qui va très vite se désunir, les histoires d’Anaïs avec son mari banquier, avec son cousin homosexuel Edouardo, avec son psychanalyste impuissant Allendy, avec Antonin Artaud, homosexuel et impuissant, avec son père Joachim, incestueux, avec le psychanalyste Otto Rank, avec la femme de Henry, June, on comprend que ce roman est foisonnant, déstabilisant, que ni l’un ni l’autre n’ont de boussole. Ils pataugent dans le foutre et le méli-mélo des pulsions.

Henry est faussement amoureux d’Anaïs, il veut l’épouser mais cela est un alibi, ne l’entretient-elle pas,  ne favorise-t-elle pas toutes ses frasques chez les putes, ne paie-elle pas l’édition du Tropique dont la couverture est un cancer sortant d’un vagin ?

Anaïs veut tout essayer qu’il s’agisse de positions, de pratiques, de transgressions, de scandales, de provocations; c’est une femme de tête qui croit maîtriser mais ballottée, écartelée entre des désirs inconciliables, une femme du cul, nymphomane, alcoolique (a manqué la drogue mais elle y a pensé, elle serait aujourd’hui chemsex), qui note tout dans son journal, ses cahiers, cahier vert, cahier rouge, tissus de vrai et de faux selon le destinataire du cahier: mari, Henry), qu’Henry est un faible, idem pour son père très dominateur et autoritaire.

Je ne sais pas comment caractériser cette femme, ni s’il le faut, laissons-là à sa complexité, à son ambigüité insondables, femme sans doute traumatisée petite fille par ce père la prenant en photo, nue, dans son bain et la caressant.

Les deux psychanalystes qu’elle séduit l’ont-elle aidée, l’un en la fouettant ou la fessant jusqu’au sang, l’autre en se faisant sucer ?

La fin est surprenante avec la découverte du cancer d’Anaïs, cancer de l’utérus ?, ignoré d’Henry mais non du mari.

Je ne regrette pas ma lecture mais pour en conclure que je ne me sens pas du tout de ce monde, de ces amants qui croient accéder à l’infini, vivre pleinement la vie par la pornographie perverse et la multiplicité des partenaires.

Ils ont osé, sans aller jusqu’à la mort par épectasse comme un président et un cardinal, sans aller jusqu’à la mise à mort comme dans Matador de Pedro Almodovar.

Parlant pour moi, j’ai dit oui à l’obscénité, oui à la pornographie, oui à l’érotisme, oui aux variations, dans l’intimité, dans un couple s’aimant et consentant. Ce fut je crois ce que nous avons vécu pendant 46 ans, l’épousée et moi, évoqué avec force entre Vita Nova et Lola, fille de joie dans Et ton livre d’éternité ? J’ai dit oui, je dis toujours oui.

Je me sentais plus d’affinités avec Emmanuelle Arsan et son érotisme. Bonheur et Bonheur 2.

Je renvoie à l’essai de Camille Moreau, publié à la Musardine Écrire, lire, jouir, quand le verbe se fait chair.

La vie la poésie
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Les carnets de Lula / Danièle Rezvani

Rédigé par grossel Publié dans #FINS DE PARTIES, #amour, #ateliers d'artistes, #engagement, #notes de lecture, #pour toujours, #écriture, #vraie vie

248 pages 10 Illustration(s) Livre broché 15.1 x 21 cm 10 illustrations L'Exception N° dans la collection : 14 Parution : 18/02/2022

248 pages 10 Illustration(s) Livre broché 15.1 x 21 cm 10 illustrations L'Exception N° dans la collection : 14 Parution : 18/02/2022

le 23 mars 2023
100 ans moins 5 pour Rezvani
le 24 mars
sortie de deux disques chez Canetti dont l'un de Léopoldine HH
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50 ans de félicité avec Lula, dit-il dans un entretien sur TV5
50 ans à La Béate (La Garde-Freinet) puis plus tard, aussi, Venise
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ayant apprécié Beauté, j'écris ton nom où on trouve des extraits des Carnets de Lula, je ne pouvais manquer de les lire en entier
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cela fut fait lors d'un voyage en TGV, le train qui, dit Bobin, avec son museau allongé, révèle son destin de couteau enfoncé dans le vide, donc lecture fut faite lors d'un voyage au couteau de 4 H 07' pour 800 kms, le 3 juillet 2022
et j'ai retrouvé ma note
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le TGV en duo vis à vis avec la fetite pille, c'est bien
presque personne
bonjour et échanges avec le voisin derrière, la chef de bord...
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tu lis Les Carnets de Lula (Danièle Rezvani 1931-2004)
déjà dans Beauté, j'écris ton nom, Serge Rezvani fait place à quelques pages de ces carnets découverts tardivement
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publiés pour la première fois, ces carnets nous donnent à vivre leur histoire d'amour-fusion de 50 ans dans le miroir de Lula; 
souvenirs d'enfance et d'adolescence, 
déménagements multiples, Toulon, Brest, Cherbourg, Bourgogne, Paris, 
un père autoritaire, "monstrueux" nourrissant une révolte en Danièle qui y puisera la force de le fuir 
et de fuir la grande ville 
et la grande vie frivole pour le paradis de La Béate
découverte progressive de la sensualité, 
multiplicité des émois amoureux, des flirts à la limite, 
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la plume de Danièle est fluide, précise
- sensible au côté lumineux de la rencontre et de la répétition créative de la fusion elle-lui-lui-elle, 
je rajoute numineux mais elle n'en a pas conscience, n'en ayant pas le mot bien que l'expérience
- et sensible aussi aux côtés sombres, hérités de leurs passés et appréhensions quant à l'avenir (du monde plus que du leur) même si à La Béate, ce qu'ils vivent, c'est la volupté du présent
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je relève page 83, le récit d'un mariage à Port-Cros à laquelle elle participe, finissant dans les bras de Pierre, que je ne peux manquer de reconnaître
page 87, ce constat : à cause de cela (n'être pas des parents), nous ne nous sommes jamais sentis des adultes...; /
je n'ai pu manquer de penser à la question posée par Danièle à Annie le 2 août 2001 : Avez-vous des enfants ? Comment cela se passe-t-il ? 
L’épousée répondit en mère aimante et en psychologue. 
Deux réponses opposées. 
En tant que mère, on fait ce qu’on peut, on donne le meilleur. 
Mais pour les enfants, on ne sera jamais les bons parents qu’ils voulaient. 
Freud disait De quelque manière qu’on s’y prenne, on s’y prend toujours mal. 
Un courant de sympathie s’était installée entre elles. 
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Lui- Je sentit comme un regret chez Lula de n’avoir pas eu d’enfant. 
(récit de la rencontre du 2 août 2001 dans Et ton livre d'éternité ? page 122)
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quand Lula tente de comprendre le mystère de leur rencontre, page 100, elle a ses mots : 
"comment m'expliquer à moi-même aujourd'hui ce qui m'avait attirée en lui, sinon qu'il était dans une certaine mesure le contraire des hommes...que j'avais pu aimer ou de l'homme que je m'attendais à aimer ?...
devant lui, ce fut justement le dépourvu, l'inattendu, le non-rêvé qui me détourna vers un vide, un risque où je basculai d'un coup, corps et âme, fascinée, comme infiltrée par un sort auquel je ne pouvais résister"
magie et la révélation par expérience que 
- l'attendu ne s'accomplit jamais
- à l'inattendu un dieu ouvre la voie 
(la coryphée à la fin de Médée d'Euripide)
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le TGV passant devant Tricastin, la fetite pille se demande si une centrale nucléaire, c'est dangereux; 
je lui parle de Chernobylhome, 26 avril 1986, 
du nuage arrêté à la frontière par les douaniers, 
des cancers de la thyroïde
- y a-t-il des livres sur Tchernobyl ?
- il y a de très bons documentaires
- et des livres ?
- sans doute
- j'aimerais en lire un
- il y a le chapitre 16, pages 481 à 490 de Et ton livre d'éternité ?; tu en as un exemplaire
- je sais; j'en veux un autre
à suivre
 
les pages photographiées donnent envie donc bonne lecture
mariage en 1952 (ils se sont rencontrés à Paris en 1950, lui, 22 ans, elle, 19 ans) / elle cesse ses carnets le 10 mars 1999, elle meurt de la maladie d'Alzheimer en décembre 2004 / récit dans un livre chirurgical L'éclipse / les 20 pages sur les feux sont à relier au roman de Rezvani, Feu / La béate a été détruite par les feux de 2000 / le procès intenté au Testament amoureux est très instructif / quant à Jeanne Moreau, on ne peut que croire à la véracité de ce portrait et continuer à l'aimer
mariage en 1952 (ils se sont rencontrés à Paris en 1950, lui, 22 ans, elle, 19 ans) / elle cesse ses carnets le 10 mars 1999, elle meurt de la maladie d'Alzheimer en décembre 2004 / récit dans un livre chirurgical L'éclipse / les 20 pages sur les feux sont à relier au roman de Rezvani, Feu / La béate a été détruite par les feux de 2000 / le procès intenté au Testament amoureux est très instructif / quant à Jeanne Moreau, on ne peut que croire à la véracité de ce portrait et continuer à l'aimer
mariage en 1952 (ils se sont rencontrés à Paris en 1950, lui, 22 ans, elle, 19 ans) / elle cesse ses carnets le 10 mars 1999, elle meurt de la maladie d'Alzheimer en décembre 2004 / récit dans un livre chirurgical L'éclipse / les 20 pages sur les feux sont à relier au roman de Rezvani, Feu / La béate a été détruite par les feux de 2000 / le procès intenté au Testament amoureux est très instructif / quant à Jeanne Moreau, on ne peut que croire à la véracité de ce portrait et continuer à l'aimer
mariage en 1952 (ils se sont rencontrés à Paris en 1950, lui, 22 ans, elle, 19 ans) / elle cesse ses carnets le 10 mars 1999, elle meurt de la maladie d'Alzheimer en décembre 2004 / récit dans un livre chirurgical L'éclipse / les 20 pages sur les feux sont à relier au roman de Rezvani, Feu / La béate a été détruite par les feux de 2000 / le procès intenté au Testament amoureux est très instructif / quant à Jeanne Moreau, on ne peut que croire à la véracité de ce portrait et continuer à l'aimer
mariage en 1952 (ils se sont rencontrés à Paris en 1950, lui, 22 ans, elle, 19 ans) / elle cesse ses carnets le 10 mars 1999, elle meurt de la maladie d'Alzheimer en décembre 2004 / récit dans un livre chirurgical L'éclipse / les 20 pages sur les feux sont à relier au roman de Rezvani, Feu / La béate a été détruite par les feux de 2000 / le procès intenté au Testament amoureux est très instructif / quant à Jeanne Moreau, on ne peut que croire à la véracité de ce portrait et continuer à l'aimer
mariage en 1952 (ils se sont rencontrés à Paris en 1950, lui, 22 ans, elle, 19 ans) / elle cesse ses carnets le 10 mars 1999, elle meurt de la maladie d'Alzheimer en décembre 2004 / récit dans un livre chirurgical L'éclipse / les 20 pages sur les feux sont à relier au roman de Rezvani, Feu / La béate a été détruite par les feux de 2000 / le procès intenté au Testament amoureux est très instructif / quant à Jeanne Moreau, on ne peut que croire à la véracité de ce portrait et continuer à l'aimer
mariage en 1952 (ils se sont rencontrés à Paris en 1950, lui, 22 ans, elle, 19 ans) / elle cesse ses carnets le 10 mars 1999, elle meurt de la maladie d'Alzheimer en décembre 2004 / récit dans un livre chirurgical L'éclipse / les 20 pages sur les feux sont à relier au roman de Rezvani, Feu / La béate a été détruite par les feux de 2000 / le procès intenté au Testament amoureux est très instructif / quant à Jeanne Moreau, on ne peut que croire à la véracité de ce portrait et continuer à l'aimer
mariage en 1952 (ils se sont rencontrés à Paris en 1950, lui, 22 ans, elle, 19 ans) / elle cesse ses carnets le 10 mars 1999, elle meurt de la maladie d'Alzheimer en décembre 2004 / récit dans un livre chirurgical L'éclipse / les 20 pages sur les feux sont à relier au roman de Rezvani, Feu / La béate a été détruite par les feux de 2000 / le procès intenté au Testament amoureux est très instructif / quant à Jeanne Moreau, on ne peut que croire à la véracité de ce portrait et continuer à l'aimer

mariage en 1952 (ils se sont rencontrés à Paris en 1950, lui, 22 ans, elle, 19 ans) / elle cesse ses carnets le 10 mars 1999, elle meurt de la maladie d'Alzheimer en décembre 2004 / récit dans un livre chirurgical L'éclipse / les 20 pages sur les feux sont à relier au roman de Rezvani, Feu / La béate a été détruite par les feux de 2000 / le procès intenté au Testament amoureux est très instructif / quant à Jeanne Moreau, on ne peut que croire à la véracité de ce portrait et continuer à l'aimer

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Emmanuelle, nous et moi (nos émois)/J.C.Grosse

Rédigé par grossel Publié dans #pour toujours, #Emmanuelle Arsan

Sylvia Kristel Noémie Merlant

Sylvia Kristel Noémie Merlant

50 ans après la sortie, le 24 juin 1974, du film Emmanuelle de Just Jaeckin avec Sylvia Kristel
est en préparation, une nouvelle version par Audrey Diwan avec Noémie Merlant
j'ai noté (via l'article en anglais : The new film will be produced by Chantelouve, Rectangle Productions (Happening) and Wild Bunch International.) que dans les producteurs, il y a Chantelouve, nom de la maison en pleine forêt d'Emmanuelle Arsan, maison que j'ai filmée en 2007 (2 vidéos en ligne sur une plateforme)
j'adore ces histoires de reprise car certains le savent, j'ai eu une correspondance heureuse avec Emmanuelle Arsan (l'auteur ignorée d'Emmanuelle et de tant d'autres livres) pendant 17 ans et d'Emmanuelle Arsan, je défie quiconque de dire qui elle a été
pas de biographie, aucune interview radio ou TV de sa part, quasi-muette mais écrivant, si bien, dans la solitude à quatre mains de Chantelouve /
 
la solitude créatrice à 4 mains de Chantelouve me fait penser à la solitude à 4 mains de Serge Rezvani et de Danielle-Lula à La Béate pendant 50 ans
Noémie Merlant / E.A.
Noémie Merlant / E.A.

Noémie Merlant / E.A.

tu as eu une correspondance heureuse avec Emmanuelle Arsan pendant 17 ans, du 19 mars 1988 au 31 mars 2005
tu as édité cette correspondance dans Bonheur et Bonheur 2
après la disparition d'Emmanuelle Arsan, début juillet 2005, tu rencontres en 2007, son mari à Chantelouve qui te confie le livre des cendres d'Emmanuelle que tu publies 10 ans après, en 2017 pendant qu'un éditeur ami, Le Sélénite, en publie une édition de tête
ce travail qui a pris son temps te vaut la visite d'un cinéaste réalisant un documentaire sur Emmanuelle Arsan, une interview par un journaliste de Lui
tu rencontres l'éditeur collectionneur possédant la version originale d'Emmanuelle
tu écris un long poème Emmanuelle, nous et moi, nos émois
le 15 novembre 2022, tu reçois un message sur ton blog demandant des informations sur ta relation avec Emmanuelle
tu réponds par courriel illico, tu téléphones pour un échange de vive voix, tu envoies Bonheur 2, Le livre des cendres, des liens
tu reçois peu après deux essais du docteur en philosophie de l'art Camille Moreau, préparant une biographie d'Emmanuelle Arsan
45 jours après, ce 30 décembre 2022, à la presque fin de l'an, tu racontes et continues à faire le pari des mots beaux et justes 
ou selon la 4° de couverture du livre de Camille Moreau 
à donner chair jouissante aux mots jouissifs
« Pour le poète, et Jean-Claude Grosse est poète, le temps le plus désirable du verbe est, non le passé ni le futur, mais le présent. Et les dés désespérés des mots ne tiennent pas leur pouvoir seulement de la science et du style mais d’abord de l’amour. L’amour et la mémoire de l’amour, comme les chats de Schrödinger, ont plusieurs vies possibles. Chacune d’elles ne
se réalise que lorsqu’elle est exprimée. Alors, à force de mots justement proférés, le solstice d’été aux bords saphiques de l’Égée, Aphrodite aux seins de violettes, Hélène, la lyre d’Orphée, la tentation du labyrinthe inventent le seul langage voué à la durée. Il suffit qu’un baiser soit interdit pour toujours au poète – et désir, délire, dérive, plaisir sont faits œuvre par la parole éprouvée. »
Emmanuelle Arsan
les deux livres de Camille Moreau, reçus fin novembre 2022
les deux livres de Camille Moreau, reçus fin novembre 2022
les deux livres de Camille Moreau, reçus fin novembre 2022
les deux livres de Camille Moreau, reçus fin novembre 2022

les deux livres de Camille Moreau, reçus fin novembre 2022

C'est le 4 juin 1968 que j'ai osé aborder Emmanuelle.
68. Paris. Quartier latin. L'imagination au pouvoir.
Retrouvée la force des mots-tocsin. Du vent, semble-t-il, des pétales tombés sous les talons d'une danse mais l'homme pourtant, avec toute son âme, ses lèvres, sa carcasse...
Rejoint par nous de 68, Vladimir Maïakovski, le poète des mots-tocsin: Désembourbez l'avenir nous crie-t-il depuis 1925 et à moi: Calcule, réfléchis, vise bien et avance -ne serait-ce que dans le détail- chez toi, à table, dans tes rapports, les moeurs pour atteindre la taille de la puissante vie à venir.
Et nous de 68 de lui répondre sur les murs où s'écrit la parole en archipel par la salve d'avenir de René Char: Vivre devient la conquête des pouvoirs extraordinaires dont nous nous sentons profusément traversés mais que nous n'exprimons qu'incomplètement faute de loyauté, de discernement cruel et de persévérance. La bêtise aime à gouverner. Arrachons lui ses chances.

couverture sans nom d'auteur, titre en gris s'effaçant, dans l'esprit de la 1° édition d'Emmanuelle en 1959; édition de tête à 30 exemplaires du Livre des cendres; La philosophie nue, essai d'Emmanuelle Arsan
couverture sans nom d'auteur, titre en gris s'effaçant, dans l'esprit de la 1° édition d'Emmanuelle en 1959; édition de tête à 30 exemplaires du Livre des cendres; La philosophie nue, essai d'Emmanuelle Arsan
couverture sans nom d'auteur, titre en gris s'effaçant, dans l'esprit de la 1° édition d'Emmanuelle en 1959; édition de tête à 30 exemplaires du Livre des cendres; La philosophie nue, essai d'Emmanuelle Arsan

couverture sans nom d'auteur, titre en gris s'effaçant, dans l'esprit de la 1° édition d'Emmanuelle en 1959; édition de tête à 30 exemplaires du Livre des cendres; La philosophie nue, essai d'Emmanuelle Arsan

Ce dimanche 23 novembre 2014, l'émission Un jour, un destin de Laurent Delahousse a été consacrée au scandale d'Emmanuelle. Comme d'habitude pour les quelques magazines que j'ai vus, c'est bien fait, intéressant. Ce magazine n'a pas manqué à la règle. Mais tout de même, l'auteur, Emmanuelle Arsan, n'apparaît que sur la couverture du livre, réédité en 1969. Pas un mot sur l'auteur, pas une photo. Qui est Emmanuelle Arsan ? Il y a là un sujet pour cette émission parce que le couple ouvert, Jacques et Marayat, a réussi à rester quasi-anonyme avec un livre (et d'autres) à succès planétaire, que c'est dans la vie réelle et pas dans une fiction édulcorée que ce couple a aimé pour le futur. Je pense que Emmanuelle Arsan est beaucoup plus intéressante que les secrets de tournage, de montage du film. Je dirais même que les révélations sur le tournage (scène du cheval, scène de la cascade, scène du quasi-viol, comportement d'Alain Cuny...) décrédibilisent le film. Tout est paradoxes, malentendus avec ce film, un producteur cherchant un sujet, découvrant le livre grâce à des amis, ne croyant qu'à moitié à son réalisateur, sachant surfer sur la vague alors que sont sortis Le dernier tango à Paris, Les valseuses, déjouant en deux temps la censure, un distributeur qui donne au film toutes ses chances, qui rencontre un succès sans pareil malgré des critiques l'éreintant (il reste 12 ans affiché aux Champs-Élysées). On n'a pas les mêmes malentendus avec le livre et avec son auteur, bien plus mystérieuse que Sylvia Kristel en quête de gloire, motivation bien superficielle, payée au prix fort. La réalisatrice Valérie Stroh a bien parlé de la femme Sylvia Kristel à 50 et 60 ans, revenue de l'enfer.
JCG

 

Le N° de LUI de février 2014 comporte un article intitulé Emmanuelle était un homme. Le journaliste Clovis Goux m'a rencontré mi-novembre 2013 et je me retrouve donc cité dans cet article qui me présente comme un grand-père chaleureux.

Je trouve cet article de Clovis Goux bien documenté sur ce qui reste malgré le titre, un mystère, article ouvrant peut-être un peu vite la fermeture éclair de la braguette des jeans unisexes de l'époque de la pré-libération sexuelle (un peu avant 68 et après)
En tout cas, ce que je dis ne ferme pas la porte au mystère : (à combien de mains ont été écrits les livres d'Emmanuelle Arsan; la réponse me semble indécidable et en conséquence, nous sommes renvoyés au "fonctionnement" d'un couple "hors normes", ce qui est bien plus excitant que la vérité, inaccessible car ils ne l'ont jamais révélée et sans doute plus excitant que le récit de Théo Lesoualc'h sur Marayat...).

Voilà un couple qui a fui les médias, a su préserver un quasi-anonymat et en même temps, 40 ans après la sortie du film, on s'intéresse à l'auteur du livre, des romans. Je crois qu'il faut respecter le secret puisqu'ils n'ont jamais dit qui écrivait, Emmanuelle Arsan étant un pseudo d'auteur.
Les infos de fin sur la maladie et la mort début juillet 2005 sont de moi sans doute vérifiées par le journaliste ou déjà connues de lui. J'avais rencontré 2 fois le mari Jacques et la tante Nitya, après la disparition de Marayat, apprise 2 ans après par une lettre envoyée par Jacques. C'était en 2007. J'ai pu filmer leur maison. Nous nous sommes ratés à 15 jours près en avril 2010. Mais il m'avait donné en 2008, les poèmes écrits pour Emmanuelle, après sa disparition: Livre des cendres d'Emmanuelle. Je viens de les ressortir, suite à un courrier reçu le 23 avril 2016, 400° anniversaire de la disparition de Will et Miguel, d'un admirateur d'Emmanuelle qui veut faire un tirage de luxe du texte Lesbos alpha, Lesbos oméga, paru dans Aporie N°10 La mise à mort de 1988. Je lui ai donné mon accord.

J'ai édité en mai 2017 le Livre des cendres d'Emmanuelle.

En avril 2014, c'est un réalisateur de documentaire qui me sollicite, Emmanuel Le Ber. Nous parlons d'Emmanuelle Arsan, de notre correspondance de 17 ans. Il filme. Son documentaire Emmanuelle, une vie érotique, 52', produit par Adamis Productions est passé sur Paris Première, le 26 juin  2014 pour les 40 ans de la sortie du film de Just Jaeckin, le 26 juin 1974.

J'ai vu ce documentaire en DVD. Réalisation réussie allant du film-événement (sorti le 26 juin 1974) au livre (édité sans nom d'auteur, sans nom d'éditeur ni d'imprimeur en 1959 puis réédité en 1969; j'ai pu voir le manuscrit original d'Emmanuelle, magnifiquement relié chez le libraire Jean-Pierre Dutel à Paris, un connaisseur de cette oeuvre et des 4 mains)  resitués dans l'époque (Giscard, de Gaulle en remontant le temps) avec ce qu'il faut de respect sur le mystère de l'écriture, pour moi à quatre mains, peu importe ce que faisaient les mains car l'essentiel, quelqu'un le dit vers la fin du film, le distributeur du film : c'est un couple qui aimait pour le futur et comme disait Emmanuelle Arsan dans Bonheur : quand il est liberté, l'amour met en jeu, met à nu, met à mort nos habitudes, nos lieux de sûreté, nos croyances. Il n'est pas différent en cela de la poésie. L'amour et la poésie sont deux formes socialement risquées du langage.
Documents photographiques superbes; archives bien utilisées. Les deux membres du couple Jacques et Marayat sont indissociables et indissociés par le récit du documentaire: montage nerveux, réitératif, servi par une belle voix.
J'ai eu plaisir à voir défiler les lettres de notre correspondance comme à voir la Chantelouve d'Emmanuelle que j'ai filmée avec pour titres Bonheur Emmanuelle Arsan et Bonheur 2 Emmanuelle Arsan, vidéos sur mon espace dailymotion
Patrick Lorenzini et moi-même sommes dans les remerciements.
Ce DVD mérite d'être commercialisé.

Ma correspondance avec Emmanuelle Arsan intéresse les archives de Toulon, Emmanuelle Arsan ayant vécu dans le Var. Je leur cèderai mes archives.

JCG

Bonheur et Bonheur 2, correspondance heureuse entre Emmanuelle Arsan et JCG, correspondance de 17 ans
Bonheur et Bonheur 2, correspondance heureuse entre Emmanuelle Arsan et JCG, correspondance de 17 ans
Bonheur et Bonheur 2, correspondance heureuse entre Emmanuelle Arsan et JCG, correspondance de 17 ans

Bonheur et Bonheur 2, correspondance heureuse entre Emmanuelle Arsan et JCG, correspondance de 17 ans

Photo prise par Emmanuelle Arsan, parue dans le N° 12 de la revue Aporie, avec cette légende: ... mes amies mortes, leur jeune corps, leur blondeur, leur joie irremplaçable, la langue morte de leur souffrance et la cendre de leur beauté.
Photo prise par Emmanuelle Arsan, parue dans le N° 12 de la revue Aporie, avec cette légende: ... mes amies mortes, leur jeune corps, leur blondeur, leur joie irremplaçable, la langue morte de leur souffrance et la cendre de leur beauté.
Photo prise par Emmanuelle Arsan, parue dans le N° 12 de la revue Aporie, avec cette légende: ... mes amies mortes, leur jeune corps, leur blondeur, leur joie irremplaçable, la langue morte de leur souffrance et la cendre de leur beauté.

Photo prise par Emmanuelle Arsan, parue dans le N° 12 de la revue Aporie, avec cette légende: ... mes amies mortes, leur jeune corps, leur blondeur, leur joie irremplaçable, la langue morte de leur souffrance et la cendre de leur beauté.

Sylvia Kristel, l'Emmanuelle des films portant le prénom rendu célèbre par les romans d'Emmanuelle Arsan, est partie à 60 ans, le 17 octobre 2012.

Je sais que son statut d'icône, de star lui a pesé, qu'elle a déprimé, qu'elle s'est adonnée à des addictions destructrices, qu'elle s'est rétablie grâce à la peinture et sa rencontre entre autres avec Hugo Claus. Son autobiographie Nue (Le Cherche Midi) raconte ce chemin d'épreuves.

Emmanuelle Arsan, un pseudonyme, l'auteur des Emmanuelle et de bien d'autres histoires, est partie fin juin 2005 (lire plus bas sa lettre du 31 mars 2005)

J'ai eu une correspondance extraordinaire avec elle de 1988 à 2005 sans jamais la rencontrer. C'était notre pacte. Ça a donné deux livres: Bonheur et Bonheur 2. Le 1° est épuisé, le 2° est encore disponible.

Ce n'est qu'après sa mort dans des conditions terribles que j'ai rendu visite à son mari, deux fois, que j'ai filmé la maison appelée Chantelouve d'Emmanuelle.


 

Son mari Louis-Jacques Rollet Andriane, ancien diplomate à l'Unesco, était un homme plein d'humour, d'une culture considérable. Il m'a donné les poèmes qu'il a écrits pendant et après la grave maladie de Marayat. Et nous avions évoqué en particulier ses efforts pour le sauvetage de Venise. Il en était fier. Voir le livre Sauver Venise de 1971 chez Robert Laffont écrit avec Michel Conil Lacoste, préfacé par Robert Maheu.

http://unesdoc.unesco.org/images/0009/000920/092069fo.pdf

Il est parti en avril 2010, avant que je ne le revois une 3° fois comme on en avait convenu. Cela s'est joué à 15 jours près.

Emmanuelle Arsan n'avait pas aimé ce que le réalisateur avait fait de son oeuvre littéraire.

Je ne pense pas qu'elle était hostile à Sylvia Kristel. Elle-même était apparue sur l'écran dans La Canonnière du Yang Tsé  avec Steve McQuenn sous le nom de Marayat Andriane. Ce n'est pas à ce nom que je lui écrivais.

La fiction ci-dessous raconte la rencontre avec l'oeuvre et la personne d'Emmanuelle.

