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Blog de Jean-Claude Grosse

Marilyn Monroe dernières séances/La malédiction d'Edgar Hoover

1 Juillet 2011 , Rédigé par Jean-Claude Grosse Publié dans #notes de lecture

Marylin dernières séances est devenu un film, présenté ce 24 janvier 2010 sur Arte et qu'on trouve en DVD. C'est une réussite.
James Ellroy vient de sortir UNDERWORLhttps://admin.over-blog.com/551669/postsD USA, 3° volet de sa trilogie sur les USA des années 60, après AMERICAN TABLOÏD et AMERICAN DEATH TRIP.
C'est pourquoi je fais remonter cet article écrit le 12/12/2006.
grossel
 
 

Marilyn dernières séances de Michel Schneider
 a obtenu, le 14/11/06, le prix Interallié.


ça dérange, ça déménage, ça balade, ça échoue
entre Marilyn Monroe
et Ralph Greenson


Photo d'André de Dienes 


J’avais déjà lu de Michel Schneider : Morts imaginaires, appréciant que cet analyste combine fiction et document pour affronter les derniers moments de personnes célèbres, pour tenter de voir, d’écouter si s’y disait une vérité.
On avait tenté cet exercice au Revest avec les agoras: du premier au dernier mot, qui s'étaient déroulées les 2/12/02, 6/1/03, 10/2/03, 3/3/03 avec les psychanalystes Paul Mathis et Jean-Paul Charencon. Les agoras sont enregistrées mais pas publiées ni mises en ligne.
Marilyn dernières séances participe de la même combinatoire : fiction et document pour tenter de voir, d’écouter ce qui se joua peut-être entre Marilyn Monroe et son dernier analyste Ralph Greenson.
Ce roman de 529 pages où l’essentiel de ce qui est écrit, rapporté, est retranscription fidèle d’articles, de livres mais où aussi l’auteur a fait appel à sa capacité d’invention de dialogues, de propos, de lettres se lit avec émotion pour peu que l’on ait été « séduit » par Marilyn, se lit avec effroi aussi car avec ces deux personnages, on franchit souvent la frontière entre la vie et la mort, entre le rêve et la réalité, entre les mots et les images, entre le paraître et l’être, entre la folie et la normalité, entre la peau et la chair, entre le corps et l’esprit. Aucune vérité ne pouvant se dire sur ces 30 derniers mois de la vie de Marilyn Monroe, sur le suicide ou l’assassinat de la star, sur les responsabilités ou non de Greenson, on sort de cette lecture hébété, tellement on est bousculé dans nos certitudes, dans nos regards sur soi, sur autrui, sur l’amour, sur le sexe.
La construction du roman est à l’image de cette saisie impossible, donc de l’impossibilité d’une histoire linéaire, avec un début, une fin, des personnages nettement dessinés sur lesquels on peut parler, qu’on peut juger. Rien de tel avec eux d’où un livre semblable à une partie d’échecs, avec des allers retours dans l’espace et le temps, entre 1950 et 2006, entre les différents protagonistes de ce récit en boucle qui se termine par les mots du début, par la nomination du journaliste Forger W. Backwright, auteur du roman : Marilyn dernières séances, dernière pirouette de l’auteur qui nous a baladés dans les innombrables impasses et miroirs de la question : qui suis-je ?, lui-même étant sans doute ballotté dans sa confrontation à ces deux énigmes que restent en fin de partie, et tout au long de la partie, Marilyn et Romi.
Ce livre, ce roman est terrible pour ceux qui comme moi croient à l’amour, qui croient savoir à peu près qui ils sont, sans prétention, qui ne sont pas border line (est-ce le mot juste, pas sûr) comme Marilyn, transgressif (est-ce le mot juste, pas sûr) comme Ralph.
Malgré ou grâce à ses excès, Marilyn est très attachante, indéniablement intelligente : il y a des textes, des paroles, des répliques, des poèmes, des notes qui sont des diamants, à noter, à méditer car je suis convaincu que les border line (est-ce le mot juste, pas sûr) nous disent beaucoup sur ce que nous sommes. Elle avait le sens de la formule qui bouscule, qui ouvre des abîmes.

