Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Blog de Jean-Claude Grosse

notes de lecture

Billets de contrebande / Alain Cadéo

8 Mars 2024 , Rédigé par grossel Publié dans #JCG, #notes de lecture, #écriture, #éveil, #voyages, #vraie vie

2024 et 2018
2024 et 2018
2024 et 2018

2024 et 2018

Billets de contrebande (inédits)
Alain Cadéo
Editions La Trace, 2024

Plus de 300 pages de billets. Je n’ai pas compté le nombre de billets. Billets quotidiens ou presque. Comme l’ami Marcel Conche, Alain Cadéo ne fait qu’écrire. Irrépressible pulsion donnant Mots de contrebande, Billets de contrebande, récits, romans, pièces de théâtre. Il envoie ses billets à quelques amis qui font parfois retour. Ça s’appelle pisser dans un violon ou prêcher dans le désert. Comme s’il disait  : C’est gratuit, mon ami. Mon écriture, nécessaire, vitale pour moi, énergisante, électrifiante ne vise aucune utilité, surtout pas sociale, au mieux, amicale si toi, l’ami, tu veux bien recevoir ces billets que je te passe en contrebande.
Le mot contrebande fait écho à ce qu’a dit Le Clézio à Augustin, le 25 janvier 2024, sur son chemin niçois des contrebandiers. Être contrebandier demandait courage et résistance physique. Être contrebandier en littérature, dit-il, demande de recevoir ce qu’apporte la mer, images, personnages pour en faire nouvel usage, nouvelles histoires. Le contrebandier fait passer en douce, dans l’obscurité souvent, des produits illicites mais fort demandés, appréciés.
Alain Cadéo se dit passeur de mots, contrebandier de mots. Ces mots viennent d’ailleurs, vont vers ailleurs. L’ailleurs d’origine n’a pas de nom. L’ailleurs de destination n’a pas de nom. Du VERBE, titre du 1° billet, inentendable par les vivants, jaillissent des profusions-vibrations à foison, devenant à réception, paroles gelées, mots empaillés, livrés au papier d’imprimerie. Ces mots « humblement s’agenouillent et se taisent. »
Pour parler de ses cueillettes, fenaisons, moissons, vendanges, de ses grappillages, glanages, de ses traques, de ses affûts, de ses rapts, Alain Cadéo use de métaphores filées de grandes richesses. Métaphores visuelles, auditives, gustatives, olfactives, tactiles, cénesthésiques. On voit la scène, on entend bruissements et chants. On savoure les nectars. On hume les odeurs. Une véritable renaissance des sens. Que je préfère à L'insurrection des sens du philosophe Jean-Philippe Pierron (Actes-Sud).
Il est nomade, bohémien, trappeur, clown de cirque ambulant. Il est de toutes les latitudes et longitudes, des pôles à des îles luxuriantes, paradis introuvables, non-géolocalisables car naissant des mots sur la blanche page, sur sa table, auprès du poêle.
Cette présentation m’amène à soulever plusieurs paradoxes.
- L’auteur Alain Cadéo est de toute évidence, homme de grande culture. Quand il est traversé par des mots jaillis du VERBE, qu’il les reçoit en glaneur, en bohémien, est-il un passeur fidèle de la transmission ? Ce qui est frappant, c’est la richesse du vocabulaire. Je ne doute pas de l’inventivité, de la créativité du Verbe, du scripteur. Je ne doute pas non plus de la qualité d’oreille du récepteur, de sa capacité à être au bon endroit, au bon moment pour des saisies vertigineuses et des partages savoureux où les poches trouées du bohémien se remplissent et se vident des cailloux du guet-apens. Mais paradoxe, l’auteur a sa part dans ce jeu de passage et de partage. Elle est sans doute plus importante qu’une simple capture et restitution.
- Le second paradoxe a trait au scripteur, à la puissance du VERBE. Infini potentiel s’actualisant et se dégradant en infini actuel par la parole indéfinie (incommensurable mais non infinie) des hommes. Le VERBE comme source, jaillissement, potentiel est inentendable. Il est SILENCE parce que PUISSANCE. Les hommes par la parole, leurs mots enfilés comme perles, tentent d’entendre, veulent capter la Source, la reconnaître, la con-naître, la comprendre alors que l’attitude humble (d’humus) consisterait à se taire. Or, paradoxe, Alain Cadéo qui sait, sent cela du plus profond de son âme, la nécessité de SE TAIRE car capter le Silence est vol et pas envol mais chute d’Icare, écrit chaque jour son billet de contrebande.
- La capture quotidienne, dis-je est vol, non envol, chute d’Icare. Cela veut-il signaler l’hubris, l’orgueil de l’écrivain ? Que nenni ! La pulsion d’écrire, de dire n’est pas que le propre de l’écrivain Alain Cadéo. Quiconque avec ses moyens, son histoire, son héritage, ses limites  se pose quelques questions inessentielles : D’où venons-nous? Où allons-nous ? La vie a -t-elle un sens ? Est-elle absurde ? Qui suis-je ? Inessentielles parce que sans réponses ! Mais aiguillons de nos vies, de nos corps et culs plombés, de nos cerveaux et esprits disponibles, de nos âmes et coeurs secs. Alain n’a pas de mots assez durs pour stigmatiser nos petitesses d’adultes rabat-joie. Comme il n’a pas assez d’images aériennes pour nous relever, d’images terriennes pour nous ramener au ras du sol et ainsi nous faire retrouver le goût de l’enfance, la magie de nos jeux d‘enfant solitaire ou en bande où l’imagination avait tout pouvoir de faire danser les comptines de mots et chanter les graviers d’écorchures.

 

à l'aide d'une langue extrêmement sensible et sensuelle, poétique, le philosophe Jean-Philippe Pierron poursuit son exploration écobiographique (voir son précédent livre dans la collection Mondes Sauvages : "Je est un nous") pour révéler l'importance primordiale de gestes en apparence triviaux et anodins, ceux du jardinier, du paysan, de l'artisan, du cuisinier, mais aussi ceux du musicien, du danseur et de l'écrivain, dans l'élaboration concrète et quotidienne, profonde et le plus souvent tue, d'une manière d'être au monde révélatrice d'un souci, d'une attention portée au monde et aux vivants qui cohabitent avec nous.

à l'aide d'une langue extrêmement sensible et sensuelle, poétique, le philosophe Jean-Philippe Pierron poursuit son exploration écobiographique (voir son précédent livre dans la collection Mondes Sauvages : "Je est un nous") pour révéler l'importance primordiale de gestes en apparence triviaux et anodins, ceux du jardinier, du paysan, de l'artisan, du cuisinier, mais aussi ceux du musicien, du danseur et de l'écrivain, dans l'élaboration concrète et quotidienne, profonde et le plus souvent tue, d'une manière d'être au monde révélatrice d'un souci, d'une attention portée au monde et aux vivants qui cohabitent avec nous.

un billet

un billet

note passée en douce à l'auteur des billets de contrebande
Les billets d'Alain Cadéo
paradoxal peut-être d'adresser sa note de lecture
non à d'autres possibles lecteurs pour leur donner envie, partager notre bonheur
mais à l'auteur
non pour lui dire nos ressentis, réflexions à la suite de sa lecture
mais pour lui tendre un miroir rond, son miroir à alouettes
toi l'auteur d'une oeuvre au noir, toi si peu au parfum de ce qui te pousse ou t'aspire quand tu écris ton billet, poussé, siphonné  par tu ne sais quelle pulsion
(enfin si)
elle est née, a surgi, à 7 ans quand posant simplement, bêtement, un miroir rond sur la table du jardin, tu as vu le ciel à l'envers, le reflet du ciel, d'un morceau de ciel dans ce miroir rond
et là, VERTIGE
tout reflet nous oblige à casser la pensée écris-tu, page 84 dans Si j'ai gaspillé mon énergie ...
le fils de paysan Marcel Conche est devenu philosophe quand, âgé de 7 ans, voyant le tournant sur la route de Beaulieu, il s'est demandé qu'y a-t-il après le tournant ?
cela l'a animé pendant 100 ans
toi, tu as été saisi de vertige
je ne peux pas ne pas penser un peu à la caverne de Platon : ce que les hommes enchaînés prennent pour des réalités et qui ne sont qu'ombres, reflets
mais c'est appauvrir ce qui s'est offert à toi, gamin : dehors, dans un jardin qu'on entretient, un ciel que tu vois quand tu lèves la tête, bleu ou nuageux, un soleil brillant ou pâle, des oiseaux qui volent, se posent, chantent sur les branches, des insectes bourdonnant, les parfums des magnolias et autres fleurs sans pourquoi comme dit Silésius de la rose, la terre qui colle aux sabots, un dehors à la fois limité par le clos et ouvert dans toutes les directions, appréhendable par tous tes sens
et le reflet du ciel, le reflet changeant d'un morceau de ciel en mouvement lent, reflet silencieux
puissant, dynamisant rappel du Silence dont tes billets sont des fragments, des débris, fort bien écrits mais si peu par rapport à la plénitude du Silence, du Verbe-mère, du Savoir, de l'Absolu, du Parfait
Souffle sacré dont toi l'intuitif, l'enfant dont on disait, il a la science infuse, tu as accepté qu'il soit ton moteur de grand désir, pour une quête de possible Béatitude sur fond d'inquiétude, d'incertitude
.
Chaque lecteur fera l'usage qu'il pourra de tes billets.
La citation du bandeau se trouve page 69.
---------------------------------------------
les inédits billets de contrebande seront présents sur le stand des Cahiers de l'Égaré à la 10° Fête du Livre d'Hyères, les 4 et 5 mai 2024, avec Arsenic et Eczéma (théâtre), M. (récit), avant parution en septembre d'une réédition du récit Le ciel au ventre, publié il y a plus de 30 ans et épuisé depuis longtemps

un billet

un billet

Lire la suite

L'Intime l'Etat

28 Janvier 2024 , Rédigé par grossel Publié dans #FINS DE PARTIES, #SEL, #agoras, #ateliers d'artistes, #bocals agités, #engagement, #essais, #histoire, #notes de lecture, #pour toujours, #spectacles, #vraie vie, #écriture, #épitaphier, #éveil

Retour de lecture sur l’essai de Frédéric Dussenne
L’intime, l’état
Apologie du drame


le samedi 13 janvier 2024 à 10:24

Bonjour Jean-Claude. J'espère que tu vas bien. Je ne sais pas si tu te souviens de moi. Nous étions venus à Le Revest avec les Ateliers de l'Echange et notre diptyque Molière. Tu m'avais donné avant notre départ un exemplaire tout chaud sorti de presse de La lettre au directeur du théâtre que j'ai lu à haute voix dans la voiture qui nous ramenait à Bruxelles. Nous dissolvions notre collectif. Nos larmes coulaient. On se reconnaissait profondément dans ce texte. Je suis attelé à la rédaction d'un essai sur le rapport, dans le théâtre dramatique, entre l'intime et le politique. J'aimerais te le transmettre pour avoir ton avis si ça t'intéresse. Je t'embrasse Frédéric Dussenne

J'ai reçu par mail son essai manuscrit L'intime et l'État, apologie du drame, 119 pages.

Connaissant par FB, l'engagement d'acteur et de citoyen de Frédéric, je n'ai aucune réticence à m'autoriser la lecture.

Je te dirai deux choses, Frédéric :

- quand tu parles de théâtre, 1 - le spectateur, 2 - l'acteur, je te trouve juste;

c'est du vécu, du ressenti, du vrai, du réel; je m'y reconnais comme spectateur d'hier quand je cherchais des spectacles, accueillais des porteurs de projets mais je te le dis : aujourd'hui, je vais de moins en moins au théâtre ou au cirque, trop de productions, peu de créations, peu de diffusion, trop de divertissement; et quand tu passes d'un paradigme athée-matérialiste-lutte des classes-révolution à un paradigme spiritualiste comme cela s'est imposé à moi par cheminement personnel en 2021-2022, alors, tu chemines ailleurs ou tu restes sur-place pour un voyage intérieur
 

ce que j'ai tenté de dire à Pierre Louis-Calixte qui dans son monologue Molière Matériau(x) traite sa rencontre et sa mise au service de Jean-Baptiste en termes de hasards (approche matérialiste) alors que j'y ai vu une nécessité (de toute éternité);

tu sens le grand écart ? ça déchire le corps, l’esprit, le coeur et ravit l’âme


quand tu tentes de décrire l'état du monde, l'état de la démocratie, là pour moi, tu dois réviser ton récit qui reprend le roman national et mondial dominant, car - c’est une prise de conscience récente chez moi, vers 2022-2023 -, ce roman et ses déclinaisons fascistes, nationalistes, droitistes, extrême-centristes, gauchistes, anarchistes, communistes, est mensonger qu'il s'agisse de la révolution industrielle anglaise, de la révolution française, de la révolution bolchévique, du Moyen-Âge, de la Renaissance, des Lumières; bref, ce qu'on appelle perte de repères est en réalité jeu de colin-maillard dans une forêt équatoriale où tous les sentiers, chemins, routes et autoroutes qu'on y a tracés sont des impasses et des mirages auxquels on nous a fait croire
et l'esprit critique même le plus développé ne se rendrait pas compte des manipulations de masse dont nous sommes bombardées via médias, réseaux... ou qui sont secrètement provoquées

(ce sont sans doute les plus monstrueuses, par exemple, les Projets MK Ultra de la CIA depuis 1951 à Fort Detrick, Maryland;

je ne parle pas évidemment du projet Manhattan, ultra-secret et où deux hommes laissant dans l'ignorance leurs concitoyens et leurs ennemis, pas leurs "alliés" ont décidé de l'usage de la bombe spéciale par deux fois

"Le , le président Harry S. Truman approuve le largage des bombes sur le Japon. Le 24 juillet, l'ordre est relayé par le secrétaire à la Guerre, Henry Lewis Stimson, et le lendemain, le général Thomas Handy envoie un ordre secret au général Spaatz, autorisant le largage de la bombe après le 3 août, « dès que le temps le permettra », sur Hiroshima, Kokura, Niigata ou Nagasaki. Ce sera le seul ordre écrit concernant l'utilisation de la bombe. L'ordre n'évoque pas la nature de l’explosif, se contentant de mentionner une bombe spéciale. Cet ordre fut donné avant même que l'ultimatum de Potsdam ne soit publié." wikipédia)

faut-il en bon complotiste pas con poser l'existence de forces occultes genre mafias, Big pharma, services secrets, labos expérimentaux se vouant à  l'organisation du chaos ? (la stratégie du choc, Naomi Klein)

à cette étape, j'ignore ce qu'il faut faire à part

- s'invisibiliser (pour vivre heureux...), extrême prudence dans l'usage des outils internautiques (je ne suis que sur FB, j'ai découragé pratiquement tout like, je réagis à très peu de messages...FB est ma page d'écriture)