Emmanuelle Arsan avait appréciée cette lecture plurielle (à quatre mains comme elle et son mari sans doute) et fictionnelle de son oeuvre.

JCG


 

 

 

31 mars 2005 (dernière lettre reçue, elle s'en allait 3 mois après)


Cher J.-C. G.
La maladie a interrompu ma lecture de Pilar Sanchez Orozco, 
Actualité d’une sagesse tragique (La Pensée de Marcel Conche), 2005, Éd. Les Cahiers de l’Égaré et les premières, prématurées et sûrement imbéciles réactions que m’inspirait son étude de la philosophie de Marcel Conche.
Pendant plus d’un mois, à l’hôpital, je n’ai ni lu ni écrit. Je ne sais si et quand je pourrai me remettre à ces plaisirs de mon passé.
Ce soir, je veux simplement vous redire que l’amitié d’homme de cœur et de poète qu’avec tant de discrétion et de tolérance vous me montrez depuis de si nombreuses années est un bonheur de ma vie. Je vous en sais un gré infini et je ne l’oublierai jamais.
Si, au risque de ne pas avoir de bonne réponse, vous continuez à me tenir au courant de votre combat pour l’intelligence et pour la beauté, mon bonheur se prolongera.
Votre amie.
E. A

 

 

fin du livre des cendres d'Emmanuelle
fin du livre des cendres d'Emmanuelle

fin du livre des cendres d'Emmanuelle

 

pour Emmanuelle Arsan,

 

 
EMMANUELLE, NOUS ET MOI

OU
DU PLAISIR DE CROISER DES ÉCRITURES


C'est le 4 juin 1968 que j'ai osé aborder Emmanuelle.
 68. Paris. Quartier latin. L'imagination au pouvoir.
Retrouvée la force des mots-tocsin. Du vent, semble-t-il, des pétales tombés sous les talons d'une danse mais l'homme pourtant, avec toute son âme, ses lèvres, sa carcasse...
Rejoint par nous de 68, Vladimir Maïakovski, le poète des mots-tocsin: Désembourbez l'avenir nous crie-t-il depuis 1925 et à moi: Calcule, réfléchis, vise bien et avance -ne serait-ce que dans le détail- chez toi, à table, dans tes rapports, les moeurs pour atteindre la taille de la puissante vie à venir.
Et nous de 68 de lui répondre sur les murs où s'écrit la parole en archipel par la salve d'avenir de René Char: Vivre devient la conquête des pouvoirs extraordinaires dont nous nous sentons profusément traversés mais que nous n'exprimons qu'incomplètement faute de loyauté, de discernement cruel et de persévérance. La bêtise aime à gouverner. Arrachons lui ses chances.

Et moi avec les feuillets d'Hypnos: Obéissez à vos porcs qui existent. Je ne plaisante pas avec les porcs. Je me révolte et me soumets à mes dieux qui n'existent pas. Poésie, la vie future à l'intérieur de l'homme requalifié.

(Mon héros, je l'imagine poète. C'est pourquoi il mythifie 68. L'auteur, XXX.)

(La poésie du héros est fascinée par l'absence, ce qui n'est pas; elle est plaintive à l'égard de ce qui est. À cette poésie de la nostalgie, de l'utopie, j'oppose la poésie de la présence, poésie de l'acceptation, de l'acquiescement à ce qui est. Alors le séjour de l'homme est séjour du divin selon Héraclite. Note de l'éditeur: J.Cl.G, directeur de la revue APORIE où ce texte est paru, qui a souhaité croiser son écriture avec celle de l'auteur, XXX.)

Beaucoup de monde. Prenant plaisir à parler, écouter, échanger, partager. Audace des idées, chaleur des sentiments, force des émotions, subtilité des sensations. Fête de l'esprit et des corps. Impossible de ne pas rencontrer celle qui veut changer l'amour au milieu de ceux et celles qui veulent changer la vie. Je suis de ceux-là. Je la rencontrerai donc. J'ai beaucoup entendu parler d'elle. En bien. En mal. Elle a des partisans, des détracteurs. Les ambivalents. Les sceptiques. Les imbéciles: Que va-t-on faire de notre liberté puisque l'érotisme est libérateur? Allons-nous passer nos jours à rien d'autre qu'à faire l'amour en imaginant des positions nouvelles, des combinaisons inédites? Les hommes auront-ils assez de sperme pour tant d'orgasmes? Les femmes ne vont-elles pas avoir leurs orifices irrités? A-t-on trouvé d'autres adoucissants que le beurre?

(Le Sida et le Stob - il s'agit d'une maladie nouvelle, encore inconnue du grand public, aux effets similaires à ceux du Sida; elle s'attrape quand on fait l'amour sans amour; elle a été mise au point par des virus préoccupés de vertus - n'ayant pas encore été découverts à l'époque, en 68, il est facile à l'auteur, XXX, de faire de l'ironie et de ridiculiser les imbéciles en leur faisant poser des questions saugrenues. Aujourd'hui, les mêmes imbéciles posent des questions pleines de bon sens, dans le vif du sujet. Note de J.Cl.G.)

( J.Cl.G. fait de l'ironie pour me ridiculiser mais je lui fais remarquer 1° que les expressions qu'il emploie: saugrenues et dans le vif du sujet sont déplacées, 2° que le pape fait des prouesses en refusant d'utiliser les préservatifs des imbéciles. L'auteur, XXX.)

Et d'autres, snobs: l'érotisme sadien, c'est quand même autre chose, Histoire d'O, bien mieux écrit. Chacun a son mieux: Sexus, c'est bandant un max! Lolita, pervers comme tout, c'est chou!

Qui se souvient cependant que toute cette littérature érotique a difficilement vu le jour entre 1945 et 1967. Censures, interdictions, procès, éditions clandestines, 68 a permis de déculotter les partisans de l'ordre moral, héritiers des ligues de moralité publique et autres inquisiteurs. Et hop! un bras d'honneur pour les censeurs! Vive l'érotisme rose, soft, hard, noir!

(Mon héros, je l'imagine Scorpion, signe placé sous l'influence du sexe et de l'anus. L'auteur, XXX.)

(Heureusement que la censure reprend du poil de la bête pour protéger notre belle jeunesse de le lubricité, da la vulgarité, de la pornographie, de la moquerie, de la provocation. J'apprends avec satisfaction que les juges viennent d'interdire L'Os de Dyonisos de Christian Laborde et qu'un proviseur de lycée ne veut pas que La pornographie de Witold Gombrowicz pénètre dans sa bibliothèque. Enfin des gens à rebrousse-poil des adeptes d'à poil. J.Cl.G.)

(Je relève avec perversité que les fléaux dénoncés par J.Cl.G. sont du féminin. J.Cl.G. a-t-il peur de la femme? L'auteur, XXX.)

Troublé par tant d'opinions contraires sur Emmanuelle, je veux en avoir le coeur net. J'ai 28 ans. Je suis encore puceau. L'érotisme libérateur, ça me tente. Je veux la connaître.

Elle, une parmi le monde, ce 4 juin 1968. 18 ans. Nue. Belle. Je suis saisi par l'impression de bonté qui émane d'elle. La beauté d'émail du visage s'oublie dès que l'engouement la gagne. L'on n'a plus envie de dire: comme cette fille est belle! mais: comme elle a l'air sympathique.! Je pense même: comme elle semble heureuse! Elle est célèbre. Un mythe vivant. Personne ne se souciant de l'auteur d'Emmanuelle. Chacun rêvant de faire l'amour à cette fille conçue pour satisfaire ses fantasmes et désirs.

 

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Aussi l'auteur vit-il depuis dans l'anonymat. L'auteur de cette héroïne érotique, créateur d'un mythe dont personne ne sait ce qu'il durera, les métamorphoses qu'il connaîtra car d'autres s'en saisiront - les uns pour l'abaisser, les autres pour l'élever - a doublement raison de rester dans l'ombre:
1. Le public lui préfère son héroïne si souple à l'emploi et jamais décevante quand la réalité trop raide l'est souvent,
2. en restant anonyme, elle interdit tout passage à l'acte sur elle, ses rêveries à bâtons rompus pouvant devenir verges réelles pour se faire battre ou tous autres usages; elle renvoie chacun de ceux que son héroïne met debout, à genoux, ou toute autre posture, à l'usage qu'il veut faire, peut faire de l'énergie qui réveillée en lui ne demande qu'à jaillir; elle le renvoie donc à son auto-érotisme, son onanisme, son narcissisme; apprends à t'aimer avec Emmanuelle afin d'aimer femme réelle! nous dit Emmanuelle Arsan.

 

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L'auteur anonyme a très vite compris qu'il n'a pas à se mêler de l'usage que les uns et les autres font de son héroïne qui devenue mythe par son immense succès lui échappe, qu'il n'y a pas un bon usage, une bonne interprétation d'un mythe, que tout mythe est protéiforme et polysémique.

 

 

Cela dit, le succès d'Emmanuelle ne suffit pas pour en faire un mythe. Si elle est l'oeuvre au noir de son auteur, si elle a donné corps aux attentes de ce temps, elle a aussi pris corps dans l'histoire des mythes de l'amour, distante avec Yseut et Juliette, intime de Sappho et de Bilitis. Quant à son aventure, elle a les caractéristiques - en 68, on disait la structure - de toute aventure mythique telle que les a dégagées Joseph Campbell: un héros s'aventure hors du monde de la vie habituelle et pénètre dans un lieu de merveilles surnaturelles; il y affronte des forces fabuleuses et remporte une victoire décisive; le héros revient de cette aventure mystérieuse doté du pouvoir de dispenser des bienfaits à l'homme, son prochain; le monde fabuleux que tend à découvrir le héros moderne étant l'homme, cet étranger à lui-même. Emmanuelle est une héroïne de notre temps, un mythe pour notre temps, exploratrice d'Eros et d'Agapé: - Tu es mon amant dit-elle à Bruce. C'est parce que je t'aime. N'importe qui n'est pas mon amant. Mais il est plus difficile encore d'être mon mari. Et il est encore mieux d'être mon mari. Tu ne me connais pas depuis très longtemps, je sais. À peine un mois. Je n'ai pas besoin, moi, d'un siècle pour savoir qui je peux aimer. Mais pour toi ce n'est pas si commode. Il n'y a pas que moi à connaître. Il y a tout ce monde, cette maison. Et même d'autres gens qui ne sont pas ici et m'importent autant que ceux qui m'entourent. Je te demande peut-être un peu trop - nous livrant le mot de la fin: J'aime! J'aime! J'aime! Sans qu'aucun de nous puisse dire à qui ce cri s'adresse ni quel est son objet, libre par suite de décider de son destinataire et de son projet. Ce mot, ce cri de la fin nous ouvre à l'amour libérateur. Mais, et cela participe aussi du mythe, ses effets ne peuvent être que divers et contradictoires. Nous libère-t-il de l'amour exclusif, possessif, de la jalousie et de l'ennui, du mariage et de la fidélité, de la morale bourgeoise, nous libère-t-il de nos envies d'aventure, de romance, de passions entretenues par ces livres et films que nous consommons à la recherche de risques exaltants, de jouissances inédites, d'extases, cultivant nos illusions de liberté et de plénitude, nous libère-t-il de cette opposition plus ou moins neutralisée, dégradée, héritée d'une histoire assez récente - celle de l'amour et de l'Occident - ?

- Bonjour. Je vous aime. Je vous ai écrit quelques poèmes.

(Mon héros doit vous paraître vieux jeu puisqu'il y a belle lurette que l'on ne fait plus de déclaration d'amour. Il choisit de décider d'aimer plutôt que de tomber amoureux. Amour-action opposé à amour-passion. L'auteur, XXX.)

- Tu choisis de m'aimer. Moi aussi. Je ne veux t'obliger comme tant de filles soi-disant libérées, au cérémonial du flirt romantique, hérité de l'amour courtois. Je suis femme et renonce aux caprices de l'idole qui veut être priée, adorée et ainsi supplicie, fait brûler de désir qui la désire et veut la connaître. Etre aimée de toi ne m'autorise aucun pouvoir sur toi. Je renonce au plaisir de te faire souffrir pour partager ton désir de me faire plaisir. Dénouant la chaîne du malheur, nous rendons possible la grande danse du bonheur.

Elle rit de plaisir, donne un baiser à la ronde, à tout le monde, sans distinction de sexe, de grade, de classe, de race. Grande embrassade. Joyeuse sarabande. Bonheur. Mes 28 ans ne savent où donner des lèvres pour ces multiples baisers.

Daniel - DCB rappelez-vous! - lut un de mes poèmes au mégaphone. Le poème devint célèbre. Une strophe est restée longtemps dans toutes les mémoires jeunes. Ceux qui la chantaient ignoraient que je l'avais écrite pour elle. Ils se l'appropriaient. J'étais content.

(Des gens du Show-biz m'ont fait remarquer qu'ayant négligé de la déposer à la SACEM j'ai perdu une fortune.)
 

Son titre:
 

Mite pour mythe
se monter un bateau
et (ou)
monter en bateau

La fille que j'annonce
est fille de grand vent
porte tout dans ses flancs
à rien ne renonce.
Elle va et vient
de toi à moi
pour lui avec nous
sans séparer rien.

Fille d'Aphrodite
soeur de Sappho
ouvre aux grands parcours
nos amours de rêves
loin des labyrinthes
où nous nous perdons
pour oublier Ariane
cousue de fil blanc!


Ce jour-là je devins un des amants, inexpérimenté mais imaginatif, d'Emmanuelle. Je suis rentré chez moi - une chambre d'étudiant - en face de la Bourse où plus personne ne jouait. La vue du nu, les multiples baisers, ça m'avait formidablement ému. J'avais envie d'être soulagé. Les doigts serrés d'Emmanuelle montaient et descendaient, moins timides à mesure que la caresse se prolongeait, tour à tour étranglant la chair tumescente ou relâchant son étreinte, frôlant à peine la muqueuse ou la harcelant, massant à grands mouvements de poignet ou agaçant à petits coups sans merci. Emmanuelle reçut, avec une exaltation étrange, le long de ses bras, de son ventre nu, sa gorge, son visage, sur sa bouche, dans ses cheveux, les longs jets blancs et odorants que dégorgeait enfin le membre satisfait. Épuisé mais libéré, je me suis endormi.

(Je pense que le lecteur doit comparer cette description bandante et égouttante avec n'importe quelle scène érotique et ragoûtante d'Emmanuelle: Oubliant ses résolutions, elle resta longtemps clouée à son pan de balcon. Elle découvrit un nouveau langage de signes dont elle n'avait jamais auparavant pressenti la possibilité. L'indiscrétion de cette langue végétale était plus lascive encore que ne l'est celle des mains qui parlent. Emmanuelle apprit ainsi à lire dans l'ondulation suggestive des inflorescences les souffles du plaisir qui leur venaient d'en bas. Les succions d'air et les goulées qui faisaient dialoguer les corolles sur leurs longues queues et qui vidaient les étamines de leur pollen énonçaient avec une silencieuse impudeur l'audace carnivore des amants cachés. Note de J.Cl.G.)

J'avais vécu avec Emmanuelle dans la Licorne envolée, ce berceau ailé loin de la surface de la terre, une expérience heureuse, une nouvelle façon de s'aimer. Il m'avait suffi de me laisser aller aux délices de l'abandon, comme elle, pour que les fantasmes accourent, m'ouvrant la voie de l'aventure. Je venais de faire l'expérience que l'art et l'amour se rejoignent en ceux qui se masturbent pour que leur arrivent des histoires moins répandues et plus belles que celles qu'ils trouvent dans les livres et les revues.

(Je ne cautionne pas du tout cet éloge grandiloquent - débilitant - délirant de la masturbation qui, dois-je rappeler, rend sourd. Je conseille aux mamans de 1989 l'attitude d'Éléanor, la femme du président Franklin Roosevelt qui liait les mains de sa fille âgée de 3 ans au rebord supérieur de son berceau pour l'empêcher de se masturber. Plus tard les liens de soie furent remplacés par des constructions métalliques fixées aux mains de l'enfant comme des gants de boxe à machicoulis. La petite Anna prétendait que c'était de petits château-forts et que les gens glissaient un oeil à travers les meurtrières de leurs murailles. J'ai trouvé cette information édifiante dans The New York Review of Books, Vol.XXXVI, Number 18, de novembre 1989. Note de J.Cl.G.)

Par fatigue, je ne suis pas entré dans son Vert paradis où elle m'aurait fait jouir de 1.000 manières toutes érotiques, me faisant aimer l'amour.

Le lendemain, heureux d'avoir découvert que je pourrais dorénavant être un artiste de l'amour en me masturbant de 1.000 et 1 façons, j'ai adhéré pour changer la vie à un des partis se réclamant de Trotsky.

(Mon héros est un idéaliste. L'auteur.)

(Les idées douces et généreuses des idéalistes sans pouvoir deviennent les idées féroces et sanglantes des totalitaristes au pouvoir. J.Cl.G.)

(Les notes de J.Cl.G. dénotent sa soumission aux modes intellectuelles et son impuissance à penser. La notion de "totalitarisme" n'est pas un concept mais une notion idéologique produite pour poser sans avoir à la définir la notion de "démocratie". Il suffit grâce à ce tour de passe-passe d'affirmer que la démocratie est le contraire du totalitarisme comme la civilisation est le contraire de la barbarie. Cette dénotation sans définition justifie la très pratique connotation: "bonnes" démocraties de l'Ouest - pays de libertés et d'initiatives - opposées aux "mauvais" totalitarismes de l'Est - pays d'oppression et de servitude volontaire. Mais à la mi-novembre 1989, J.Cl.G. doit bien voir que la notion de "totalitarisme" trop simpliste, mystificatrice, ne pouvait prévoir et ne peut rendre compte des événements qui secouent l'URSS et les pays de l'Est ni de ceux qui les ont secoués pendant toute l'ère stalinienne et brejnevienne. Mon héros a raison de préférer la lecture de Trotsky à celle de Glucksmann ou d'Afanassiev. L'auteur.)

(Les notes de l'auteur dénotent son incapacité à sortir de la langue de bois et de la vulgate marxiste qui oppose capitalisme exploiteur et socialisme libérateur, dictature minoritaire des bourgeois et dictature majoritaire du prolétariat. Mais à la mi-novembre 1989, l'auteur doit bien voir que les grandioses réalisations du socialisme scientifique n'étaient que du vent, que les pays de l'Est veulent comme dit Glucksmann sortir du communisme pour rentrer dans l'histoire. L'échec économique du communisme est tellement évident que plus personne ne doute que l'avenir appartient au capitalisme. Comme ce mot a une connotation péjorative distillée par le marxisme, on lui substitue avec raison, aujourd'hui, le concept d'économie de marché, de libéralisme, qui permet de faire parler la vérité des prix par la liberté des prix. J.Cl.G.)

Cela mérite une explication à posteriori. Je la propose bien que sachant quand on prétend y voir clair, qu'en réalité on s'aveugle. À 28 ans, j'étais encore étudiant, et toujours puceau. Ethnologie, sociologie, psychologie et philosophie (des disciplines reines, aujourd'hui peu recherchées), cela prend du temps et c'était passionnant. Avec les professeurs que j'ai eus et que j'ai plaisir à nommer: Roger Bastide (Les religions africaines au Brésil), Lévi-Strauss (La pensée sauvage), Balandier (Afrique ambiguë), Leroi-Gourhan (Le geste et la parole), Henri Lefebvre (Critique de la vie quotidienne), André Martinet en linguistique, Roger Martin en logique, Guilbaud (Le raisonnement mathématique), Rougier (Traité de la connaissance), Éric Weil (Logique de la philosophie), Ricoeur (De l'interprétation), Marcel Conche (Pyrrhon ou l'apparence, publié aux éditions de Mégare - Villiers -sur -mer - Calvados)... De quoi se poser toutes les apories du monde en découvrant la diversité des coutumes, des valeurs, des visions du monde, mais aussi la possibilité - nécessité d'universaux, de valeurs moins relatives, en découvrant l'histoire, selon des rythmes très différents, des changements mais aussi l'existence de résistances et de permanences. De quoi avoir d'intenses et durables envies d'amour libre car comprendre, essayer, comparer, choisir sont bien des manifestations d'amour libre. Ces hommes et ces livres m'ont mis en appétit. Et je n'aime depuis que les livres qui me dilatent. Autant dire que je ne lis aucun des livres rapetissants des grandes surfaces. Mes livres, je les trouve sous le manteau. Ils ne sont jamais présentés à Apostrophes. Je ne regarde donc pas cette émission pornographique et voyeuriste. D'ailleurs, je n'ai pas la télé. J'ai vite compris qu'avec elle je perdais mon temps, ne pouvais faire l'amour qu'à la va-vite et vivre ma vie au ralenti puisqu'elle n'existe que pour nous sucer tous ensemble, confisquer l'énergie créatrice. Au vide sanitaire, la mamelle planétaire pour infantiles à perpétuité!

Nous comparant aux Bororo, je me sentais étriqué dans mon corps vêtu et non peint. Nous comparant aux Kwatiutl, je préférais leur société du potlatch à notre société du profit. Nous comparant aux Muria, je nous trouvais en retard de 1.000 ans pour l'éducation sexuelle et sentimentale. Mal dans ma peau, mal dans ma société, mal dans mon époque mais n'étant ni Bororo, ni Kwatiult, ni Muria, je me devais d'agir. Autant agir pour tout bouleverser, pour la révolution permanente et mondiale. J'étais mûr pour rencontrer Trotsky. Aujourd'hui je me droguerais peut-être d'une des multiples manières proposées sur le marché. Je préfère avoir choisi le mythe-révolution qu'avoir été choisi par la drogue. Au pavot, j'ai préféré le pavé.

Nous étions cinquante au Parti et l'avenir du monde était entre nos mains. J'y ai consacré treize ans de ma vie, toujours un pas en avant des masses, et jamais trois, le temps d'aider les masses à porter au pouvoir, parce qu'elles ne pouvaient pas trouver mieux, le socialiste Mitterrand. Dures années passées à combattre pour transformer le monde et changer la vie. Je voulais changer la vie pour que le canot de l'amour ne se brise pas contre la vie courante. Je ne voulais pas avoir à écrire comme le poète-tocsin: L'incident est clos. Je suis quitte avec la vie. Inutile de passer en revue les douleurs, les malheurs et les torts réciproques.

(Transformer le monde, changer la vie: belles expressions, faciles à dire, difficiles à réaliser. Mythes générateurs d'apories: on combat pour changer la vie, mais on néglige sa vie; les questions du mode de vie seront abordées après la révolution comme en Russie après 1917 jusqu'en 1927 - lire: Changer la ville, changer la vie d'Anatole Kopp -, en attendant on vit selon le mode de vie dominant et aliénant: le mode de vie bourgeois, individualiste et sexiste; beaucoup d'amour et d'énergie pour les autres devenus les masses et pendant ce temps peu d'amour et d'énergie, par fatigue, pour toi que je ne sais pas aimer. Mon héros, 20 ans après, n'est pas convaincu du tout que ce qu'il pense aujourd'hui est plus juste et plus lucide que ce qu'il pensait hier et pas convaincu du tout que les exécuteurs - ils sont légions - du mythe-révolution - dépassé et peu porteur comme ils disent - ont raison. L'auteur.)

Enrichi par la réflexion et l'action de ceux qui nous ont précédés, m'appropriant l'histoire non officielle des luttes d'émancipation et de libération contre l'exploitation, l'oppression, l'obscurantisme, jamais je n'ai pris le parti en défaut dans l'action: toujours avec les exploités et les opprimés, toujours pour les causes justes et généreuses.

(Ce discours de héros partisan est caractéristique du mythe-révolution: manichéen - bons et méchants -, excessif et mystifiant: les mots renvoient à des absolus dont l'évidence dispense de toute définition. J.Cl.G.)

(voir ma note sur les notes de J.Cl.G. L'auteur.)

Ce que j'ai appris sur le plan théorique, politique, historique, organisationnel a fait de moi un homme relié au monde et à son histoire, en prise sur le monde et son devenir, un homme exigeant dans l'analyse, efficace dans l'action. N'attendant pour l'analyse rien des journalistes médiatiseurs, pour l'action rien des politiciens à langue de bois, rien des publicistes à langue de vent.

(Attention le héros monte en bateau pour sa traversée en solitaire.J.Cl.G.).

Je gagne ainsi beaucoup de temps à ne pas lire la presse, ne pas têter la télé, ne pas fréquenter les vedettes de toutes tailles qui se croient indispensables. J'évite aussi coquettes sceptiques, cocottes cyniques, grenouilles bénites, autruches confites. Toutes les espèces de contemplatifs: téléspectateur bavard, sage silencieusement serein, drogué shooté, alcoolique givré, mystique illuminé, égoïste indifférent, lecteur du grand livre du mois, imbécile je m'en foutiste, rigolard impuissant, naturiste transi, mélomane averti. Et toutes les espèces d'hommes d'action: supporters de football, boldoristes, véliplanchistes, parapentistes, élasticomanes, pétaradomanes. Etc. Etc. Pour être relié au monde, profondément solidaire du monde, je suis volontairement devenu solitaire, choisissant celles et ceux auxquels je donne la main, avec lesquels je veux pour changer nos vies commencer par refuser bien des comportements majoritaires: PAP, crédit personnalisé pour l'auto à coefficient de pénétration nul, la cuisine ultra-fonctionnelle, le salon chic pour la vie, la télé multibranchée et les appareils audiovisuels télécommandés par l'électronique nipponne,

(Le héros ignore tous des performances des micro-ordinateurs et il se croit en phase avec le monde. J.Cl.G.),

voyages organisés, sorties-restaurants, spectacles à voir absolument, chefs-d'oeuvre à ne pas manquer, loto, tiercé, bourse, mode et gadgets, gaveries-beuveries de fin d'année, petits regrets éternels de Toussaint, commémorations sans mémoire.

(Certes, je ne peux changer certains des aspects de ma vie, en particulier sur le plan des conditions matérielles d'existence mais je peux si je veux me trouver des niches - d'espace - et des plages - de temps - pour des activités qui me fassent du bien au sexe, aux sens, au coeur, à l'esprit.)

(Le héros ne nous monte-t-il pas un bateau puisque tout en critiquant le mode de vie bourgeois individualiste, il vit de façon encore plus individualiste? J.Cl.G.).

En choisissant Trotsky, j'ai pu comprendre le balancement du flux de mai au reflux de juin c'est-à-dire pourquoi 10 millions de travailleurs en grève en mai ont repris le travail en juin pour des élections qui ont remis droite et patrons au pouvoir pour treize ans

(Jusqu'à ce que le gauche adroit Mitterand gagne avec l'aide du parti - mais il se répète).

C'était l'oeuvre des appareils bureaucratiques.

(Mon héros aime les explications simples. L'auteur.)

(Simplistes. J.Cl.G.)

(Pendant l'été 68 à Paris on trouvait sur d'innombrables étalages des textes marxistes, léninistes, trotskystes: Lambert - Krivine - Laguillier, maoïstes: différentes espèces avec grand succès du petit livre rouge, gauchistes: différentes sortes, spontanéistes, anarchistes, situationnistes, freudo-marxistes. À noter l'absence de textes communistes et socialistes. Les groupuscules comme les appelait le PC - l'actuel PS n'existait pas encore - ont produit de la théorie. Les grands partis n'en produisent jamais: c'est pratique quand la règle du jeu politique c'est l'opportunisme. Aujourd'hui on ne trouve plus aucun de ces innombrables textes qui permettaient de ne pas être déboussolés. Aussi je demande au lecteur de m'excuser si je ne peux lui expliquer ce que mon héros entend par "appareil bureaucratique". L'auteur.)

Mais avant de comprendre l'échec politique de 68, j'ai vécu ce printemps comme un grand mouvement de libération. Et d'abord de l'esprit. Des concepts ont connu là un usage massif: aliénation, réification, oppression, exploitation, lutte des classes, appareils stalinien et réformiste, bureaucraties syndicales, indépendance de classe, minorités agissantes, actions exemplaires, contestation, répression, récupération.

(Voir ma note précédente.)

Toutes les institutions étaient soumises à la critique: famille, école, entreprise, état, justice, médecine, urbanisme, armée, police, église... Rien ne résistait au dévoilement et à la démystification. Tout rapport de force était pointé. Mauvaise foi, justification, camouflage idéologique repérés et dénoncés. Pour transformer la société, pour changer la vie, il fallait d'abord critiquer, soupçonner, faire le procès de ce qui existait - des idoles, pas des hommes - avec pour seule arme, la lucidité: acuité du regard, précision du langage.

(Le héros exagère. J.Cl.G.)