 
Photo d'André de Dienes 
 
Marilyn dernières séances de Michel Schneider,
roman chez Grasset, 2006

 

Michel Schneider lit le 1° chapitre de son roman

En relation avec Marilyn dernières séances, on lira le roman, document-fiction: La malédiction d’Edgar de Marc Dugain sur les 48 ans de règne d’Edgar Hoover, à la tête du FBI, roman là encore terrible par ce que nous découvrons sur les Kennedy entre autres ( deux des amants parmi tant d'autres de Marilyn, Robert Kennedy étant chez Dugain soupçonné de participation à l'assassinat de la star) et sur la « démocratie » américaine ; le moins qu’on puisse dire est que nous tombons de haut, du haut de nos certitudes là encore.
Dans les deux cas, peut-être gagnons-nous en réalisme, en souhaitant que cela ne nous conduise pas au cynisme.

«Edgar aimait le pouvoir mais il en détestait les aléas. Il aurait trouvé humiliant de devoir le remettre en jeu à intervalles réguliers devant des électeurs qui n'avaient pas le millième de sa capacité à raisonner. Et il n'admettait pas non plus que les hommes élus par ce troupeau sans éducation ni classe puissent menacer sa position qui devait être stable dans l'intérêt même du pays. Il était devenu à sa façon consul à vie. Il avait su créer le lien direct avec le Président qui le rendait incontournable. Aucun ministre de la Justice ne pourrait désormais se comporter à son endroit en supérieur hiérarchique direct. Il devenait l'unique mesure de la pertinence morale et politique.»

John Edgar Hoover, à la tête du FBI pendant près d'un demi-siècle, a imposé son ombre à tous les dirigeants américains. De 1924 à 1972, les plus grands personnages de l'histoire des États-Unis seront traqués jusque dans leur intimité par celui qui s'est érigé en garant de la morale: 8 présidents, 18 ministres de la justice.

Ce roman les fait revivre à travers les dialogues, les comptes rendus d'écoute et les fiches de renseignement que dévoilent sans réserve des Mémoires attribués à Clyde Tolson, adjoint mais surtout amant d'Edgar. À croire que si tous sont morts aujourd'hui, aucun ne s'appartenait vraiment de son vivant.

"Truman Capote les appelait Johnny and Clyde. Lui, c'était John Edgar Hoover, célèbre patron du FBI sous huit présidents, l'autre, c'était son amant et adjoint, Clyde Tolson. Ils vécurent en couple, dans l'ombre. A côté des puissants, mais en fait au coeur du pouvoir. De 1924 à sa mort, en 1972, traversant Pearl Harbor, l'affaire Rosenberg, le maccarthysme, la baie des Cochons, la mort de Marilyn, les assassinats des Kennedy... on doit à Hoover quarante ans de coups tordus, de politique réactionnaire, de manipulations perverses, que Marc Dugain relate sous la forme de Mémoires imaginaires du compagnon de celui qui fut l'ombre portée sur l'Amérique politique. Après James Ellroy (American Tabloïd, American Death Trip) et Don DeLillo (Outremonde), Dugain se lance aux trousses d'un personnage fascinant, droit sorti d'un film d'Orson Welles. Mais qu'est-ce que «La malédiction d'Edgar» ? L'une de ces biographies romancées qui vous font regretter les vrais romans et les solides biographies ? Une peinture historique de la vie politique américaine et de ses «affaires» ? Une analyse psychologique d'un homme détestable mais fascinant ? Un portrait de cour d'«une âme de boue, le plus solidement malhonnête homme qui ait paru de longtemps», comme disait Saint-Simon du duc de La Feuillade ? Rien de tout cela. Simplement un bon roman... Un roman qui parle aussi du réel comme bien peu de romans français savent le faire..."
Michel Schneider, Le Point du 26 mai 2005
La malédiction d'Edgar de Marc Dugain,
roman chez Gallimard, 2005

 
 
Je mets en ligne aussi un article de Philippe Sollers:
Un roman de Michel Schneider
Marilyn s'allonge
Dans « Marilyn dernières séances », le romancier raconte comment, de 1960 à 1962, l'actrice la plus belle du monde eut avec son psychanalyste une relation secrète, destructrice, platonique, fascinante. Explications