- la part du colibri, par exemple user de la pratique du don fiscal pour aider projets, artistes

- les ouvertures que furent la Commune de 1871, les GJ et la tentative de RIC CARL (référendum d'initiative citoyenne, constituant, abrogatoire, révocatoire, législatif)

dans ce sens, je vais soutenir une collection dans Les Cahiers de l'Égaré : Les entrepreneurs du sens

grand festival d'un jour sur cette thématique le samedi 20 avril 2024 de 10 à 23 H au domaine de la Castille à La Crau (1000 personnes attendues)

un livre majeur que je te conseille : ce livre a provoqué une conscientisation du Grand Mensonge

L'impitoyable aujourd’hui d’Emmanuelle Loyer, à compléter avec trois émissions remarquables de Pacôme Thiellement sur Blast

et un récit essentiel Dolly d’un  grand cosmologiste bruxellois,

Edgar Diane Gunzig, postfacé par Thomas Gunzig
ou comment Dolly, juif communiste, vivant à Bruxelles, membre de l’orchestre rouge a vécu dans sa chair et compris dès 1931, l’impasse qu’était le sionisme, a combattu dans les Brigades internationales contre Franco…

 

2° épisode, 3 - l’écrit, 4 - le conflit ou défense et illustration des nécessités personnelles, collectives du drame porté sur un plateau de théâtre

ces pages sont bruissantes d'Histoire avec sa grande H, d'histoires du metteur en scène, de ses rapports à des auteurs de théâtre, à des acteurs, à l'histoire du théâtre, d'histoires de son enfance-adolescence, de considérations sur la langue d'abord analogique et même plus archaïque que cela, avant de devenir conceptuelle;
ta dénonciation de la société consumériste, de la mondialisation, du marché, de la société du spectacle (Debord n'est jamais cité, ni Vaneigem) est forte mais il me semble que nous sommes déjà sortis de cela, même si ça va demander 20 ans;


ce ne sont pas les attentats du 11 septembre 2001 qui auront provoqué l'effondrement de l'impérialisme américain;

ce qui provoque la défaite de l'Occident, c'est une réorientation géo-stratégique de toutes les puissances du Sud global à travers deux guerres entre autres (Ukraine, Palestine)

et la désintégration de l'éthique protestante au fondement de la puissance économique des USA, qui a su produire toutes les idéologies (théories) nécessaires à justifier sa domination (droits de l'homme, démocratie, axe du mal, Fukuyama, Brzezinski, Huntington, contre-culture ou soft-power de domination culturelle: cinéma, pop-music),


mais aujourd'hui la société américaine est au bord de la guerre civile, le dream de Luther King qui a dit I have a dream et pas we have a dream alors qu’il y avait six organisateurs dont une femme essentielle Anna Hedgeman pour l’organisation, la logistique (250000 personnes) a explosé, n'a jamais eu la moindre chance de se réaliser


le wokisme, dernière idéologie issue des universités américaines, effet-boomerang en partie des philosophies de la déconstruction de la French theory, contribue à cet émiettement,

mais il est peut-être porteur de possibles (small is beautiful d'une part et d'autre part préférer la fluidité à l'identité est peut-être découverte de la surprise, de l'inattendu)

il y a une conviction viscérale chez Frédéric: le moment de fusion spectateur-acteur lors d'une représentation est un moment d'expérience ensemble de ce qui fait commun au travers du traitement du conflit sur scène; le conflit, un procès par exemple, est nécessaire pour refaire cité, société

n'est pas évoquée la possibilité de la compassion, du pardon, ce que savent pratiquer des sociétés premières ou des spiritualités largement répandues sur la planète, l’ho’oponopono

autre pratique, celle de la gratitude pour tout ce qui vit et qu'on vit, sans tri

la découverte par Frédéric qu'il est autre et Autre, expérience sans transmission, expérience personnelle, constitutive, lui a révélé son être et ce faisant son devenir d'acteur et de citoyen; il me semble que ce qui a valu pour lui vaut pour tout un chacun: la transformation ou la réalisation personnelle de chacun, décisive, durable, est en lien avec une expérience propre, où l'inconscient collectif (au sens jungien avec les archétypes, encore plus archaïques et universels que les mythes) joue sa partition car nous sommes plongés dans le grand bain de l’inconscient auquel nous nous livrons pendant nos petites morts nocturnes sous la forme des rêves; parfois, un passeur peut provoquer le déclic; mais c'est quand on est prêt, ouvert, accueillant, que l'épreuve révélatrice, initiatrice s'offre sur notre chemin (coïncidences, synchronicités...); autrement dit: je ne crois pas que la représentation du conflit (jamais sa solution mais la question que le drame pose) soit transformatrice de chacun des membres du collectif rassemblé ce soir-là, surtout le public bourgeois des théâtres (ressentir au profond de moi, le doigt sur la détente comme celui de l’acteur sur le plateau suffira-t-il à me sauver du geste d'appuyer me faisant retrouver mon humanité au bord de mon inhumanité ?)

 

l'enlèvement d'Euurope, Félix Vallotton

l'enlèvement d'Euurope, Félix Vallotton

3° et dernier épisode, 5 - la praxis et 6 - l'intime et l'état

le 5 - m'a beaucoup intéressé car parlant de Molière, de l'illustre théâtre, de la troupe, du travail de troupe, de ce vivre et faire ensemble incluant conflits, harmonie, départs, retours, plus important que de faire oeuvre car dans ce vivre ensemble se forge comme un corps collectif qui finit par faire, agir, sans avoir besoin de mots; l'illustre théâtre est reconnu par le jeune Louis XIV et Molière va développer ses comédies dont certaines très noires pour, tout en divertissant, corriger les moeurs, dénoncer l'hypocrisie, le patriarcat, non sous la forme de leçons mais en faisant rire
comme lui Frédéric a provoqué le rire quand, autorisé, il s'est servi de ses longs bras dont il ne savait que faire;
Frédéric raconte sa riche propre expérience de troupe pendant les 10 ans des ateliers de l'échange;
j'ai été arrêté par une remarque sur la double séparation qui survient à la naissance : l'expulsion comme arrachement, le temps du contact peau à peau, du nouveau-né et de la mère, suivi presque tout de suite de la séparation d'avec la mère et de l'emmaillotement; à reprendre, à développer (je me sens de plus en plus travaillé par le ventre des femmes)

le 6 - l'intime et l'état creuse avec beaucoup de redites, l'idée de ce qui se joue lors d'une représentation, la possibilité de vivre ensemble dans la singularité de chacun, ce qui fait société, ce qui fait commun, le vivre-ensemble;
je ne vois pas le monde occidental de façon aussi noire; ni le monde;
je ne suis pas inquiet de ce qu'il croit être le dernier soubresaut du marché, l'individualisme poussé à l'extrême vers le développement, l'épanouissement personnel en égoïste, égocentrique, narcissique, cynique;
la distinction d’Hannah Arendt entre sphère privée et sphère publique ne me semble plus opératoire; on est dans le panopticon, tous vus et voyeurs, le tout contrôle ou contrôle social total, nos données transformées en algorithmes, piégés dans le bocal mondial du virtuel, du miroir dans le miroir dans le miroir à l’infini

évidemment, ce contrôle social total qui s'est manifesté pendant la Covid 19 révèle une évidence : tout État est contre son peuple, aucun État n'est au service de son peuple, tout État est au service d'intérêts particuliers (castes diverses)

comment retrouver ou trouver la souveraineté ? question que les ateliers constituants d'Etienne Chouard permettent de creuser concrètement

Aparté

ÊTRE SOUVERAIN / par François Carrassan
Dans l’absolu, c’est ne dépendre de personne et pouvoir décider seul de son action. Un rêve d’autonomie. Quel individu pourrait-il y prétendre ?
Mais sur la scène internationale, là où chaque état est un loup pour les autres, là où seuls comptent les rapports de force, seul est souverain celui qui a ses lois, sa justice, sa monnaie et une armée qui lui permet de décider seul de la paix ou de la guerre.
C’est le réel : tout ce qui a échappé aux benêts de la mondialisation heureuse.
Il apparaît ainsi que la France de Louis XIV put être souveraine.
Sans doute l’Amérique croyait-elle l’être quand elle débarqua en France en 1944, non pour la libérer, mais pour en conquérir le territoire avec une monnaie d’occupation (déjà imprimée) dont de Gaulle empêcha la circulation in extremis.
Car il est certain que de Gaulle incarnait l’idéal d’une France indépendante et souveraine. Comme il est évident que Macron, insensible à la France et sans autre idée que celle qu’il a de lui-même, est aujourd’hui un anti de Gaulle.
Entendez ses vœux pour 2024, on croirait le cabri que le Général s’amusait de voir sauter sur sa chaise en invoquant l’Europe et qui en appelle à « une Europe plus souveraine ». Autrement dit, après avoir passé sa présidence à déconstruire la France, à en nier la culture et à la désarmer, le cabri qui en appelle à une France plus effacée encore, aux ordres d’une Commission hors sol. Au profit d’une Europe sans tête, sans corps et sans âme. D’une Europe idéalement réduite à une plate-forme commerciale. A l’heure d’un double péril, démographique et islamiste. D’une Europe au service de qui et souveraine en quoi ?

 

Jeanne-Claude Grosse -

100% reçu 5/5 avec un bémol sur "les benêts de la mondialisation heureuse" => les hyper-riches de la mondialisation construisent leurs bunkers de survivalistes
 
 
Mark se fait construire un bunker de survie de 400m2 à 250 millions €;
font de même les autres de la silicon valley
Jeff Bezos (Amazon) a investi 147 millions de dollars pour acheter deux demeures autonomes et ultra-sécurisées sur l'île d'Indian Creek, en Floride ;
Larry Ellison (Oracle) a carrément acheté l’une des îles de l’archipel de Hawaii, Lanai ;
Peter Thiel (Paypal) a acheté en 2015 un immense domaine de 193 hectares en Nouvelle-Zélande pour se créer un abri anti-apocalypse
 
 
- ils se foutent de nous, pense tout bas celui qui depuis tout petit est aveugle, sourd et muet / pan joue gauche / pan joue droite
- cui-cui chante l'oiseau volant de branche en platane / vlan /
- bel enlèvement que je ne saurais voir dit la pudeur publique en 2024
 
question : quels sont les souverainistes en cette rance d'aujourd'hui avec son résident élyséen résiduel actuel ?
Mark Zuckerberg, le fondateur de Facebook, est en train de se construire un immense complexe sur une île de l'archipel d'Hawaï / 250 millions d'euros / Des architectes aux ouvriers, tous ont dû signer un document ultra-confidentiel, ils ont interdiction absolue de parler du projet à la presse.

Mark Zuckerberg, le fondateur de Facebook, est en train de se construire un immense complexe sur une île de l'archipel d'Hawaï / 250 millions d'euros / Des architectes aux ouvriers, tous ont dû signer un document ultra-confidentiel, ils ont interdiction absolue de parler du projet à la presse.

Le réel même au sens de Lacan se réduit : reste la liberté intérieure qui est liberté d’un esprit, liberté spirituelle me mettant à hauteur des souffrances corporelles, mentales, psychiques qui me sont infligées dans un camp, un goulag.

deux mots sont utilisés: catastrophe et miracle; il insiste sur le fait que des miracles sont possibles, que les catastrophes annoncées ne seront pas nécessairement effectives;
mais le miracle est quotidien, universel:
celui de vivre, de survivre même (le désir de vivre des survivants est souvent admirable, solidaire)

 

Et quand surviennent massacres ou noyades, il existe des Jean Genet donnant voix et vie aux massacrés durant 36 heures à Sabra et Chatila, du 16 au 18 septembre 1982;

aujourd'hui, il y a massacres anonymes à Gaza et la voix de Gaza Visages;

les noyés de Méditerranée ont leurs statues au fond de cette mer où je refuse désormais de me baigner

la dissolution par le wokisme de toute identité, identification n'est pas que division, extension du domaine des particularismes, des minorités tyranniques, des communautarismes contre la majorité silencieuse, le plus souvent peureuse, incapable de se mettre en branle sauf de rares épisodes;


les mouvements de décolonisation culturelle, de rejet de la blanchité, du suprémacisme blanc, du patriarcat, le combat contre la culture du viol, metoo#, balancetonporc, metoo#theatre, metoo#inceste, le combat des transgenres (Orlando), les combats contre les violences faites aux femmes et contre les féminicides,

contre les maltraitantes infligées aux animaux

(plus de 80 milliards d'animaux terrestres et plus de 300 milliards d'animaux aquatiques abattus chaque année)

la bataille juridique pour la reconnaissance des écocides et autres crimes contre Gaia (Le chiffre est vertigineux : d'après une étude indépendante (en portugais) publiée le 18 juillet par la plateforme collaborative MapBiomas, l'Amazonie a perdu en moyenne dix-huit arbres par seconde en 2021)

sont me semble-t-il des miracles en cours, évidemment sous la forme du conflit et du risque

Je voudrais terminer par plusieurs points :

1 - Et si le miracle passait par une prise de conscience intime, comme une illumination, que tout est connecté, relié, que tout est mémorisé, que chacun est mémoire de l’univers, de la Vie (qui inclut la mort, à désirer, à aimer, la tâche accomplie même si on ne sait pas laquelle) depuis son émergence (peu importe la façon, livre de Jean-Pierre Luminet, L’écume de l’espace-temps), que tout ce que nous vivons, pensons, faisons est livré (sans doute une réplique légèrement déviante, mutante de ce qui a déjà été livré par d’autres, plusieurs fois depuis le mystère-miracle de l’origyne comme tu écris,  voire même une réplique à l’identique parce que déjà écrite de toute éternité;  la recherche du temps perdu est déjà, avant même son écriture, écrite dans le nombre-univers Pi) à cette mémoire éternelle dans l’instant, comme un don, un présent fait au présent, le seul temps réel, pas sûr ?
Vivre alors sous le double pharmacon : Tu es aimé à égalité avec tout ce que à quoi moi, le Sans Forme (le vide du bol du potier sans lequel le bol ne peut exister), je donne forme, de la bactérie à la galaxie
Tu es mon bien-aimé, dans ta singularité, ton unicité, alors éclate-toi, que Sans Forme expérimente ce que c’est que vivre en Frédéric ou en Jeanne-Claude puisque j’ai choisi, il y a peu de signer ainsi pour affirmer, exprimer, réaliser ma part de féminin

je complète en indiquant que la prise de conscience, la transformation peuvent être accompagnées : psychanalyse, psychothérapies et autres techniques, hypnose, coaching