20 ans après, que reste-t-il de ces mises à nu qui n'ont pas été des mises à mort? Les institutions oppressives ont résisté à leur démystification. La famille dont personne ne doutait qu'elle était le lieu de l'exploitation de la femme et de l'oppression de l'enfant, je ne sais par quelle opération du Saint Esprit, est redevenu foyer de chaleur humaine, lieu d'épanouissement. La preuve: on divorce de plus en plus, l'union libre se répand, pères ou mères célibataires se multiplient, la femme émancipée qui a métier - foyer travaille plus de 70 h par semaine. L'école a cessé magiquement d'être le lieu de la reproduction des inégalités socio-culturelles pour retrouver tout aussi magiquement sa vocation de démocratisation par l'égalité des chances et l'ouverture sur la vie. La preuve: en l'an 2000, 80% d'une classe d'âge aura le bac puisque l'illétrisme se développe et que l'ignorance se répand. L'entreprise n'est plus grâce aux sorciers de la finance le lieu de l'extorsion de la plus-value. Elle est redevenue grâce au miracle économique l'outil indispensable au progrès social. Nous n'avons plus le patronat le plus bête du monde. Nous avons des chefs d'entreprise à l'esprit entreprenant, animés par la volonté de gagner. La preuve: les licenciements, les reconversions, les dérèglementations diverses, la régression du pouvoir d'achat, le développement du chômage. L'État n'est plus grâce à la transparence médiatique au service de la classe dominante. Il est redevenu par le pouvoir de la télé, démocratique, soucieux de justice sociale. La preuve: les gens ne font plus la différence entre politique de droite et politique de gauche, les uns gouvernant comme les autres, et l'abstention augmente.

(Le héros se moque de nous. J.Cl.G.)

Que s'est-il passé? Les outils du soupçon ont été discrédités, les théories émancipatrices traitées d'idéologies, de mystifications, de vieilles lunes. Le marxisme ignorait qu'il était un messianisme hérité du mythe du paradis terrestre et porteur de totalitarisme. Le freudisme, qu'il était un anarchisme ouvrant la porte à tous les dérèglements et débordements érotico-sexuels et responsables du déclin de l'Occident. L'époque ne veut plus de théories, ce sont toujours des idéologies. Plus de projets, plus de programmes. On fait la politique du coup pour coup au coup par coup, la politique du comme-partout-ducon-partout, du petit pas en avant - deux grands pas en arrière. On navigue au jour le jour, on évite les écueils, on oscille d'un bord à l'autre - ce n'est même plus de Charybde en Scylla -, on balance un peu à gauche - pas mal à droite. On prône l'ouverture et le consensus, on marie laïcité et tolérance et c'est Jeanne d'Arc contre Mahomet. On parle de partenariat, de pacte social et c'est l'enculage généralisé avec les appareils syndicaux comme adoucisseurs. On proclame l'état de droit et tout le monde, à tour de rôle, doit descendre dans la rue pour faire valoir ses droits. On tonitrue avec les droits de l'homme et les passe-droits sont à la barre. On déclame la transparence et on parle les doubles langages.

(Le héros fait de l'ironie. Mais le réalisme politique, c'est changeant, excitant. Il devrait être content J.Cl.G.)

(C'est tellement changeant que c'est toujours pareil. Quand on ne veut pas changer les structures, on dit vouloir changer les mentalités. L'auteur.)

N'empêche que les gens en place, ceux qui ont le pouvoir et l'argent ont su récupérer les théories émancipatrices. Les politiciens indifférentiables savent se servir pour leur usage du marxisme. Et les publicistes, du freudisme.

(J'aimerais que le héros donne des exemples J.Cl.G.)

Évidemment, un tel renversement n'est pas sans effets. Les hommes d'action sont devenus hommes de dérision. Les hommes de révolution, hommes de participation et de co-gestion. Ceux qui avaient du bonheur à perdre sont des gagnants à tout prix. Les baudelairiens sont devenus borgésiens

(c'est proche alphabétiquement, voisin phonétiquement mais sémantiquement pas du pareil au même).

Ceux qui se servaient de leur tête prennent leur pied. L'humour a remplacé l'esprit.

(L'auteur anonyme d'Emmanuelle, ayant lu mon brouillon, m'a gentiment renvoyé au Robert pour que je relise les définitions du mot "humour". Il a raison. En 1989, on a perdu l'esprit et le sens de l'humour. L'auteur.)

On ne cherche plus du nouveau, on collectionne de l'ancien. C'est le temps de l'esbroufe, de l'épate, du faux-semblant, du kitsch. Le temps du bon temps. Modes et mondains font la mode et le monde. Le monde joue. Au tiercé, au loto, à la Bourse. Les petits s'assurent leurs 8-9% l'an. Les malins qui connaissent les bons FCP jouent à 300 % l'an. Les gros spéculent sur les oeuvres d'art protégées par des vigiles vigilants armés jusqu'aux dents.

N'ayant pas la qualité essentielle de l'époque: la souplesse d'adaptation, je n'ai pas réussi à m'adapter. Je n'ai pas changé de mentalité, seulement d'activité. Peut-être parce que je sais qu'il y aura d'autres retournements. Bien sûr, à l'échelle d'une vie, les rythmes sont lents, l'impatience grande, la déception fréquente. Déjà 16 ans de Pinochet au Chili. 23 ans de droite avant l'arrivée de son contraire - identique, la gauche, en France. 28 ans pour faire tomber le mur de Berlin. 40 ans pour être débarrassé de Franco en Espagne. 70 ans pour une pérestroïka en U.R.S.S. et 40 dans les pays de l'Est. Mais qui en doute: Pinochet passera, les assassins séniles de Pékin tomberont, l'apartheid sera aboli, la dette des pays sous-développés annulée.

(L'auteur introduit ici subrepticement une entité mythique tombée en désuétude: le sens de l'histoire. J.Cl.G.)

À l'échelle de l'histoire - qui reste encore une petite échelle - les surprises sont plutôt bonnes dans l'ensemble: je suis devenu plus grand, je vis plus longtemps et en meilleure santé, je passe plus de temps avec mon amour, je voyage facilement, j'ai l'électricité, je ne travaille pas beaucoup, je me fais souvent plaisir. En attendant sans impatience et sans désenchantement un prochain retournement, j'agis différemment avec le même esprit sans avoir l'impression de retourner ma veste. J'agissais pour le grand nombre, les masses qui n'ont rien à perdre et tout à gagner, j'agis avec un petit nombre d'artistes pour un petit nombre d'amateurs. J'agissais pour la révolution par nécessité et conviction. J'agis pour l'art par plaisir, for love. Je ne cherche pas à faire des coups médiatiques n'ayant pas souvent l'occasion de prendre des Bastilles ou des Palais d'Hiver. J'initie des aventures de l'esprit persévérantes, discrètes, sans souci d'exemple ou d'influence.

(La modestie de mon héros m'oblige à dévoiler aux lecteurs que je l'imagine animant un petit lieu de création théâtrale -un art qui se porte plutôt mal- et une petite collection dont la presse ne parle jamais -il ignore ce qu'est un service de presse. Il est aussi parfois poète, à ses frais. L'auteur.)

(J'ignore par quel processus l'auteur peut transformer un trotskyste en un artiste. J.Cl.G.)

(Parce qu'être révolutionnaire et être poète consistent à ne pas vouloir ressembler, ne pas vouloir continuer, dire non, défier le monde tel qu'il est, en façonner un autre au goût de l'homme. L'auteur.)

J'ai tendance à ne m'intéresser qu'aux gens discrets, oeuvrant en ignorant les médias. C'est pourquoi j'ai redécouvert l'auteur anonyme vingt ans après l'avoir perdue de vue, quand son petit livre bleu a été réédité sous couverture blanche. (Je m'excuse de vous l'avoir fait perdre de vue depuis quelques pages déjà pour vous parler de 68, nous et moi mais c'est le même sujet qu'Emmanuelle, nous et moi)

 

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En 68, je n'étais pas allé au-delà du chapitre 1. Comme beaucoup de gens, j'ai ensuite vu le film: Emmanuelle 1. Je l'ai vu à l'époque où des milliers et des milliers d'espagnols venaient à Perpignan voir ce film et triompher dans les salles obscures de Franco et de sa censure. Ca m'a permis de rester jusqu'à la fin de ce film fade. Je n'ai pas vu les autres.

Je m'en rends compte maintenant. Malgré mon esprit critique et mon goût pour la poésie, je n'ai pas su lire Emmanuelle. Varier partenaires, positions, plaisirs, me paraissait sans rapport essentiel avec changer la vie, changer l'amour. Pour moi, l'avenir de l'amour ne dépend pas de la position des corps au cours de l'étreinte mais de celle qu'occupent les amants dans la société évolutive qu'ils tentent de former entre eux. Il dépend également des rapports d'intérêt et de compréhension que la société des amants réussit à établir avec le reste du monde. J'avais été mystifié par le discours dominant sur Emmanuelle, peu soucieux d'aller vérifier par moi-même s'il s'agissait d'autre chose que de faire l'amour comme ça nous chante, nous enchante. Mystifié par le discours pornographique tenu sur un livre érotique.

J'ai donc lu d'Emmanuelle Arsan:

Emmanuelle (La leçon d'homme), Emmanuelle (l'anti-vierge), Les enfants d'Emmanuelle, Toute Emmanuelle, Mon Emmanuelle leur pape et mon Eros, Les soleils d'Emmanuelle, L'hypothèse d'Eros, Nouvelles de l'Erosphère, Laure, Sainte-Louve.

Lu en amoureux, dans le plus beau désordre. Sensible à la constance des thèmes, la permanence des idées, la précision des dialogues, la puissance de l'imagination, la fantaisie des situations et des descriptions, la qualité de l'écriture. Découvrant, en surmontant un préjugé, une oeuvre: beauté et cohérence, répétition et dépassement, état du monde et création de mondes, témoin du temps et utopie. Une oeuvre parce qu'il y a auteur et héroïne non dissociées, oeuvre sincère marquée par une vie et une pensée mêlées. Oeuvre de bonheur à l'érotisme rayonnant donnant chaud et faisant du bien. Emmanuelle n'est pas une fille ennuyeuse. Elle est intelligente. Elle a du coeur. Elle est belle et bonne. L'oeuvre est source de vie favorisant mouvement et changement, source de connaissance aidant à la prise de conscience lucide de ce qui nous limite sans raison et de ce qui nous est possible en le voulant.

Avec Emmanuelle, nous voici sans faute originelle sur une terre présente, engagés dans une recherche éperdue de bonheur, de plaisir, transgressant tous interdits et tabous sans peur et sans reproche, recherche grandie aux dimensions du cosmos, disant l'infini du désir par le nombre, l'espace, le mouvement, le temps, recherche démentant le sacré et déniant le tragique, s'appuyant sur l'art et la science qui nous bousculent et nous déroutent.

Lire Emmanuelle, c'est bander de temps à autre: réveil du désir, envie de jouir; c'est avoir à réfléchir: peut-on passer du rêve au réel et comment? ; c'est faire l'expérience de la facilité à soulever le poids des culpabilités héritées: me masturber, ce n'est plus mal, c'est bon tout simplement; c'est retrouver plus vives des énergies retenues, contenues, bridées, brimées; c'est découvrir de nouvelles sensations, aiguiser les anciennes, recommencer à oser, chercher l'usage heureux de mes envies et désirs, l'usage poétique de ma parole et de ma pensée pour donner vie et forme à ce que je vis, le mettre en lumière et ajouter à mon plaisir celui du spectateur du tableau vivant que je lui donne à lire; c'est comprendre que ce qu'on appelle amour est un jeu si corrompu par ses contradictions logiques qu'il est devenu l'instrument de nos apories et que le véritable amour quittera les îles imaginaires où il patiente quand nous voudrons individuellement et collectivement nous donner la chance de vivre intelligemment et heureusement notre brève histoire du temps. Qand je lis Emmanuelle, c'est la débandade et l'ennui si j'en reste à l'apologie de l'amour physique et des libertés qu'il doit prendre, c'est le 7° ciel et la joie si je partage sa conviction que l'amour est l'aile du monde et que sans lui notre terre est atterrée. À chaque lecteur de faire l'usage qu'il veut et peut de ce mythe qui se prête à de multiples interprétations et usages. L'immense succès de sa lecture passivement à plat par les post-soixante-huitards a été pour moi un obstacle à la lecture active et plurielle que j'ai pu en faire récemment.

(Le héros fait sans doute une analogie avec les degrès de la connaissance exposées par Platon aux Livres VI et VII de La République. J.Cl.G).

Et qui m'a redonné l'envie de faire l'amour.
 



C'est le 4 juin 1988 que j'ai osé aborder Haydée, la fille d' Emmanuelle qui lui a donné ce prénom en pensant au film de Rohmer: La collectionneuse.
88. Plage de Méditerranée. Le soleil au Zénith.
Peu de monde: ceux et celles qui aiment rêver face au grand bleu. J'en suis. Pas au-delà de fin juin. Après je laisse la plage aux foules.

(Masses et foules sont des notions distinctes. L'auteur.)

Elle, à l'écart, rêvant de miettes de lumière dure devenant grains de sable doux. 16 ans. Maillot sexy. Belle. Sourire ensoleillé.

Moi, 48 ans, troublé. Peut-être la nostalgie d'Emmanuelle. Sans doute un des effets de ma lecture par degrés: si la vie était répétition, si la fiction devenait réalité, moi - Lorenzo ou Mario, elle - Alexandra ou Orange.

(Je n'ai pas trouvé à quoi l'auteur fait allusion. J.Cl. G.)

- Bonjour. Je vous ai écrit quelques poèmes. Je vous aime.
Elle ne rit pas, me regarde avec cette moue à la mode qui la maquille de hauteur feinte, de froideur maussade et blasée, d'inaccessibilité et de déplaisir vague. (Mais je sais d'intuition que sous ce masque décourageant, il y a celle qui peut naître à terme, la plus belle des Haydée possibles, née de mon amour.)
Elle remet les choses à leur place:

- Je résiste à ceux qui m'aiment. Moi, je ne vous aime pas.

- Je ne te réclame pas mon amour pour t'obliger à m'aimer en retour. T'aimant, je suis capable d'accepter de ne pas être aimé de toi, de renoncer à tout jeu pour te séduire et te conquérir. T'aimer c'est vouloir être moi, n'être que moi, être vrai et n'attendre rien de toi, n'avoir aucun projet pour toi, au risque de te perdre puisque je ne veux pas te gagner. Etre aimée de moi ne te donne pas davantage pouvoir sur moi pour me faire souffrir à me faire attendre. Car ne voulant rien pour toi, pas même ton bien, je ne peux me faire mal en t'en voulant de ne pas répondre à mes attentes. Ce n'est pas indifférence. C'est être irradié par tout ce qui me vient de toi et d'abord par ton existence que tu sois présente ou absente. Pour t'aimer, je n'ai pas besoin d'entendre ta voix, de lire ton écriture. Je n'ai besoin ni de rêves, ni de souvenirs, pas même une photo, pas même une image dans ma mémoire. Il me suffit d'un nom. A n'être que moi, à ne vouloir rien pour toi, tu peux être toi avec moi, en ne voulant rien contre moi. En renonçant à prendre plaisir à me faire souffrir, à gagner sur moi, tu cesses de te perdre. Je t'offre un amour à construire, pour nous éduquer, nous grandir. Faisons l'économie du Moyen Age à la veille de l'an 2000. Ne sois pas la fille du tout ou rien. Au plus, ne réponds pas par le moins. C'est nul. Réponds au chaud par le chaud et non en soufflant le froid, au doux par le doux, non par le dur, à la parole d'amour par la parole d'amitié, non par le silence du dédain. Ainsi commencent les relations vraies et justes, durables et fidèles - même s'il n'y a pas réciprocité: elle n'est plus nécessaire puisqu'il n'y a plus d'attentes sources d'ambiguités, d'équivocités, de souffrances. Moins de violence dans le monde. Chaleur-bonheur pour nous et ceux qui se réchauffent à nous regarder:


Je t'aime parce que tu existes
que tu as été mise en travers de mon chemin
que je peux te regarder jusqu'à ravissement
être souffle coupé par ta beauté
déchiré par l'essentiel détail
ce mouvement d'oiseau de ta main
pour chasser les cheveux de tes yeux.
Pour cette douceur-douleur
te respirer te contempler
qui dis-moi dois-je remercier?


Elle parcourt mes poèmes comme s'ils ne s'adressent pas à elle, me les prend sans un merci. (Mais je sais qu'elle va les lire souvent, s'en nourrir, loin de moi.)

Je suis devenu l'amant platonique d'Haydée, la fille d'Emmanuelle. L'une m'a enchanté. L'autre m'a fait chanter. La vie est répétition-contradiction.

(Le héros pense sans doute à la dialectique de Hegel-Marx, non à celle de Platon. J.Cl.G.)

Haydée a collectionné les amours romantiques. Emmanuelle se doutait-elle que la fiction inverse de la sienne deviendrait réalité?

(Le héros pense sans doute au jeu de l'inconscient selon Freus et Lacan. J.Cl.G.)

La belle me voyait de temps en temps pour me parler, moi l'écoutant et la chantant sans que jamais je la baisasse ou qu'elle me baisât. Cela a duré un an jusqu'à ce jour où elle me dit:

- Hypocrite, tu aurais obtenu davantage de moi. Nous sommes quittes.

Devais-je entendre: "Si tu veux que je te baise, ne me dis pas que tu veux me baiser. Par esprit de contradiction, et par respect de l'unité des contraires, mon désir est le contraire du désir de l'autre. Dis le contraire de ton désir et mon désir sera ton désir."? De quoi embarquer dans la nef des fous.

J'en suis resté pantois. Pends-toi me conseillait le masochiste qui s'agite en nous. J'ai pensé à la dernière lettre de Maïakovski, écrite avant le coup de révolver. Je l'ai quittée. Pour tuer mon envie d'elle. Et rester sur terre. En vie. Sans aile.

Poète je transformerai un jour ma souffrance en beauté - les plus beaux chants seront-ils toujours désespérés - pour que d'autres, si cela leur chante, commencent une autre histoire que la nôtre avec les mots vrais que je tirerai de nos maux sans nécessité et qu'ils portent cette histoire, s'ils le peuvent vers les rives heureuses:

 

Elle ne fut port
ni havre refuge ou maison
pas même bivouac ou campement
abri précaire
cahute lacustre
radeau de misère
Elle fut flambée d'artifices
une nuit de solstice d'été
cheveux de nuages !
un soir de mistral radieux
Elle fut corps de neige fondante au soleil
château de sable effondré par la vague
Elle fut robe blanche sur lit défait
collant noir dans fauteuil profond
maillot bleu sur parquet ciré -
et moi que faisais-je dans ces décors?
Elle fut mutisme d'enfer confidence d'ange
mépris de béton élans d'enfant
Elle fut poignard incisif mouchoir de soie
lame tranchante ouate délicate
Elle fut source et sel
fiel et miel
devint cendre et diamant
Eurydice de rêve

pour lyre d'Orphée
et (ou)
Elle me fut port
havre refuge et maison
bivouac et campement
abri précaire
cahute lacustre
radeau de misère
Elle me fut flambée
d’artifices
une nuit de solstice d’été
en Crète
cheveux de nuage
un soir de meltèmi radieux
Elle me fut corps de neige
fondant au soleil de l’Olympe
château de sable
effondré par la vague d’Égée
Elle me fut robe blanche
sur lit défait
collant noir
dans fauteuil accueillant
maillot bleu
sur parquet ciré
et moi que faisais-je
dans ces labyrinthes ?
Elle me fut mutisme d’enfer
confidences d’ange
mépris de grande
élans d’enfants
Elle me fut poignard incisif
mouchoir de soie
lame tranchante
ouate délicate
Elle me fut source et sel
fiel et miel
me devint cendre et diamant
Eurydice de rêve
pour lyre d’Orphée

 
 

Je suis allé voir Emmanuelle pour comprendre:

- Tu crois comme moi que l'amour qui justifie, bêtifie, permet toutes les vacheries et toutes les complaisances, nous devons nous en délivrer parce que faire l'amour ainsi c'est se faire la guerre, se mettre à mort et qu'il faut donc créer, inventer le véritable amour déjà rêvé par poètes et lesbiennes et qui permettra de vraiment faire l'amour -

(une lecture active et plurielle de l'expression "faire l'amour" est indispensable).

A dire, cela paraît smple. A inventer et à vivre, cela n'a pas l'air si facile. L'amour n'est pas un délassement. C'est une tâche et de toutes, la plus rude, m'a appris Bilitis. L'érostisme comme art, l'amour comme science, c'est un mythe. Entends-le comme tu peux!

(Faut-il entendre que pour qu''il y ait mythe, il faille idée équivoque, que le mythe alors n'est que de l'ordre du discours se prêtant à l'interprétation, se refusant à la pratique? ou pour que le mythe soit facile à vivre, il doive exprimer une idée smple? Dire qu'Emmanuelle est un mythe, est-ce dire qu'on ne peut devenir Emmanuelle? mais imaginer Emmanuelle, n'est-ce pas déjà la faire exister et lui faire exprimer les attentes de son temps et de tout temps?).

Choc. Je venais de comprendre que chaque matin, chacun est confronté, à un double but, l'un de se saisir, se réaliser, se libérer - la lucidité, la maturité d'Emmanuelle, son érotisme, - l'autre de rester inachevé, immature - l'insouciance, la nonchalance, la jeunesse d'Haydée, sa pornographie.

La plupart des hommes de ce temps choisissent Narcisse. Ceux d'il y a 20 ans choisissaient Prométhée. Et moi? Qui être? Qui choisir? Emmanuelle, volontaire, travaillant avec passion à avoir le coeur net ou Haydée, velléitaire, vivant dans la confusion de ses sentiments? Moi, lyrique avec l'une, épique pour l'autre?

(L'auteur a inversé les adjectifs. J.Cl.G.)

(J.Cl.G. n'a rien compris. L'auteur.)

Mon coeur les a choisies toutes les deux. Je les aime différemment, gai et profond avec l'une, triste et léger avec l'autre. Erotisme et pornographie: un jeu qui se joue au millimètre près.

L'auteur, XXX
texte paru dans le N° 12 de la revue Aporie, Le mythe, décembre 1989
illustration en début de l'article et fin de l'article paru dans la revue et non reproduit dans cet article de blog
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photos d'E.A., prêtées par Louis-Jacques
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Beauté j'écris ton nom / Serge Rezvani

Rédigé par grossel Publié dans #FINS DE PARTIES, #amour, #ateliers d'artistes, #notes de lecture, #pour toujours, #poésie, #vraie vie, #écriture

couvertures / Eluard sculpture en bronze d'Ossip Zadkine, sur la jambe, quelques vers du poème J'écris ton nom Liberté, au musée Paul Eluard de Saint-Denis
couvertures / Eluard sculpture en bronze d'Ossip Zadkine, sur la jambe, quelques vers du poème J'écris ton nom Liberté, au musée Paul Eluard de Saint-Denis
couvertures / Eluard sculpture en bronze d'Ossip Zadkine, sur la jambe, quelques vers du poème J'écris ton nom Liberté, au musée Paul Eluard de Saint-Denis
couvertures / Eluard sculpture en bronze d'Ossip Zadkine, sur la jambe, quelques vers du poème J'écris ton nom Liberté, au musée Paul Eluard de Saint-Denis
couvertures / Eluard sculpture en bronze d'Ossip Zadkine, sur la jambe, quelques vers du poème J'écris ton nom Liberté, au musée Paul Eluard de Saint-Denis

couvertures / Eluard sculpture en bronze d'Ossip Zadkine, sur la jambe, quelques vers du poème J'écris ton nom Liberté, au musée Paul Eluard de Saint-Denis

note de lecture sur Beauté j'écris ton nom de Serge Rezvani achevée à 00 H 00 ce 25 juin 2022
- voilà un récit polyphonique par la diversité des tons au gré de la plume avec pauses, distanciation quand le vieil homme se relit avec un sourire amusé
(lire donc aussi avec sourire amusé, le récit amusé du vieil homme, ce qui veut dire ne pas le prendre au pied des mots, il y a de la pose, de la posture et nécessairement de l'imposture; dans mon esprit, ce terme n'est nullement péjoratif ni dépréciatif; dès qu'on se met en mots ou en image, on se pose, s'impose, se fige; la vie va ailleurs)
- voilà un récit à strates, à boucles (on ne peut rajouter l'adjectif quantique, Rezvani voyant, nous voyant, se voyant  comme biologie, évolution génétique, matérialiste, déterministe ; il ne semble pas savoir, pouvoir aller jusqu'à une approche quantique, indéterministe de l'Émergence)
- un récit où on peut lire
des pages de Lula,
des pages-sédiments du Rezvani des années d'avant 50 à Paris quand il se marie avec Eva la suicidaire,
puis des années 50 avec Lula (venue à lui par sa peinture - le tableau fétiche de Lula L'oiseau du Mexique - et qui vécurent leur amour-fusion pendant 50 ans à La Béate)
puis des pages de 2007 dans la maison bleue de l'actrice adulée, en fin de carrière, et malade, sur la falaise de Bonifacio
et des pages de 2020 dans la maison-jardin en contre-bas qu'ils (lui le vieil homme amoureux et l'actrice amoureuse tentant d'approcher l'indicible de Lula, de s'approprier Lula) ont bâti à l'image de La Béate dans les Maures et où l'actrice retrouve sa nature de paysanne corse à même la terre,
- où sans arrêt Rezvani passe du jeune-peintre-de-16-ans au vieil homme-tout-en-un de 93 ans, avec son sourire amusé, sa mélancolie, sa tristesse, sa nostalgie
- ce récit constitue une contre-histoire personnelle de l'histoire de l'art dit contemporain parce que pour Rezvani et dès ses débuts l'acte de peindre est l'oeuvre des libertés de la main du peintre.
Oui, vraiment, avec Rezvani, on est ailleurs, du côté de l'absolu (mot qu'il n'emploie pas), quand c'est le tableau peint par la main des libertés du peintre (venues de très loin, de très profond, à la fois de l'inconscient, du subconscient personnel, de l'inconscient collectif et d'une histoire de l'art pluri-millénaire) qui regarde le peintre.
- Voilà un récit particulièrement riche, iconoclaste, à se prendre plein de claques remettant en cause, en ce qui me concerne, certaines références, "connaissances".
- Rezvani décrit de façon impitoyable le monde des marchands d'art, annonce clairement, non notre effondrement mais notre transformation en bio-masse où comme dans les fourmilières, termitières, il n'y a que la fonction qui compte, rendant indestructible la colonie, unicité et singularité étant éliminées. 
(bémol pour moi : je pense qu'un changement de paradigme est en cours, que de plus en plus de gens, de groupes se rendent compte de l'absurdité, du vide de sens  de la vie urbaine, virtuelle, optent pour des aventures humaines, signifiantes en solo ou en collectifs, en rhizomes, en hybridation avec une dimension spirituelle à rebours de ce qui nous tue: le consumérisme, le trop plein pour faire le vide, retrouver la plénitude créatrice du vide qui fait le vase, optant pour un "travail sur soi" d'élévation, de compassion, de solidarité, de mains dans la terre, la matière, de liens et connexions avec la nature, la VIE = vibrations, informations, énergies)
- Même s'il ne veut pas être anecdotique, les rencontres qu'il fait du Diable collectionneur d'Anvers ou  de Charles Michelson sont particulièrement évocatrices et on comprend qu'avec Duchamp et compagnie, on a rompu comme il dit la chaîne dont parlait Cézanne, la chaîne de la vraie-réelle histoire de la peinture, non déconstruite, non abstraite, non moderne parce que portée par une tension, l'art comme tension annonciatrice de Beauté, dépassement de l'homme du meurtre (le récit de son meurtre de la raie pastenague au cap Lardier alors miné par les mines allemandes est comme un exorcisme) par l'Homme (Nietzsche ?)
 
Je me suis imaginé qu'il pourrait y avoir une manifestation à inventer entre le très étonnant musée Paul Eluard de Saint-Denis, lieu magique, ancien couvent de carmélites et Rezvani, graveur sur bois du poème d'Eluard, annonciateur de la rencontre de Serge et Danielle, la solitude artistique à deux.
 
- Mais l'essentiel de ce récit en méandres lents (rien du tourbillon de la vie ou de la mémoire qui flanche, sauf le temps d'une chanson, le temps d'un rire prolongé et partagé) c'est l'émergence des significations profondes de ce qu'il a vécu, de ce que l'attendu lui a réservé (ou pas) comme de ce que l'inattendu lui a offert, à l'image de ce que dit la coryphée à la fin de la Médée d'Euripide : 

LA CORYPHÉE

De maints événements Zeus est le dispensateur dans l'Olympe. Maintes choses contre notre espérance sont accomplies par les dieux. Celles que nous attendions ne se réalisent pas; celles que nous n'attendions pas, un dieu leur fraye la voie. Tel a été le dénouement de ce drame.