L'apparition fulgurante de Marilyn Monroe et sa mort plus qu'étrange ont donné lieu à un tel déluge de commentaires, de fantasmes et de rumeurs qu'on est un peu perdu dans cette mythologie déferlante. Mais voici un fil rouge qui, s'il n'explique pas tout, se révèle d'une formidable efficacité. Il suffit de rappeler que John Huston aimait souligner la coïncidence entre l'invention du cinéma et celle de la psychanalyse. Quoi ? Marilyn Monroe et la psychanalyse ? Mais oui, et c'est là que surgit un personnage incroyable, Ralph Greenson, de son vrai nom Roméo Greenschpoon, le psy de la plus célèbre actrice du monde.
Michel Schneider a écrit un roman passionnant, qui est aussi un essai passionnant, à travers une enquête et une documentation passionnantes. Hollywood, en réalité, était un grand hôpital psychiatrique bouclé sous des trombes de dollars, et Freud, qui croyait apporter la peste à l'Amérique, aurait été fort étonné de découvrir que sa bouleversante découverte avait attrapé là un virulent choléra. Cinéma ou vérité des paroles ? Images ou surprise des mots ? Qui va avaler quoi ? Qui va tuer qui ? En Californie, disait Truman Capote, «tout le monde est en psychanalyse, ou est psychanalyste, ou est un psychanalyste qui est en analyse». Voici donc des séances vraies ou vraisemblables de cure, avec dérive de deux personnages se piégeant l'un l'autre, jusqu'à une folie fusionnelle mortelle. Le roman de Schneider, mieux que toute biographie, permet enfin de déchiffrer la boîte noire de ce crash. Pas de mot de la fin : la chose même, dans toute sa terrible complexité. Une très bonne écoute, donc. Du grand art.
Marilyn se révèle ici très différente de sa légende autoprotectrice de ravissante idiote et de sex-symbol. C'est une fille intelligente, cultivée par saccades, extrêmement névrosée à cause d'une mère démente, enfermée dans un corps de rêve qui fait délirer les hommes, ne sachant plus qui elle est ni à qui parler, contrôlant son image mais sans avoir la bonne partition sonore du film qu'elle est obligée de jouer sans cesse, sous le regard d'un spectacle généralisé que le nom de ses employeurs, la Fox, résume comme un aboiement. Seules les photos la rassurent, il y en a des milliers, c'est son tombeau nu de silence. On ne la voit d'ailleurs pas vieillir en caricature américaine liftée et bavarde. Elle ne voulait pas de cette déchéance. S'est-elle suicidée ? Probable. A-t-elle été assassinée ? Pas exclu. S'agit-il d'une overdose accidentelle de médicaments dont elle faisait une consommation effrayante ? Restons-en là. Marilyn ou la suicidée du spectacle ? C'est sans doute le bon titre de ce film d'horreur. Ce n'est pas tous les jours, en effet, qu'on rencontre pêle-mêle autour d'un cadavre éblouissant le président de la première puissance mondiale (Kennedy), un chanteur-séducteur star (Sinatra), la Mafia (à tous les étages), la CIA et le FBI, un écrivain estimable (Arthur Miller), un champion national de base-ball (Joe Di Maggio), un petit Français à la coule (Yves Montand), des tas d'amants plus ou moins anonymes (dont beaucoup ramassés au hasard) et enfin des millions d'Américains à libido simpliste, soldats, hommes politiques, ouvriers, machinistes, tous affolés du regard à la moindre manifestation de ce corps de femme. Naufrage du cinéma : ce Titanic pelliculaire rencontre un iceberg détourné de sa position, la psychanalyse. L'iceberg lui-même coule à pic. Rideau.
Car ce Ralph Greenson n'est pas n'importe qui. En principe, c'est un freudien strict, auteur d'un livre technique qui a fait date, ami d'Anna Freud, la fille du génie viennois. Seulement voilà : avec Marilyn, sa vie est chamboulée, il s'écarte de plus en plus de la pratique normale, voit sa patiente chaque jour pendant des heures, l'introduit dans sa famille et, sans coucher avec elle, se mêle de ses contrats en garantissant sa présence sur les plateaux (Marilyn a des retards légendaires). Il surveille ses médicaments, ses piqûres, ses lavements, joue la bonne soeur, repère la crainte maladive de sa patiente pour l'homosexualité sans peut-être se douter de sa frigidité, bref se lance à corps perdu dans une tentative de sauvetage très rentable. Schneider relève avec finesse qu'au lieu d'entraîner Marilyn vers le chemin classique père-vie-amour-désir il l'enfonce dans son angoisse mère-homosexualité-excrément-mort. Elle le mène en bateau, il s'installe. Comment aurait-elle pu s'en tirer ? Des enfants ? Peut-être, mais peut-être pas non plus. En 1955, Marilyn est, avec Truman Capote, dans une chapelle de Foyer funéraire universel (ça, c'est l'Amérique) pour l'enterrement d'une actrice, et elle lui dit : «Je déteste les enterrements. Je serais drôlement contente de ne pas aller au mien. D'ailleurs, je ne veux pas d'enterrement - juste que mes cendres soient jetées dans les vagues par un de mes gosses, si jamais j'en ai.» Elle n'en a pas eu, et c'est, bien entendu, une des clés du problème.
En février 1961, Marilyn est hospitalisée dans une clinique psychiatrique. Elle envoie une lettre bouleversante à Greenson : «Je n'ai pas dormi de la nuit. Parfois je me demande à quoi sert la nuit. Pour moi, ce n'est qu'un affreux et long jour sans fin. Enfin, j'ai voulu profiter de mon insomnie et j'ai commencé à lire la correspondance de Sigmund Freud. En ouvrant le livre, la photographie de Freud m'a fait éclater en sanglots : il a l'air tellement déprimé (je pense qu'on a pris cette photo avant sa mort), comme s'il avait eu une fin triste et désabusée. Mais le docteur Kris m'a dit qu'il souffrait énormément physiquement, ce que je savais déjà par le livre de Jones. Malgré cela, je sens une lassitude désabusée sur son visage plein de bonté. Sa correspondance prouve (je ne suis pas sûre qu'on devrait publier les lettres d'amour de quelqu'un) qu'il était loin d'être coincé! J'aime son humour doux et un peu triste, son esprit combatif.»
Schneider nous dit que cette lettre n'a été retrouvée qu'en 1992 dans les archives de la 20th Century Fox. On veut bien le croire, mais quelle inquiétante étrangeté ! Sensibilité et subtilité décalées de Marilyn, dont Billy Wilder disait : «Elle avait deux pieds gauches, c'était son charme.»
Qu'aurait fait Lacan avec Marilyn ? Rien, ou pas grand-chose. Il lui aurait démontré, par ses silences et ses saillies inspirées, qu'il était absolument allergique à l'industrie cinématographique, à Hollywood, à toutes ces salades d'argent et de pseudo-sexe. Il lui aurait demandé des prix fous pour venir le voir dix minutes. Au lieu de la materner et de la faire déjeuner en famille, il se serait montré indifférent à ses films comme à ses amants. Kennedy ? Sinatra ? Arthur Miller ? Les metteurs en scène ? La Mafia ? De braves garçons, aucun intérêt. Freud lui-même ? Sans doute, mais encore. Anna Freud ? Passons. Bref, en grand praticien de la psychose, très peu humain, il aurait poussé la paranoïa jusqu'au bout avec une patiente hors pair, à la séduction invincible, porteuse du narcissisme le plus exorbitant de tous les temps. Quelle scène ! Marilyn, devinée à fond, en aurait eu marre, et l'aurait peut-être tué puisqu'il ne lui aurait même pas demandé une photo d'elle. Voilà le drame de l'Amérique, et peut-être du monde : la psychanalyse n'y existe plus puisque le cinéma a pris la place du réel.