2 - A propos du langage et de son usage, voici via Benoît Rivillon, un extrait d’un livre récent renvoyant au débat entre Platon et les sophistes que M.Jean-Dominique Michel à co-écrit avec le chercheur en neurosciences Mark Waldman.
" On ne convainc personne.
Une recherche décrite dans le numéro de janvier 2017 de Scientific American montre que plus vous essayez de convaincre une personne qu’une croyance à laquelle elle tient est fausse, plus elle s’y accrochera, en particulier s’il s’agit d’une idée conspirationniste (le covidisme, ou adhésion aveugle à la doxa médiatico-politique au sujet du Covid en fait désormais partie !) ou attribuant de la malveillance à autrui. Les coléreux deviennent encore plus fâchés, les bigots encore plus intolérants, les xénophobes encore plus racistes, les abuseurs encore plus abusifs. Et ceux qui sont en désaccord avec vous auront encore plus de mépris à votre égard, même et surtout si vous avez raison.
Alors, que pouvez-vous faire ? La recherche en neurosciences a souligné l’importance du scepticisme : c’est la seule attitude qui permette de questionner nos propres biais de pensées et nos croyances erronées. Comme nos idées de la réalité sont (pour des raisons neuropsychologiques) par définition largement fausses, il s’agit de la seule posture intellectuellement honnête... et saine d’un point de vue relationnel.
Là où cela se complique, c’est que l’incertitude est en soi une cause de stress neural ; plus une personne ou une société dans son ensemble est ébranlée ou en proie à des tensions, plus elle plébiscite des réponses simplistes. Une récente étude de l’Inserm a montré qu’une enfance vécue dans la précarité et l’insécurité prédispose à voter pour un mode de leadership autoritaire à l’âge adulte. Les dirigeants autoritaires, eux, feront tout ce qui est en leur pouvoir pour restreindre la liberté de parole de ceux qui sont en désaccord avec eux.
Quand il s’agit de relations personnelles, le mieux est de rester compassionnels et aimables lorsque nous confrontons les biais et les erreurs de pensée de nos proches. La composante identitaire de l’attachement à des croyances erronées est forte, et toute confrontation trop directe ne peut que conduire à l’inverse de l’effet escompté.
Et si vous faites face à des interlocuteurs extérieurs engoncés dans des certitudes fallacieuses, notre conseil : soyez respectueux de votre temps et de votre énergie en les consacrant à quelque chose d’agréable ou d’utile plutôt qu’à la tâche illusoire d’essayer de leur ouvrir l’esprit !
"


cette "démonstration" disqualifie les discours faisant appel à la raison, au débat, au dialogue; quid alors des "missions" de l'école ? surtout quand on prend conscience que le langage aujourd'hui ne sert plus à chercher la « vérité », à constater, décrire ce qui est  mais sert à manipuler, à discréditer, disqualifier, voire à provoquer le suicide de la harcelée ou la chute de l’ogre ou la démission du poète-aventurier;


l’usage performatif de la langue (quand dire, c’est faire, Austin, un énoncé est fait pour agir, il n’est plus ni vrai ni faux mais une action) l’emporte sur l’usage constatif, cognitif (décrire le monde, le connaître d’où un énoncé est vrai ou faux)


Illustration criante depuis 40 ans : quand on est anti faf, anti FN, RN, on fait monter le % des FN, RN; c'est le paradoxe de certains combats;

ce n'est pas vrai apparemment avec le bashing anti LFI;

il y a donc des questions à se poser du côté de la gauche humaniste, droitdelhommiste, pour la justice, la liberté, l’égalité, la fraternité.

3 - « Apprendre l’empathie, c’est très très bien. C’est structurant pour la personnalité, c’est excellent pour la santé mentale.
Apprendre à débattre sans violence, sans jugement, dans la contradiction, c’est bien aussi.
Ça suppose de savoir réfréner ses pulsions, de savoir maîtriser son agressivité et d’en détourner l’énergie dans le raisonnement.
Ça suppose de savoir Raisonner dans la complexité et de savoir émettre des arguments.
Tout cela participe au recul des violences en même temps qu’au recul de la pensée binaire , primaire et simpliste.
C’est là, il faut le croire, la source du vrai plaisir et même du bonheur. C’est aussi la source du sens profond de l’existence et des perspectives d’avenir.
L’un est indissociable de l’autre.
Neque enim disputari sine reprehensione potest. ("Il ne peut y avoir discussion sans contradiction." Cicéron)
« Quand on me contrarie, on éveille mon attention, non pas ma colère : je m’avance vers celui qui me contredit, qui m’instruit. La cause de la vérité, devrait être la cause commune à l’un et à l’autre. Que répondra-il ? la passion du courroux lui a déjà frappé le jugement : le trouble s’en est saisi, avant la raison ».
Montaigne, De l'art de conférer. »
Nathalie Rocailleux

Cette conception était celle de Marcel Conche qui a tenté de fonder en droit (impossible dans les faits) la morale universelle des droits de l’homme sur l’acceptation par un nazi et un juif du dialogue;

imaginez Netanyahu dialoguant avec le Hamas.

Je crois qu’aujourd’hui, c’est d’apprendre à reconnaître les pervers narcissiques, les techniques d’emprise, les techniques pour déjouer la domination, l’exclusion, le harcèlement qui est important, y compris les outils du combat au corps ou d’esquive, apprendre à traverser les peurs en donnant confiance en soi. Il me semble que Gatti avait tenté cela avec des jeunes filles.

Jeanne-Claude Grosse, 27 janvier 2024

bienveillance, laïcité / apprentissage de la self-défense ?

bienveillance, laïcité / apprentissage de la self-défense ?

Lire la suite

Dolly / Edgar et Diane Gunzig

2 Janvier 2024 , Rédigé par grossel Publié dans #FINS DE PARTIES, #SEL, #agoras, #amitié, #amour, #engagement, #histoire, #les entretiens d'Altillac, #notes de lecture, #pour toujours, #vide quantique, #voyages, #écriture, #épitaphier, #vraie vie, #éveil

Dolly / le photographe de Mauthausen / Relations d'incertitude
Dolly / le photographe de Mauthausen / Relations d'incertitude
Dolly / le photographe de Mauthausen / Relations d'incertitude

Dolly / le photographe de Mauthausen / Relations d'incertitude

Dolly (sorti chez Lamiroy en Belgique en septembre 2023) a été placé sous le sapin par mère Noëlle qui est allée le chercher à la fabuleuse librairie Tropismes à Bruxelles, pendant le week-end du 24 au 26 novembre car impossible de trouver en librairie française un livre édité par un éditeur belge
alors finir l'année 2023 par la lecture en deux jours de Dolly d'Edgar Gunzig et Diane Gunzig avec une postface de Thomas Gunzig , le petit-fils de Dolly
c'est un moment fort en lien
avec la lecture que j'avais faite du manuscrit que m'avait envoyé Edgar
----------------------------------
Edgar Gunzig reçoit le vendredi 13 juin 2015, la photo sauvée par Francisco Boix de son père, assassiné le 28 février 1942 à 8 H 30 à Mauthausen (il a 37 ans) et se lance dans la reconstruction très documentée de l'histoire de son père intimement liée à l'histoire des Juifs de l'est de l'Europe, ici la Tchécoslovaquie
la photo n'est pas reproduite dans le récit, beau geste puisque le livre ramène à la vie celui dont le nom était inscrit dans le Totenbuch de Mauthausen et qu'avait découvert en octobre 1945, le soldat américain Jo Stripounsky, neveu de Dolly, matricule 11552; ils s'étaient séparés le 10 mai 1940, à la frontière française; Jo et sa famille, belges, avaient pu entrer en France puis partir pour les Etats-Unis. Dolly, tchèque, avait été refoulé avec Rachel.
-----------------------------------
Dolly,
c'est une plongée
- dans une histoire de tresse entre Histoire avec grande H et histoires de personnes militantes, principalement juives, motivées par des idéaux de justice, de solidarité (Jacques, Rachel, la mère d'Edgar, et tant d'autres)
- se tressent
les conditions de l'arrivée au pouvoir d'Hitler et du nazisme, de la solution finale (Shoah), de la 2° guerre mondiale, de la confrontation à mort avec le stalinisme (le bolchevisme juif, dixit Hitler) après l'épisode du pacte germano-soviétique
et les intrications avec le parcours militant de Jacques Gunzig, père d'Edgar Gunzig, se retrouvant par choix idéologique de sioniste laïque dans un kibboutz en Palestine en 1931 et comprenant sur place que le sionisme n'est pas la solution à la question juive, d'où son choix du communisme
- c'est un retour sur mes douze années de militantisme trotskiste
Jacques Gunzig fut faussement accusé par deux commissaires politiques staliniens de déviationnisme trotskiste (cela se traduisait le plus souvent par une balle dans le dos, beaucoup de militants du POUM et d'anarchistes furent assassinés par les staliniens) pendant sa participation de 1937 à 1939 avec sa femme Rachel (Edgar naîtra en Espagne, à Mataro, le 21 juin 1938) aux Brigades Internationales en soutien aux républicains espagnols contre le putsch des nationalistes franquistes;
il n'eut pas le temps ni la possibilité de revenir sur son choix idéologique du communisme stalinien; il n'a rien su des procès, des purges, des famines provoquées, du goulag
je suis convaincu que la solution n'est pas du côté du trotskisme, pas du côté de la révolution ou de la grève générale,
et, c'est une conviction récente, pas du côté de la démocratie soi-disant représentative;
j'avoue ne plus savoir si le monde saura en finir avec le capitalisme ou si le capitalisme débouchera sur le suicide de l'humanité
- c'est en résonance très forte avec ce qui s'est déclenché depuis le 7 octobre 2023 tant à Gaza (Hamas fasciste) + (réaction disproportionnée au service d'une politique de colonisation du gouvernement d'extrême-droite d'Israël) qu'en Cisjordanie (agressions des colons et militaires israéliens) et dont les conséquences désastreuses sont devant nous
------------------------------------
un livre qui devrait être lu par le plus grand nombre car le panoramique historique, géographique et idéologique balayé est vertigineux (sur plus d'un siècle avec le rôle du père de Jacques-Dolly, Ie rabbin Israël Gunzig, installé dans la synagogue de Lostice en Tchécoslovaquie)
et surtout peu connu
(avoir été militant révolutionnaire est de ce point de vue une chance car on a eu accès à une autre histoire de l'Histoire que les histoires officielles, sachant cependant que toutes les histoires sont toutes des histoires qu'on se raconte, des légendes, ni fausses, ni vraies, mais nécessaires et éphémères)
---------------------------------------
merci au hasard (?) qui a permis à Edgar Gunzig d'accomplir avec Diane ce formidable travail d'épitaphier qui n'épuise pas son questionnement sur ce père perdu à l'adolescence (en particulier son rôle dans l'Orchestre rouge; pourquoi ne fuit-il pas lors du démantèlement de l'antenne bruxelloise ?)
mais livre aux lecteurs de quoi être ému, bouleversé, questionné, interpellé
---------------------------------
si vous voulez en savoir plus sur Edgard Gunzig, lisez Relations d'incertitude, co-écrit avec Elisa Brune ((1966-2018)
Edgard, physicien reconnu, propose à une jeune journaliste d'écrire un ouvrage de vulgarisation. Rapidement, la discussion scientifique se mue en une longue confidence à bâtons rompus. Du Big Bang aux cachots de la douane indienne, de la guerre d'Espagne à la Pologne communiste des années cinquante, de l'enfance cachée pendant la guerre au vide quantique générateur d'univers, Edgard livre les épisodes d'un destin plus que mouvementé.
Disponible en poche chez Espace Nord
--------------------------------------
j'ai lu ce roman à sa sortie en 2004, rencontré Edgard Gunzig au salon du livre à Paris en 2005 et c'est ainsi qu'il m'invita à Peyresq Physics 12, les 19 et 20 juin 2007 puis que j'ai organisé sa rencontre avec Marcel Conche à Altillac, le 11 novembre 2009
le siècle de Marcel Conche avec le texte d'Edgar Gunzig rencontre de deux ignorants

le siècle de Marcel Conche avec le texte d'Edgar Gunzig rencontre de deux ignorants

Edgar Gunzig

rencontre de deux ignorants

Mon cher Marcel Conche,

Voilà plus de dix ans, le 11 novembre 2009 à Altillac, qu’eut lieu, à l’initiative de Jean-Claude Grosse, la rencontre de deux « ignorances », celle du philosophe annonçant d’entrée de jeu, sa méconnaissance de la physique et celle du physicien peu éclairé en philoso- phie.

Malgré le peu de compatibilité entre les deux discours, le scientifique et le métaphysique, l’échange fut vif, fructueux, très cordial et non dépourvu d’humour. Il me laisse un souvenir durable et joyeux.

Vous nous parliez de l’infini de la Nature, moi de l’infini de l’Univers.

Cet Univers qui existe depuis 13,7 milliards d’années mais aussi depuis toujours... Cette affirmation appa- remment contradictoire prend néanmoins tout son sens dans un contexte cosmologique novateur (1,2,3,4) : l’Univers n’a d’autre origine que...lui-même !

Il est sa propre cause et s’auto-engendre dans une dé- marche circulaire que les anglo-saxons désignent par l’expression « free lunch », créer quelque chose à par- tir de rien, sans faire appel à un point d’appui et sans apport d’énergie extérieure, par la seule mise en oeuvre adéquate de ressources, d’actions et d’énergies internes. L’expression « bootstrap », littéralement « se hisser en tirant sur ses bottes », se réfère à ce type de situation.

Le bootstrap se retrouve ainsi au coeur de toute dynamique autonome, toute activité qui s’auto- engendre, auto-consistante, fonctionnant en boucle fermée, indépendante de tout ce qui lui est extérieur. Il est à l’oeuvre dans tous processus scientifiques, phi- losophiques, artistiques...qui se créent, se façonnent réciproquement et s’enrichissent par le biais d’un jeu interactif entre l’oeuvre créée et son créateur. Ce dernier pourrait alors dire à l’instar de Montaigne à propos de ses « Essais »: « J’ai autant fait mon oeuvre qu’elle m’a faite »... et Marcel Conche ?

Que l’Univers lui-même puisse s’autocréer sans le recours à un quelconque « extérieur », d’ailleurs inexis- tant, traduit l’ouverture conceptuelle majeure qui bouleverse la physique d’aujourd’hui : la création d’une connivence indissociable entre le temps, l’espace, la matière et l’acteur essentiel, le « Vide Quantique ». C’est autour de ce dernier que s’articule un dialogue inattendu entre le contenant spatio-temporel et le contenu matériel de l’Univers : l’expansion de l’espace et son contenu matériel s’engendrent l’un l’autre dans un « bootstrap cosmologique » énergétiquement gratuit, une rétro-action géométrico-matérielle à l’échelle cosmologique : l’énergie gagnée par le contenu matériel créé étant intégralement puisée dans la géométrie dynamique de l’espace-temps. C’est elle qui, en retour trace les trajectoires des corps matériels et du rayonnement.