- pour comprendre le geste inouï de son abandon par sa mère juive russe pour le confier, circoncis à 9 ans à une institution juive américaine ce qui le sauve du camp quand sa mère, cancéreuse, charcutée y mourra, il lui faudra sa vie entière
et donc vivre sa vie dans ce sentiment d'abandon avec tous les effets en lui, dans son corps, dans sa sauvagerie, sa sexualité, sa solitude extrême, sa timidité, son refus de se mettre en avant, sa confiance instinctive dans l'intelligence du coeur (il n'emploie pas le mot mais aujourd'hui, ce langage parle à ceux qui ne dévient pas de leur axe, même s'il ne semble pas très visible ou perçu)
- une vie aussi pour saisir l'empreinte ineffaçable de celle qui lui a donné l'amour de la vie et du féminin par ce que j'appellerai son amour inconditionnel (mot qu'il n'emploie pas non plus mais qui parle aujourd'hui à nombre de gens) pour lui, pour le monde qu'ils se sont créés, se mettant au centre de l'univers, centrés égoïstement (mot à prendre en très bons termes, pas comme dénigrement, jugement moral dépréciateur) sur leur bonheur où tout est mis à sa place, apprécié, où sont aimés, soignés oiseux, plantes... la Femme-toutes-en-une, Lula, Lula qui avait le don d'être l'artiste originale d'elle-même, eux deux-un faisant de la vie, de leur vie une-à-deux une oeuvre d'art, vivante, ludique avec chansons en particulier, chansons de l'instant, pour l'instant, ceci, paradoxe, n'ayant été possible que dans et par leur dèche, leur acceptation débrouillarde de la vie au jour le jour sans trop d'appréhension du lendemain
- mais hors de ces présents (aux deux sens du mot) de félicité chantée, rieuse, joyeuse, dans l'atelier derrière la maison, Serge redevenait peintre, peintre  de peintures cauchemardesques comme en contre-point de l'idylle sans cesse renouvelée, de félicités en félicités, contre-point nécessaire, hérité du passé détraqué qui l'avait détraqué et de l'époque de Nagasaki, de la guerre du VietNam...
 
- mais comme un dieu (mot non employé par Rezvani) ouvre la voie à l'inattendu, l'inattendu sait réserver, proposer des surprises, des coïncidences,
- c'est l'ultime amour qui permet de voir enfin le dessin qui s'est dessiné dans le tapis de la vie avec la création de ce jardin en bas de la falaise où les deux vieux amants sous l'influence fantômatique de la morte sans cadavre que fut Lula en fin de vie redoublent avec des nuances, des différences mais dans les mêmes couleurs les années Lula
- ainsi Serge peindra quatre toiles de l'actrice dans sa nudité divine, pour exalter sa fascination du féminin face au levant sur la mer, face au midi sur la mer, face au couchant sur la mer et face à la nuit sur la mer, la vie en boucles, la vie en cycles, la vie en saisons, la vie en peintures, en écritures, en chansons pour l'actrice à la si belle voix. 
- ça donnera Pour une philosophie du jardin, 2019 : Evoquer le jardin, c'est descendre à l'être des choses, privilégier le détail sur l'ensemble, la fleur sur le massif, aller au coeur de la fleur, avec ses étamines, son pollen d'or fin, les délicates nervures de ses pétales retroussés, alors qu'une abeille aux besaces alourdies de cet or, pareille à un minuscule hélicoptère bourdonnant, descend d'un vol vertical se reposer quelques secondes sur la plage colorée du calice qui semble s'entrouvrir exprès pour elle. Une symphonie du jardinier poète Rezvani. L'amour du jardin, de la nature, de la Corse. De l'amour tout court.
 
- il me tarde de voir le film réalisé par Mireille Dumas avec le sacrifice artistique par le feu d'une centaine de toiles regardant et le peintre et les "spectacteurs" tendant vers la Beauté
 
merci Serge Rezvani d'oser être pluri-indisciplinaire
comme le fut mon ami, le philosophe Marcel Contre, pensant le devenir grec de la philosophie et l'infini de la Nature (dont j'ai édité une dizaine de livres) décédé à un mois de ses 100 ans, le 27 février 2022 (né le 27 mars 1922),
comme je pense l'être moi-même avec mes presque 82 ans
pour ma part, après le livre d'éternité, né de la question de l'épousée : je sais que je vais passer, où vais-je passer ? c'est à un nouveau défi que je suis convié, toujours par une remarque de l'épousée : il y a un morceau de Sylvain qui se balade quelque part
c'est une remontée inattendue d'une des dernières paroles d'Annie, le 29 octobre 2010 chimérisme foetal-maternel ?
attendant Sylvain, c'est Katia qui est arrivée 
jusqu'à ce que Magali B. me mette le nez dessus, le 21 mars 2022 : mais peut-être ils étaient deux ?
21 mars, jour du printemps, jour de Nowruz, de sainte Clémence (morte le 21 mars 1176), de la trisomie 21, pour l'élimination de la discrimination raciale (quelle légèreté une journée pareille)
vrai ou faux, impossible de trancher 
donc le défi des prochains mois, retourner dans le ventre porteur d'Annie et écrire la légende des jumeaux Sylvain (s'il vînt, il ne devait pas venir, avais-je répondu) et Katia (bien là)
que s'est-il passé entre eux ?
ça me permettra de me repencher vraiment sur son berceau
une boucle à l'envers, de la mort comme mystère, passage, pas-sage, l'âme-hors à la conception comme mystère, miracle, émergence de la vie, âme s'incarnant, aimer animer
Rezvani et Danièle-Lula / l'actrice peinte par Serge regardant Veermer peignant son modèle
Rezvani et Danièle-Lula / l'actrice peinte par Serge regardant Veermer peignant son modèle
Rezvani et Danièle-Lula / l'actrice peinte par Serge regardant Veermer peignant son modèle
Rezvani et Danièle-Lula / l'actrice peinte par Serge regardant Veermer peignant son modèle
Rezvani et Danièle-Lula / l'actrice peinte par Serge regardant Veermer peignant son modèle
Rezvani et Danièle-Lula / l'actrice peinte par Serge regardant Veermer peignant son modèle
Rezvani et Danièle-Lula / l'actrice peinte par Serge regardant Veermer peignant son modèle
Rezvani et Danièle-Lula / l'actrice peinte par Serge regardant Veermer peignant son modèle
Rezvani et Danièle-Lula / l'actrice peinte par Serge regardant Veermer peignant son modèle
Rezvani et Danièle-Lula / l'actrice peinte par Serge regardant Veermer peignant son modèle
Rezvani et Danièle-Lula / l'actrice peinte par Serge regardant Veermer peignant son modèle
Rezvani et Danièle-Lula / l'actrice peinte par Serge regardant Veermer peignant son modèle

Rezvani et Danièle-Lula / l'actrice peinte par Serge regardant Veermer peignant son modèle

 
je pense que le Musée Paul Eluard de Saint-Denis devrait s'emparer de la rencontre entre Eluard et Rezvani en 1947 pour l'illustration par bois gravés du poème Elle se fit élever un palais
(poème annonçant - mais il ne s'en est rendu compte qu'après coup - la rencontre de Serge et de Danièle à Paris, elle avait 18 ans, avant la fuite dans les Maures, pendant 50 ans, Éclipse et disparition comprises avec la maladie d'Alzheimer)
 
Un taillis de nuages sur un rond-point solaire
Un navire chargé de paille sur un torrent de quartz
Une petite ombre qui me dépasse
Une femme plus petite que moi
Pesant autant dans la balance des pygmées
Qu'un cerveau d'hirondelle sur le vent contraire
Que la source à l'œil vague sur la marée montante
Un jour plus loin l'horizon ressuscite
Et montre au jour levant le jour qui n'en finissait plus
Le toit s'effondre pour laisser entrer le paysage
Haillons des murs pareils à des danses désuètes
La fin maussade d'un duel à mort où naissent des
retraites des bougies
La mise au tombeau comme on tue la vermine
Rire aux éclats une palette qui se constitue
La couleur brûle les étapes
Court d'éblouissements en aveuglements
Montre aux glaciers d'azur les pistes du sang
Le vent crie en passant roule sur ses oreilles
Le ciel éclatant joue dans le cirque vert
Dans un lac sonore d'insectes
Le verre de la vallée est plein d'un feu limpide et
doux
Comme un duvet
Cherchez la terre
Cherchez les routes et les puits les longues veines
souterraines
Les os de ceux qui ne sont pas mes semblables
Et que personne n'aime plus
Je ne peux pas deviner les racines
La lumière me soutient
Cherchez la nuit
Il fait beau comme dans un lit
Ardente la plus belle des adoratrices
Se prosterne devant les statues endormies de son
amant
Elle ne pense pas qu'elle dort
La vie joue l'ombre la terre entière
Il fait de plus en plus beau nuit et jour
La plus belle des amantes
Offre ses mains tendues
Par lesquelles elle vient de loin
Du bout du monde de ses rêves
Par des escaliers de frissons et de lune au galop
A travers des asphyxies de jungle
Des orages immobiles
Des frontières de ciguë
Des nuits amères
Des eaux livides et désertes
A travers des rouilles mentales
Et des murailles d'insomnie
Tremblante petite fille aux tempes d'amoureuse
Où les doigts des baisers s'appuient contre le cœur
d'en haut
Contre une souche de tendresse
Contre la barque des oiseaux
La fidélité infinie
C'est autour de sa tête que tournent les heures sûres du lendemain
Sur son front les caresses tirent au clair tous les mystères
C'est de sa chevelure
De la robe bouclée de son sommeil
Que les souvenirs vont s'envoler
Vers l'avenir cette fenêtre nue
Une petite ombre qui me dépasse
Une ombre au matin.
730 dessins de confinement, paru le 22 novembre 2022

730 dessins de confinement, paru le 22 novembre 2022

un titre, un livre de
Serge Rezvani, 94 ans
que j'ai eu la chance provoquée de rencontrer avec Annie, l'épousée
à La Béate, le 2 août 2001 
48 jours avant la disparition de Cyril G. et Michel B. à Cuba 
La Béate, nid de l'amour-fusion de Serge et de Lula
cette rencontre est racontée, fictionnée, légendée dans 
Et ton livre d'éternité ? pages 122-123
Rezvani fait partie de mes plus belles lectures
nombre de pages de mon blog sont consacrées à des notes de lecture d'une oeuvre personnelle, singulière
Beauté, j'écris ton nom
un auteur, pas de nom d'éditeur
bravo Rezvani et bravo l'éditeur
anecdote : jeune peintre fauché de 17 ans, Serge Rezvani se vit confier par Paul Eluard l'illustration par onze gravures sur bois d'un poème, Elle se fit élever un palais, édité en 1947 à 16 exemplaires par Maeght, réédité à l'identique pour la journée mondiale du livre le 23 avril 2019 à 28500 exemplaires offerts avec une rose par le syndicat des libraires francophones de Belgique
je le dis sans flagornerie; il y a beaucoup de similitudes entre le retour de Rezvani sur ses vies et la métamorphose en Vita Nova du hiérosolymitain J.-C.

je le dis sans flagornerie; il y a beaucoup de similitudes entre le retour de Rezvani sur ses vies et la métamorphose en Vita Nova du hiérosolymitain J.-C.

7 - La rencontre de Lola à La Béate, le nid d’amour fusion de Lula et Serge

Lui-Je, hiérosolymitain d’Avers sous les eaux depuis le Déluge, celui qu’on appelle communément J.C., a eu la chance de rencontrer à La Béate, dans la forêt des Maures, Serge Bassiak et Danielle-Lula.
Cyrus Rezvanupied était venu les attendre, l’épousée et Lui-Je, avec sa voiture décapotable, l’américaine rose, à Col’o’brière.

Ce fut un grand moment de partage : champagne et livres, le 2 août 2001, avec l’épousée, 48 jours avant la disparition du fils et du frère, le 19 septembre 2001 à Jaguëy-Grande, Cul-bas.
Rezvanupied leur dédicaça 
La Traversée des Monts Noirs (en supplément du Rêve de D’Alembert) (l’édition Stock de 1992) avec « un peu de Russie, un peu de Toulon ».

Et effectivement la Russie, indépendamment du roman, les habitait depuis 2000 et cela dura 10 ans encore pour l’épousée comme pour lui avec l’épisode Baïkalal.
Danielle-Lula était atteinte de la maladie d’Alzheimer, diagnostiquée le 11 août 1999. Cette fin d’après-midi là, ils ne s’aperçurent de rien, ils n’étaient au courant de rien. Elle posa une question à l’épousée 
Avez-vous des enfants ? Comment cela se passe-t-il ? L’épousée répondit en mère aimante et en psychologueDeux réponses opposées. En tant que mère, on fait ce qu’on peut, on donne le meilleur. Mais pour les enfants, on ne sera jamais les bons parents qu’ils voulaient. Freud disait De quelque manière qu’on s’y prenne, on s’y prend toujours mal. Un courant de sympathie s’était installée entre elles. Lui- Je sentit comme un regret chez Lula de n’avoir pas eu d’enfant.

Autour d’eux, discrète mais présente, Lola, une superbe métisse comme on les rêve, les imagine, ce qu’il faut là où il faut, (regard et parole de macho, connard !), qui semblait remplir toutes sortes de rôles dont infirmière. Lui-Je ne manqua pas de faire la conversation avec elle. Lola l’intriguait.

Après la disparition de Danielle, fin 2004, (le récit L’éclipse écrit en 2003 est le récit clinique de tout ce que Cyrus a tenté pour accompagner Lula), Lui-Je apprit que Serge avait donné La Béate à Lola.

À l’automne 2006, fut organisé un sentier littéraire, sentier saisonnier, celui d’automne consacré à Rezvanupied où Lui-Je lut des extraits de ses deux livres sur Les Maures et La Béate (Le roman d’une maison et Divagation sentimentale dans les Maures) en présence d’une vingtaine de randonneurs.page123image1674784 page123image1703072 page123image1675616

https://www.dailymotion.com/video/x15y1p

Lui-Je rendit visite à Lola après la disparition de l’épousée, en 2011. Elle avait installé une magnifique volière sur une des terrasses descendantes et elle prenait soin d’oiseaux malades, blessés, mutilés, pigeons atteints de trichonomase, coqs de combat mutilés, cacatoès abîmés. 6 ans après, Lui-Je comprendrait cette attirance pour les volatiles.

La Béate a été détruite par l’incendie qui a ravagé 8000 ha du massif des Maures entre le 16 août 2021 (17 H 45) et le 20 août. 

Lui- Je est sans nouvelles de Lola. Envolée sans doute.

Cyrus Rezvanupied avait écrit un roman Feu, paru chez Stock le 1° janvier 1977Ce feu qui vole de colline en colline, ravage les Maures et déferle vers le rivage, n’est pas seulement le sujet principal de ce roman : il est en quelque sorte son mouvement même. Dans ses tourbillons, c’est lui qui débusque, embrase, révèle chacun des multiples personnages. Dans sa fureur, c’est lui qui porte jusqu’à l’incandescence les secrets et les haines d’une population hétéroclite - forestiers et chasseurs, vieilles souches pastorales ou nouveaux nomades de la « beat generation ». C’est lui enfin qui donne à la phrase de Rezvani sa véhémence, son lyrisme parfois hallucinatoire. Ce livre au titre prométhéen - qui dans sa première édition s’intitulait Feu - n’étonne pas moins par sa qualité visionnaire.

Décrivant par avance le grand incendie qui dévasta les Maures quelque temps après sa parution, Le Vol du feu (Actes-Sud Babel 15/2/2000) est aussi une ample et tragique méditation sur les passions, sur l’animalité de l’homme et sur son inextinguible désir du divin.

https://www.franceculture.fr/emissions/fictions-le-feuilleton/pages- arrachees-aux-romans-de-serge-rezvani
le 17 mai 2021 https://www.franceculture.fr/emissions/fictions-le-feuilleton/pages- arrachees-aux-romans-de-serge-rezvani-15-les-annees-lula-0

le 18 mai 2021 https://www.franceculture.fr/emissions/fictions-le-feuilleton/pages-arrachees-aux-romans-de-serge-rezvani-25-le-vol-du-feu-0

évidemment, ces 3 liens ne fonctionnent plus

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note après 50 pages de lecture

Beauté, j'écris ton nom de Serge Rezvani 
collection L'exception aux Belles Lettres
 
Beauté, j'écris ton nom par un homme de 94 ans, 
peintre, écrivain, compositeur, 
amoureux fou de Lula (50 ans de délicieux bonheur à La Béate dans les Maures puis entre Venise et La Béate)
ou l'entrée en peinture, l'entrée en écriture de cet artiste d'indisciplines
il s'agit d'une plongée médiumnique dans le subconscient de l'artiste faisant retour non anecdotique, non biographique sur le sens de sa flèche dont il prend conscience qu'elle vole sans but, juste pour voler et que finalement ça lui convient
l'entrée en peinture comme recherche de l'indicible de l'art par des oeuvres inachevées, découragées, comme recherche de la Beauté, d'une fusion avec la Beauté au travers de la vision non érotique par l'artiste du nu qui pose, avec comme agent, les libertés de la main car c'est elle qui tente de rendre l'indicible, pas la pensée de l'artiste, 
recherche de la Beauté pour un dépassement humaniste (il emploie ce mot ridicule, c'est de lui) de l'homme prédateur vers l'Homme (Nietzsche ?)
livre (j'en suis à 50 sur 200) sur la mère, l'enfance, les galères, la faim, le froid, le corps-ami comme dédoublé (schizophrénie ?), le féminin quand il peint, le masculin-féminin quand il aime d'amour-passion non mortifère une femme-toutes-en-une; 
sur les deux médiums utilisés pour s'exprimer, tenter d'exprimer l'indicible sacré (il n'emploie pas le mot) avec des écarts inouïs par exemple entre les délicieuses journées à La Béate et ce qu'il y peint sur des toiles de 2 X 3 puis en série, absolument cauchemardesques
 
comme tu as tout lu de Rezvani, que les années-lumière (1967), les années Lula (1968), le testament amoureux (1981) t'attendent chaque année l'été, quand tu reviens au pays de l'épousée
tu n'as pu t'empêcher de commander Les carnets de Lula
livraison la semaine prochaine
tu auras fini Beauté, j'écris ton nom 
livre d'exception écrit par un homme qui à 94 ans s'interroge sur son entrée en peinture
j'espère que nous pourrons voir un jour le film que réalise Mireille Dumas avec la destruction par le feu dans une forêt des Alpilles d'une centaine de toiles conservées par Rezvani, artiste pluri-indisciplinaire, qui s'est payé le luxe de ne pas vendre ni de montrer ses toiles car devenant oeuvres elles se seraient dégradées en argent sale allant de collectionneurs (affairistes du béton, de l'armement, du pétrole, du luxe...) en expositions (dans leurs fondations), musées (rétrospectives de conservateurs et surtout de commissaires d'exposition, joli "commissaire" !) avec une cote montante, spéculative... 
oui, vraiment, avec Rezvani, on est ailleurs, du côté de l'absolu, quand c'est le tableau peint par la main des libertés du peintre (venues de très loin, de très profond) qui regarde le peintre
les carnets de Lula, publiés en 2022, 17 ans après la disparition de Danièle / L'éclipse : Que reste-t-il de l'amour quand l'âme neuronale de l'être cher est inexorablement détruite par la maladie ? Tout à la fois journal, récit, document, ce texte bouleversant, écrit au quotidien des ultimes "années Lula" (Danièle Rezvani, 1931-2005), constitue un exceptionnel témoignage sur la maladie d'Alzheimer.
les carnets de Lula, publiés en 2022, 17 ans après la disparition de Danièle / L'éclipse : Que reste-t-il de l'amour quand l'âme neuronale de l'être cher est inexorablement détruite par la maladie ? Tout à la fois journal, récit, document, ce texte bouleversant, écrit au quotidien des ultimes "années Lula" (Danièle Rezvani, 1931-2005), constitue un exceptionnel témoignage sur la maladie d'Alzheimer.
les carnets de Lula, publiés en 2022, 17 ans après la disparition de Danièle / L'éclipse : Que reste-t-il de l'amour quand l'âme neuronale de l'être cher est inexorablement détruite par la maladie ? Tout à la fois journal, récit, document, ce texte bouleversant, écrit au quotidien des ultimes "années Lula" (Danièle Rezvani, 1931-2005), constitue un exceptionnel témoignage sur la maladie d'Alzheimer.
les carnets de Lula, publiés en 2022, 17 ans après la disparition de Danièle / L'éclipse : Que reste-t-il de l'amour quand l'âme neuronale de l'être cher est inexorablement détruite par la maladie ? Tout à la fois journal, récit, document, ce texte bouleversant, écrit au quotidien des ultimes "années Lula" (Danièle Rezvani, 1931-2005), constitue un exceptionnel témoignage sur la maladie d'Alzheimer.

les carnets de Lula, publiés en 2022, 17 ans après la disparition de Danièle / L'éclipse : Que reste-t-il de l'amour quand l'âme neuronale de l'être cher est inexorablement détruite par la maladie ? Tout à la fois journal, récit, document, ce texte bouleversant, écrit au quotidien des ultimes "années Lula" (Danièle Rezvani, 1931-2005), constitue un exceptionnel témoignage sur la maladie d'Alzheimer.

toiles de Serge Rezvani
toiles de Serge Rezvani
toiles de Serge Rezvani
toiles de Serge Rezvani

toiles de Serge Rezvani

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le pas-sage de Marcel Conche

Rédigé par grossel Publié dans #Albert Camus, #FINS DE PARTIES, #amitié, #cahiers de l'égaré, #essais, #les entretiens d'Altillac, #pour toujours, #vraie vie, #écriture, #voyages, #poésie

contemplant la grande prairie depuis la fenêtre de son bureau à Treffort

contemplant la grande prairie depuis la fenêtre de son bureau à Treffort

un hommage à Marcel Conche, inédit, qui aurait pu être lu le 9 avril 2022

 

Ce naïf que fut Marcel Conche

Je me souviens très bien de ma première rencontre avec Marcel Conche. Ce qui l’a caractérisée, c’était non seulement la gentillesse avec laquelle il me reçût, mais aussi l’intérêt qu’il accordait à votre personne.

Ce jour, je venais lui demander la dédicace d’un de ses livres, il voulut savoir pour quelle raison je m’intéressais à la philosophie. Je lui expliquais que ce n’était pas pour moi, mais que je souhaitais offrir ce livre pour l’anniversaire d’un ami qui avait découvert sa philosophie avec beaucoup d’intérêt.

Mais vous, me demanda-t-il, que pensez-vous de la philosophie ?

Peu habitué à ce genre de questions, surtout posées par l’un de ses plus éminents spécialistes, je préférais botter en touche.

- Euh, moi je m’intéresse plutôt au bouddhisme.

- Ah ! me fit-il, je ne connais pas cette religion, et vous en pensez quoi ? Il se gardait bien de me dire qu’il avait écrit un ouvrage intitulé « Nietzche et le bouddhisme ».

Je ne pouvais à nouveau échapper à la question et je fis appel à mes dernières lectures qui étaient relativement fraîches, car l’apprenti bouddhiste, que j’étais, avait été accroché par le sourire irrésistible du Dalaï-Lama qui était en couverture d’un livre censé parler du bonheur.

Néanmoins méfiant, je ne me lançais pas dans de longues explications et je m’en tins à l’essentiel.

Je lui parlais de la douleur perpétuelle compagne de nos vies, et qu’aucune félicité n’est durable, ça j’étais sûr de mon coup, que cette douleur naît de la «soif» de vivre, des désirs et des passions qui font naître la convoitise, la jalousie, la haine et l'erreur. Jusque-là j’étais en phase totale avec le bouddhisme tout autant qu’avec le principe de causalité qui explique qu’en supprimant la cause, on annule son effet ; lorsque j’avançais cela à cette époque, j’en étais certain. Mais j’appris, grâce à Marcel Conche, qu’il faut s’apprêter parfois à changer nos convictions. Ceci ne manqua pas d’arriver avec le principe de causalité. Je découvrais qu’il n’était vrai qu’en apparence ; et qu’en supprimant la cause, on n’annule pas toujours les effets, mais, bien au contraire, que les effets eux- mêmes étaient générateur d’autres causes. Depuis je m’intéresse plus au principe du tao avec le Yin et le yang qui ont plus satisfait mon goût de la vérité, car, en éteignant les désirs, on n’annihile pas totalement la souffrance, il reste toujours un peu de Yin dans le Yang ; ainsi renaissent d’autres souffrances. C’est sans doute pour cette raison que je me suis arrêté en chemin et que je ne pourrais jamais parler de la quatrième vérité, qui est la «Voie des huit vertus» qui conduit au Nirvana des bouddhistes. Cependant, je n’arrêtais pas totalement mes recherches, Marcel Conche prit le relais de mon éducation spirituelle. Il m’enseigna les principes d’Épicure qui me convenaient mieux, il ne conseillait pas d’éteindre en nous toute cette soif de vivre, mais de s’en tenir aux désirs essentiels. J’interprétais ce conseil à ma manière en agrémentant parfois mes repas avec un petit verre de vin que je trouve essentiel pour border ma vie avec le bonheur avec qui j’ai décidé depuis longtemps d’entretenir de bonnes relations, car, à ce jour, je ne vois pas en quoi il y a quelque chose d’intelligent à ne pas vouloir être heureux.

 

C’est en me questionnant avec cette naïveté socratique, ce que faisait souvent Marcel Conche, qu’il ouvrit en moi une curiosité philosophique qui depuis ne m’a jamais quittée. C’est ainsi qu’il interrogeait le monde et les hommes avec cette fausse naïveté qui lui permettait de mieux vous analyser et ci-besoin était de vous placer en face de vos incohérences. Des amis qui souhaitaient le rencontrer s’en souviennent encore.

Durant des dizaines d’années, j’allais avoir l’honneur de recevoir les leçons particulières de ce grand professeur qu’il fut également. Il ne me posait que des questions auxquelles j’étais capable de répondre. Il ne chercha à aucun moment à me mettre en difficulté, mais sans m’en rendre compte il me fit progresser sur la voie de la réflexion. Je l’en remercie encore, il fut mon véritable père et mon guide dans la vie. Je gardais du bouddhisme ce qui me semblait bon au même titre que chez les philosophes Grecs comme Héraclite avec l’impermanence et la sobriété d’Épicure. En soulignant naïvement, les limites de mon discours il m’accompagna vers le scepticisme. C’est ainsi qu’il m’offrit mon premier burin avec un marteau pour que je puisse effacer, si le besoin s’en faisait sentir, certaines de mes convictions que je croyais gravées dans le marbre. Depuis je me sens plus léger donc libre. C’est ainsi qu’il m’aida à découvrir d’autres facettes d’une vie éternellement changeante. Il me prépara à aimer ce monde plongé au cœur d’une nature merveilleuse. Pour appréhender tout ceci sans doute comprit-il très tôt qu’il fallait mieux être ce Candide de Voltaire. Parfois, dans nos conversations, j’avais l’impression que nous n’étions que deux grands enfants naïfs, mais pas crédules pour autant.

Cette naïveté que j’ai partagée avec lui, celle que Georges Sand attribuait à son personnage qu’était Planet : «   naïf comme un enfant , avec un esprit pénétrant et une finesse déliée », ne pouvait que nous tenir à l’écart de tous ceux qui n’avaient que des certitudes. Aujourd’hui il en est toujours ainsi avec ceux qui nous promettent le bonheur avec une croissance infinie de l’avoir, dussent-ils oublier l’être, l’humanisme et l’environnement. Ils sont si éloignés des conseils de Maître Eckart qui conseille d’être vide de notre propre connaissance, non pas d’oublier ce que nous savons, mais d’avoir une sorte d’innocence, pas loin de la naïveté qui nous prépare à une disponibilité de l’esprit pour mieux nous imprégner des choses ; ce qui est indispensable, car, celui qui ne comprend pas le problème ne trouvera jamais la solution. Alors comprenons-nous bien le sens et la possibilité d’un développement durable, ou sommes-nous simplement dans le développement durable de nos erreurs ?

Notre société est en face de deux points de vue radicalement différents. Ce sont des contraires et ces derniers sont indissociables comme nous l’a enseigné Héraclite. Mais œuvrer pour l’un ou pour l’autre, ceci aura des conséquences radicalement différentes.

Nous avons un premier groupe, qui sous l’impulsion des femmes 

( majoritairement) se développe rapidement, car elles sont animées par la force de ceux qui savent, comme les Grecs et les bouddhistes, qu’aucune félicité n’est durable. Si ces naïves arrivent à faire des choses qui semblent impossibles pour beaucoup, c’est qu’elles sont propulsées par la culture de la vie qui fait si souvent défaut aux hommes ; ces derniers sont essentiellement manipulés par la culture du face à face, que j’appelle par ailleurs, la culture de la mort. Ces ignorants se croient autorisés à traiter ces dernières de naïves ou de rêveuses plus ou moins utopistes. Puis, pour bien enfoncer le clou, du haut d’un prétendu savoir, ils leur expliquent que le monde ce n’est pas ça, qu’elles ne comprennent rien aux affaires, à l’économie et à la politique ; que les choix qu’elles proposent ne sont que des choix fictifs, sans fondement sérieux en dehors d’un petit cercle de rêveurs plus ou moins naïfs comme elles.

C’est là qu’une femme plus hardie que les autres prit la parole :


- Cher Monsieur, vous et vos amis tous tellement persuadés d’avoir raison je vous signale que « Fictif » ne signifie pas forcément « impossible ». J’en veux pour preuve que le papier-monnaie, que vous vénérez tant, n’a qu’une valeur fictive, pourtant c’est le moteur du monde que vous prétendez nous imposer et qui aujourd’hui ressemble à un cauchemar.