Né en 1944, Michel Schneider a été énarque, directeur de la Musique au ministère de la Culture et psychanalyste. Il est l'auteur de « Glenn Gould, piano solo » .
 
Par Philippe Sollers
Nouvel Observateur - 14/09/2006
 
Petite note sur cette critique de Philippe Sollers:
Évidemment, Ralph Greenson n'avait rien compris au transfert-contre-transfert, son diagnostic sur la peur de l'homosexualité de Marilyn était incomplet, s'y ajoutait la frigidité (sous-entendu peut-être: moi, je l'aurais décoincé) et bouquet, la question: qu'aurait fait Lacan? à l'opposé de Greenson, il aurait été infect avec la star qui l'aurait peut-être tué au lieu de se tuer. Un nouveau roman est dans l'air, clair: comment s'y prendre avec Marilyn quand on est Lacan. Mais chacun sait que le divan lacanien n'a pas été bénéfique pour tous les par(â)lants à Lacan. Il y a une condescendance déplacée dans la critique de Sollers; Schneider est moins sûr, pas trop sûr même, à preuve, 529 pages pour tenter de rendre compte de ce qui s'est peut-être passé entre Marilyn et Ralph, entre janvier 1960 et le 4 août 1962, jour où Ralph a été le dernier à voir vivante Marilyn et le premier à la voir morte.



 
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I
OU bien Sollers ne sait pas lire,ou son infatuation enfle jusque sur ses lunettes.non marilyn ne s'allonge pas.elle est inapte a l'analyse.c'est ce que pense du moins son analyste et c'est écrit en clair.qu'aurait fait Lacan ? il l'aurait baisé ,cela va de soi.
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