Les équations d’Einstein de la relativité générale représentent les contraintes mathématiques précises qui expriment les liens indissociables entre l’espace, le temps, la matière et ...le vide. Elles gèrent les rapports intimes qu’ils entretiennent au coeur des deux grands courants de la physique contemporaine, la relativité générale et la théorie quantique des champs. Elles décrivent une dynamique d’un genre nouveau, la rétroaction perma- nente entre le contenu de matière-énergie de l’univers et sa géométrie, situation sans précédent en physique.

Les questionnements essentiels, qui se posent au sein de ce cadre conceptuel, s’articulent autour de la manière dont l’expansion de l’espace-temps et son contenu matériel se conditionnent l’un l’autre. Autrement dit, comment ce contenu matériel quantique ressent-il cette expansion et, point capital, comment se comporte son état fondamental, par définition son état d’énergie minimale non nulle, le vide quantique ? Cette dynamique entrelacée se déroule sous la contrainte des équations d’Einstein semi-classiques : la géométrie de l’espace-temps y est décrite classiquement alors que son contenu matériel l’est quantiquement. L’expansion de l’espace produit sa propre énergie analogue à celle que produirait une source d’énergie extérieure, et crée ainsi son contenu matériel.

C’est comme si l’Univers possédait son extérieur énergétique en lui- même.

C’est pourquoi cette création, qui ne résulte que de transferts internes d’énergie, est ainsi globalement gratuite. C’est la stratégie la plus subtile jamais mise en oeuvre par l’univers, celle de son autocréation ! La mise au point de cette cosmologie autoconsistante, fut le fruit des travaux déployés par quelques physiciens (1,2,3,4) désireux de cerner le moment zéro de l’émer- gence physique de l’univers issu d’un vide quantique « primordial ». Celui-ci devient l’acteur central d’une histoire cosmologique semi-classique de l’univers. Ce vide quantique est par essence dépourvu de parti- cules réelles mais est le siège d’une mouvance irréduc- tible par principe, les fluctuations quantiques du vide, porteuses de l’énergie de ce niveau fondamental.

La création de particules au sein de ce vide, requiert un apport suffisant d’énergie à ces fluctuations pour qu’elles puissent se « matérialiser » et transporter alors l’équivalent énergétique de la masse de ces particules réelles ainsi créées. Dans ce contexte cosmologique, il n’y a pas d’« ailleurs » de l’univers d’où cette énergie pourrait être importée, semblant ainsi interdire a priori de telles créations.

Et pourtant, il nous est apparu (1,2,3,4) que l’univers en expansion est le seul système physique qui fasse exception : il contient en lui-même un réservoir énergé- tique dans lequel le champ peut puiser l’énergie qui lui convient. C’est dans un dialogue entre les fluctua- tions quantiques du champ matériel et la géométrie courbée de l’espace-temps qu’apparaît une forme inattendue d’énergie, celle qui est associée à l’expan- sion géométrique de l’univers, donc à la géométrie de l’espace-temps dynamique. Cette source géométrique d’énergie donne au vide quantique la possibilité de s’ex- primer cosmologiquement : l’expansion cosmologique de l’espace induit l’excitation du champ quantique, donc la création associée de particules matérielles. Cette matière ainsi créée rétroagit alors en conditionnant, à son tour, l’expansion qui lui a donné naissance... Extraordinaire serpent cosmologique qui se mord la queue ! Bel exemple de mécanisme de rétroaction régi par les équations d’Einstein. C’est une réponse surprenante et essentielle au questionnement relatif au pouvoir créateur du vide : ce processus de feedback géométrico-matériel peut en effet s’enclencher quel que soit l’état quantique initial du champ... même si c’est précisément son état de Vide.

L’existence préalable de matière n’est donc pas requise pour amorcer sa propre création. La totalité du contenu matériel de l’univers pourrait-il donc résulter de ce scénario autocréateur ? Si ce dernier est concep- tuellement attrayant, satisfait-il pour autant à toutes les contraintes de la théorie ? Autrement dit, est-il décrit par une solution des équations semi-classiques d’Einstein qui gèrent ce problème ?

Question conceptuellement excitante s’il en est.

Notre travail collectif (1,2,3,4) aboutit à une conclu- sion plus que satisfaisante : il existe bien une solution mathématique exacte qui décrit ce mécanisme cosmo- logique autoconsistant par lequel la matière, qui est entièrement produite par l’expansion, est précisément celle qui soutient cette expansion au sein d’un bootstrap géométrico-matériel. C’est un phénomène coopératif à l’échelle cosmologique, responsable de la produc- tion coordonnée du contenu matériel de l’univers et de son expansion : la matière créée par l’expansion en est également le moteur. Ce mécanisme coopératif de création souligne un rôle inattendu de l’espace-temps dynamique : le milieu matériel cosmologique s’engendre lui-même par espace-temps interposé́.

Cette prouesse cosmologique est donc énergétique- ment gratuite car elle ne résulte que de transferts internes d’énergie entre la géométrie et la matière, c’est donc un free lunch cosmologique.

Voilà comment le dialogue entre la relativité générale et la théorie quantique des champs pourrait ouvrir la voie à une histoire cosmologique d’un genre nouveau... l’émergence de l’univers à partir du vide quantique pri- mordial.

En dépit de la beauté formelle de ce mécanisme cosmologique autoconsistant exact, le physicien se doit de poser ici la question cruciale : cette solution mathé- matique a-t-elle des raisons physiques de se matériali- ser au coeur de ce vide quantique ?

La réponse positive à ce questionnement résulte d’une propriété ésotérique de ce milieu particulier : son éner- gie étant la plus basse des énergies compatibles avec les règles du jeu quantique, elle ne peut descendre sous ce seuil et ne peut ainsi que rester constante au cours de l’expansion, propriété étrange qui implique- rait que la pression du vide quantique serait négative et engendrerait par cela même un effet gravitationnel répulsif, une antigravitation. C’est elle qui induirait l’expansion et lancerait la création autoconsistante de matière. Un hypothétique vide quantique primordial soumis aux effets de son autogravitation répulsive ne pourrait dès lors que se transformer en un univers matériel en expansion...le nôtre?

L’histoire cosmologique de l’Univers ne résulterait pas de l’explosion mathématique, cataclysmique, infinie de Tout dans Rien, le Big Bang, mais émergerait physi- quement, sans fracas énergétique, d’une instabilité d’un vide quantique primordial soumis aux effets de son au- togravitation répulsive.

Cette propriété déterminante ouvre la voie à des his- toires cosmologiques inconcevables dans le cadre de la cosmologie einsteinienne classique : l’expansion de l’univers naissant est exponentiellement accélérée, sans commune mesure avec l’expansion décélérée du modèle cosmologique standard, c’est une inflation cosmologique. Cerise sur le gâteau : c’est elle qui éradiquerait un grand nombre de ses pathologies et énigmes.

Voilà mon cher Marcel Conche comment l’univers en expansion pourrait se faire naître lui-même. Il s’inspirerait ainsi du Dieu du « Livre des morts de l’Egypte ancienne » clamant : « Je me suis engendré moi-même à partir de la substance originelle que j’ai faite. »

1. R. Brout, F. Englert, E. Gunzig, « The Creation of the Universe as a Quantum Phenomenon, Ann. phys., 115, 78, 1978.

2. E. Gunzig, P. Nardone, « Self-Consistent Cosmology, The Inflationary Universe and all that... », Fund. Cosmic. Phys., 11, 311-443, 1987.

3. E. Gunzig, « Du vide à l’Univers », dans « Le Vide, Univers du Tout et du Rien », 467-486, Ed. Complexe ( Bruxelles, Paris), 1998.

4. E. Gunzig, « Variations sur un même ciel », Ed. la ville brûle (Paris), « Cyrano, le bootstrap et l’histoire cosmologique du vide », 249-266, 2012.

Ce petit travail n’aurait pas vu le jour sous cette forme sans le soutien de ma femme.

Merci Diane, Edgar.

ENTRETIEN ENTRE UNE COSMOLOGISTE ET UN PHILOSOPHE

ENTRETIEN ENTRE UNE COSMOLOGISTE ET UN PHILOSOPHE

JEAN-CLAUDE GROSSE

OPACITÉ/TRANSPARENCE

ENTRETIEN ENTRE UNE COSMOLOGISTE ET UN PHILOSOPHE

10 août 2013. Soirée (g)astronomie au gîte de Batère, 1 500 mètres d’altitude, à Corsavy. Ciel constellé. Pour observation après le repas.

Ont été invités Ada Lovelace, descendante de Lord Byron, 36 ans, cosmologue, génie du calcul intensif et Marceau Farge, fils de paysans corréziens, 91 ans, philosophe naturaliste d’une grande liberté d’esprit.

MARCEAU – Je me suis souvent demandé, Madame, ce que nous apportait la science: des certitudes valables un temps seulement, souvent contestées du temps même de leur prééminence, sur lesquelles s’appuient des volontés intéressées de maîtriser la nature et l’homme. N’est-ce pas ainsi qu’il faut voir la recherche acharnée des constantes universelles ?

ADA – Les quinze constantes physiques actuelles sont d’une précision et d’un équilibre qui nous ont rendu possible: matière, vie, conscience. Votre méditation métaphysique, cher Marceau, n’est qu’une spéculation solitaire sans vérifications. Les chercheurs avec leurs télescopes comme Hubble captent des lumières (la gamma, la X, l’ultraviolette, la visible, l’infrarouge, la radio) de plus en plus faibles provenant de l’univers (sans lumières, ils sont dans le noir). Voir faible c’est voir loin dans l’espace indéfini et tôt dans le temps immense. Nos tâtonnements lents, rigoureux, collectifs, débouchent sur un modèle d’univers cohérent et beau, en symbiose avec nous.

MARCEAU – La disproportion entre l’opacité et la clarté ne plaide-t-elle pas pour la méditation impatiente et quasi- aveugle sur l’opacité? Elle ne dérange pas l’ordre des choses étant sans volonté de puissance, sous-jacente au désir de savoir.

ADA – Vous provoquez là ! Votre métaphore n’a rien d’aveuglant. Nous, chercheurs, mettons en place des notions nous permettant d’éclairer l’opacité : hasard, chaos, inflation, singularité, fluctuation quantique. Nous voyons se multiplier les paradoxes qui mettent en difficulté nos modèles à contraintes et constantes

MARCEAU – la métaphysique a inventé des modèles depuis longtemps. Anaximandre, son infini, son germe universel, Héraclite, le feu comme principe de création, destruction, bien avant votre big bang, Démocrite, ses atomes, Épicure, le clinamen (une déviation, une mutation). La contemplation ouvre sur des visions développées en métaphores

ADA – vos métaphores métaphysiques, Marceau, sont figées. Nos paradoxes scientifiques sont dynamiques. Pensez aux effets du paradoxe EPR (1935) qui révèle qu’ici est identique à là (1998). Observer en 1998 que l’expansion de l’univers, décelée en 1929, est en accélération oblige à poser l’existence d’une énergie répulsive responsable de cette accélération: l’énergie noire. Les calculs intensifs, pétaflopiques, bientôt exaflopiques, que j’entreprends avec les calculateurs Ada et Turing sont réalisés pour tenter de la caractériser avant de la déceler.

MARCEAU – On a donné votre prénom à un calculateur pétaflopique ? (Elle rit.) Rien n’interdit ma méditation de se nourrir de vos calculs. Échange chiffres contre images. Pour évoquer la recherche de la vérité, j’imagine un archer tirant dans le noir. Où est la cible ?

ADA – Les constantes sont d’une telle précision qu’il faut que votre archer vise une cible d’un centimètre carré, placée aux confins de l’univers. Enlevez un 0 à 1035 et vous avez un univers vide, stérile.

MARCEAU – Savoir que nous sommes des poussières d’étoiles dans un univers anthropique, connaissances scientifiques du jour, enrichit ma pensée de la Nature, m’évite de m’égarer dans une théologie créationniste ou dans une métaphysique matérialiste, déterministe et réductionniste comme celle du Rêve de d’Alembert de Diderot

ADA – d’autant que nous distinguons deux sortes de matières, la matière lumineuse, visible, connue et la matière noire, jamais observée, inconnue, comme l’énergie noire

MARCEAU – si vous permettez que je vous appelle Ada, le noir, Ada, semble dominer en astrophysique

ADA – 73 % d’énergie noire, 23 % de matière noire, 4 % de matière ordinaire dont 0,5 % de matière lumineuse, telles sont les proportions proposées aujourd’hui pour l’Univers

MARCEAU – soit 0,5 % de clarté pour 99,5 % d’opacité. Le raccourci de la méditation sur le Tout de la Réalité me convient mieux que le long chemin sinueux de la connaissance parcellaire qui bute sur le mur de Planck.

ADA – Cela nous mène où, Marceau ?

MARCEAU – vous Ada à savoir presque tout sur presque rien, moi à voir la Nature comme infinie, éternelle, un ensemble ouvert, aléatoire, en perpétuelle création de mondes inédits, ordonnés, périssables, inconnaissables. Notre conversation par exemple n’était pas programmée bien qu’annoncée. Elle est inédite et restera unique. Parce que c’est vous, parce que c’est moi. L’infini ne s’épuise pas et ne se répète donc pas. Dans de telles conditions de créativité au hasard et d’inconnaissance de cette créativité, la seule attitude me semble être le respect de ce que je ne peux connaître complètement selon le théorème de Gödel de 1931.

ADA – Connaisseur à ce que j’entends. Le chemin de la connaissance scientifique est à l’opposé de votre raccourci méditatif sur le Tout. Il ne vise à expliquer que du détail, même aux dimensions de l’Univers. Il rend compte de ce qui existe par des lois et du chaos, facteur de créativité.

MARCEAU – Pourquoi ce détail, Ada, l’origine de l’Univers, plutôt que tel autre ? parce que la métaphysique vous attend aux confins. Expliquer par du nécessaire et du contingent n’empêche pas les trous noirs entre les différents domaines expliqués incomplètement.

ADA – Ce sont les visages troués de votre Nature.

MARCEAU – Je médite sur ces visages mais j’en vois les limites, Ada. L’Univers n’est pas la Nature. Vous vouliez un tableau fidèle. La Réalité vous impose le flou quantique.

ADA – Votre raccourci vous a demandé une vie pour déboucher sur une métaphore de dix lignes

MARCEAU – sur l’étonnement et l’émerveillement, chère Ada. Ce qui nous a construits par asymétries et découplages, des atomes primordiaux aux éléments chimiques, puis par code depuis LUCA, des gènes aux hémisphères cérébraux, si dissemblables, le droit (celui des images), le gauche (celui des calculs). Ce qui nous a conduits par les chemins sinueux de la causalité probabiliste, par les raccourcis de la liberté, à Corsavy, aujourd’hui, pour contempler la Beauté.

(Il plonge ses yeux rieurs dans les siens. Elle rit.)

Handala, personnage créé par Naji al-ali. Il est apparu pour la première fois en 1969 dans le journal koweitien Alsiyassa (La politique). C'est un petit garçon âgé de 10 ans, c'est l'âge qu'avait Naji lorsqu'il avait quitté la Palestine, pieds nus comme tous les enfants qui habitent les camps de réfugiés palestiniens. Handala est situé dans l'espace sans terrain d'appui car il est sans patrie.