 

Je vois bien qu’avec votre sourire narquois, vous souhaitez nous envoyer sur l’ile d’Utopia, ce vieux pays imaginaire où les habitants sont gouvernés d’une manière idéale et sont parfaitement heureux. Ne vous y trompez pas ce pays qu’est l’Utopia dont nous parle Thomas More ce philosophe humaniste anglais existe bel et bien, ce sont toutes mes sœurs et mes frères, ces entrepreneurs du sens, qui chaque jour lui donne vie en mettant en place non seulement une économie de précaution, mais aussi des moulins à bonheur.

Nous sommes les nouveaux résistants face à la dystopie que vous installez un peu partout et dont la dernière guerre en Ukraine n’est qu’un pâle reflet de ce qui malheureusement arrivera ailleurs. Votre économie mondialisée est devenue une économie hégémonique. Puis comme toutes les hégémonies, elle ne pouvait que devenir despotique en détruisant les hommes et leur environnement. Une dystopie ce n’est plus simplement une fiction terrifiante, mais c’est devenu une réalité avec cette économie mise en place par ceux qui sont persuadés d’être les maîtres du monde. Il sera de plus en plus difficile de leur échapper, car ils entendent tout dominer et exercer une autorité totale sur leurs consommateurs qui se prennent encore pour des citoyens qui peuvent exercer leur libre arbitre. Espérons qu’il n’est pas trop tard pour choisir son camp, Utopie contre Dystopie, croissance contre bonheur.

Marcel nous avait prévenus

Jean Delorme 

(ce texte aurait été lu à la soirée Marcel Conche du 9 avril si Jean Delorme avait pu y venir mais de nuit et de loin c'est peu prudent)

 

affiche de la soirée du 9 avril consacrée à Marcel Conche

affiche de la soirée du 9 avril consacrée à Marcel Conche

le pas-sage de Marcel Conche
 
Le siècle de Marcel Conche comporte une préface de Hollande (ex-président et corrézien)
il aurait dû comporter un texte de Macron (se réclamant des chemins buissonniers de Marcel Conche dans le 1 d'Eric Fottorino) 
et un texte de feu Chirac (feu président et feu corrézien) 
(texte que j'ai hésité à écrire)
c'eut été drôle d'avoir des "paroles" de présidents sur un philosophe métaphysicien, 
porté par la Nature infinie, éternelle, créatrice au hasard selon lui,
partisan de la décroissance, adepte de la sobriété à tous les points de vue, sensible à la souffrance des enfants (sa notion de mal absolu en est déduite) et des animaux
---------------------------------
je n'ai pas obtenu non plus, les "paroles" de Jacques Weber, Gérard Depardieu, Michel Onfray, Jérôme Garcin, Laure Adler, Roland Jaccard (suicidé juste avant la parution, pour ses 80 ans, comme son père et son grand-père) et de Natale Luciani, son ami corse (disparu aussi avant parution)

L'ami Marcel Conche, métaphysicien de l'infini de la nature est décédé,

dcd, (j'ai repris décédé sur proposition d'Annie Bergougnous)

le dimanche 27 février 2022, à 8 H du matin,  dans son sommeil.

J'ignore quel a été son état dans les jours qui ont précédé. Mais une quinzaine de jours avant, je lui avais téléphoné. Clair, lucide comme d'habitude même si, à ce que M.M me racontait, il perdait peu à peu une certaine mémoire, celle du quotidien, heure, jour-nuit, repas pris ou pas...

Marcel est mort de sa belle mort, d'une mort naturelle comme il la décrit dans un article de 6 pages Comment mourir ? paru dans la Revue L'enseignement philosophique, N°3, mars-mai 2013.

Une mort naturelle qui vient après le parcours des âges de la vie (enfance, adolescence, âge adulte, vieillesse) à la différence des morts paranaturelles (par virus, amiante, rayonnement...), des morts infligées par assassinat (Marseille, Corse), par fanatisme religieux (un peu partout), par la guerre à laquelle on participe par patriotisme ou toute autre raison idéologique, qu'on subit parce qu'on ne peut pas fuir, guerre qu'on peut ne pas faire par pacifisme, objection de conscience, désertion avec risque personnel bien sûr (guerres en cours, ne focalisons pas seulement sur l'Ukraine), des morts encourues  par  de vains désirs non naturels, infinis, insatiables tels que décrits par Épicure : manger trop riche, trop gras, boire à l'excès, fumer comme un pompier, baiser à mort, être baisé à mort entre pluri partenaires, se droguer en dur, en doux, pratiquer des sports extrêmes pour l'état de flow, pour se dépasser, se surpasser => usure prématurée du corps, désirer les honneurs, la richesse, la gloire, le pouvoir, la domination, la conquête, (dans ces cas-là, la compétition est féroce et on finit toujours par tomber de haut), l'immortalité (le transhumanisme annonce la couleur pour les ultra-riches).


Marcel Conche en menant une vie d'Épicure en Corrèze a en quelque sorte choisi sa mort, une belle mort, comme on dit, chez lui, dans son lit, dans son sommeil, soigné, aidé, accompagné, pendant 4 ans par une femme admirable de dévouement de sa famille, M.M.C. et par les services de l'hospitalisation à domicile (j'ignore pendant combien de temps; il perdait de son autonomie mais rien de sa vivacité intellectuelle, de son sens de la répartie, du rebond).

Mourir chez soi plutôt qu'en Epahd, c'est ce que je souhaite à chacun. Je l'ai permis, à mon père dont j'ai recueilli le dernier souffle, à ma mère, morte dans son sommeil, moi dormant dans la pièce à côté. Pendant 4 ans, j'ai été l'aidant de mon beau-père, accueilli chez nous avant son départ. Quand une famille le peut, qu'elle n'abandonne pas celui qui vieillit "mal" (par perte d'autonomie...) et va passer (à plus ou moins longue échéance et déchéance) aux marchands de l'or gris.

Disons pour être plus précis, qu'en vivant comme Épicure, en Corrèze, Marcel se donnait plus de chances de mourir de mort naturelle, sans garantie cependant de ne pas mourir de mort accidentelle, brutale ou des suites d'une longue maladie comme on dit aujourd'hui pour désigner les fins de vie par cancer avec traitements lourds, voire soins palliatifs.

Que philosopher c'est apprendre à mourir dit Montaigne et de l'imaginer par une tuile tombant d'un toit ou suite d'une mauvaise chute. Combien de fois, avons-nous eu la sensation d'avoir frôlé la mort, de lui avoir échappé, sans même avoir besoin de l'imaginer. Une vie prudente ne nous en protège pas certes mais une vie prudente est une vie sage pouvant rendre le pas-sage plus lointain.

Marcel a pu ainsi quasiment jusqu'au bout écrire, jusqu'au 13 novembre 2021, où écrivant sa dernière lettre pour M.C., il se pose la question "les morts ont-ils une réalité autre que dans nos souvenirs et nos coeurs ?"

Son dernier livre publié, le 27 septembre 2021 au milan de sa centième année, L'âme et le corps est d'une belle vigueur.

L'âme et le corps, son dernier livre paru au milan de sa centième année, le 27 septembre 2021 / Lettres en vie, lettres écrites pour des personnes en soins palliatifs à La Seyne-sur-mer, un livre d'accompagnement, lettres dAlain Cadéo, peintures de Michel Cadéo
L'âme et le corps, son dernier livre paru au milan de sa centième année, le 27 septembre 2021 / Lettres en vie, lettres écrites pour des personnes en soins palliatifs à La Seyne-sur-mer, un livre d'accompagnement, lettres dAlain Cadéo, peintures de Michel Cadéo
L'âme et le corps, son dernier livre paru au milan de sa centième année, le 27 septembre 2021 / Lettres en vie, lettres écrites pour des personnes en soins palliatifs à La Seyne-sur-mer, un livre d'accompagnement, lettres dAlain Cadéo, peintures de Michel Cadéo
L'âme et le corps, son dernier livre paru au milan de sa centième année, le 27 septembre 2021 / Lettres en vie, lettres écrites pour des personnes en soins palliatifs à La Seyne-sur-mer, un livre d'accompagnement, lettres dAlain Cadéo, peintures de Michel Cadéo

L'âme et le corps, son dernier livre paru au milan de sa centième année, le 27 septembre 2021 / Lettres en vie, lettres écrites pour des personnes en soins palliatifs à La Seyne-sur-mer, un livre d'accompagnement, lettres dAlain Cadéo, peintures de Michel Cadéo

Contexte de la nouvelle du pas-sage de Marcel Conche

Un mail adressé à 12 H 30 m'informe du passage de Marcel. Je suis en balade sur la route des crêtes avec les enfants. Au bord des falaises de Cassis et dans Cassis. Je découvre le mail vers les 20 H. Je ne m'y attendais pas et posais comme réalisé le souhait de nous retrouver le 27 mars pour ses 100 ans lorsque je parlais aux deux oliviers de 50 ans, dédiés à Marcel, sur la restanque front de mer de 20 m où je fais mes allers-retours tous les jours pendant 30 à 40' deux fois par jour.

Mais depuis le 24 février, début de la crise ukrainienne, je suis nerveux, cherchant à comprendre sans réussir à me positionner.

La nouvelle me percute. Quand auront lieu les obsèques ? Comment effectuer le voyage ?

On continue nos balades en famille dans des lieux chargés énergétiquement, spirituellement, la Sainte-Baume, le 4 mars, Lourmarin, le 5 mars.

Rosalie venue deux fois chez Marcel  appréciée de lui qui lui avait offert 3 robes, ne veut pas assister aux cérémonies (nous n'insistons pas); elle remonte en train le dimanche 6 mars. Elle sera seule pendant 4 jours mais reliée téléphoniquement et humainement avec Toto.

Son anniversaire des 14 ans  sera le lendemain de celui de Marcel (27, Marcel, 100, 28, Rosalie, 14).

en date du 1° mars

france culture remet en ligne les 5 entretiens Hors-Champs de 2010 avec Laure Adler suite au décès de Marcel Conche, le 27 février 2022, à un mois de son 100° anniversaire, le 27 mars 
 
la soirée Marcel Conche du 9 avril à 19 H à la maison des Comoni au Revest est maintenue avec la projection du film de Christian Girier La nature d'un philosophe suivie d'un débat
elle sera l’occasion d’évoquer la figure et l’oeuvre de Marcel Conche
 
je souhaite garder un côté intime à ce départ d’un ami dont la sagesse tragique m’a guidé de 1967 à 2020
fin 2020, une métamorphose « inattendue » m’a amené à une approche plus spirituelle de la vie 
(Et ton livre d'éternité ? paru le 14 février 2022)
il me semble que Marcel Conche, un grand frère de 18 ans mon aîné que je tutoyais (comme il le voulait) n’était plus très loin d’une telle approche 
(dernier échange téléphonique vers la mi-février en lien avec mon livre d'éternité)
 
évidemment, ce qui s’exprime dans les nécrologies (Roger-Pol Droit et autres), c’est le nihilisme ontologique de Marcel Conche, son naturalisme, son scepticisme pour autrui
 
le voilà déjà figé dans un statut, une statue
alors qu'il était en mouvement permanent comme tout ce qui vit
et il écrivait le mouvement, le passage comme son ami Montaigne
je ne sais qu'écrire nous avait-il dit en 2019 
toujours questionnant 
 
l’approche des 100 ans, approche aussi de la mort l’a conduit à se poser une ultime question dans une lettre presqu'illisible du 13 novembre 2021 qui ne permet pas de se débarrasser de la mort comme il l'a fait à 84 ans 
"les morts ont-ils une réalité autre que dans nos souvenirs et nos coeurs ?"
 
(entretien dans philo-magazine, avec Juliette Cerf, le 3 octobre 2006)
(La mort ne peut plus m'enlever ma vie. Ma vie, je l'ai eue. Je n'appréhende pas le fait d'être mort. Epicure le dit très bien, la mort n'est rien. Il n'y a rien après la mort : je disparais, je m'évanouis, la vie s’arrête.)
 
je relève au passage l'absence de toute référence aux Cahiers de l'Égaré dans les nécrologies qui circulent
pourtant 10 livres ont été édités
Les Cahiers de l'Égaré n'ont pas cherché et ne cherchent pas la visibilité médiatique. 
Faire oeuvre, humblement, selon une exigence de vérité intime, de conviction vécue.
Être cause de soi et non conséquence des influences d'autrui.

4 mars, la Sainte-Baume

retour de la Sainte-Baume, le 4 mars à 22 H, car en famille, les balades durent, durent, tellement on s'immerge dans ce qui s'offre, balade conclue par un documentaire de 25' sur ce lieu où les rencontres les plus inattendues se font pour peu qu'on dise bonjour et qu'on s'adresse vraiment à la personne
ce fut trois fois le cas,
- avec un photographe ami revenant de la grotte avec des élèves de lycée qu'il initiait à la prise de vues 
- avec une chercheuse en science de l'ingénieur, une vosgienne (nous avons voulu aller à la grotte aux oeufs mais trop dur pour mes genoux; accord à 100%, mots compris, sur la Conscience, la Présence d'amour inconditionnel à l'oeuvre dans ce qui vit, meurt...;
plus tard, je découvre que j'ai discuté avec la 1° adjointe au maire de Nancy, également conseillère régionale, directrice d'un institut supérieur de recherche, (École nationale supérieure en génie des systèmes industriels et Institut national polytechnique de Lorraine); elle m'a donné ses cordonnées
- avec une femme au bonnet bleu devant un vitrail Noli me tangere, échange sur un sens possible de ce Ne me touche pas, des yeux extraordinaires comme je n'en ai jamais vus, comme si j'étais absorbé; ce fut court, chaleureux, sans échange d'adresse ni de noms, prénoms; juste la rencontre livrée à l'éternité du moment présent
évidemment, j'ai présumé de mon endurance sans repos ni restauration, suis tombé deux fois dont la dernière juste au niveau de la voiture avec 4 pompiers buvant un coup à La Terrasse et venant me relever, m'offrant un café sucré et plein de conseils avec un humour savoureux; merci 
 
à la boutique du pèlerin, je note l'absence de L'évangile de Marie, traduit et commenté par Jean-Yves Leloup, je demande s'il y a du Jean-Yves Leloup, ancien dominicain de la Sainte-Baume, devenu prêtre orthodoxe; non parce que les écrits actuels de Jean-Yves Leloup ne correspondent pas à nos critères mais si vous en voulez, je peux vous les commander
 
arrivée chez moi, je trouve par mail un tract Gallimard offert
Bonjour Jean-Claude Grosse,
Veuillez trouver, en lecture gratuite, ce texte inédit de Régis Debray :
Des musées aux missiles. 
À propos de ce livre
Pas de panique. C’est toujours ainsi que les choses se passent. La guerre, c’est quand l’histoire se remet en marche. La paix, c’est quand dominent les arts de la mémoire. Guerre et paix. Cela alterne. Diastole, laisser-faire laisser-dire, systole, on serre les poings et les rangs. Les sociétés aussi ont un cœur qui bat. Tout se passe comme si les grandes vacances allaient devoir se terminer en Europe, que nous sortions du régime mémoire, pour aborder, once again, le régime histoire. Il y a un temps pour tout. Pour le patrimonial et pour les arsenaux. Pour le musée et pour le missile. Le passage de l’un à l’autre est toujours déconcertant, mais l’Européen a assez d’expérience pour ne pas s’étonner du changement de phase, et de pied.
5 mars, Lourmarin
d'abord le cimetière, tombe d'Albert Camus, 
je lis un extrait de La voie certaine vers "Dieu" après avoir indiqué pour le silence qui nous enveloppe (personne pendant notre balade de 1 H 30) que Marcel Conche par sa métaphysique de l'infini de la nature nous sauve de la philosophie de l'absurde.
"La religion repose sur la notion d’amour inconditionnel. C’est la religion fondamentale et universelle, la religion de l’avenir. L’amour du prochain au sens évangélique, qui définit la voie droite « vers Dieu », est inconditionnel : quel que soit l’être humain – sain ou malade, vieux ou jeune, beau ou laid, noir ou blanc, honnête ou malhonnête, intelligent ou sot, croyant ou incroyant, ami ou ennemi, etc. , on doit l’aimer d’un tel amour. Selon ce qui est naturel, on aime plutôt celui qui est beau que celui qui est laid, celui qui est honnête que celui qui est malhonnête, celui qui a bon caractère que celui qui a mauvais caractère, le généreux que l’égoïste, et bien entendu on aime l’ami et non l’ennemi. 
Mais Jésus dit: « Aimez vos ennemis. » (Matthieu, 5.44). C’est là le renversement complet de ce qui est naturel. « Aime ton ennemi »: ce n’est pas là une exigence morale, car, du point de vue strictement naturel et humain, l’amour ne se commande pas et ne résulte pas d’un acte volontaire. Un tel impératif d’amour inconditionnel nous arrache au plan des sentiments naturels, nous transporte au plan proprement religieux, non naturel, celui de la religion de l’amour. Ainsi, je vis dans la religion de l’amour si j’aime autrui simplement en tant qu’être humain, même s’il ne le mérite pas."
À méditer en temps de guerre. 
Puis la tombe d'Henri Bosco, auquel on doit entre autres L'enfant et la rivière, Malicroix, l'auteur le plus cité par Gaston Bachelard.
Aujourd'hui, beau soleil, peu de monde. Tours et détours. 
Pas trace de Bernadette Lassalette, l'hôtesse reine de Lourmarin, rencontrée l'an dernier avec A.B.
Vers 15 H 30, je m'installe sur la terrasse au soleil du Bistrot, face au château, deux tables et quatre chaises en attendant les enfants. 
Je remarque que les tables sont numérotées. 
Celle où je me suis installée, c'est la 27, à côté la 26. 
Le pas-sage : le 26 en vie, le 27 passé, 
peut-être en vie d'une autre vie. 
Je remercie cette coïncidence me mettant en face à face avec le décès de Marcel Conche le 27 février à 8 H du matin, dans son sommeil, à un mois de son 100° anniversaire, le 27 mars 2022.
La voie certaine vers "Dieu" est un petit livre majeur, 28 pages d'une réflexion s'achevant par cette phrase : la voie de l'amour est la voie du moulin, qui mène au moulin même s'il n'y a pas de moulin. 
Hasard ? ce 5 mars, c'est le début du printemps des poètes dont le thème est l'éphémère. Les amandiers explosent. 
En sortant du cimetière est arrivé un jeune père de famille avec ses deux filles Swann et Romance pour aller sur la tombe de Camus. Bel échange. 
 
Le soir, film proposé par Rosalie : Écrire pour exister, film dramatique américain écrit et réalisé par Richard LaGravenese, sorti en 2007. 
Il s’agit de l’adaptation du livre The Freedom Writers Diary d'Erin Gruwell et de ses élèves, des élèves inféodés à leurs gangs, s'affrontant en classe (la salle 203) où ils sont intégrés dans le cadre d'un programme de discrimination positive du gouvernement américain après les émeutes de Los Angeles de 1992.

les cérémonies

quand Marcel Conche, métaphysicien de l’infini de la nature, décédé-dcd le dimanche 27 février 2022 à 8 H du matin, à 1 mois de ses cent ans, dans son sommeil, nous fait faire un voyage en zig et en zag de 1500 kilomètres par autoroutes et routes plutôt sinueuses
 
mardi 8 mars 2022, à 14 H 30, obsèques au centre omni-cultes de Bourg-en-Bresse dans l'Ain
partis à 8 H 40 du Revest, nous arrivons à 14 H 15 au funérarium : requiem de Mozart, messages et textes, temps de silence
quand le cerceuil est mis dans le corbillard, le factotum ferme la porte nous séparant du dehors; le corbillard démarre, disparaît, fait le tour du rond-point, réapparaît; la porte se réouvre lentement et complètement; 
un coup de vent me dit l'athée de service; 
même avec le coup de vent judicieux, cette réouverture, je la reçois comme peut-être une réponse à la question que s'est posé Marcel dans sa dernière lettre du 13 novembre 2021 à M.C. 
«  Les morts ont-ils une réalité autre que dans nos souvenirs et nos cœurs? »
 
retrouvailles entre autres avec la traductrice de Actualité d’une sagesse tragique, alors étudiante au lycée Dumont d’Urville, à Toulon, aujourd’hui journaliste à RFI amérique latine
 
de 17 à 19 H 30, famille et amis proches se retrouvent à Treffort dans l'Ain (et pas en Isère comme prétendent Télérama et d’autres), à 15 kms de Bourg-en-Bresse dans la maison où Marcel a passé ses 4 dernières années; moment très chaleureux avec beaucoup de tendresse, foin des précautions sanitaires; 
je remets à la famille 2 N° de la revue corse I Vagabondi dont le 2° consacré à la nature à partir d’une phrase de Marcel dans La nature et l'homme publié le 27 mars 2021 pour ses 99 ans et le livre pluriel 22 femmes qui font la Corse (offerts par les éditions Scudo, avant le départ de Marcel)
 
de 20 H à 22 H, balade autour du monastère royal de Brou; l'auberge bressane est fermée le mardi; c'est là en 2019 pour les 97 ans que nous avions dîné avec F.C.; sur les verres somptueux, AB
nuit dans un appart loué
 
mercredi 9 mars 2022, à 16 H, inhumation au cimetière d'Altillac en Corrèze
partis à 9 H 40 de Bourg, nous arrivons à Altillac à 15 H 30 par l'autoroute des Puy, Auvergne, Vulcania; de la neige sur les sommets côté Cantal
messages, textes, devant la tombe de son père Romain, maire apprécié d’Altillac, la voisine de Marcel à la Maisonneuve et son fils, sa femme de ménage, des corréziens et corréziennes, en écriture inclusive des corrézien.e.s (rire hénaurme)
levant la tête, je vois un nuage à forme d'homme, entouré d'un halo ensoleillé; une sensation de légèreté, de présence bienveillante 
 
de 17 H 30 à 20 H 30, balade dans Beaulieu-sur-Dordogne, tous les endroits faits avec Marcel et photos-mots à l’identique
 
remontée sur Paris à partir de 20 H 40 par les autoroutes Brive, Limoges, Orléans, Chartres avec une lune de premier quartier présente presque toute la route
arrivée à 4 H du matin à Saint-Denis après une sortie d'autoroute obligatoire suite à un accident entre deux poids lourds, renversés et ayant pris feu ; j'ai pris le volant pendant 1 H 30 
ce retour m'a fait ressentir avec l'intense circulation des poids lourds dans les deux sens que nous y allons...
 
TGV de retour à 15 H 05 jeudi; 
par Tulle, 11 H de trains au pluriel
 
merci à Marcel pour ce périple; merci à toutes les personnes qui se sont déplacées pour l'accompagner; merci à Katia pour son énergie et sa générosité; merci à Guillaume, son co-pilote vigilant et efficace; merci à Titine, le multispace à toit transparent qui permet de profiter du ciel; on n'a jamais dépassé 110
 
désolé, pas de photo, pas de vidéo, rien à montrer, c'est voulu
 
je ne me suis pas exprimé, ni à Bourg ni à Altillac; notre amitié a quelque chose de très intime, de non partageable
 
depuis déjà plus d'une semaine, je ne m'adresse plus aux deux oliviers dédiés à Marcel sur la restanque front de mer de 20 mètres de la villa Joie de la même façon; plus de souhaits, plus de projets; une présence par les souvenirs et dans le coeur et peut-être autre; il connaît ou pas désormais la réponse mais nous, vivants, ne la connaîtrons pas
 
la soirée Marcel Conche du 9 avril, à 19 H à la Maison des Comoni, au Revest, 1 mois après son inhumation, sera l'occasion d'évoquer ce que Marcel a été pour ceux qui l'ont connu ou étudié ou lu…à partir du film de Christian Girier, la nature d’un philosophe
 
en couverture du Bouquins consacré à L'infini de la nature, une oeuvre de Nicolas de Staël, Paysage
dominante : des rouges
dominante du voyage dans les paysages de la France rurale : des verts
 
rappel : le livre d’éternité en lien avec la question de vie et de mort d’Annie Bories, l’épousée je sais que je vais passer, où vais-je passer ? et qui m’a interpellé pendant 11 ans est sous le signe presque jusqu’à la fin de la sagesse tragique de Marcel; 
la métamorphose de J.-C. en Vita Nova ne lui doit rien, 
il s’agit d’une expérience spirituelle intime et la pensée n’y a pas accès
 
disponible en librairie, sur plateforme ou chez moi
le pas-sage de Marcel Conche
le pas-sage de Marcel Conche
le pas-sage de Marcel Conche
affiche du film de Christian Girier qui sera présenté le 9 avril 2022 à 19 H , salle Pétrarque, maison des Comoni, théâtre du Revest et de la métropole TPM; Marcel près de la chapelle des Pénitents à Beaulieu sur Dordogne, Marcel sortant de la partie médiévale de Beaulieu, Marcel me disant Heureusement qu'on meurt (photos F.C.); portrait de Pétrarque réalisé par Ernest-Pignon Ernest
affiche du film de Christian Girier qui sera présenté le 9 avril 2022 à 19 H , salle Pétrarque, maison des Comoni, théâtre du Revest et de la métropole TPM; Marcel près de la chapelle des Pénitents à Beaulieu sur Dordogne, Marcel sortant de la partie médiévale de Beaulieu, Marcel me disant Heureusement qu'on meurt (photos F.C.); portrait de Pétrarque réalisé par Ernest-Pignon Ernest
affiche du film de Christian Girier qui sera présenté le 9 avril 2022 à 19 H , salle Pétrarque, maison des Comoni, théâtre du Revest et de la métropole TPM; Marcel près de la chapelle des Pénitents à Beaulieu sur Dordogne, Marcel sortant de la partie médiévale de Beaulieu, Marcel me disant Heureusement qu'on meurt (photos F.C.); portrait de Pétrarque réalisé par Ernest-Pignon Ernest
affiche du film de Christian Girier qui sera présenté le 9 avril 2022 à 19 H , salle Pétrarque, maison des Comoni, théâtre du Revest et de la métropole TPM; Marcel près de la chapelle des Pénitents à Beaulieu sur Dordogne, Marcel sortant de la partie médiévale de Beaulieu, Marcel me disant Heureusement qu'on meurt (photos F.C.); portrait de Pétrarque réalisé par Ernest-Pignon Ernest
affiche du film de Christian Girier qui sera présenté le 9 avril 2022 à 19 H , salle Pétrarque, maison des Comoni, théâtre du Revest et de la métropole TPM; Marcel près de la chapelle des Pénitents à Beaulieu sur Dordogne, Marcel sortant de la partie médiévale de Beaulieu, Marcel me disant Heureusement qu'on meurt (photos F.C.); portrait de Pétrarque réalisé par Ernest-Pignon Ernest

affiche du film de Christian Girier qui sera présenté le 9 avril 2022 à 19 H , salle Pétrarque, maison des Comoni, théâtre du Revest et de la métropole TPM; Marcel près de la chapelle des Pénitents à Beaulieu sur Dordogne, Marcel sortant de la partie médiévale de Beaulieu, Marcel me disant Heureusement qu'on meurt (photos F.C.); portrait de Pétrarque réalisé par Ernest-Pignon Ernest

Marcel Conche et JCG, Marcel et Cyrille Elslander (des 4 saisons du Revest à l'époque, devenu directeur-adjoint du Pôle) en juin 2002 à Treffort dans l’Ain; 20 ans d’amitié, 10 livres de et sur Marcel Conche édités par Les Cahiers de l’Égaré dont le dernier, L’âme et le corps, le 27 septembre 2021 au mitan de sa centième année
Marcel Conche et JCG, Marcel et Cyrille Elslander (des 4 saisons du Revest à l'époque, devenu directeur-adjoint du Pôle) en juin 2002 à Treffort dans l’Ain; 20 ans d’amitié, 10 livres de et sur Marcel Conche édités par Les Cahiers de l’Égaré dont le dernier, L’âme et le corps, le 27 septembre 2021 au mitan de sa centième année

Marcel Conche et JCG, Marcel et Cyrille Elslander (des 4 saisons du Revest à l'époque, devenu directeur-adjoint du Pôle) en juin 2002 à Treffort dans l’Ain; 20 ans d’amitié, 10 livres de et sur Marcel Conche édités par Les Cahiers de l’Égaré dont le dernier, L’âme et le corps, le 27 septembre 2021 au mitan de sa centième année

échange post-mortem

Merci, Jean-Claude, de votre restitution fidèle et émouvante du ou des jours de départ de Marcel. C'est souligner que la famille de pensée (dont Yvon Quiniou) était là pour épauler et honorer la famille de sang (famille qui s'est exprimée avec justesse et profondeur !)  
C'est vrai, vous n'y avez rien dit, mais vous expliquez ici très bien que l'amitié n'a pas nécessairement de compte-rendu public à faire.
Merci aussi d'avoir remarqué aussi bien le nuage à forme d'homme (que vous avez vu pour nous, je n'étais pas à Altillac) que la réouverture "pneumatique" (comme dirait Jankélevitch) de la porte du funerarium (je la confirme).
J'étais heureux qu'un de ses éditeurs (Jacques Neyme) soit présent : leur travail commun fut ardent, exigeant, et juste !
Et bonne chance aussi dans le déploiement de la "métamorphose" que vous accueillez (ou qui vous accueille...). Conche n'excluait rien - pas même (je plaisante à peine) que Bergson ou Jung aient finalement vu juste. 
   merci, 
        m.
 
merci M. pour ce retour
je n’ai rien exprimé, par amitié inconditionnelle pour l’homme Marcel, d’une complexité rare, impossible à démêler, complexité à accueillir sans jugement dans son entièreté et son mystère qui se confondent
(cela vaut pour chacun, chacun est mystère et en cela sacré)
mais aussi pour une autre raison
Marcel en partant est devenu un être-un corps pour autrui sartrien, objectivé-aliéné
(impossible maintenant de nous surprendre par un acte, une action "inattendus") 
qu’il a su faire exister comme figure du philosophe par vocation
(il a fabriqué sa légende, son monument; rien de péjoratif là-dedans; on est tous des fictions, des légendes qu’on fabrique; ce n’est pas mensonge, ce n’est pas vérité, c’est croyance, conviction vécue comme dit Marcel) 
et Comte-Sponville sera sans doute le garant de cette doxa, reprise partout
or les discussions que j’ai eu à la fin avec Marcel dont une évoquée dans le livre d’éternité m’ont révélé qu’il était bien en chemin, prêt à concevoir que la Nature (ou tout autre nom, ne nécessitant pas qu’on se fasse la guerre des noms et des dieux) n’est pas seulement créatrice au hasard, aveugle mais créatrice avec-par amour inconditionnel, sans jugements, sans oppositions, de tout ce qui existe; l’amour comme force créatrice, pas seulement sentiment accompagnateur, compassion…
oui Bergson (citation en début du livre d'éternité), oui Jung
mais je leur préfère aujourd'hui Christiane Singer, Jean-Yves Leloup
9 mars 2022, entre 18 H et 20 H, sur la trace des souvenirs; dernière photo : l'idiot regarde le doigt, ne voit pas la lune montrée par le doigt (photos K.P et G.B.)
9 mars 2022, entre 18 H et 20 H, sur la trace des souvenirs; dernière photo : l'idiot regarde le doigt, ne voit pas la lune montrée par le doigt (photos K.P et G.B.)
9 mars 2022, entre 18 H et 20 H, sur la trace des souvenirs; dernière photo : l'idiot regarde le doigt, ne voit pas la lune montrée par le doigt (photos K.P et G.B.)
9 mars 2022, entre 18 H et 20 H, sur la trace des souvenirs; dernière photo : l'idiot regarde le doigt, ne voit pas la lune montrée par le doigt (photos K.P et G.B.)
9 mars 2022, entre 18 H et 20 H, sur la trace des souvenirs; dernière photo : l'idiot regarde le doigt, ne voit pas la lune montrée par le doigt (photos K.P et G.B.)
9 mars 2022, entre 18 H et 20 H, sur la trace des souvenirs; dernière photo : l'idiot regarde le doigt, ne voit pas la lune montrée par le doigt (photos K.P et G.B.)