Handala, personnage créé par Naji al-ali. Il est apparu pour la première fois en 1969 dans le journal koweitien Alsiyassa (La politique). C'est un petit garçon âgé de 10 ans, c'est l'âge qu'avait Naji lorsqu'il avait quitté la Palestine, pieds nus comme tous les enfants qui habitent les camps de réfugiés palestiniens. Handala est situé dans l'espace sans terrain d'appui car il est sans patrie.

Lire la suite

Balades ardéchoises

1 Décembre 2023 , Rédigé par grossel Publié dans #album, #amitié, #ateliers d'artistes, #cahiers de l'égaré, #engagement, #essais, #films, #histoire, #poésie, #FINS DE PARTIES, #notes de lecture, #pour toujours, #spectacles, #voyages, #vraie vie, #écriture, #épitaphier, #éveil

Women 68 avec Luisa Gaillard Sanchez, Françoise Sourd, Line Wiblé / paru en 2017 dans MAMAE Meurtre Artistique Munitions Action Explosion (al dante)
Women 68 avec Luisa Gaillard Sanchez, Françoise Sourd, Line Wiblé / paru en 2017 dans MAMAE Meurtre Artistique Munitions Action Explosion (al dante)

Women 68 avec Luisa Gaillard Sanchez, Françoise Sourd, Line Wiblé / paru en 2017 dans MAMAE Meurtre Artistique Munitions Action Explosion (al dante)

Balades ardéchoises
Du samedi 25 novembre au mercredi 29 novembre


samedi 25 novembre, 19 H 30, à l'Atelier à Privas, 50 places
Women 68, même pas mort

 

" Ce sont des crazy women, des suffragettes émancipées, des « triplettes de Belleville » façon 68, elles chantent Frank Zappa et Janis Joplin. Toujours engagées, enragées, elles n’ont peur de rien et surtout pas des petits mâles dominants.
Elles racontent et chantent le mois de mai 68 à Clermont-Ferrand, avec la nécessité aujourd’hui de continuer à marcher, à avancer, à partager le souffle incoercible de la liberté ! «
3 comédiennes, 75, 67 et 65,

c'est drôle, profond,

une traversée dans 50 ans de féminisme, de condition des femmes, d’émancipation, de libération.
Il y a des moments où je me suis bidonné comme on dit,

par exemple, la séquence sur les pratiques tantriques

ou celle sur l'orgasme clitoridien à la Nina Hagen
 

Après spectacle, partage du repas, échanges avec Françoise Sourd et Luisa Gaillard Sanchez qui me parle de sa mère, elle a fait 15 ans de prison franquiste et en a laissé un témoignage

peut-être en serai-je l'éditeur ?

l'écriture de women 68 remonte à 2008, commande de Bruno Boussagol, Brut de Béton : les mémés rouges sont des hommes

en 2018, Nadège Prugnard met en scène women 68 à Montluçon avec Monique Brun, Marie-Do Fréval entre autres mémés rouges

la compagnie janvier et lipes, d'Ardècle, monte cet oratorio, j'ai lu gratterie, en 2023

je me suis dit: je verrais bien Katia, Sophia et Valérie  créer cette gratterie, juste pour le plaisir de 50 personnes

depuis, il y a eu metoo et d'autres mouvements contre les féminicides, contre la justice patriarcale protégeant les pères incestueux en condamnant les mères protectrices, pour l'inscription du droit à l'avortement dans la Constitution...

 

Bienvenue sur la Terre de et par Roger Lombardot avec Gari Grèu (Massilia Sound System)
Bienvenue sur la Terre de et par Roger Lombardot avec Gari Grèu (Massilia Sound System)
Bienvenue sur la Terre de et par Roger Lombardot avec Gari Grèu (Massilia Sound System)
Bienvenue sur la Terre de et par Roger Lombardot avec Gari Grèu (Massilia Sound System)

Bienvenue sur la Terre de et par Roger Lombardot avec Gari Grèu (Massilia Sound System)

L'art affirme ce que l'homme a de meilleur : l'Espérance, la Foi, l'Amour, la Beauté, la Prière... Ce dont il rêve, ce en quoi il espère... L'artiste exprime l'instinct spirituel de l'humanité.

Andrei Tarkovski

avant le spectacle, montée et descente vers Balazuc, un des plus beaux villages de France, petite balade au bord de l'Ardèche, plantade, on change de vallée au retour, faut faire demi-tour

https://www.francetvinfo.fr/culture/patrimoine/ardeche-a-la-decouverte-de-la-ville-de-balazuc-et-de-son-heritage_4808829.html

 

https://youtu.be/AEzsyNoDzGQ?si=JG54J3ENrBsEZsOT

 
dimanche 26 novembre, 18 H, à L’Atelier-théâtre à Laurac-en-Vivarais
 
Bienvenue sur la Terre, de l'Ardèche à la Toscane sur les traces de Léo Ferré
Dans la continuité de Voyage autour de ma cabane, l’auteur raconte un autre voyage, celui qu’il a fait de l’Ardèche à la Toscane sur les traces de Léo Ferré. Il le raconte à une enfant qui vient de naître, lui parle des poètes, des musiciens, des peintres… de tous les artistes qui enchantent le monde. Il lui dit aussi la beauté de la nature, à l’heure où elle est plus que jamais menacée par nos excès. Une manière pour lui de souhaiter la bienvenue sur la Terre à tous les enfants qui naissent aujourd’hui.
Texte et interprétation : Roger Lombardot
Chansons en scène : Gari Grèu (Massilia Sound System)
Photographies et régie : Manuel Lombardot
 
ayant trouvé une place au 1° rang de cet espace pour 50 personnes, j'ai pu apprécier ce voyage faisant découvrir le lien qu'il y a eu entre l'Ardèche et Léo Ferré,
c'est un travail quasi-patrimonial qu'a réalisé Roger Lombardot, débouchant sur le nom donné à un espace musical à Aubenas, l'espace Léo Ferré en place de l'Espace de la Gare (l'Ardèche est le seul département sans gare)
 
bel hommage de Roger Lombardot à Richard Martin, décédé le 16 octobre 2023, et qui n'a donc pu voir ce travail

Bienvenue sur la Terre  
Roger Lombardot (extrait)

Eh, oui, nous devons déjà partir. Nous avons rendez-vous à Marseille, au théâtre Toursky… Toursky, c’est le nom d’un poète : Alexandre Toursky, un russo-provençal né à Cannes en 1917, mort à Marseille en 1970. « De tous les poètes, vous êtes celui dont je voudrais avoir tout l’œuvre dans le cœur. » lui avait dit un jour Joë Bousquet, un autre poète originaire du midi de la France… Comme Léo Ferré, qui avait chanté pour la première fois au théâtre Toursky en 1971, à l’invitation de son directeur, Richard Martin. Un sacré bonhomme, celui-là, comédien et metteur en scène, qui avait eu le culot d’implanter un théâtre dans l’un des quartiers les plus pauvres d’Europe. Un lieu de culture et de fraternité qui existe toujours plus de cinquante ans après sa fondation. Chapeau bas, Richard, pour ton courage et ta persévérance ! L’amitié et le respect que Léo te portait étaient grandement mérités, toi qui as mis en scène avec tant de respect, de talent, de sincérité… les diverses facettes et nuances de son œuvre. Claude Frigara m’a confié que Léo avait écrit dans ton livre d’or cette très belle épigraphe à propos de ta ville : « Ô Marseille, ô Marseille, je te dirai un jour ce que tu as semé en moi : l’ardeur, le courage et l’accent de la Méditerranée, cette mer monstrueuse d’affection et de tendresse. »
C’est Gari Grèu, un membre du groupe Massilia Sound System qui m’avait reparlé de Richard et de ce fameux quartier de La Belle de mai, peuplé d’étrangers venus de partout à la suite des Italiens. Un quartier ouvrier comme il n’en existe plus guère… les ouvriers étant devenus de nos jours invisibles… Manuel nous entraîne vers le centre. Il connaît un peu Marseille… Noailles… et ses façades coloriées. On croirait marcher dans les pages d’un album de bandes dessinées. J’aime beaucoup.
Ça doit plaire aussi à Saïd, grand amateur de BD… et ami très cher, Marseillais à mi-temps, originaire de Largentière, où il exerce son deuxième mi-temps. Il a habité rue du Panier, dans le quartier du même nom, dit de Marseille que c’est la plus belle ville du monde parce que le monde entier y est représenté. Quand il y vient par le train, il s’attarde longuement sur l’esplanade de la gare Saint-Charles pour la regarder, la remettre dans son cœur, avant de s’y fondre… Gari venait de s’installer à Largentière, en Ardèche, et, tout naturellement, on avait décidé de travailler ensemble sur ce spectacle. Je lui avais demandé s’il accepterait d’ouvrir le bal avec cette chanson qui dit si bien Marseille et la Méditerranée et les senteurs et les couleurs et les accents du monde entier… On était en train de répéter la scène quand on avait appris le décès de Richard Martin, survenu le 16 octobre dernier. Ça nous avait plombés. Et puis, convaincus qu’il aurait aimé que le spectacle continue, on avait décidé de lui dédier ce morceau. Richard, ça te va !

Au marché du soleil/Gari Grèu

https://youtu.be/tMGfZ0Treak?si=pGHx_dPIIYvN3I5_

Il y a de l’or en barre, du bronze et de l’argent, L’écho d’une guitare, des fontaines d’Orient, On y va promener, sous la vieille sono, Elle joue parfois Bob Marley, il fait toujours beau. Tu verrais la joncaille, les perles et les diamants, Des sourires en pagaille, un peu tous les accents. Ça sent le poulet frit sous la vieille sono, Elle joue parfois du Chaabi, il fait toujours beau. Viens avec moi au Marché du Soleil, Près de la mosquée de Marseille Dans ses ruelles, on se dépêche pour acheter Viens avec moi au Marché du Soleil On y déniche des merveilles, Mais les plus belles, pour les avoir faut se dépêcher On vient de tous côtés de la Méditerranée Tout le monde est occupé, tout le monde est employé Tout le monde est affairé, ceux qui viennent biznesser Et qui vont retraverser, recomptent les paquets Les bateaux remplis de toutes ces denrées Bientôt les cales seront pleines à craquer Quand la côte phocéenne se sera éloignée Les boutiques du marché seront déjà fermées. Du vrai cagnard d’Afrique, il y en a à foison De l’arc-en-ciel magique, du rouge du Japon Viens prendre le kawa sous la vieille sono, Elle joue parfois Massilia, il fait toujours beau. On y vient pour voyager, on y vient pour palabrer On y vient pour se rencontrer, pour occuper sa journée On y vient pour respirer, on y vient pour échanger On y vient sans se presser, on prend le temps pour savourer Aujourd’hui les Marseillais de toutes communautés, Ont besoin d’espaces pour se rencontrer. Si on voulait vraiment embellir notre cité Il faudrait un Marché du Soleil dans chaque quartier. Ò vòli veire, Veire lusir l’estèla, Ausir lo vent Calinhar ambé la vèla. Ò vòli córrer, m’encargar de meravilhas, M’entornar fièr sus lo camin de Marselha. Ò vòli anar Cavaucant sus leis èrsas. Sentir lo vent Quand lo monde s’enversa. O vòli córrer, tenir la mar per familha, M’entornar fièr vèrs lei filhas de Marselha.

 
très magnétique présence de Gari Grèu avec lequel j'ai échangé après, fils d'immigrés italiens de 3° génération
 
après le spectacle, échanges avec une femme au regard de feu, Marie
- que faites-vous ?
- touche-à-tout
- et de toucher à tout, cela vous permet de toucher quoi ?
ma question ne porte pas sur les médiums utilisés par Marie, toucher à quoi ?, ses pratiques mais sur le toucher quoi ?
et qui est d'après moi, aujourd'hui, le miracle et le mystère de la Vie (incluant la mort dont je ne peux et ne veux rien dire non plus), miracle et mystère indicibles mais pouvant peut-être être touchés, effleurés en de rares moments de plénitude, de communion avec le UN
et de lui parler de la camigraphie expressive, pratiquée par Aïdée Bernard, pratique qui pourrait s'ajouter à ses autres pratiques
 
 
 
ayant lu le lendemain la plaquette de 84 pages, 40 ans de création théâtrale,
 
 
j'ai pris pleinement conscience de la démarche de Roger
pas seulement par une parole persuasive de nous persuader que seule la beauté sauvera le monde selon le propos de Dostoïevski et donc par une telle parole nous inciter à faire choix de la beauté dans notre vie, dans notre relation à nous, aux autres, à la nature
mais par des actions performatives sur le terrain, la proposer, la partager, la faire vivre et nous amener à faire de même, selon nos possibilités
 
aujourd'hui, on appelle ça événementiel et c'est toujours d'en haut que c'est commandé (l'ouverture de la coupe du monde de rugby, l'ouverture des J.O.) et ça coûte un fric dingue et c'est raté, et c'est moche
 
Lombardot fait jouer un orchestre au sommet du Mont Blanc et c'est retransmis dans 23 pays, le 21 juin 1993, introduction d'Hubert Reeves
ou il fait jouer un violoniste pendant le conflit en Bosnie, y compris dans des caves où sont réfugués des Bosniaques persécutés par les Serbes
 
des fois, il ne trouve pas les moyens
 
d'autres fois, il trouve un mécène, exemple le spectacle pour une seule spectatrice avec 1000 roses rouges sur l'île au tombeau de JJ Rousseau au château d'Ermenonville

UN JOUEUR (texte datant de 2003, il y a 20 ans)

Il a 56 ans. Pour lui, la vie, sa vie doit être créatrice. L’art lui est essentiel. Celui des autres. Génies de la musique, de la peinture, de l’architecture. Celui qu’il cultive : l’art du théâtre, de la mise en scène.

Il a réussi à faire jouer au sommet du Mont Blanc par orchestre et chœur et pianiste à son piano, la IXe symphonie de Beethoven, pour les montagnes et sans mélomanes.

En pleine guerre de Bosnie, il a organisé des convois humanitaires formés de musiciens qui offraient dans des caves des soirées musicales à des Bosniaques réunis par le bouche à oreille au nez des miliciens Serbes.

Il a organisé un spectacle gratuit Le Voyage de six heures pour une spectatrice, parcours artistique de 60 km conduisant la spectatrice d’une grange à ciel ouvert avec un pianiste jouant Schubert à une chapelle avec une soprano, d’un café plein d’ivrognes-poètes à un château où mille roses l’attendaient sur la pelouse. Ce spectacle, cher, n’a eu qu’une représentation.

Il peut donner rendez-vous à sa femme à onze heures du soir à Vallon Pont d’Arc. À cette heure il n’y a plus personne. Et sous l’arche naturelle, il a préparé un souper aux chandelles et au champagne pour eux deux.

Il peut mobiliser des amis artistes, en leur faisant croire que c’est l’anniversaire de sa femme et celle-ci, dans un parcours inattendu, se voit offrir un joyeux anniversaire qui la fait rire aux étoiles ainsi que les amis, dupes indulgentes d’un joueur amoureux.

Il a obtenu de visiter la grotte Chauvet en compagnie de son découvreur.

Voici donc un artiste descendu dans cette grotte découverte en 1994 et où se trouvent les plus anciennes peintures pariétales connues à ce jour : 36 000 ans. Il a fait de son rêve, une réalité et une œuvre : un monogue de femme, hommage théâtral à la grotte Chauvet : La Rose. Dont il a fait un spectacle présenté vingt-cinq fois dans le théâtre de 50 places qu’il a construit chez lui, dans l'ancienne cave à vin. C’était plein tous les soirs !

Ce joueur s’appelle Roger Lombardot.

Pour une école du gai savoir, page 246

dernière, le dimanche 26 novembre 2023

dès le jeudi 30 novembre 2023

J’ai attaqué hier les premières répétitions de L’expérience humaine qui sera créée le 17 mars 2024 à la Ferme familiale de Gustave Courbet, à Flagey dans le Doubs, faisant partie du Pôle Courbet qui comprend le musée, l’atelier du peintre et la ferme aménagée en lieu de spectacle.

Partant de L’Origine du monde, m’appuyant sur une cinquantaine de toiles de maîtres, je reviens sur mon parcours de vie et sur les événements du monde qui l’ont jalonné. Mais cette fois je ne serai pas sur scène, c’est mon personnage qui prendra ma place. Ce personnage de femme que tu connais bien qui hante la plupart de mes pièces. Arrive le moment où il faut s’incliner et reconnaître avec José Saramago que le personnage est le maître et l’auteur son apprenti.

Roger Lombardot, mail du 1° décembre 2023, 10 H 50

 
 
 

Lombardot, chantre du monde et artiste de l'humain

ma rencontre avec Danyèl Waro

ma rencontre avec Danyèl Waro

lecture de Ma rencontre avec Danyèl Waro

et la découverte du maloya, le blues de La Réunion

6 livres lus
 
Ma rencontre avec Danyèl Waro de Roger Lombardot
 
Y a-t-il eu un instant zéro ? de Etienne Klein
 
Véra veut la vérité de Léa et Nancy Huston
je vais tenter de donner "ma" réponse à la question de Véra,
- qu'est-ce que c'est, morte ?
la réponse de son père n'étant qu'une des réponses possibles
- ben, ça veut dire une chose qui a été vivante et qui ne vit plus...tout ce qui est vivant doit mourir...c'est la vie
 
Fils du brouillard de Georges Moustaki et Siegfried Meir
ou comment les camps de Birkenau puis Mauthausen font de Siegfried, un garçon apprenant à survivre, sans illusion sur les gens, kapos, bourreaux, développant de multiples astuces et réussissant à en réchapper, devenu ami avec Moustaki
 
Un an dans la forêt de François Sureau
l'histoire de la fabuleuse année 1938 que Blaise Cendrars passa dans la forêt des Ardennes avec Elisabeth Prévost, madame mon copain
 
 
Molière Matériau(x) de Pierre Louis-Calixte
je retourne en Ardèche le 14 décembre pour entendre ce texte et pour écrire-dire une lettre à Pierre Louis-Calixte
 
 
2 films
 
Et la fête continue !
 
Good bye Julia
(film d'un soudanais sur le Soudan pendant la guerre civile, le Soudan présent pour la 1° fois à Cannes
film vu à la dernière séance au LUX, scène nationale de Valence)
madame mon copain / Molière Matériau(x) de et par Pierre Louis-Calixte
madame mon copain / Molière Matériau(x) de et par Pierre Louis-Calixte

madame mon copain / Molière Matériau(x) de et par Pierre Louis-Calixte

Balades ardéchoises

dossier de presse de Good bye Julia

l'exposition de la compagnie Stereoptik au LUX

Lire la suite

Armand Gatti

17 Septembre 2023 , Rédigé par grossel Publié dans #Corsavy, #FINS DE PARTIES, #Le Revest-les-Eaux, #SEL, #agoras, #ateliers d'artistes, #engagement, #notes de lecture, #pour toujours, #poésie, #spectacles, #voyages, #écriture, #épitaphier

Gatti, 100 ans le 26 janvier 2024, portrait Ernest Pignon-Ernest
Gatti, 100 ans le 26 janvier 2024, portrait Ernest Pignon-Ernest
Gatti, 100 ans le 26 janvier 2024, portrait Ernest Pignon-Ernest
Gatti, 100 ans le 26 janvier 2024, portrait Ernest Pignon-Ernest

Gatti, 100 ans le 26 janvier 2024, portrait Ernest Pignon-Ernest

Un poète et un photographe se retrouvent dans ce livre : Armand Gatti et Paolo Gasparini. De leur rencontre à Cuba en 1962 au moment du Débarquement de la Baie des Cochons, naitra plus qu’une complicité, un dialogue. Je me suis demandé comment ce lien avait pu durer jusqu’à la mort de Gatti. Rien n’est simple...

La poésie de l’étoile
Paroles, textes et parcours
Armand Gatti et Claude Faber, 
postface de Bertrand Cantat
entretiens entre octobre et novembre 1997
Collection Les passeurs de frontières
Descartes et Cie, 1998
Après Golovanov, traduit par Hélène Châtelain, compagne d’Armand Gatti, il me fallait lire en cohérence avec ce que j’avais lu. 
Deux livres d’Armand Gatti me faisaient signe : 
- La poésie de l’étoile, entretiens, 
- La parole errante, 1760 pages, chez Verdier 
(les 3 tomes des oeuvres théâtrales, Verdier, sont au Revest). 
Plusieurs raisons à ce choix : Gatti vu et écouté au banquet du Livre à Lagrasse, deux ans de suite, Gatti et Jean-Jacques Hocquard vus à La parole errante (les anciens studios Méliès) à Montreuil, Gatti vu en Avignon avec les loulous, Gatti vu à la Bibliothèque Armand Gatti à La Seyne-sur-Mer. 
Je n’ai pas échangé avec lui mais j’ai écouté, j’ai lu, j’ai suivi.
Les entretiens sont passionnants. Ce n’est pas une biographie au sens classique, ni des entretiens édifiants sur une stature. Gatti et le journaliste essaient de mettre au jour, ce qui a mis en mouvements 
- l’enfant vivant dans un bidonville de Monaco avec un père d’origine italienne, éboueur, anarchiste, soucieux de verticalité et dont la langue est la Baleine et une mère également italienne et franciscaine, insistant pour qu’il soit le premier en français (sinon, tu lècheras toujours le cul des riches), 
- l’adolescent de 16 ans qui rejoint le maquis de Berbeyrolle en Corrèze avec des livres de poèmes et comme arme, une poire à lavement, 
- le camp de concentration (la cloche sous-marine à - 200 m, les jouets des enfants juifs entassés dehors, les 3 rabbins et leur théâtre, leur humour dans le camp, la question trouvée dans une boîte hermétique : le mot chien aboie-t-il ?, 
- l’évasion et les 3 mois pour rejoindre Bordeaux, le chemin inverse de celui d’Hölderlin, 
- le journalisme, le prix Albert Londres, 
- les grands voyages de reporter en Sibérie, en Chine, au Guatémala, Nicaragua…, 
- le cinéma : L’enclos, primé à Cannes, 
- le théâtre institutionnel avec Jean Vilar, 
- la bifurcation vers un théâtre pour et avec les loulous (chômeurs, prisonniers, délinquants) 
- et en fin d’entretien, le projet L’été indien. 
Gatti a 73 ans en 1997, né en 1924. Il meurt en 2017.
S’il y a une ligne dans cette vie, c’est le choix de la prise de conscience contre toute prise de pouvoir, c’est le choix de la connaissance comme ouvrant les possibles contre tout dogmatisme, religieux, idéologique, c’est la conviction qu’il faut placer la barre haut quand il s’agit d’écriture, de poésie. 
D’où son amitié avec Michaux, 
d’où sa passion pour le hassidisme et la kabbale, pour les idéogrammes chinois, 
d’où sa passion pour la physique quantique dont il parle très bien et dont il montre bien quelle nous permet de voir autrement qu’à travers le déterminisme de la physique newtonienne.
-------------------------------------
Depuis ces entretiens de 1988, le boson de Higgs dont il parle a été fabriqué mais aussi a été découverte l’expansion accélérée de l’univers et nous ne sommes peut-être donc pas l'agonie d'une étoile… 
Et le sous-commandant Marcos n'est plus le porte-parole anonyme des Indiens du Chiapas. 
Lire Jérôme Baschet, la rébellion zapatiste.
----------------------------------------
De là où j’en suis aujourd’hui, je trouve sa cherche très intéressante avec deux bémols, les mots combat, résistance. 
----------------------------------------
Si tu crois que tu es fait pour l’aventure de l’écriture comme renversement du constat de Felipe :
« vos mots racontent mais ils ne disent rien » 
alors pratique tes injonctions : « au commencement était le verbe et le Verbe était Dieu. Voulez-vous être Dieu avec moi… Nous ne dirons plus ici l’Histoire, nous dirons l’Univers. »
et n'en fais pas une croisade, un combat, une résistance; 
t'as pas besoin d'ennemis à désigner; 
crée, invente des langues
----------------------------------------
Gatti, l’homme qui faisait parler les arbres, les chiens, les loups, la baleine, qui rendait la parole des morts comme L’inconnu N°5, comme les dix Irlandais en grève de la faim au temps de Bobby Sands, comme Rosa collective ou les Indiens du Chiapas.
---------------------------------------
Armand Gatti ne cache pas son intention : « nous préparons la guerre civile des mots »
Claude Faber
Pour moi, une certitude est une capitulation. La qualité principale de l’homme, c’est d’être imprévisible. Il faut aller à l’encontre de toute modélisation. Les normes ne conduisent qu’aux déformations de l’humain.
Armand Gatti
La page du livre
Claude Faber : Mais avec le métier de journaliste, tu vas multiplier les voyages, donc les trajectoires et les rencontres. Peut-on dire que cette période va te servir à collecter la matière que tu utiliseras plus tard pour tes pièces ?
Armand Gatti : Oui, puisque je n’ai rien oublié de ces voyages. Ils m’ont permis de mieux connaître le monde et surtout le destin des hommes. Quand j’ai découvert la Sibérie en 56–57, j’ai pris conscience de tout un continent, d’une véritable aventure humaine, faite de visages, d’immensité et de froid. Sans ce métier, je n’aurais peut-être jamais aussi bien découvert l’Amérique latine et toute cette vie qui prend souvent des airs baroques et exubérants. Prenons l’exemple du Nicaragua, j’ai une anecdote qui mériterait de figurer dans les œuvres de Garcia Lorca. Quand je suis arrivé à Managua, mes valises ont immédiatement disparu. Je suis allée au commissariat pour me plaindre et j’ai gueulé si fort qu’ils m’ont mis en prison. Les policiers m’ont dit que dans la cellule d’à côté, il y avait une petite Française. Alors moi, j’ai essayé de communiquer avec elle, mais elle ne répondait pas. Quand l’ambassadeur français est venu me chercher, j’ai appris qui était la Française. C’était une 4 CV de Renault. Il faut savoir que Somoza, le dictateur du pays, était représentant en automobiles. Là-bas, il n’y avait que des grosses voitures américaines. Or, ces monstres n’étaient pas faits pour les petites routes du Nicaragua. Il fallait voir ces scènes odieuses quand, à certains passages trop étroits ou trop mauvais, les Indiens portaient chaque voiture avec son propriétaire resté au volant. C’était d’un lugubre. Le proprio poussait la compassion parfois à descendre et marcher derrière. Pour « être aimable » avec Somoza, le gouvernement français n’avait rien trouvé de mieux que de lui offrir une petite 4 CV. Comme tout bon dictateur, il n’a pas pu s’empêcher de défiler dans les rues, vantant les mérites de son nouveau véhicule. L’ambassadeur des USA a très mal pris la chose et il est intervenu. Du coup, Somoza à la solde des Américains, s’est excusé, a traité publiquement la voiture de salope et la mise en prison. L’histoire peut sembler incroyable mais c’est vrai.
Ne jamais chercher le prophète
Chercher le combattant,
Seul le combat de chaque jour invente
Seul le combat de chaque jour crée
Ne cherchez pas le prophète
Seul le combat possède le don de la prophétie.
Rosa Collective, Armand Gatti
----------------------------------------
Pauline Tanon a avec Jean-Jacques Hocquard consacré une belle étude à Gatti et aux arbres. Dans le maquis des mots. Actes-Sud, 2014.
----------------------------------------
Merci à Georges Perpès et à Françoise Trompette d’avoir pensé à lui pour la Bibliothèque de théâtre Armand Gatti qui a démarré à L'abattoir à Cuers et se retrouve depuis 2012, à La Seyne, place Martel Esprit, devenue aussi lieu d’écritures théâtrales et du projet Un auteur dans ma classe qui en est à sa 8° année : Théâtre de la Jeunesse # 8, sous la houlette depuis 4 ans, depuis 2019 de Cyrille Elslander et Hélène Mégy.
-------------------------------------------
préambule très précis donnant à voir la démarche d'écriture de Gatti par Michel Séonnet
------------------------------------------
en lecture, après Gatti, parce que jamais lues et pourtant je les avais depuis 1988, Mémoires d'Hélène de Sophie Chauveau dont j'ai fait la connaissance à à la FDL d'Hyères en mai, éditions Robert Laffont/JJ Pauvert, avec en titres sur le rabat de 4° de couverture : Jean-Claude Carrière (les années sauvages), sans nom d'auteur Le prix d'un Goncourt, Emmanuelle Arsan (Emmanuelle) et deux autres titres
les 3 tomes des 45 oeuvres de Gatti, parution 1° juin 1991; apparemment indisponible chez verdier

les 3 tomes des 45 oeuvres de Gatti, parution 1° juin 1991; apparemment indisponible chez verdier

Résumé

Quatre mille pages, quarante-cinq pièces : l’oeuvre d’Armand Gatti, homme de théâtre et écrivain, est hantée par l’expérience des camps et des maquis (d’abord celui de 40-45 bien sûr, mais aussi ceux du Guatemala, de l’Irlande du Nord et des banlieues d’ici). Hantée par le Verbe aussi, arme de résistance et de révolution. Ses mises en scène ? Jamais dans un théâtre classique, toujours dans des lieux dérangeants, habités, urbains (cités, prisons, usines). Ses spectacles ? Jamais payants, toujours avec banquets d’anarchistes. Jamais répétés, encore moins ressassés, toujours créations uniques. Ils s’étirent sur trois jours et se dispersent parfois même partout, parmi les figures de pierres. Armand Gatti n’est pas seul, bien sûr. Jean-Jacques Hocquart, Gilles Durupt, Hélène Chatelain, Stéphane Gatti, l’accompagnent depuis fort longtemps dans sa guérilla urbaine. Depuis quinze ans, de Toulouse à Marseille, de Fleury-Mérogis à Avignon, ils opèrent dans les villes ensemble. C’est ainsi, qu’à partir d’un lieu dont ils font leur base, ils vont chercher et tirent à eux tous les laissés pour compte avec lesquels ils vont fomenter leurs spectacles.