9 mars 2022, entre 18 H et 20 H, sur la trace des souvenirs; dernière photo : l'idiot regarde le doigt, ne voit pas la lune montrée par le doigt (photos K.P et G.B.)

dialogue à venir entre J.-C. di Vita Nova et Jean-Claude Carrière, auteur de La vallée du néant, paru chez Odile Jacob en décembre 2018,  en cours de lecture depuis le 14/02/2022, 74° anniversaire de l'épousée

présentation du livre

"Nous en venons et nous y retournons. Pourtant, nous ne pouvons rien en dire. Le néant – qui n’est ni le rien, ni le vide – reste l’inconnu fondamental, le non-être, sans sensation, sans conscience et sans mémoire.

Pour m’en approcher, prudemment, je me suis lancé dans une promenade, un peu au hasard des chemins, en reprenant un vieux thème persan. J’ai voulu voir comment d’autres ont réagi, ici ou là, dans l’histoire du monde, au plus secret, au plus insistant des mystères. J’ai découvert, au passage, plusieurs attitudes, qui peuvent paraître contradictoires. Chacun peut choisir.

C’est banal à dire, nous sommes tous emportés par un mouvement irrésistible. Il est notre maître, et nous savons où il nous conduit. Rien ne reste, rien ne revient. Pour peupler ce passage où il n’y a « rien » (« N’y a-t-il rien dans ce rien ? » se demandait Chateaubriand), nous avons, au long des siècles, imaginé toute une farandole de monstres, de vapeurs, de fantômes, des hurlements, dont un grand nombre sont évoqués ici. 

Avec quelques questions inévitables : comment nous protéger du désespoir et de la vanité de toutes nos vies, si nous n’en devons rien garder ?

Comment, peut-être, en tirer une force, et même une joie ?
Pourquoi rire ? Pourquoi pleurer ?
Et pourquoi rêver d’immortalité ?"

Scénariste, dramaturge, écrivain, Jean-Claude Carrière est l’auteur de grands succès comme Einstein, s’il vous plaît, Fragilité, Tous en scène et, plus récemment, Croyance et La Paix

La vallée du néant, offert à Noël, livre d'occasion dédicacé à X; lecture à venir d'un livre offert parce que j'avais choisi , jeune professeur au lycée de Le Quesnoy (nord), un nom de poète Jean Rogues
La vallée du néant, offert à Noël, livre d'occasion dédicacé à X; lecture à venir d'un livre offert parce que j'avais choisi , jeune professeur au lycée de Le Quesnoy (nord), un nom de poète Jean Rogues

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commentaires sur l'article

Annie Bergougnous

Question, pourquoi notez-vous chaque fois "dcd", plutôt que "décédé"?
Je comprends bien sûr le raccourci, mais personnellement, ne l'apprécie pas. J'aime l'idée d'un mot, nom adjectif et autre, écrit en son entier. Dire et non pas raccourcir.
Dire "mort", "décédé", plutôt que "parti","dcd". J'aime l'idée de nommer dans son entièreté la mort que nous passons notre vie à évacuer de nos vies !!!
Nommer, c'est dire ce qui est et non éviter
Je sais que vous n'évitez rien, Jean-Claude; mais ce "dcd" je le trouve inélégant, si tant est que l'on puisse dire qu'il y ait une quelconque élégance...à ce sujet.(Bien que).
Rien de personnel, simplement mon ressenti quant à ce...."dcd" !
 
Jean-Claude Grosse
Annie Bergougnous je prends en compte en ce qui concerne dcd, pas en ce qui concerne mort car je crois aujourd'hui que la mort est un pas-sage (écrit avec la polyysémie de la langue des oiseaux); merci même si je sais pourquoi je l'ai fait; VIE = Vibration Information Energie; I information = tout est déjà écrit-informé dans les nombres-univers comme Pi (décédé/dcd => 4-3-4, réductibles à des 0-1 en langue binaire) Le terme bit est une contraction des mots binary digit (que l'on peut traduire par chiffre binaire en français). Il désigne l'unité la plus simple utilisée dans un système de numération. Cette unité, directement associée au système binaire, ne peut prendre que deux valeurs : 0 et 1 et reste pourtant à écrire par chacun de nous; chacun écrit son livre d'éternité déjà écrit, non destiné à un jugement dernier, cadeau-contre-don en retour de la vie qui nous a été donnée
dernier point: je crois aujourd'hui que ce sont les mots qu'on emploie qui crée la réalité; donc je ne crois pas qu'employer le mot mort dise la réalité vraie de ce qui est appelé mort; employer le mot crée une réalité séparant, opposant vie et mort;
 
 
de plus, le mot n'est pas la chose; mis pour la chose, il tue la chose en l'abstractisant, en la conceptualisant alors que la chose est unique, charnelle, vivante (lire La mort et la pensée de Marcel Conche ou ma note de lecture)
si on s'appuie sur la physique quantique, on expérimente de façon incompréhensible d'ailleurs (Richard Feymann) la superposition d'états, l'indétermination des états, les fluctuations d'états... d'où le mot pas-sage, inventé sans génie, sans doute inspiré à l'occasion de cet article
 
Rachel Kaposi
"Certitude n'est pas preuve". Mais mourir paisiblement devrait être un pas-sage obligé.
La fureur des vivants ne doit-elle pas choisir ce moment unique entre tous pour un dernier recueillement ?
Jean-Claude Grosse
pas de preuve, que des convictions vécues ou des opinions d'emprunt ou du bla-bla...la gamme est infinie du conformisme à l'authenticité, de l'imbécilité-bêtise à "sa" vérité; quant à moment unique pour un dernier recueillement, je dirai moment unique pour LA RESTITUTION FINALE, la résurrection, enfin debout, sortie du sommeil, éveil et pas repos éternel...
 
Bonjour Monsieur Grosse, Je lis toujours avec intérêt les parutions sur ce blog et les vôtres. Je tiens à vous dire ma tristesse alors que j'apprenais le décès de Marcel Conche. J'avais prévu de lui écrire pour son anniversaire mais il ne m';en a pas laissé le temps . Il a rejoint cet infini qui lui avait taraudé l'esprit dés son plus jeune âge, cet étonnement qui pour moi est la marque de la philosophie. J'ai beaucoup de sympathie et d'admiration pour cet homme de la terre. Comme lui je suis né dans une famille pauvre et marquée par cet esprit de la campagne , celui qui fait de la simplicité la source de la joie. Et ses ouvrages! et son escapade auprès d'Emilie ! et son allure si singulière ! et sa façon de parler, de plaisanter toujours avec considération pour ce qu'il avait à dire! Et le mal absolu qui en ce moment frappe des enfants ukrainiens! Voilà entre autres choses ce que Marcel Conche laisse comme témoignage pour moi. Ses livres comme il l'a écrit sont et seront pour moi le message d'un homme et d'un philosophe qui inspire ma vie dans cette recherche de la vérité , seul message sensé pour une époque tourmentée. Merci Monsieur Conche pour tout ce que vous avez donné à vos lecteurs et plus généralement à la philosophie ! Non votre corps n'ira pas rejoindre "le fumier des cochons" , pour moi il sera toujours quelque part dans cet infini et plus concrètement là où la terre de Corrèze vous a vu tendre le regard au loin comme pour mieux y revenir. Merci Monsieur Grosse de poursuivre votre travail pour perpétuer la mémoire de Marcel Conche. Respectueusement. Claude Cognat Annecy

un PDF de Marcel Conche présentant sa philosophie, à tété-charger

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Lettres en vie / Soins palliatifs / Alain et Michel Cadéo

Rédigé par grossel Publié dans #FINS DE PARTIES, #amitié, #amour, #engagement, #notes de lecture, #pour toujours, #poésie, #écriture

un livre d'exceptions, un livre pour oser, un livre d'édification; quand la poésie et la peinture sont forces vives, donnant à vivre

un livre d'exceptions, un livre pour oser, un livre d'édification; quand la poésie et la peinture sont forces vives, donnant à vivre


Lettres en vie

six années de rencontres au sein de l'unité de soins palliatifs de l'Hôpital de La Seyne-sur-Mer

éditions La Trace

septembre 2020

 

Lettres en vie

4° de couverture

Dostoïevsky parle du « saint des saints » lorsqu'il évoque « l'Homme dans l'homme »...

Et de quoi parle-t-il ? Il parle de la part la plus authentique, inentamable, la plus sacrée, la plus mystérieuse, dissimulée au plus profond de chacun d'entre nous et qui ne se révèle que lors des grands chambardements du coeur, du corps et de l'esprit.

Faut-il être en bout de vie pour enfin s'affranchir de tous les cintres et de toutes les panoplies ?

Six ans de rencontres d'Alain et Michel Cadéo auprès des patients et soignants de l'unité de Soins Palliatifs de l'Hôpital de la Seyne sur Mer.

Chaque semaine, le service fut un lieu de partages de mots et des maux.

Les lettres ainsi échangées sont un témoignage simple, sincère et lucide de ces instants uniques.

 

Note de lecture

 

Alain Cadéo dont j'ai lu beaucoup d'oeuvres, que je connais personnellement, qui est un ami, un frère de cœur, m'a transmis ces Lettres en vie, le dimanche 11 octobre, à l'occasion de nos retrouvailles à la pizzeria du Colombier au Revest, en compagnie de Martine. Annoncées depuis le printemps, j'attendais la parution de ces Lettres d'autant plus qu'il m'avait proposé de vivre éventuellement cette expérience d'accompagnement. Cela ne s'est pas fait.

Cet ensemble de lettres et de peintures (car Michel Cadéo, le frère cadet d'Alain est peintre et il a rendu compte de ses rencontres avec les patients au travers de portraits et de paysages-voyages oniriques) est une œuvre d'humanité dans le sens où les deux frères (solides et mystérieux comme leurs confrères rochers au large des Sablettes à La Seyne) et les soignants font preuve d'humanité envers les patients. Faire preuve d'humanité, c'est voir l'humanité de l'autre même très diminué, parce que très diminué, parce que se dévalorisant, s'isolant. Faire preuve d'humanité c'est le reconnaître comme corps-esprit-âme, c'est l'accompagner avec bienveillance, bien-traitance, le soutenir dans ses essais de rester humain, digne, propre, coquet. C'est l'énergiser, lui redonner accès à ses désirs et rêves, à son enfant intérieur retrouvé. C'est l'esprit « soins palliatifs » tel que pratiqué à La Maison à Gardanne, pionnière dans ce domaine : le soin est un art, l'art est un soin selon la formule du docteur Jean-Marc La Piana.

En quoi est-ce un art ? Chaque patient est unique, une personne unique, un être unique et chaque rencontre, chaque moment est unique. Aucun protocole, aucune expérience ne peut préparer au caractère inédit, imprévu de la rencontre. Cela relève du ressenti et de l'intuition, facultés éminemment sensibles, d'un autre niveau que le mental qui juge, supposant un travail sur soi de nature spirituelle. Sans ce travail préalable de nettoyage, de dissolution des carapaces, cintres et panoplies dont nous nous affublons pour paraître, pour jouer le jeu, le jeu social, sans ce travail pour retrouver l'enfant qui est en nous, l'enfant porteur de notre être, il ne semble pas possible de pouvoir se mettre sur la même longueur d'onde que ce patient que je visite.

(aujourd'hui, je suis sensible aux deux enfants que nous portons en nous, l'enfant intérieur, lui-même double, l'enfant blessé car tout enfant connaît, vit un jour ou l'autre des blessures à vie, à vif, enfouies ensuite, l'humiliation par exemple, et l'enfant rêveur avec son jardin secret où il peut se réfugier quand ça tangue ; et l'enfant des étoiles, l'enfant de lumière, venu du ciel, d'en haut, qui nous visite parfois, faisant sentir le mystère de l'Éternité et de l'Infini ; pour donner un exemple, mon enfant intérieur pourrait être Coco, celui qui va au royaume des morts parce que les morts ont peur d'être oubliés et mon enfant de lumière est le petit prince qui apprend à voir avec le seul regard vrai, le regard du coeur),

Ce patient que je visite, le voilà en fin de vie, ne bougeant qu'un pouce, n'ayant qu'un filet de voix, de grosses difficultés respiratoires, des difficultés motrices s'il s'assoit, tente de se lever, de bouger. Par quels canaux va passer la mise en phase : le sourire, le toucher, la tendresse, le regard, l'écoute, la compassion, un récit, une sollicitation, une invite, une première lettre... ? Le livre ne témoigne pas de cela.

Les lettres d'Alain sont des portraits personnels des patients rencontrés dans leur intimité et dans leur être (dans la mesure où il s'est révélé). Portraits personnels en ce sens qu'Alain s'y met en jeu avec ses mots, ses images, ses exhortations, ses rejets et sa quête de sens, de beauté, de bonté, de perfection, d'Éternité, de grands espaces terrestres, célestes, de grandes profondeurs et houles océaniques. Portraits d'intimité car quand les patients se racontent, se livrent, se révèlent, on en retrouve trace dans les lettres (pas de détails, juste le parcours, le tracé d'une vie) et portraits faisant émerger l'être, l'enfant retrouvé donnant sens à un dernier acte de vie, par exemple le tableau réalisé par un patient pour le restaurant de sa fille et qui s'en va, le tableau exécuté ou tel autre écrivant un conte pour sa femme. Ces lettres sont des poèmes, elles ont le pouvoir que Novalis donne à la poésie : La poésie est le réel absolu.

Aux lettres d'Alain qui poussent à vivre la vie jusqu'au bout parce que l'abord est pour certains d'abord réservé, en retrait, mettant en avant le rien qu'on est, la fatigue, l'épuisement, pour d'autres l'abord est d'entrée curieux, ouvert, lettres qui sont de véritables porteuses de lumière et d'énergie (au sens quantique, agissante aux niveaux les plus profonds, infimes), les patients répondent par leur enchantement, leur étonnement d'être reçus, compris, soutenus.

L'équipe s'est aussi mise à l'écriture, médecin, psychomotricienne, psychologues, infirmières, accomplissant non seulement le travail quotidien d'accompagnement, (y compris des patients remarquables, c'est-à-dire à ne pas réanimer), mais s'investissant dans les rencontres du lundi en fonction de leurs disponibilités.

Les 27 œuvres de Michel Cadéo, portraits et paysages-voyages oniriques, accompagnant les lettres des uns et des autres (femmes, hommes, pas d'âge donné, sauf exception, pas de milieu d'origine ou de profession exercée) ont sans doute été réalisées après les rencontres sur la base de ce que Michel avait vécu, ressenti, prenant peut-être des croquis.

Le regard dans ces portraits a quelque chose du regard des portraits du Fayoum, d'il y a 2000 ans, l'intensité. Quand le corps est au bord des falaises, des gouffres, seul le regard intérieur, celui porté par le sourire intérieur, sourire de béatitude, peut l'amener ailleurs. Comme l'a si bien dit G.K. Chesterton : Si les anges volent, c'est parce qu'ils se prennent eux-mêmes, à la légère.

(Dans le clip Happens to the Heart, chanson posthume de Leonard Cohen sortie le 25 octobre 2019, à la fin de son cheminement de vie après dépouillement de ses vêtements, apaisement de ses souffrances puis rencontre d'un moine bouddhiste et adoption du vêtement monastique, le jeune personnage entre en lévitation et voit sereinement par son regard intérieur les gouffres.

Ce clip et les paroles accompagnent bien les rencontres du lundi dans l'unité de soins palliatifs de l'hôpital de La Seyne sur Mer.

https://youtu.be/2AMMb9CiScI)

Va jusqu'où tu ne peux pas, ces mots de Kazantzakis sont pour Alain Cadéo comme un ex-voto, invitant au voyage, de nature spirituelle, c'est-à-dire de dépouillement, de purification, d'élévation.

Ce fut la règle de vie de Van Gogh : Mourir à soi-même, réaliser de grandes choses, arriver à la Noblesse, dépasser la vulgarité où se traîne l’existence de presque tous les individus… » Il disait aussi que peindre pour lui c’était le moyen de se tirer de la vie.

Ces Lettres en vie sont un OUI à la Vie.

 

 

Je ne peux m'empêcher de citer Jean-Yves Leloup, en complément éclairant de ces lettres et peintures dont les droits d'auteurs seront reversés à l'Association Pour les Soins Palliatifs.

Voilà une action sans utilité sociale, simplement humaine, discrète, persévérante (6 ans), gratuite (un don, une volonté), bénévole, sans médiatisation, sans recherche de reconnaissance, une action où les deux frères donnant, solides et généreux comme leurs confrères rochers ont reçu sans compter, sans attente de retour (les départs se font sans crier gare et sans fanfare). 

 

1- La gratitude, clef de la philocalie

Qu’est-ce qui peut nous rendre « sensible ›› à la beauté, à la grâce, à la Présence qui se donne à travers toute vérité, toute vie, toute bonté ?
la gratitude… la louange…la gratitude rend la grâce possible elle est notre ouverture à l’Ouvert
on pourrait dire ainsi qu’elle précède la grâce
dire merci avant de recevoir
est l’un des secrets du Bienheureux
dès qu’on a dit merci, tout ce qui nous arrive
est merci, miséricorde, grâce et don.
Celui qui ne dit jamais merci, ne reçoit jamais rien, car ce merci est l’acte même de la réception,
la possibilité d’une réceptivité, d’un accueil,
l’ouverture par laquelle le ciel enveloppe la terre,
l’ouverture par laquelle les dieux peuvent entrer.
Celui qui ne dit jamais merci, garde fermées les portes de la perception, comme celles de l’affectivité et de la connaissance.
L’enfer dans lequel nous nous enfermons consciemment est celui de notre ingratitude. Etre incapable de gratitude ou de louange c’est perdre toute joie d’être et de vivre. Nous mourons de ne pas savoir dire merci, dire merci à notre épreuve, c’est en faire une occasion de croissance, de dépassement ; dire merci à notre mort, c’est en faire une délivrance ou un passage vers une vie plus vaste.
Seuls ceux qui savent dire « merci ›› seront sauvés.
La gratitude met le cœur et le souffle « au large ›› (sens du mot salut Iescha en hébreu), elle est la clef qui nous ouvre à la beauté de toutes réalités visibles et invisibles, c’est elle qui nous permet « d’entrer ›› en philocalie.

 

2- "Le mot « résurrection » vient du mot grec anastasis qui signifie « se lever après le sommeil, se poser dans l’espace, dans la hauteur ». Ainsi, celui qui est ressuscité est celui qui est passé de l’état de conscience limitée à un état de conscience sans limite. C’est pour cette raison que dans la tradition on dira que le Christ était ressuscité avant de mourir. Et lorsque saint Jean parle de « vie éternelle » cela signifie que la vie éternelle n’est pas opposée à la mort, qu’elle est avant, pendant et après la vie ; c’est la dimension d’éternité qui est au cœur de la vie.
Et c’est à cette dimension qu’il s’agit de s’éveiller, à ce non-né, non-fait, non-créé, à cette dimension de l’incréé. C’est cela la résurrection. Aussi lorsqu’on dit que le Christ est ressuscité et que nous sommes appelés à la résurrection, cela signifie que nous ne sommes pas appelés à nous réanimer, mais à nous éveiller au cœur de notre finitude, à la dimension d’éternité, dimension que dans un autre langage on appellera l’Eveil…

Nous avons donc la liberté de nous ouvrir ou la liberté de nous fermer ; nous avons le choix entre l’ouvert et l’enfer. En nous ouvrant au cœur même des conditions dans lesquelles nous sommes, en nous ouvrant à cet infini qui nous habite, nous entrons dans le monde de la résurrection. Dans toutes les traditions, le but n’est jamais la réincarnation mais l’Eveil, la résurrection, la délivrance du Karma. 

Dans l’Evangile de Philippe il nous est rappelé (logion 21) que la Résurrection (Anastasis) n’est pas une réanimation…L’Evangile de Philippe, à la suite du Christ, nous invite à nous éveiller dès cette vie à ce qui en nous ne meurt pas et que Saint Jean appelle la Vie éternelle. La vie Eternelle n’est pas la vie « après la mort », mais la dimension d’éternité qui habite notre vie mortelle, et à laquelle il s’agit de s’éveiller comme le Christ avant de mourir.

 

Par ailleurs l’apôtre Paul précise bien que ce n’est pas notre corps biopsychique qui ressuscite, mais notre corps spirituel « pneumatique ».

Qu’est-il ce corps dit « spirituel » ? Ne se tisse-t-il pas déjà dès cette vie, à travers nos actes de générosité et de don ? Car la seule chose que la mort ne peut pas nous enlever, c’est ce qu’on aura donné. L’Evangile de Philippe insiste sur cette puissance du don, cette capacité d’offrande que le Soter (Sauveur) vient libérer en nous…

 

À Le Revest, le 18 octobre 2020,

Jean-Claude Grosse,

éditeur des Cahiers de l'Égaré

Maryse par Michel Cadéo / Alain et Michel Cadéo / Macadam Épitaphe, une écriture en fusion qui dissipe les frontières, les barrières, dissout les conforts, les étroitesses et petitesses et nous relie à la Vie, à l'enfance, au Rêve comme routes
Maryse par Michel Cadéo / Alain et Michel Cadéo / Macadam Épitaphe, une écriture en fusion qui dissipe les frontières, les barrières, dissout les conforts, les étroitesses et petitesses et nous relie à la Vie, à l'enfance, au Rêve comme routes
Maryse par Michel Cadéo / Alain et Michel Cadéo / Macadam Épitaphe, une écriture en fusion qui dissipe les frontières, les barrières, dissout les conforts, les étroitesses et petitesses et nous relie à la Vie, à l'enfance, au Rêve comme routes

Maryse par Michel Cadéo / Alain et Michel Cadéo / Macadam Épitaphe, une écriture en fusion qui dissipe les frontières, les barrières, dissout les conforts, les étroitesses et petitesses et nous relie à la Vie, à l'enfance, au Rêve comme routes

Marie-Christine, conductrice de poids lourd, allant souvent dans les pays du Moyen-Orient (imaginons les difficultés mais rêvons aussi quand le diesel du Scania qui ronronne vous lance sur ce que les routes et autoroutes induisent dans les âmes des conducteurs poètes) a demandé qu'on lise un extrait de Macadam Épitaphe, texte de 1986 d'Alain Cadéo qu'il lui avait offert, à son enterrement. Comme cet extrait n'est pas cité dans le livre Lettres en Vie, j'ai cherché dans Macadam Épitaphe.
Voici mon choix : J'ai aimé chaque fois avec l'ardeur et la vivacité d'un nouveau-né hurlant son aptitude à vivre. J'étais un bloc surgi d'immenses paysages tendres. Je n'ai jamais su que vous aimer. Tu es ma dernière course. Macadam Épitaphe. Je te dédie ces kilomètres inutiles. Je t'offre ces tonnes insignifiantes d'émotions et d'images. Je te marie ainsi avec mon temps. Partout j'ai creusé la terre, dans tous les sens cherchant les portes parallèles, celles que l'on franchit entre l'espace réel et celui de ses pensées. Je t'offre ma vie brouillonne et mélangée, pour que toi seule sache en extraire le succulent plaisir et qu'à ton tour tu le transmettes à qui te paraîtra assez grand. Ni suicide ni rien, non, je roulerai jusqu'à ce que je rencontre peut-être le moment qui devra m'échapper.

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sur Serge Rezvani, souvenir et lectures

Rédigé par grossel Publié dans #pour toujours

Entretien
Les Racines élémentaires de Serge Rezvani : « C’était la misère, mais j’avais le goût de la vie »
Abandonné et pauvre au sortir de l’enfance, Serge Rezvani s’est construit en s’accrochant à un puissant désir de vivre. Son ascension artistique, dans le milieu de la peinture, des lettres et de la chanson, fut spectaculaire. Courtisé par Hollywood, la Nouvelle Vague et Barclay, l’ami de Truffaut a préféré cultiver son jardin, loin de tous, en vivant dans une bulle aux côtés de Lula, l’amour de sa vie.
Making of
C’était… il y a 80 ans, à deux pas du lieu parisien où l’homme nous reçoit. À l’époque, Serge Rezvani, gamin et vagabond sauvage de 15 ans, se débrouillait dans la vie en solo, orphelin de sa mère, éloigné de son père, vivant dans la pauvreté, à la va-comme-je-te-pousse. C’était alors la guerre, et le tout jeune artiste de Montparnasse, qui allait croiser la route de Paul Eluard et de Giacometti, ne se doutait certainement pas qu’il était à l’aube d’une incroyable aventure artistique. Il deviendra peintre, auteur-compositeur de chansons (pour Truffaut, Jeanne Moreau, Godard…), écrivain prolifique (une septantaine de publications).
Fils de modestes réfugiés russe et iranien, rescapé d’une enfance douloureuse, Rezvani a fait de sa vie une œuvre d’art, sans cesse en quête d’amour et de beauté. C’est aujourd’hui un jeune homme de 95 ans, qui continue de créer chaque jour, en cultivant le mot épicurien de Ronsard, « carpe diem ». C’est aussi un homme libre, qui a construit sa vie sur un principe sacré : « Il faut savoir ce que l’on ne veut pas vivre. » Si on applique cette devise, le reste, c’est cadeau, assure-t-il. Sa vie, qu’il a choisie loin des sentiers de la gloire, en apporte la preuve.
Serge Rezvani
Né en 1928 à Téhéran, Serge Rezvani arrive en France à l’âge d’un an avec sa mère juive d’origine russe. Artiste « pluri-indisciplinaire », selon son expression. Peintre dès son plus jeune âge, il collabore en 1947 avec Paul Eluard. Il a écrit plus de 40 romans, 15 pièces de théâtre et deux recueils de poésie. Il est l’auteur de plus de 150 chansons, dont certaines ont marqué l’histoire de la Nouvelle Vague, comme Le Tourbillon de la vie, interprété par Jeanne Moreau dans le film Jules et Jim (Truffaut), ou Jamais je ne te dirai que je t’aimerai toujours, chanté par Anna Karina dans Pierrot le fou (Godard). Il signa nombre de ses chansons sous le pseudonyme de Cyrus Bassiak, ce qui signifie « va-nu-pieds » en russe.
Chapitre 1 - « Il faut savoir ce qu’on ne veut pas vivre. Quand on le sait, la vie est d’une générosité extraordinaire »
Peintre, auteur-compositeur, écrivain, Serge Rezvani, 95 ans, a connu et chanté les tourbillons de la vie. L’exil, l’abandon, la misère, la bohème n’ont pas eu raison de son formidable appétit de vivre. Aux sirènes de la célébrité, il préféra la vie secrète, préservée de la foire aux vanités, aux côtés de Lula, l’amour de sa vie.
Ne vous fiez pas aux apparences. L’homme que vous voyez sur la photo a 95 ans. C’est un jeune homme, avec un certain goût du bonheur. Un jeune homme de 95 ans, ça ne court pas les rues. A-t-il une recette ? Si oui, elle tiendrait alors en une maxime : pour vivre heureux, vivons cachés !
Vous ne seriez pas devenu qui vous êtes si…
Si, à l’âge de neuf ans, je n’avais pas vu au cinéma Les révoltés du Bounty (Frank Lloyd, 1935). J’en suis sorti en me disant que je ne voudrais pas vivre dans le monde des hommes, que j’espère que je rencontrerais un jour une femme qui voudra me suivre et acceptera de vivre à l’écart du monde. Et j’ai réalisé ça. Grâce aux Révoltés du Bounty. Le film m’avait bouleversé, scandalisé. Il a nourri un souhait de vie, sinon un rêve. Parce que j’ai eu une vie très compliquée. Très romanesque aussi. Avec des hauts et des bas très forts. Un début de vie très difficile. Mais c’est bon. Si on coule au fond, il y a toujours quelque part un endroit où on donne un coup de talon… et on remonte plus haut. Les épreuves vous donnent envie de rebondir.
Vous naissez en 1928, à Téhéran, d’un père iranien et d’une mère russe.
J’y suis resté une seule année… je n’en ai donc aucun souvenir. Ma mère avait assisté à la révolution russe. Elle en parlait avec une horreur absolue. Elle a essayé de passer la frontière plusieurs fois vers l’Iran. Elle a fini par y arriver déguisée en mendiante. Elle a échoué dans un camp de réfugiés russes. Mon futur père y était interprète. Quand il a vu cette femme, il a eu soi-disant pitié et il l’a épousée, mais en Iran, et disons même en Perse, on épouse une femme et on la répudie dix minutes après. Ça s’est un peu passé comme ça. Mon père était un homme très singulier, mage, magicien, très fantasque. Ma mère était complètement éblouie par lui, puis très déçue.
Quand j’ai eu un an, mon père s’est sauvé en France. Ma mère l’a poursuivi. Elle ne l’a pas retrouvé. J’étais en France. Je ne l’ai jamais quittée. Un jour j’ai demandé à mon père comment était ma mère. Il m’a juste dit : « C’est une emmerdeuse. » Ma mère était une femme excessive. Par la suite, j’ai découvert que dans les années 30, elle était lesbienne, libre, violente, c’était une chasseresse, très mère juive aussi. C’était énorme, tout ça.
Votre enfance est marquée par les absences de vos parents…
Je n’ai pas eu d’enfance. J’étais dans les pensionnats les plus sordides de l’immigration. Ma mère était très malade. À l’époque, avec le cancer, on découpait les gens vivants. J’étais petit et chaque fois qu’elle sortait d’un hôpital, je la voyais un mois ou deux. La première langue que je parlais, c’était le russe, avec elle, mais lorsqu’on m’a mis dans un pensionnat français, à l’occasion de l’une de ses opérations, quand elle est revenue me chercher, je ne parlais plus le russe. J’avais abandonné la langue et je ne parlais plus que le français. Ça a été une sorte de blocage. J’en ai sûrement voulu à ma mère de m’abandonner sans cesse. Peut-être ne voulais-je plus parler avec elle… même si je comprenais la langue. Jusqu’à sa mort, on n’a pas très bien communiqué. Je n’ai plus jamais parlé le russe… même si j’ai traduit Platonov (Tchekhov) pour la Comédie Française.
Qu’avez-vous fait de ce syndrome de l’abandon ?
Je ne me suis jamais senti orphelin. Je n’ai jamais eu la nostalgie d’être d’une famille. Je n’avais aucun point de comparaison. J’étais dans des pensionnats sordides où grouillaient les punaises et les rats. Mais, non, tout cela m’a donné un goût de la vie et de la vitalité. Et finalement, tout ce qui m’arrivait, je le trouvais formidable. Parce que j’étais vivant. J’étais un enfant très réservé. Je dessinais très bien. Je lisais énormément. Je vivais très à l’écart. Dans ses Mémoires, Robert Hossein, qui était comme mon frère et était dans la même pension que moi, lui aussi à moitié russe et à moitié iranien, parle de moi comme ça.
Vos parents sont juifs…
… et ça n’a aucune importance. J’ai écrit une chanson où je dis : « Je ne suis fils de personne, je ne suis d’aucun pays. »
Vous avez huit ans à la mort de votre mère. Votre père réapparaît alors et vous reprend…
… et il m’a rejeté dans des pensions, tout le temps. Donc je n’ai pas eu de vie de famille. Avec mon père, je me sentais plus son père que l’inverse. Il était assez infantile. Fantaisiste. Avec un charme fou. Personnage passionnant, passionné. Mais pour un enfant, c’est pas bon. Il était inconséquent, très menteur. Je ne suis jamais retourné en Iran, le pays de mon père. Le shah voulait que je vienne et j’y aurais été accueilli de manière royale en me faisant savoir qu’il se foutait royalement de mes opinions. Mais à ce moment-là j’ai pris conscience de ce qui se passait là-bas. J’ai écrit des articles dans Le Monde, j’ai écrit des pièces de théâtre. Ce faisant, j’ai parlé de Khomeini comme d’un type bien… j’ai fait en cela la même erreur que Michel Foucault. Cela m’a valu d’être condamné à mort par la Savak.
Votre adolescence est marquée par votre jeune belle-mère, Nahidé…
J’ai été fou d’amour pour elle. Elle a terriblement compté. Et elle n’était pas indifférente non plus parce que mon père était très volage, et elle était très malade, phtisique… c’était une « dame aux camélias », avec moi à son chevet, fondant d’amour, et elle en était très flattée.
À quel moment la peinture est-elle entrée dans votre vie pour se transformer en vocation ?
Les premiers moments d’admiration, ce sont les salissures sur une feuille de papier que fait l’enfant, avec la mère qui s’extasie. À partir de là, l’enfant continue. C’est comme ça qu’on devient peintre, à la fin, je crois. C’est quelque chose de très infantile. Et les peintres sont de grands enfants.
À quinze ans et demi, j’ai sauté le mur de la pension et je me suis installé à Montparnasse, pas loin d’ici. J’étais à la Grande Chaumière (académie), la rue à côté de celle où Giacometti, Brancusi avaient leurs ateliers. C’était très formateur. Je lisais énormément. Nietzsche, Jean-Jacques Rousseau, alors que j’étais très jeune. Je n’avais pas d’argent, c’était la guerre. Misère totale. Surtout que je m’étais sauvé de pension et que je n’avais pas de ticket d’alimentation. Je ne vivais de rien. On dit aujourd’hui que les Français souffrent. C’est une belle blague. À Paris, les terrasses sont pleines de gens qui bouffent. Ce n’était pas du tout le cas pendant la guerre.
À la Libération, vous manquez d’être tué…
Il se passait des choses abominables. J’ai vu toutes ces femmes qu’on tondait et qu’on mettait nues avec des croix gammées au bleu de méthylène. Moi, j’étais assez naïf pour tuer un Allemand. Un jour, j’ai trouvé un petit fusil à répétition, extrêmement convoité, jusqu’à ce qu’un type de Boulogne-Billancourt me voie avec ce fusil, me mette en joue et m’emmène comme si j’étais une prise de guerre. Ce sont les aléas de ces moments. Après ça, on sait très bien que la foule, la populace est très vorace, et capable du pire.
Vous rencontrez Paul Éluard en 1946…
Comme j’étais très pauvre, je ne pouvais pas m’acheter de couleurs. Du coup, je me servais de boîtes à savon en bois dans lesquelles les gens mettaient leurs ordures. Et avec le bois, je faisais une série de gravures. Éluard les a vues et il a souhaité faire ce livre, tiré à seize exemplaires chez Maeght Éditeur. On en a fait il y a peu un fac-similé chez Gallimard, distribué gratuitement dans toutes les librairies – à 30.000 exemplaires.
Votre vie a basculé avec Le tourbillon de la vie…
C’est une belle histoire aussi. Je ne renie pas du tout, même si je l’ai écrite de la main gauche. J’ai chanté pour séduire Lula. Puis les amis. C’était un jeu. Mes chansons faisaient partie de notre vie, de façon amicale. Mais je ne pensais pas qu’elles franchiraient le cercle des amis. Ça, c’est Truffaut, que j’avais rencontré par l’intermédiaire de Jeanne Moreau. Il adorait mes chansons. Très timidement, un jour, il m’a demandé si j’acceptais de lui en donner une. Il savait que je voulais rester à l’écart. J’ai joué dans le film (Jules et Jim), mais parce que c’était fait avec beaucoup d’amitié. Cette chanson, c’était pour me moquer gentiment de l’amour de Jeanne Moreau et de son mari, Jean-Louis Richard. Truffaut l’a entendue et puis voilà. Plus le temps passe, plus je m’éloigne du moment où j’ai écrit ces chansons, mieux je les trouve.
Le succès du Tourbillon a été bénéfique, ça m’a permis de ne plus vendre de tableaux, ce qui était pour moi un luxe. Mais ça a faussé aussi pas mal de choses. Tout ce monde du cinéma fascine tellement les gens, de manière primaire, presque infantile. Après il y a eu Godard, et puis beaucoup de films de la Nouvelle Vague. Encore maintenant, de jeunes cinéastes américains, comme Xavier Dolan, viennent me demander des chansons. Je ne fais rien pour ça. Comme je ne voulais pas apparaître, j’avais pris un pseudonyme, Cyrus Bassiak. Bassiak, ça veut dire va-nu-pieds, en russe… ça dit tout. J’ai été très vite débusqué, mais ça m’a permis de ne pas être trop visible. Barclay n’arrêtait pas de me demander des chansons pour Bardot, Reggiani… Je ne voulais pas. Je n’ai jamais voulu en faire un métier. Cela créait pas mal de jalousie, de méchanceté… d’admiration aussi.
Cela fait plus de cinquante ans que vous écrivez. Votre production littéraire est gigantesque. Vous êtes-vous mis à écrire par lassitude de la peinture ?
J’en avais plus qu’assez. Je déteste le marché. Je vendais très cher mes tableaux. J’étais coté. J’ai inauguré Beaubourg, j’ai exposé au Musée d’art moderne. Et à un moment, j’ai arrêté. Le côté matériel de la peinture me déplaît. Quand j’ai commencé, j’étais dans la pauvreté, et c’était mystique. Dès l’instant où les marchands se sont installés dans la peinture, ça n’en valait plus la peine. Picasso disait : « Je ne cherche pas, je trouve. » Moi, j’ai cherché, je n’ai rien trouvé. J’ai laissé la peinture à Picasso. Mon père était très ami avec Picasso. Quand mon père a vu mes tableaux exposés à la galerie Maeght, il était furieux de voir que je faisais de la peinture abstraite. Picasso a dit un jour à mon père : « Je vais t’offrir un tableau » ; mon père lui a dit gentiment : « Non merci, tu fais les mêmes conneries que mon fils. » Picasso, ravi, lui a dit : « Enfin un homme honnête. » Ça, c’était magnifique, de mon père. Il était très estimable. Mais pas comme père.
Vos débuts littéraires, bien que salués, vous ont immédiatement confronté aux pressions des éditeurs. Chez Gallimard, il y avait Raymond Queneau…
C’était un ami. Il adorait ma peinture et quand il voulait faire un cadeau à ses amis, il achetait un tableau pour l’offrir. Ensuite, c’est lui qui m’a poussé à écrire. Lui, et François Truffaut. Le jour où Queneau a reçu mon premier manuscrit, il a été affolé tant il était énorme et hirsute. Ça lui a fait peur. Il m’a dit que je pouvais prendre le temps d’attendre une réponse, que ça pourrait mettre un an. Le lendemain, Gallimard me téléphonait. Mais entre-temps, j’avais donné ma parole à Flammarion. Du coup, Gallimard a fait dire à Queneau qu’il fallait me ramener au bercail. C’est un mot que je n’ai pas supporté. De même, lorsque chez Flammarion ils m’ont dit d’accrocher une fusée au cul. Ça m’a fait casser le contrat.
Vous avez essayé d’être un homme libre ?
Je n’ai pas essayé. Je l’ai été. Et je le suis encore. J’ai une chanson qui parle de ça, empruntée à une phrase d’un rabbin du quatorzième siècle : « Surtout ne demande pas ton chemin à quelqu’un qui le connaîtrait… Il pourrait t’égarer. »
De quoi est fait votre quotidien ? Vous continuez de créer à 95 ans ?
Bien sûr. Tout le temps. C’est tout le temps là. Ça dépend comment, où et avec qui je vis. Quand je vivais à La Béate, avec Lula, on vivait en vase clos et j’ai beaucoup écrit sur nous. C’était une manière de revivre ce qu’on vivait. Elle relisait avec moi puis le retapait. C’était très narcissique, mais à deux. Pour moi, le mythe de Narcisse a mal été interprété. Je pense que Narcisse ne se regarde pas dans le reflet de l’eau. Il cherche le regard d’Ondine, qui est dessous.
Que vous inspire votre parcours ?
J’ai fait une lancée tellement forte dans la création, la vie et l’amour, que je continue sur mon erre, comme on dit d’un bateau. J’ai encore beaucoup de vitalité et beaucoup de raisons de créer et d’aimer encore. J’ai cent ans moins cinq. Et j’ai une femme dans ma vie, aujourd’hui, qui me demande de vivre encore dix ans. Pourquoi pas ?
Chapitre 2 - Son amour : « Lula et moi, on a vécu un voyage de noces qui a duré toute une vie »
La rencontre de votre vie, celle qui a marqué aussi de nombreuses chansons, de nombreux livres, c’est Danièle, alias Lula…
Elle avait 18 ans, moi 20. Elle était d’une famille très aisée et avait un avenir extraordinaire devant elle. Elle a tout quitté pour venir vivre avec moi, dans une presque misère. Ça l’a passionnée. Nous avons vécu dans une bulle, sans mondanités, dans un endroit extraordinaire, dans les Maures. On a eu beaucoup d’amis. Jeanne Moreau est venue acheter près de chez nous, comme beaucoup de gens. Nous, on avait voulu quitter Paris. Elle nous l’a ramené. C’était un peu dommage. On se retrouvait pris au piège. On était très amis quand elle n’était pas trop célèbre. Après c’est devenu un peu lourd. Avec Lula, on tenait beaucoup à rester seuls, tous les deux. Et j’ai beaucoup créé uniquement pour la séduire, notamment avec mes chansons, ou mes romans… elle était tellement littéraire. Elle admirait tous les grands. Alors je voulais me hisser. C’est un coup de foudre, qui a duré 50 ans.
Vous avez écrit pour elle un merveilleux texte, Jamais je ne t’ai dit que je t’aimerai toujours. Ô mon amour…
C’est ma chanson philosophique sur l’amour. J’aime cette chanson qui nous représente. Elle dit tout de nous. On nous aurait dit quand on s’est connus qu’on vivrait 50 ans ensemble, on serait partis en courant chacun de son côté. Et au bout de 50 ans, on s’est retournés et on s’est dit : « Seulement ? »
Quand Orson Welles a vu Lula chez Jeanne Moreau, il lui a dit : « Vous ne faites pas de cinéma ! ? » Elle a dit non. « Mais pourquoi ? » « Parce que j’aime ma vie. » Elle était très, très belle. Et surtout, elle était très intelligente. Son intelligence éclipsait sa beauté. Et moi, quand on me proposait de faire de la musique à Hollywood, je disais pareil : « J’aime ma vie ». Il n’y a pas d’autre explication.
Un jour, alors que c’étaient les vaches maigres, un riche homme d’affaires, Charles Michelson, propose de vous acheter tous vos tableaux, et d’en devenir une sorte de propriétaire exclusif. Vous refusez…
Ça aurait pu être important pour un peintre qui aurait voulu s’enrichir. Pas pour moi. J’ai eu la chance, toute ma vie, qu’on m’offre tout sur un plateau. Je n’ai jamais rien demandé à personne, et tout m’est venu. Ce Michelson, qui était notamment directeur de la banque de diamants à Monaco, était un magnat, du type Citizen Kane. Quand il est venu chez moi, il voulait m’acheter. C’était faustien. D’un coup, j’avais le plus bel atelier de Paris, en dessous de chez Sonia Delaunay, tout l’argent que je voulais, mais je signais un contrat avec lui et sa descendance pour que toute mon œuvre soit partagée entre eux. Très vite, j’ai compris que je ne pouvais pas me vendre comme ça. La misère, je m’en étais toujours arrangé. Or, c’eût été une occasion très intéressante pour un autre… D’ailleurs j’ai dirigé Michelson vers un ami à moi, lui aussi peintre, et ils se sont très bien débrouillés. L’ami s’est acheté un château. Moi, ça ne me convenait pas d’être venu comme ça. Je mettais la peinture à un autre niveau. J’avais pressenti des choses, qui se passent aujourd’hui dans l’art contemporain, désormais aux mains des gens du Golfe et des Chinois. On ne regarde plus le tableau, aujourd’hui, on regarde combien il représente. Sa cote. Michelson était très intelligent. Il avait compris que la peinture, c’est comme l’espéranto, tout le monde la comprend. C’est un marché international qui allait s’ouvrir. La Bourse de la peinture est, je crois, plus importante que la Bourse réelle. J’aurais pu m’enrichir rapidement. Mais tout cela ne me convenait pas. J’étais très heureux avec Lula. Je n’avais pas du tout envie de changer ma vie. Je ne voulais pas entrer dans ce théâtre.
Ce pacte faustien, on vous l’a proposé plusieurs fois dans votre vie…
Souvent, oui. Ma devise, que je répète à tout le monde, c’est : « Il faut savoir ce qu’on ne veut pas vivre. » Quand on le sait, la vie est d’une générosité extraordinaire. Toute ma vie, j’ai toujours suivi mon chemin, en évitant ce que je ne voulais pas.
C’est peu banal d’entendre ça, à une époque qui fait le culte de la célébrité…
Oui, mais je pense qu’on est arrivé au point où tout cela est en train de s’écrouler. Hélas, c’est un peu tard. Alors on veut préserver les arbres, les oiseaux. C’est ridicule… il y a longtemps qu’il fallait prendre conscience. Les Indiens d’Amérique, quand ils cassaient une branche, ils demandaient pardon à l’arbre. Ç’aurait pu se développer dans ce sens-là. Au lieu de se transformer, l’homme a toujours voulu transformer le milieu. Voilà le résultat.
Vous avez fait le choix de ne pas avoir d’enfants…
Oui. J’ai passé 15 ans avec Marie-José Nat, qui, elle, était mère à un point névrotique. Elle me disait tout le temps : « Oh, j’aurais tellement aimé avoir un enfant de toi. » Pour moi, c’eût été impossible. Dans toutes les civilisations, quand de jeunes gens s’aiment, on respecte cet amour et on leur dit : « Allez, partez en voyages de noces ! » On leur donne de l’argent… mais ils doivent revenir en étant productifs. Et donc, en faisant des enfants. L’enfant, c’est un otage de la société. C’est le moyen qu’a la société pour avoir un droit de regard sur votre vie. L’enfant ne vous appartient pas. Il appartient à la communauté. On est très surveillé. Lula et moi, on a vécu un voyage de noces de toute une vie. On est partis tous les deux et on est restés dans cet état de voyage. On n’a pas produit d’enfant. On s’est produits nous-mêmes. On a suivi notre chemin, en se foutant complètement de ce que l’on pensait de nous. Je l’ai parfois payé cher, avec des procès.
(par Nicolas Crousse, Le Soir, 8 septembre 2023)
𝐂𝐡𝐞𝐫 𝐒𝐞𝐫𝐠𝐞 𝐑𝐞𝐳𝐯𝐚𝐧𝐢, 
𝐦𝐞𝐫𝐜𝐢 
𝐩𝐨𝐮𝐫 𝐜𝐞𝐬 𝐜𝐡𝐚𝐧𝐬𝐨𝐧𝐬-𝐩𝐨è𝐦𝐞𝐬 𝐝𝐞 𝐩𝐮𝐫 𝐩𝐫é𝐬𝐞𝐧𝐭, 
𝐦𝐞𝐫𝐜𝐢 
𝐓𝐮 𝐬𝐚𝐢𝐬 𝐣𝐞 𝐧𝐞 𝐬𝐮𝐢𝐬 𝐩𝐚𝐬 𝐬𝐢 « 𝐦𝐲𝐬𝐭é𝐫𝐢𝐞𝐮𝐬𝐞 » 𝐜𝐨𝐦𝐦𝐞 𝐭𝐮 𝐝𝐢𝐬, 𝐣𝐞 𝐬𝐮𝐢𝐬 𝐣𝐮𝐬𝐭𝐞 é𝐛𝐥𝐨𝐮𝐢𝐞 𝐝𝐞 𝐭𝐨𝐧 𝐫𝐞𝐠𝐚𝐫𝐝 𝐬𝐢 𝐝𝐨𝐮𝐱 𝐪𝐮𝐢 𝐯𝐚𝐠𝐚𝐛𝐨𝐧𝐝𝐞 𝐝’𝐢𝐧𝐬𝐭𝐚𝐧𝐭 𝐞𝐧 𝐢𝐧𝐬𝐭𝐚𝐧𝐭, 𝐣𝐚𝐦𝐚𝐢𝐬 𝐝é𝐟𝐢𝐧𝐢𝐭𝐢𝐟, 𝐭𝐨𝐮𝐣𝐨𝐮𝐫𝐬 𝐞𝐧 𝐦𝐨𝐮𝐯𝐞𝐦𝐞𝐧𝐭. 𝐓𝐮 𝐝𝐢𝐬 𝐪𝐮𝐞 𝐜’𝐞𝐬𝐭 𝐥𝐞 𝐬𝐞𝐜𝐫𝐞𝐭. 𝐉𝐞 𝐭𝐞 𝐜𝐫𝐨𝐢𝐬. 
𝐉𝐞 𝐭’𝐞𝐦𝐛𝐫𝐚𝐬𝐬𝐞 𝐚𝐯𝐞𝐜 𝐭𝐨𝐮𝐬 𝐦𝐞𝐬 𝐛𝐫𝐚𝐬, 𝐞𝐭 𝐭𝐞 𝐬𝐨𝐮𝐡𝐚𝐢𝐭𝐞 𝐮𝐧 𝐣𝐨𝐲𝐞𝐮𝐱 𝐚𝐧𝐧𝐢𝐯𝐞𝐫𝐬𝐚𝐢𝐫𝐞 𝐩𝐨𝐮𝐫 𝐭𝐞𝐬 𝐪𝐮𝐚𝐭𝐫𝐞-𝐯𝐢𝐧𝐠𝐭 𝐪𝐮𝐢𝐧𝐳𝐞 𝐚𝐧𝐬!!! 
𝐋.
La reponse Serge Rezvani, espiègle à mon message « d’annini » d’hier pour ses 95 ans, 23 mars 2023, 100 moins 5 dit-il:
 
••« 𝙾𝚑 𝙻𝚎𝚘𝚙𝚘𝚕𝚍𝚒𝚗𝚎 𝚜𝚊𝚒𝚜-𝚝𝚞 𝙷𝚒 𝙷𝚒 𝚚𝚞𝚎 𝚓’𝚊𝚒𝚖𝚎𝚛𝚊𝚒𝚜 𝚛𝚒𝚛𝚎 𝚊𝚟𝚎𝚌 𝚝𝚘𝚒 𝚍’𝚞𝚗 𝚊𝚗𝚒 𝚊𝚗𝚗𝚒𝚟𝚎𝚛𝚜𝚊𝚒𝚛𝚎 𝚊𝚞𝚚𝚞𝚎𝚕 𝚓𝚎 𝚗𝚎 𝚙𝚎𝚞𝚡 𝚌𝚛𝚘𝚒𝚛𝚎 (...) 𝚎𝚝 𝚙𝚊𝚛𝚕𝚘𝚗𝚜 𝚌𝚑𝚊𝚗𝚜𝚘𝚗𝚜 … 𝚎𝚝 𝚍𝚎 𝚕𝚊 𝚋𝚎𝚊𝚞𝚝é… 𝚍𝚎 𝚝𝚊 𝚋𝚎𝚊𝚞𝚝é 𝚊𝚓𝚘𝚞𝚝é𝚎 à 𝚌𝚎𝚜 𝚙𝚘è𝚖𝚎𝚜 𝚍’𝚞𝚗𝚎 𝚟𝚒𝚎 𝚚𝚞𝚒 𝚏𝚞𝚝 𝚜𝚒 𝚑𝚎𝚞𝚛𝚎𝚞𝚜𝚎 ! 𝙼𝚎𝚛𝚌𝚒 𝚍’𝚢 ê𝚝𝚛𝚎 𝚎𝚗𝚝𝚛é𝚎 ! 𝚃𝚛𝚊𝚕𝚊𝚕𝚊 𝚜𝚘𝚒𝚜 𝚑𝚎𝚞𝚛𝚎𝚞𝚜𝚎 𝚌𝚘𝚖𝚖𝚎 𝚋𝚎𝚕𝚕𝚎 𝚝𝚞 𝚎𝚜! 𝙹𝚎 𝚝’𝚎𝚖𝚋𝚛𝚊𝚜𝚜𝚎 𝚝𝚛è𝚜 𝚝𝚎𝚗𝚍𝚛𝚎𝚖𝚎𝚗𝚝 𝚂𝚎𝚛𝚐𝚎 𝚁𝚎𝚣𝚟𝚊𝚗i» ••
peut-être erreur d'interprétation de Rezvani sur le sang impur abreuvant nos sillons
à ce sujet, polémique d'où les liens que je propose :
ce ne serait pas le sang des ennemis, ce serait le sang impur des sans-culottes du tiers-état (aujourd'hui les sans dents, les GJ), des patriotes, défendant la patrie, la nation naissante, quand les deux autres états, noblesse (au sang pur) et clergé pactisaient avec les puissances monarchiques européennes
https://blogs.mediapart.fr/rouget-de-marseille/blog/180818/faut-il-faire-evoluer-la-marseillaise
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Marseillaise de Pierre Ménager
Marseillaise de Graeme Allwright
Marseillaise amie de Serge Rezvani
réserve sur les paroles : manque l'abolition de la souffrance animale spécialement dans l'élevage et l'abattage industriel
dernier livre lu, sorti le 15/9/2022, offert pour un anniversaire

dernier livre lu, sorti le 15/9/2022, offert pour un anniversaire

près de la chapelle Notre Dame de Miremer rencontre avec Danielle-Lula
près de la chapelle Notre Dame de Miremer rencontre avec Danielle-Lula

près de la chapelle Notre Dame de Miremer rencontre avec Danielle-Lula

C'est grâce à Pierre Chabert (1938-2010) qui monta en 1988-1989, deux courtes pièces, Jusqu'à la prochaine nuit (avec Anna Tatu), suivi de Na (avec Éléonore Hirt) à l'Avant-Scène de Marseille. que j'ai eu la chance de rencontrer à La Béate, Serge Rezvani et Danielle-Lula.
Ce fut un grand moment de partage: champagne et livres, le 2 août 2001, avec l'épousée, Annie, 48 jours avant la disparition du fils et du frère.
Rezvani nous dédicaça La Traversée des Monts Noirs (en supplément du Rêve de D'Alembert) (l'édition Stock de 1992) avec "un peu de Russie, un peu de Toulon". Et effectivement la Russie, indépendamment du roman, nous habitait depuis 2000 et cela dure encore.
Danielle-Lula était atteinte de la maladie d'Alzheimer, diagnostiquée le 11 août 1999. Cette fin d'après-midi là, nous ne nous aperçûmes de rien. Elle posa de nombreuses questions à Annie sur les enfants, être mère.
Rezvani était venu nous attendre avec sa voiture décapotable, l'américaine rose, à Collobrières.
Je ne saurais retrouver le chemin de La Béate, vendue après la disparition de Danielle, fin 2004. En 2005, il y eut des manifestations en hommage à Rezvani, à Collobrières.  Dès juin 2005, il s'installa en Corse chez Marie José Nat.
À l'automne 2006, ce fut le sentier littéraire consacré à  Rezvani avec lecture d'extraits de ses deux livres sur Les Maures et La Béate.
Dirai-je que la forêt varoise abrita aussi une autre grande dame des lettres avec laquelle j'ai correspondu de 1988 à 2005, Emmanuelle Arsan. Ce fut Bonheur puis  Bonheur 2. Elle nous a quittés au milieu de 2005.
Jean-Claude Grosse
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Gabrielle Russier / Mourir d'aimer

Rédigé par Jean-Claude Grosse Publié dans #pour toujours

Hier 26 juillet 2020, Le Monde a commencé la publication d'une enquête en 6 volets menée par Pascale Robert-Diard et Joseph Beauregard. Heureux que le projet que m'avait évoqué Joseph Beauregard, il y a un an maintenant, voit le jour sous la forme article en attendant la forme documentaire.