Gatti dans son bureau à Montreuil le 26/1/2004 et le bureau le 24/8/2023; la maison de Gatti à Montreuil deviendra-t-elle en 2024 pour le centenaire maison des Illustres ?
Gatti dans son bureau à Montreuil le 26/1/2004 et le bureau le 24/8/2023; la maison de Gatti à Montreuil deviendra-t-elle en 2024 pour le centenaire maison des Illustres ?

Gatti dans son bureau à Montreuil le 26/1/2004 et le bureau le 24/8/2023; la maison de Gatti à Montreuil deviendra-t-elle en 2024 pour le centenaire maison des Illustres ?

La rébellion zapatiste

 

Jérôme Baschet

La rébellion zapatiste
Insurrection indienne et résistance planétaire
Édition mise à jour et augmentée d'une nouvelle postface
1er janvier 1994. Dans le Sud du Mexique surgit un mouvement politique absolument neuf. Autour de son porte-parole, le sous-commandant Marcos, émerge une ample dynamique sociale, forte de décennies de luttes menées par les paysans indiens du Chiapas.
La rébellion zapatiste, prenant ses distances à l ’égard des doctrines de Lénine ou de Che Guevara, ouvre la voie à une autre pensée révolutionnaire. Son but n’est pas de prendre le pouvoir, mais de construire un monde où il y ait place pour de nombreux mondes ; son combat pour la justice sociale et la dignité partagée, qui se déploie dans l’expérience de l’autonomie, s’adresse à tous ceux qui résistent à l’ordre néolibéral.
Étude approfondie des idées et des valeurs du zapatisme, ce livre met aussi en perspective les apports et les stratégies d’un mouvement qui continue d’être une source d’inspiration bien au-delà du Mexique, rencontrant un vif écho auprès d’intellectuels et d’activistes du monde entier. Parution 2 janvier 2019
poème aztèque néolithique, entendu hier matin dans un entretien d'Ivan Illich en 1972
et qui me semble convenir au Songe d'une nuit d'été vu hier soir
et à la vie de chacun d'entre nous, 
la vie nous est prêtée pour un petit temps seulement mais elle est couleur, chant, odeur, saveur avant effacement, 
idem pour toute rencontre
"C'est un poème néolithique aztèque écrit par un Espagnol en lettres espagnoles, mais dans le Nahuatl. Ce poème [adressé à un dieu] dit :
Pour un tout petit temps seulement, nous sommes prêtés l'un à l'autre.
Nous vivons parce que tu nous dessines.
Nous avons de la couleur parce que tu nous peins.
Et nous respirons parce que tu nous chantes.
Mais seulement pour un tout petit temps, nous sommes prêtés l'un à l'autre.
Parce que nous nous effaçons comme dans le dessin même quand il est fait dans l'obsidienne.
Nous perdons notre couleur comme même le quetzal, le bel oiseau vert perd sa couleur.
Et nous perdons notre son et notre respir comme même le chant de l'eau.
Pour un tout petit temps, nous sommes prêtés l'un à l'autre."
Ivan Illich, extrait d'un entretien télévisé avec Jean-Marie Domenach en 1972. Illich dit le poème à 49'50"
Lire la suite

Vassili Golovanov / Vélimir Klebnikov / Andréï Platonov

16 Septembre 2023 , Rédigé par grossel Publié dans #Corsavy, #FINS DE PARTIES, #SEL, #essais, #histoire, #notes de lecture, #pour toujours, #poésie, #écriture, #épitaphier

Vassili Golovanov / Vélimir Klebnikov / Andréï Platonov
Vassili Golovanov / Vélimir Klebnikov / Andréï Platonov
Vassili Golovanov / Vélimir Klebnikov / Andréï Platonov
Vassili Golovanov / Vélimir Klebnikov / Andréï Platonov
Vassili Golovanov / Vélimir Klebnikov / Andréï Platonov
Vassili Golovanov / Vélimir Klebnikov / Andréï Platonov
Vassili Golovanov / Vélimir Klebnikov / Andréï Platonov
Vassili Golovanov / Vélimir Klebnikov / Andréï Platonov
 
que lire après de tels livres, Suite française, Le passage des anges ?
un livre à la célèbre couverture jaune des éditions Verdier m'a attiré tout de suite : espaces et labyrinthes
son auteur Vassili Golovanov m'avait enthousiasmé avec son Éloge des voyages insensés, il y a quelques années 
déjà deux récits lus: 
- La source, consacré à la source de la Volga avec une évocation magnifique de fête traditionnelle avec accordéoniste et artistes, fête dédiée à la Vierge Marie en date du 21 septembre dans un village perdu proche de la source (femmes et hommes ont besoin de ces fêtes, boire, oublier, s'oublier, chanter, danser, se souvenir, le malheur de chacun étant connu de tous et chacun le faisant sien)
- et Khlebnikov et les oiseaux, l'inventeur de la langue Zaoum, 
là, je pense à D. K. qui m'a fait connaître ce génie
---------------------------------
 
D.K. qui m'a fait découvrir Khebnikov, lisant Zanguezi au parc du Mugel à La Ciotat Poésie dans l'arbre, une initiative portée par Jacqueline Dussol, cela se passa en août 2011

D.K. qui m'a fait découvrir Khebnikov, lisant Zanguezi au parc du Mugel à La Ciotat Poésie dans l'arbre, une initiative portée par Jacqueline Dussol, cela se passa en août 2011

Sur les 6 récits lus dans Espaces et labyrinthes de Vassili Golovanov, décédé à 60 ans, en avril 2021, un écrivain rare et puissant, édité par Verdier à Lagrasse, l’éditeur d’Armand Gatti, de Pierre Michon et la ville du Banquet du livre, où je me suis rendu plusieurs fois, il y a bien des années, au tout début.
Récits fouillés, documentés, d’actualité et de toujours parce que Vassili Golovanov ne peut pas vivre dans ce monde globalisé, de consommation et de soumission volontaire, de destruction de la terre, des gens, des langues, des cultures et part donc en géographe métaphysique vers des lieux à la fois réels et mythiques, mystérieux et pouvant ouvrir des possibles liés à des territoires oubliés mais encore vivants, où vivent encore quelques rares témoins de traditions et de langues en train de mourir mais chargées de significations et d’énergies. 
- Ainsi le récit sur le retour à la source de la Volga, avec sa fille, source gardée par un gardien tentant de conserver ce qui peut l’être, révélant sur quoi ouvre cette source, le plus grand fleuve de Russie débouchant par de multiples bras, souvent impraticables dans la mer Caspienne, face à la Perse, face aux steppes de l’est. 
- Suit le récit sur Khlebnikov, sur les relations entre le père, ornithologue dans la réserve caspienne et le fils, sur l’attrait de la Caspienne, terre et mer où peuvent se voir des lotus venus d’Asie, des ibis venus d’Égypte… Le génie verbal de Khlebnikov, « inventeur de langues », semble être le résultat d’une initiation d’âme à âme par un maître soufi persan, mort plusieurs siècles avant Vélimir, Attâr, l’auteur entre autres de La conférence des oiseaux. 
Évidemment, une telle thèse est incompréhensible, irrecevable pour et par des esprits cartésiens, rationalistes.
----------------------------------
 
-------------------------------------
- Le récit du retour au mont Bogdo avec son amour est le récit d’une ascension de 140 mètres seulement sur un mont réel et très chargé énergétiquement, ouvrant sur les steppes.
- Le 4° récit est consacré au parc de Priamoukhino, agencé par le père de Bakounine, dans l’esprit de la philosophie des jardins du XVIII° siècle, visant à rendre sensible l’harmonie entre une famille et la nature qui l’entoure (maison de 24 pièces pouvant accueillir 6 invités en même temps, avec des chênes plantés pour la naissance des 11 enfants…). 
Aujourd’hui, cette maison, ce parc en ruines, est gardé par un gardien et restauré l’été par des anarchistes russes. 
Long essai sur Bakounine, très documenté, partisan de la destruction des structures de tout état, bâtiments, documents, archives. Et sur les liens inattendus, ambigus entre Bakounine et Dostoïevski qui se serait servi de lui comme modèle (sans la flamboyance) pour le personnage de Nicolas Stavroguine dans Les démons.
- Le 5° récit, Vision de l’Asie, journal de Touva, est centré sur les steppes, au-delà de la taïga, de là où sont venues les invasions des Barbares, selon l’appellation des Grecs. Et de découvrir le Grand Interdit de Gengis Khan, l’histoire secrète des Mongols, écrite en 1240, transmise de bouche à oreilles pendant 8 siècles, grand interdit interdisant toute construction de ville, tout travail agricole et même chasses et battues dans la région où il se retira après sa blessure, autour de la montagne sacrée Khamar-Daban, en Bouriatie. 
Ce grand interdit pour assurer un monde de paix et d’harmonie a duré 7 siècles. 
Quel barbare !
-------------------------------------
 
----------------------------------------
- Le 6° récit est consacré à la recherche des ruines de Tchevengour, d’après le titre du roman d’Andreï Platonov, achevé en 1928, paru sous une forme tronquée en France en 1972, et en 1988 en Russie. Auteur russe majeur déclare Brodsky avant de disparaître. 
N’ayant jamais entendu parler de Platonov, ce récit m’a intéressé en montrant comment un ingénieur de l’époque révolutionnaire, chargé de grands travaux d’irrigation comprend assez vite que le monde nouveau, l’homme nouveau, l’avenir radieux est porteur de tout ce qu’a engendré le totalitarisme bolchevique (Staline avait commenté en marge d'un manuscrit de Platonov : c’est un salaud) et de créer l’anti-Pétersbourg, l’anti-Moscou, Tchevengour, le paradis des gueux, ces paysans jugés inutiles par les bolcheviks. 
Platonov comprend que la Terre est un organisme vivant, que tout y est en lien et à respecter. Il est sur la même longueur d’onde que Vernadski. 
-----------------------------------
Tchevengour (en russe : Чевенгур) est un roman écrit par Andreï Platonov entre 1926 et 1929, et publié intégralement pour la première fois en URSS en 1988. Refusé par la censure, le livre connut cependant plusieurs publications très fragmentaires, la première fois en avril 1928. Le héros parcourt l’URSS vers 1925 pour découvrir "le Socialisme réalisé ", et découvre le village de Tchevengour, où le Socialisme a été établi : les "bourgeois " locaux ont été massacrés, le commerce et le travail sont strictement interdits. Le soleil doit pourvoir à tous les besoins. Et les villageois meurent de faim... 
--------------------------------------
« Vous êtes un homme de talent, c'est sans conteste, et vous avez une langue tout à fait originale. Mais avec toutes ces qualités indiscutables, je ne pense néanmoins pas que vous serez édité. L'obstacle, c'est votre mentalité anarchiste, qui est visiblement une partie consubstantielle de votre esprit. Que vous le vouliez ou non, vous avez donné à votre description de la réalité un caractère lyrico-satirique. Malgré toute votre tendresse pour les hommes, vos personnages sont voilés d'ironie, le lecteur voit moins en eux des révolutionnaires que des toqués, des cinglés. Je n'affirme pas que cela soit fait consciemment, mais c'est ainsi que pense le lecteur, du moins moi, Peut-être me trompé-je. J'ajoute ceci : parmi les responsables de revue actuels, je n'en vois aucun qui serait capable d'apprécier votre roman, à l'exception de Voronski, mais comme vous le savez, il n'est plus aux commandes. »
— Maxime Gorki, Lettre du 18 septembre 1929
-------------------------------------------
 
-----------------------------------------
Ces récits parus en 2008, écrits avant (le dernier en 2001) sont des récits d’un homme soucieux par ses expériences géographiques (aller voir sur place et pas en touriste) de mieux comprendre ce qui se joue là où il vit (Moscou et le monde occidental ou le triomphe de la rationalité et de l’exploitation no limits) et comment le déjouer, comment renouer avec la sensibilité, l'intuition, comment retrouver le lien avec des spiritualités nettoyées de dogmatisme. 
En 2023, ce ne serait pas des anarchistes qui investiraient le parc de Priamoukhino mais des colibris ou une association usant pour son fonctionnement du RIC. 
En 2023, Tchevengour, ce serait des tiers-lieux pluri-indisciplinaires, des centres de méditation, de non-agir. 
Il me semble qu’en une quinzaine d’années, la demande non de sens, mais de valeur, de virtu est en augmentation. 
Le confinement pendant la covid a fait prendre conscience à pas mal de gens de l’absurdité de la vie qu’on mène et du monde dans lequel on vit. D’où d’innombrables essais, expérimentations, terreau propice à peut-être un changement de paradigme, s’il n’est pas trop tard. 
Ces récits tournés vers les steppes m'ont rappelé mes deux voyages en Bouriatie et au Baïkal, ma rencontre avec trois traditions, orthodoxe, bouddhiste, chamanisme. Et le mensonge dans lequel j'ai cru pendant 60 ans : la nécessité de la révolution.
--------------------------------------
Vélimir Khlebnikov
Vélimir Khlebnikov (1885-1922), « président du globe terrestre », le plus grand des poètes russes, si grand qu’il « ne passe pas par n’importe quelle porte », a participé à la fondation du mouvement futuriste, puis s’en est écarté pour suivre un chemin de solitude. Novateur, il va au-delà du langage transmental des futuristes (zaoum, élégamment traduit par l’outrâme), dynamitant le langage pour recréer un monde nouveau. Les mathématiques, l’ornithologie (la profession de son père), l’astronomie, la philosophie façonnent cette langue nouvelle – langue des oiseaux, poésie stellaire – qui dit les bruissements du monde, en cherche la structure profonde. Salué par Roman Jakobson, il est aussi admiré par les poètes de sa génération, aussi différents de lui que Mandelstam, Pasternak, Tsvetaeva, et fascine des peintres comme Larionov ou Malevitch.
-------------------------------------------
La révolution a eu lieu. Elle a entamé radicalement le siècle.
En mai 1919, Khlebnikov quitte Moscou, une petite valise à la main : « Je vais dans le Midi, c’est le printemps. »
Il part vers l’un des points les plus brûlants de la guerre civile, l’Ukraine. L’errance va durer plus de trois ans et le mènera autour de la Caspienne, en Azerbaïdjan, au Daghestan, en Perse, puis de nouveau en Russie. Il sera emporté par la misère et la gangrène à Santalovo, un village du Nord, près de Novgorod.
La valise a fait place à une légendaire taie d’oreiller dans laquelle il entasse ses manuscrits, poèmes, proses, lettres, feuilles parfois volées ou envolées, qui accueille aussi son sommeil.
Il écrit aussi dans l’urgence, dans l’obscurité, dans la maison des fous, au profond de la faim, des abris de fortune, devant des feux de camp où s’échangent pain et poème, pain et immortalité.
Langue des oiseaux, poésie stellaire, écriture des nombres…
Je pense écrire une chose dans laquelle toute l’humanité, 3 milliards, participerait et où elle serait obligée de jouer. Mais la langue habituelle ne convient pas pour la chose, il va falloir pas à pas en créer une nouvelle.
(Lettre à Maïakovski, 18 février 1921.)
------------------------------------
Oeuvres
1 150 pages, 47,00 €, 978-2-86432-920-6, septembre 2017
aux éditions Verdier

In the Deathcar est la chanson du générique d'introduction du film d'Emir Kusturica Arizona Dream. Écrite par Iggy Pop, elle est interprétée d'une voix lugubre par le chanteur punk sur une musique plagiée.