Il y a une quinzaine de jours environ, j'ai reçu une demande d'une universitaire d'Angers, Christine Bard, relativement aux deux livres édités par Les Cahiers de l'Égaré. Je lui ai fourni les PDF, les versions papier étant épuisées.

JCG, le 27 juillet 2020

Gabrielle Russier / Mourir d'aimer
Gabrielle Russier / Mourir d'aimer

ce livre, épuisé, ayant été conçu à l'occasion d'une rencontre d'écrivains et non de témoins, est pour l'essentiel oeuvre de fiction et non livre d'historien ou de journaliste; il s'agissait de se saisir de ce qui était déjà devenu un mythe (sauf pour les enfants et autres personnes impliquées); 

le dernier texte : La leçon de grammaire est une chanson, reproduite avec d’autres dans le Journal étrange IV, Diversités, de Marcel Conche, publié chez Encre marine, Les Belles Lettres, 2009. Il l’a trouvée dans un Cahier de poésies et de chansons de sa mère, Marcelle Farge, datant de 1909, il y a un siècle. Il m’a autorisé à la reproduire pour conclure ce livre consacré à Gabrielle Russier. Jean-Claude Grosse.) Dois-je préciser que Marcel Conche a épousé sa professeur de lettres à Tulle (il a publié les lettres qu'il lui écrivit entre 1942 et 1947) ? Elle avait 15 ans de plus que lui. C'était la guerre. Il n'y eut aucun scandale.

À une semaine du 50° anniversaire du suicide de Gabrielle Russier, 1° septembre 1969-1° septembre 2019, en accord avec la fille de Gabrielle, pas question de susciter un quelconque événement à Marseille (au Toursky ?, à La Criée ?). Un comité municipal d'attribution de noms aux rues a eu l'idée d'un square "Gabrielle Russier". Refus des enfants, 50 ans après. Un événement remettrait au centre la figure de Gabrielle. Or depuis 50 ans, les dégâts collatéraux, en particulier sur les deux enfants et petits-enfants sont considérables (une sorte d'omerta). L'émission affaires sensibles du 11 janvier 2016 a donné la parole à la fille et à une ancienne élève. Ces paroles ont pu s'exprimer. Un livre est en cours d'écriture par la fille. Une nécessité mais aussi une douleur. Pas question de précipiter les choses pour être dans l'actualité. Depuis, un réalisateur de documentaires, Joseph Beauregard, m'a contacté pour être mis en relation avec mes deux amies. Chose faite. On verra bien si ce documentaire dont l'esprit me semble juste, verra le jour.   JCG

Je mets en ligne cet article sur Gabrielle Russier pour quelques vers d'un poème-bilan
Dés(apprentissage de la bêtise-maîtrise)
écrit entre fin 1996 et fin 1999
paru dans
La parole éprouvée
Les Cahiers de l'Égaré 2002


"...Professeur de lettres et de philosophie dans le Nord
aimé d’une élève, l’aimant en retour
ah ! la légère, l’aérienne ! étoile et danse !
ainsi donc, chez les petits bourgeois peuvent s’épanouir des filles d’
arabesques sur foin, trèfle, chaise, fauteuil, mousses et feuilles ?
Vivre d’aimer au temps de Mourir d’aimer..."
JCG
Gabrielle Russier
(1937-1969)

 

Professeur agrégée de lettres, elle enseignait dans un lycée de Marseille. Divorcée, elle élevait seule ses deux enfants. Elle tomba amoureuse (amour réciproque) d’un de ses élèves, Christian Rossi, âgé de 17 ans, elle en ayant 32, lors des manifestations de mai 68. Les parents, le père, professeur à l'université d'Aix, la mère, professeur, ont porté plainte et Gabrielle Russier fut emprisonnée cinq jours aux Baumettes, en décembre 1968 puis huit longues semaines en avril 1969. Le procès se tint à huit clos en juillet 1969. L’agrégée de lettres fut condamnée à douze mois de prison et à 500 F d’amende, décision amnistiable après l’élection de Georges Pompidou, Président de la République. Mais le parquet fit appel, pressé notamment par l’Université qui refusa à l’accusée le poste d’assistante de linguistique à Aix.
A la veille de la rentrée scolaire, le 1° septembre 1969, Gabrielle Russier ouvre le gaz dans son appartement...
Georges Pompidou, président de la République, interrogé lors d'une conférence de presse répondit : "Je ne vous dirai pas tout ce que j'ai pensé sur cette affaire, ni même d'ailleurs ce que j'ai fait. Quant à ce que j'ai ressenti, comme beaucoup, eh bien, comprenne qui voudra !"
Il cite Paul Eluard :
"Moi, mon remords, ce fut la victime raisonnable au regard d'enfant perdu, celle qui ressemble aux morts qui sont morts pour être aimés.
C'est de l'Eluard... Mesdames et Messieurs, je vous remercie."

Christian Rossi fut caché par les amis du pasteur Viot jusqu’à ses 21 ans (âge de la majorité alors). Il donna son unique entretien sur l’affaire : "Les deux ans de souvenirs qu’elle m’a laissés, elle me les a laissés à moi, je n’ai pas à les raconter. Je les sens. Je les ai vécus, moi seul. Le reste, les gens le savent : c’est une femme qui s’appelait Gabrielle Russier. On s’aimait , on l’a mise en prison , elle s’est suicidée..."

Le soir, pas un titre dans les deux journaux télévisés.
Le lendemain, à peine deux brèves pour raconter le décès de la prof de français de Marseille amoureuse de son élève.

Et lorsque le nouveau président Georges Pompidou, qui vient de promettre aux Français « une nouvelle société », est interrogé sur l'affaire, le 22 septembre 1969, il cite Paul Éluard, en choisissant les vers consacrés aux femmes tondues à la Libération : « Moi, mon remords, ce fut la victime raisonnable au regard d'enfant perdu, celle qui ressemble aux morts qui sont morts pour être aimés. »

Puis André Cayatte tourne un film, Mourir d'aimer, avec Annie Girardot, en 1971. Le film, dont Charles Aznavour signe la bande originale et qui décrit la love story née entre les barricades et les embrassades de Mai 68, fait polémique, mais c'est un grand succès, avec 4,5 millions d'entrées en salle.

 

Paroles et Musique: Charles Aznavour, 1971

Les parois de ma vie sont lisses
Je m'y accroche mais je glisse
Lentement vers ma destinée
Mourir d'aimer

Tandis que le monde me juge
Je ne vois pour moi qu'un refuge
Toute issue m'étant condamnée
Mourir d'aimer

Mourir d'aimer
De plein gré s'enfoncer dans la nuit
Payer l'amour au prix de sa vie
Pécher contre le corps mais non contre l'esprit

Laissons le monde à ses problèmes
Les gens haineux face à eux-mêmes
Avec leurs petites idées
Mourir d'aimer

Puisque notre amour ne peut vivre
Mieux vaut en refermer le livre
Et plutôt que de le brûler
Mourir d'aimer

Partir en redressant la tête
Sortir vainqueur d'une défaite
Renverser toutes les données
Mourir d'aimer

Mourir d'aimer
Comme on le peut de n'importe quoi
Abandonner tout derrière soi
Pour n'emporter que ce qui fut nous, qui fut toi

Tu es le printemps, moi l'automne
Ton cœur se prend, le mien se donne
Et ma route est déjà tracée
Mourir d'aimer
Mourir d'aimer
Mourir d'aimer

 

 

Qui a tendu la main à Gabrielle?
Lorsque les loups se sont jetés sur elle
Pour la punir d'avoir aimé d'amour
En quel pays vivons-nous aujourd'hui?
Pour qu'une rose soit mêlée aux orties
Sans un regard et sans un geste ami

Qui a tendu la main à Gabrielle?
Même un voleur eût plus de chance qu'elle
Et l'on vous dit que l'amour est le plus fort
Mais pour chacun le soleil reparaît
Demain matin l'oubli sera complet
Et le vent seul portera son secret

Dans les bois dans les prés et jusqu'aux ruisseaux
Par les villes par les champs et par les hameaux
Suivez dans sa course folle
La légende qui s'envole

Qui a tendu la main à Gabrielle?
Lorsque les loups se sont jetés sur elle
Pour la punir d'avoir aimé d'amour
En quel pays vivons-nous aujourd'hui?
Pour qu'une rose soit mêlée aux orties
Sans un regard et sans un geste ami

Qui pensera demain à Gabrielle?

Serge Reggiani     
Paroles et Musique: Gérard Bourgeois, Jean Max Rivière
Comprenne qui voudra

 

Comprenne qui voudra
Moi mon remords ce fut
La malheureuse qui resta
Sur le pavé
La victime raisonnable
À la robe déchirée
Au regard d’enfant perdue
Découronnée défigurée
Celle qui ressemble aux morts
Qui sont morts pour être aimés

Une fille faite pour un bouquet
Et couverte
Du noir crachat des ténèbres

Une fille galante
Comme une aurore de premier mai
La plus aimable bête

Souillée et qui n’a pas compris
Qu’elle est souillée
Une bête prise au piège
Des amateurs de beauté

Et ma mère la femme
Voudrait bien dorloter
Cette image idéale
De son malheur sur terre.

Paul Eluard. Texte publié en décembre 1944, cité par le président Pompidou en septembre 1969 lors d'une conférence de presse. Comprenne qui voudra.

     Des fleurs pour Gabrielle      
Paroles et musique: Anne Sylvestre, 1970,  "Abel Caïn mon Fils"


 
N'en parlez pas, n'y touchez plus
Vous avez fait assez de mal
Il ne sera jamais normal
Que par tristesse l'on se tue

Mais avoir vu tout mélangé
De grosses mains dans votre cœur
Dans votre âme des étrangers
Il y a de quoi prendre peur

Et c'était un amour peut-être
Un amour pourquoi, un amour comment
Un qu'on ne met pas aux fenêtres
Un qui ne ferait pas même un roman

En brandissant votre conscience
Vous avez jugé au nom de quel droit
Vos poids ne sont dans la balance
Pas toujours les mêmes, on ne sait pourquoi

Monsieur pognon peut bien demain
S'offrir mademoiselle machin
Quinze ans trois mois et quelques jours
On parlera de grand amour

N'en parlez pas, n'y touchez plus
Mais savez-vous de qui je parle ?
Il ne sera jamais normal
Qu'on tue et qu'on y pense plus

Mais avoir vu tout saccagé
Et dans son âme et dans son corps
Mais trouver partout le danger
Il y a de quoi prendre mort

Et c'était un amour peut-être
Un amour printemps, un amour souci
Un qu'on ne met pas aux fenêtres
Un qui pouvait faire du mal à qui ?

Si j'avais su, si j'avais su
Que vous vous penchiez au bord de ce trou
D'un coup d'avion serais venue
Pour vous retenir là au bord de vous

Monsieur pognon ne mourra pas
Mamzelle machin, la bague au doigt,
Étalera son grand amour
Avec quelques diamants autour

Le printemps déplie ses feuilles
La liberté nous berce encore
Nous qui sommes toujours dehors
Il se pourrait bien que l'on veuille
Nous couper les ailes aussi

Je vous dédie ces quelques fleurs
J'aurais pu être comme vous
Et tomber dans le même trou
Je vous comprends si bien, ma sœur,
Vous restez un de mes soucis

On n'a pas arrêté la meule
Où d'autres se feront broyer
Et vous ne serez pas la seule,
Ça ne peut pas vous consoler

C'est la 4° de couverture du livre de Michel del Castillo, Les écrous de la haine, écrit dans les 3 mois qui ont suivi le suicide de Gabrielle Russier, le 1° septembre 1969, livre écrit sur la base d'une enquête menée par l'auteur à Marseille, publié en janvier 1970, chez Julliard.
Je ferai une note sur ce livre dans les semaines qui viennent, ayant depuis longtemps repéré des similitudes et des différences entre nos deux histoires d'amour avec un(e) élève, en ce qui me concerne, à partir d'octobre 1964 et jusqu'à aujourd'hui d'où l'allusion dans l'extrait du poème en ouverture de cet article.

Impossible pour moi, de ne pas évoquer cette enseignante cruellement humiliée par toute une société et qui a "choisi" le suicide comme voie de sortie.

C'est de ce souvenir qu'est né le projet de réunir 7 écrivains pour évoquer 40 ans après les protagonistes.
Ce fut la rencontre des 3 et 4 décembre 2008 à La bagagerie au Lycée du Golf Hôtel à Hyères et la parution le 1° septembre 2009 du livre: Gabrielle Russier/Antigone.

40 ans après. grossel.

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NOTE DE LECTURE
Les écrous de la haine
Michel del Castillo


Comme tous ceux qui étaient trop gamins à l’époque pour « faire » Mai 68, j’avais entendu parler de cette histoire d’amour tragique, de cette femme, ce « prof » de français tombée amoureuse d’un de ses élèves, à en mourir. Je connaissais le titre du film sans l’avoir vu, « Mourir d’aimer », paroles de chanson aussi. Finalement, ce fait divers a traversé ma mémoire adolescente comme une histoire banale, un peu plus triste et c’était tout.
Quarante ans plus tard, voici que je lis le livre de Michel del Castillo, Les Ecrous de la haine, publié chez Julliard au premier trimestre de 1970. Le livre est marqué indisponible au catalogue des librairies, sur la toile on le trouve d’occasion.
Je l’ai lu à la demande d’un ami, croyant seulement lui faire plaisir. Je l’ai lu d’une traite, suivant au fil de la première partie la reconstitution chronologique, méticuleuse, objective ? (le mot est réfuté par l’auteur lui-même), documentée certainement, écrite au présent  journalistique dans un style sobre.
Ce qui n’empêche pas que chaque chapitre soit précédé d’une citation mise en exergue et choisie par Michel del Castillo. Ainsi, il ne s’agit pas d’une reconstitution telle qu’on la voudrait dans un procès - car l’auteur ici prend soin de dire qu’il ne fait le procès de personne - mais de la reconstitution d’un parcours, d’une personnalité, d’un enchaînement d’événements éclairés par le regard du cœur plus que celui de l’esprit. Michel del Castillo se situe dans l’ordre de la charité,  dès sa dédicace : « Pour tous les jeunes qui ont connu et aimé Gabrielle Nogues ; elle leur appartient désormais ; à eux, la garde de son souvenir a été confiée. » Dans son Avertissement au lecteur, il désigne clairement les destinataires de son livre : « tous ceux que l’injustice emplit de révolte et de dégoût. » On l’aura compris : le livre se donne pour ce qu’il est, un livre engagé, décidé à témoigner de l’existence de Gabrielle Russier, écrit à chaud pendant trois mois pour conjurer l’absurde. Témoignage donc sur Gabrielle Russier mais aussi sur une certaine France, un autre éclairage sur la France de 68.
La deuxième partie du livre s’ouvre sur le poème d’Eluard : « Comprenne qui voudra », récité par le Président Pompidou lors d’une conférence de presse. Après l’exposé des faits qui ont conduit Gabrielle Russier au suicide, Michel del Castillo reprend la parole : « Je suis entré dans cette affaire par la porte de la pitié et du dégoût, j’en sors par la porte de la réflexion. » C’est ce qui fait aussi la beauté du livre : dépasser le stade de l’émotion pure, du pathos, pour essayer de se poser, honnêtement, les vraies questions, livre d’intellectuel donc, nous voilà retombés dans l’ordre de l’esprit, qui a ses limites mais qui est essentiel à qui veut faire honnêtement « son métier d’homme ». J’observe la répétition de cet adverbe « honnêtement » : l’honnêteté est ce qui a le plus manqué aux femmes et aux hommes de ce temps-là peut-être, de manière à reconnaître qu’ils se mêlaient de ce qui ne les regardait pas, qu’ils jugeaient sans comprendre, qu’ils se salissaient eux-mêmes en jetant Gabrielle Russier dans la boue, que les mots que leurs bouches prononçaient, leurs cœurs ne les connaissaient pas.
Et c’est ce qui me bouleverse le plus dans cette lecture : quarante après, je souligne des phrases entières qui pourraient être écrites aujourd’hui. Celle-ci par exemple : « Où donc enseigne-t-on la responsabilité et l’esprit de décision ? », ou celle-la : « Coupables de nos silences, coupables de nos lâchetés, coupables par indifférence. Tout geste, toute parole engage notre responsabilité. »
Beaucoup de phrases de cette deuxième partie s’attachent à dire la médiocrité du milieu dans lequel a évolué Gabrielle Russier, la petitesse du milieu enseignant – lycée et université-,  son caractère pathogène, reflet d’un monde malade. Se peut-il que quarante après, nous en soyons toujours là ? Se peut-il que nous ayons appris si peu sur ce qui libère l’homme ? Se peut-il que nous aimions, à ce point, nos chaînes ?

Albertine Benedetto, 9 juin 2008
 
Monsieur , 

je me souviens qu'à l'époque mon grand père etait magistrat avec monsieur Arpaillange 
directeur des grâces au ministère c'était un dossier "sensible " que la communication de pompidou avec sa phrase à la con , j'ai su que mon grand père comme beaucoup avaient mis en cause son silence 

bien cordialement, Mathieu Loréal-Molay, 7 juin 2018
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Elle n'était pas d'ici / Cioran / Exercices d'admiration / JCG

Rédigé par grossel Publié dans #FINS DE PARTIES, #pour toujours

46 ans en 32 photos et 2 textes; dans les landes de Haworth, oui je l'y voyais bien mais aussi bien à Le Quesnoy, Corsavy, Paris, au Revest, à Toulon, Hyères, au Rayol, en Camargue, à Thassos, Marrakech, Carthage, à Cuba La Havane, au Riuferrer (ses 2 dernières photos à J85), en montagne, sur les quais, au Rond-Point, dans le transsibérien
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Elle n'était pas d'ici

Je ne l'ai rencontrée que deux fois. C'est peu. Mais l'extraordinaire ne se mesure pas en termes de temps. Je fus conquis d'emblée par son air d'absence et de dépaysement, ses chuchotements (elle ne parlait pas), ses gestes mal assurés, ses regards qui n'adhéraient aux êtres ni aux choses, son allure de spectre adorable. Qui êtes-vous ? D'où venez-vous ? Était la question qu'on avait envie de lui poser à brûle-pourpoint. Elle n'eût pu y répondre, tant elle se confondait avec son mystère ou répugnait à le trahir. Personne ne saura jamais comment elle s'arrangeait pour respirer, par quel égarement elle cédait aux prestiges du souffle, ni ce qu'elle cherchait parmi nous. Ce qui est certain c'est qu'elle n'était pas d'ici, et qu'elle ne partageait notre déchéance que par politesse ou par quelque curiosité morbide. Seuls les anges et les incurables peuvent inspirer un sentiment analogue à celui qu'on éprouvait en sa présence. Fascination, malaise surnaturel !

À l'instant même où je la vis, je devins amoureux de sa timidité, une timidité unique, inoubliable qui lui prêtait l'apparence d'une vestale épuisée au service d'un dieu clandestin ou alors d'une mystique ravagée par la nostalgie ou l'abus de l'extase, à jamais inapte à réintégrer les évidences !

Accablée de biens, comblée selon le monde, elle paraissait néanmoins destituée de tout, au seuil d'une mendicité idéale, vouée à murmurer son dénuement au sein de l'imperceptible. Au reste que pouvait-elle posséder et proférer, quand le silence lui tenait lieu d'âme et la perplexité d'univers ? Et n'évoquait-elle pas ces créatures de la lumière lunaire dont parle Rozanov ? Plus on songeait à elle, moins on était enclin à la considérer selon les goûts et les vues du temps.Un genre inactuel de malédiction pesait sur elle. Par bonheur, son charme même s'inscrivait dans le révolu. Elle aurait dû naître ailleurs, et à une autre époque, au milieu des landes de Haworth, dans le brouillard et la désolation, aux côtés des sœurs Brontë...

Qui sait déchiffrer les visages lisait aisément dans le sien qu'elle n'était pas condamné à durer, que le cauchemar des années lui serait épargné. Vivante, elle semblait si peu complice de la vie, qu'on ne pouvait la regarder sans penser qu'on ne la reverrait jamais. L'adieu était le signe et la loi de sa nature, l'éclat de sa prédestination, la marque de son passage sur terre ; aussi le portait-elle comme un nimbe, non point par indiscrétion, mais par solidarité avec l'invisible.

Cioran, Exercices d'admiration, Arcades, Gallimard

Anna, Hannah

Je t’aime parce que tu existes, que tu as été mise, inattendue, à la croisée de chemins de terre détrempée, que je peux te regarder jusqu’à ravissement, être souffle coupé par ta beauté, déchiré par l’essentiel détail : ce mouvement d’oiseau de ta main pour chasser les cheveux de tes yeux. Pour cette douceur-douleur : te respirer, te contempler, pour ces émois délicats, qui dis-moi, dois-je remercier ?

Te caresser une fois les cheveux, mettre une fois ma main sur ton épaule, c’est dire ma gratitude à tous ces hasards qui m’ont conduit jusqu’à toi, mon présent.

Serons-nous de ceux qui purent dire : parce que c’était lui, parce que c’était moi ? De complicité en hostilité, nous oscillons. Long peut-être sera le temps de l’apprivoisement.

Je me souviens du jour où tu m’as parlé de ton prénom, comment il t’a été attribué. Je venais de te dire l’Ode maritime de Fernando Pessoa. Nous avions partagé son hystérie de sensations. Je t’ai demandé de me raconter une belle histoire de largage d’amarres. Tu me fis un long récit de généalogie, souvent joyeux – version rose de maman –, ponctué de rires en mal d’envol – version bleue de papa – dit de ta voix douce qui me remue si fort que je me laisse, corps-mort, rouler par elle. Triste tu étais, mais bien, aussi. Ces tristesses, tu me l’as dit, sont formes retournées d’érotisme. L’évidence de ton prénom, Anna, ce jour-là se déchira.

J’accepte ce qu’annoncent les désirs contraires de père et mère te l’attribuant en désaccord sur son orthographe, mais l’une l’emportant sur l’autre pour l’état civil, toi, leur miracle portant le prénom orthographié différemment de ton aînée, morte trop tôt, Hannah.

Toi, mon mirage balançant d’une orthographe à l’autre, j’accepte toutes les charmantes étrangetés qui me viendront de toi.

Je ne te déclare pas mon amour pour t’obliger à m’aimer en retour. T’aimant, je suis capable de renoncer à tout jeu pour te séduire (qui, en grec, voulait dire détruire). T’aimer, c’est vouloir être moi, n’être que moi, être vrai, n’attendre rien de toi, n’avoir aucun projet pour toi, au risque de te perdre puisque je ne veux pas te gagner. Etre aimée de moi ne te donne pas davantage le pouvoir de me faire souffrir à me faire attendre. Car, ne voulant rien pour toi, pas même ton bien, je ne peux me faire mal en t’en voulant de ne pas répondre à des attentes que je n’ai pas.

T’aimer, c’est être irradié par tout ce qui me vient de toi, et d’abord par ton existence, que tu sois présente ou absente. Pour t’aimer, je n’ai pas besoin d’entendre ta voix, de lire ton écriture. Je n’ai besoin ni de rêves, ni de souvenirs, pas même une photo, pas même une image. Il me suffit de ton prénom : Anna.

Jean-Claude Grosse, le 14 février 1965, j'avais 25 ans, elle, 17, publié dans L'Île aux mouettes, le 14 février 2012
 

PORTRAIT DE LA FEMME AIMÉE DEPUIS 40 ANS

Apparemment, c’est une femme de l’absence. Toujours ailleurs. Perdue dans ses pensées. Fille d’air et de rêve. Mais à la pratiquer, avec amour, depuis quarante ans, j’ai compris que c’est une femme de la présence, une présence légère, dans le présent. Elle ne pèse pas. Elle ne pose pas. Avec elle, tout est danse. Le présent n’est pas que l’instant. C’est le moment de maintenant, avec une pointe de souvenir. Une fleur, chaque jour, pour notre chat parti sans retour. Son nom parfois et alors, une bouffée de nostalgie. Elle est attachée à tout ce à quoi elle a donné de l’amour. Des photos et des mots pour les disparus, la mère, d’une embolie qu’elle embellit, le fils et le frère, dans le même accident. Des cartes aux anniversaires. Des cadeaux sans destinataire pour les recevoir. Quelle aptitude à ne rien laisser mourir malgré la souffrance, évidente, inconsolable. Chaque objet est à la fois d’hier et de maintenant, pas figé, souvent déplacé. L’œil toujours sollicité par quelque nouveauté, une disposition rare, un rapprochement inattendu, un éloignement surprenant. Tout ce qu’elle aime est sans cesse repris, reconsidéré. Petits riens qui changent tout. Combat de chaque instant contre la dégradation, l’usure, l’habitude, l’oubli. La maison vit, est habitée. Pas d’ennui possible avec une femme qui fait de sa maison, de notre vie, un récit, un poème. Avec elle, les simples jours deviennent les simples beaux jours, embellis par le regard, le sourire radieux qu’elle pose sur les choses et les gens. Les tristes jours deviennent les inoubliables tristes jours, adoucis par son sourire mélancolique. Elle rayonne d’amour. Solaire, elle donne le meilleur d’elle, une écoute qui apaise angoisses et peines, aide à mettre en mots, petits maux et grandes douleurs. Mais de ses angoisses et souffrances, vous ne saurez rien, les mots ne sont pas pour elle. Elle ne s’en sert pas pour elle. Tout se passe dans le regard, souvent mouillé, toujours caché. Ah ! la légère, l’aérienne ! Depuis quarante ans, elle me fait la vie légère. Je l’aime sans comprendre pleinement la force du don qui l’habite. Mais en le vivant pleinement, passant des heures à contempler son visage sur lequel je ne vois pas passer l’âge. Elle a l’âge de son cœur, celui de l’adolescente qui m’a choisi une fois pour toutes. Mon désir d’elle et mon amour pour elle sont restés intacts à son contact.

Jean-Claude Grosse, le 14 février 2005, j'avais 65 ans, elle 57, publié dans L'Île aux mouettes, le 14 février 2012 (c'était une Valentine)

quant à la jeune fille d'alors, quelle déclaration elle me fait, c'est du feu ! 


Mon p’tit chat


J’attends le Transsibérien, gare Iarolavski à Moscou. Toi tu m’attends quelque part au Baïkal mais je ne sais rien de là où tu es, où je vais. La vie m’attend aujourd’hui, cuisses ouvertes. Si tu veux savoir où tu es dans mon corps et dans mon cœur, ouvre la chaumière de mes yeux, emprunte les chemins de mes soleils levants, affronte les cycles de mes pleines lunes. Je voudrais avoir des ailes pour t’apporter du paradis. Des ailes de mouette à tête rouge, ça m’irait bien pour rejoindre ton île au Baïkal. Je transfigurerai les mots à l’image de nos futurs transports. Je te donnerai des sourires à dresser ta queue en obélisque sur mon ventre-concorde. Nos corps nus feront fondre la glace de nos vies. Avec des rameaux de bouleaux, nous fouetterons nos corps nouveaux dans des banyas de fortune. Je t’aimerai dans ta nuit la plus désespérée, dans l’embrume de tes réveils d’assommoir, dans l’écume de tes chavirements. Je courrai sur les fuseaux horaires de ta peau, vers tes pays solaire et polaire. Nous dépasserons nos horizons bornés, assoirons nos corps dans des autobus de grandes distances, irons jusqu’à des rives encore vierges. Nous nous exploserons dans des huttes de paille jaune ou des isbas de rondins blonds. J’aimerais mêler les sangs des morsures de nos lèvres, éparpiller les bulles de nos cœurs sur l’urine des nuits frisées, sous toutes les lunes de toutes les latitudes. Je m’appuierai sur ton bras pour découvrir la vie, ne jamais lâcher tes rives éblouies, arriver là où ça prend fin avec des bras remplis de riens... J’aime les cris de nos corps qui s’accordent de vivre. Je t’ai ouvert un cahier d’amour où il n’y aura jamais de mots, jamais de chiffres.
Il n’y aura que des traces de chair, des effluves de caresses et des signatures de mains tendres. Il y aura des braises dans notre ciel, des fesses dans nos réveils. À la fin du cahier, je t’aimerai toujours et nous pourrons le brûler plein de sperme et de joie.


Ton p’tit chat

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