Le générique de fin reprend sous le titre This Is a Film la même musique avec un chœur et des paroles, non chantées, d'Emir Kusturica.

 

In the Deathcar

 

Le poème, écrit par Iggy Pop, évoque, sur le thème du post coïtum animal triste, différentes scènes métaphoriques du film récurrentes dans l'œuvre de Kusturica : l'aboiement du chien fidèle, la vie conçue comme un accident, l'amour à plus d'âge, la vie plus vraie vécue par les personnages de cinéma, la civilisation de la voiture comme un emportement illusoire... Son refrain « Dans la voiture de mort, nous sommes en vie » exprime la philosophie calderonienne, développée dans le film, d'une vie qui n'est faite que d'illusions mais d'un désir qui se perpétue au-delà de la mort.

 

This Is a Film

 

Les paroles, écrites par Emir Kusturica, reprennent les mots d'Andrei Platonov dans son roman Tchevengour« Il voudrait montrer à Zakhar Pavlovitch les yeux d'un poisson mort et lui dire, Regarde, là est la sagesse! Le poisson se tient entre la vie et la mort, et c'est pour cela qu'il reste muet et impassible. Je veux dire, que même un veau pense, mais un poisson, non. Il sait déjà tout. ».

Le titre initialement envisagé pour « ce film » était en effet La Valse du turbot

 

 
 
Lire la suite

Vers les confins / Rezvani

14 Août 2023 , Rédigé par grossel Publié dans #Corsavy, #Emmanuelle Arsan, #FINS DE PARTIES, #SEL, #agoras, #histoire, #notes de lecture, #pour toujours, #poésie, #voyages, #écriture

Rezvani retour en Avignon, Serge Rezvani en Avignon avec France Culture, le 14 juillet dans les jardins du Musée Calvet
Rezvani retour en Avignon, Serge Rezvani en Avignon avec France Culture, le 14 juillet dans les jardins du Musée Calvet

Rezvani retour en Avignon, Serge Rezvani en Avignon avec France Culture, le 14 juillet dans les jardins du Musée Calvet

édition 1992, dédicacée suite à la visite à La Béate, le 2 août 2001, lue en 2012
édition 1992, dédicacée suite à la visite à La Béate, le 2 août 2001, lue en 2012

édition 1992, dédicacée suite à la visite à La Béate, le 2 août 2001, lue en 2012

La Traversée des Monts Noirs

supplément au Rêve de d'Alembert

de Serge Rezvani

(Belles Lettres 2012)

 

voilà un roman d'une densité telle qu'il faut une grande attention et concentration pour ne pas s'égarer, lu dans l’édition de 1992 chez Stock, disponible en 2012 aux Belles Lettres

un roman dialogué ou plutôt monologué par des personnages divers qui parfois se coupent, se contredisent, s'affrontent, se comprennent, partagent mais l'essentiel est ce qu'ils assènent à coups d'arguments affutés sur des sujets divers qui leur tiennent à coeur ou sur leurs sentiments, leurs relations ; rien de superficiel dans ces échanges et ces confidences ; on admet sans méfiance particulière malgré les mises en garde sur un tel ou un tel qu’il s’agit d’une mise à nu sincère des différents protagonistes d’une histoire d’amours sur fond d’une histoire de dominations et de migrations ; on est amené à les croire même si les versions sont multiples, les subjectivités étant en jeu

ces monologues-dialogues ont pour témoin un Français qui ne dit pas un mot de tout le roman mais nous décrit en didascalies les péripéties, déplacements, arrêts, les lieux, les moments ; lui se déplace assez peu, le train, le planétarium ; les confidents ne cessent d'être en différents points du globe (en monologues) mais principalement Pologne, Russie, Israël ; ces confidents l'ont adopté pour la raison qu'ils croient qu'il ne comprend pas le russe ; ils parlent devant lui, le prenant à témoin (donc nous, lecteurs), lui parlant parfois en français, parfois en anglais, ne lui demandant jamais son avis ; cette avalanche de discours en 3 langues est paradoxalement écrite dans une seule langue, la française ce qui rend d'autant plus savoureux les remarques de nature linguistique sur le russe mais aussi le français : noirs = rions ou autre palyndrome : roc cornu pour parler des Monts Noirs

les personnages sont essentiellement des scientifiques, la majorité d'origine juive ; il y a une femme, la dernière juive polonaise, fauvette, hantée par le cimetière de ses ancêtres de la « juiverie » impossible à retrouver sauf peut-être sous un roncier qu’elle fait brûler pour ramener les cendres en Israël, l'homme des fauvettes dit le professeur, Sterne, le dernier descendant polonais des comtes pendeurs qui ont parqué si longtemps en bas de leur château la « juiverie », un jeune mathématicien, Math, un vieil entomologiste, un neuro-ornithologue et un arpenteur sans arpents, sans doute palestinien ; n'apparaît jamais mais est évoqué, un enquêteur des lointains districts qui enquête sur des crimes très archaïques

ces scientifiques sont des virtuoses de la logique et quand on dit d'une logique qu'elle est diabolique, on en a l'illustration à longueur de pages avec une insistance à donner le tournis car chacun insiste, reprend, ressasse ; sont-ils pris au piège de la raison, du raisonnement ? sont-ils pris au piège de l'expérimentation aussi ? Car fauvette, le professeur, l'entomologiste, Math, Sterne, le neurologue dit le docteur sont des expérimentateurs et observateurs d'espèces de toutes sortes, oiseaux, insectes, mais aussi de leurs comportements pris dans l’engrenage de l’histoire perpétuelle de la domination (comment se comporte un dominant ? comment se comporte une dominée ? qu’en est-il du dominé quand il se transforme en dominant ?)

je suis incapable de dire si ce qui est raconté sur le plan scientifique (et qui est sidérant souvent) repose sur la réalité ou si l'auteur nous mène en bateau ; en tout cas, pour moi, cet univers de scientifiques est un univers de malades, ils ont la maladie des symposiums où tout est vide avec sérieux, ils ont la maladie de savoir et cela les rend extrêmement manipulateurs, tortionnaires justifiés aussi ; les scientifiques ne sortent pas grandis de ce roman (à part l’étonnement qu’on peut avoir devant leurs découvertes) d'autant que les échappées métaphysiques déduites de ces expérimentations se ramènent à peu de choses ; tout est dans l'inné, mécaniquement reproduit d'où l'immobilité sous l'apparence du mouvement, ça revient toujours, ça revient toujours au même, palingénésie

ce roman, sans doute bien documenté scientifiquement, date de 1992 ; 20 ans, cela suffit à le rendre en partie obsolète de ce point de vue ; les découvertes des dernières années en cosmologie mettent à mal la stabilité et même le chaos n'est plus le meilleur moyen de rendre compte de ce qui se passe et qui est dans ce que l'on pourrait appeler la créativité de la Nature pour un métaphysicien et les étonnants pouvoirs du vide quantique pour un cosmologiste ; les univers naissent du vide quantique, se déploient, vieillissent, meurent, redeviennent vide quantique pendant qu'ailleurs de nouveaux univers surgissent ; les considérations sur la matière noire ne sont plus aussi pertinents ; avec la métaphysique naturaliste de Marcel Conche, on aurait un roman moins noir ; la nature des Monts Noirs est chaotique, effrayante, elle est métaphorisée comme les autres lieux, la Pologne du dégel, de la boue, le désert israélien ; cette nature hostile, à traverser, où séjourner, est propice aux désirs d’envol, de départ des oiseaux migrateurs comme des éternels migrants, sans arpents, propice aussi aux nostalgies de retour des mêmes oiseaux, des mêmes migrants ; les scientifiques, fauvette en tête, agissent sur l’inné des oiseaux avec leur planétarium au ciel mobile faisant croire aux fauvettes qu’elles ont voyagé jusqu’en Israël et voici qu’une fauvette pond dans les Monts Noirs croyant être en Israël ; la duperie a fonctionné, la simulation du voyage immobile puisque seul le dôme a tourné ; que peut-on prouver ainsi ? que veut-on prouver ainsi ? à moins qu’il ne s’agisse d’humour avec de gros moyens financiers tout de même (noirs = rions); à moins qu'il ne s'agisse d'appliquer ces déductions d'observations aux hommes  aussi ?

là où ce roman apporte beaucoup c'est sur la relation dominant-dominé, sur la dangerosité ou non de la symétrie (rendre à l'autre ce qu'il nous donne, lui reprendre ce qu'il s'est indûment approprié) ; les pages sur le crime de Sterne, écrasant un enfant palestinien de l’intifada avec ses pierres et son cocktail molotov, crime transformé en accident par Israël, crime insupportable pour fauvette qui était dans la voiture au moment des faits … montrent la complexité de la situation en Palestine avec les jeunes en guerre (sous chaque pierre, un couteau), en Israël avec les anciens comme l’entomologiste, venus de nulle part, les sans arpents de toujours et les jeunes comme Math, nés là, faisant des palestiniens les nouveaux sans arpents

évidemment, fauvette, la dernière juive de Pologne, travaillant dans les Monts Noirs, traquée avec son consentement par le dernier comte pendeur est le nœud du roman ; quatre hommes comme pour les fauvettes, quatre mâles pour une femelle, quatre hommes donc tournent autour d'elle qui va de l'un à l'autre sauf le professeur, pour finalement préférer le frère déclaré de l'enfant tué ; le roman se termine sans doute sur la mort de Sterne, tué par l'arpenteur, qui avait annoncé à Sterne que ça finirait par son assassinat, symétrie !

tout ce qui concerne ce crime de l’enfant et d’autres crimes similaires (celui d’un enfant juif poignardé par un enfant palestinien lequel est immédiatement lynché par les israéliens), avec références à l’actualité (propos d’un premier ministre nommant « animaux bipèdes » les enragés palestiniens, propos d’un Nobel de la paix israélien, propos de Leibowitz), révèle l’implication de Rezvani qui à travers les points de vue de ses personnages et leurs attitudes (fauvette va jusqu’au village de l’enfant écrasé au prix de sa vie) semble ne pas croire à une solution de paix possible. 20 ans après, ce qu'écrit Rezvani n'est pas obsolète. On en est au même point, pire peut-être, effets ravageurs de la symétrie ! Ce pessimisme (cette lucidité) me semble en lien avec la métaphysique sous-jacente aux développements scientifiques comme à la fin, celui consacré aux affinités répulsives, qu’on retrouve dans Isola Piccola :

« Mais savez-vous que c'est par une infinie répulsion que se tient en place l'univers ? En mathématique comme en chimie ou en physique l'élément d'affinité répulsive sert en quelque sorte de liant. Les affinités répulsives fondent la chimie, la biochimie, la physique nucléaire... et aussi le sexe ! L'univers ne tient ensemble que par le jeu des affinités répulsives. Nous-mêmes ne sommes que des charges électriques dont les phases ne cessent de s'inverser. Cette électricité déphasée, ces pertes et ces retours de tension font de l'univers une curiosité. Sans la folie des flux électriques répulsifs, l'univers ne serait pas cette curiosité qui maintient nos propres flux électriques en éveil. Nous crèverions d'ennui si nous n'étions non seulement plongés dans le chaos mais nous-mêmes chaos. Aucun de nous n'éprouve envers l'Autre ce qu'on nomme naïvement du sentiment... ou si vous préférez une affinité stable. » Isola Piccola

Évidemment, cette dernière affirmation est contredite par les 50 ans d'amour de Rezvani pour Lula et réciproquement et par l'Ultime amour

 

Jean-Claude Grosse, le 16 avril 2012

édition 2014, lue en août 2023

édition 2014, lue en août 2023

Fin d'après-midi et soirée du 8 août, je décide de me plonger dans Vers les confins de Serge Rezvani, dont j'ai lu La traversée des Monts noirs. Énorme et agréable surprise.
Ce roman foisonnant correspond à ce sur quoi je travaille en rendant compte de mes lectures de revues. Humour ravageur, dommage que je sois seul, je ne peux partager mes rires. Roman dont j'ai déjà lu un tiers. les livres I et II sur 4 livres. Après reprise du dernier chapitre de La traversée des Monts noirs, et deux jours et une nuit dans le tunnel passant dans les Monts noirs, on prend un convoi de camions militaires en route pour les Confins, désert sans fin où vivent les Esséniens, les descendants de la Bible d'avant sa défiguration par le Nouveau Testament.
Si avec la revue Front populaire, ça déboulonne, avec ce roman, on atteint l'apothéose des déboulonnages, où Spartacus précède de 70 ans, le Christ, où la doctoresse et la mathématicienne sont les seules femmes du voyage d'élucidation des crimes commis dans les Confins, les autres personnages s'appelant l'ami français, l'enquêteur du district, le criminologue, le chercheur en philosophies oubliés, où la philosophe du deuxième sexe n'est pas nommée mais déconstruite... Bref, un régal.
--------------------------------
deux extraits par la doctoresse, Déborah
« – Oui, je veux dire que la Vie est sans pensée, elle ! Sans programme, elle ! Que la Vie va s’épanouir là où se trouvent dans la Nature des interstices qui lui sont favorables. Elle s’improvise Vie ! Sans savoir qu’elle est Vie ! Voyez l’Australie. À peine s’était-elle détachée des autres continents qu’en quelques millions d’années elle invente les marsupiaux. N’est-ce pas sublime d’imaginer, avec notre étrange cerveau spécifiquement humain, que l’Univers se peuple à l’infini d’une Vie aveugle, sans conscience et à la fois de la même violence inventive que le Feu, lui aussi aveugle et sans conscience, des Mondes en fusion ? Que la Vie et le Feu cohabitent à l’infini dans l’Univers comme cohabitent Vie et Mort ? N’a-t-on pas découvert dans les abysses des mers les plus profondes – là où les feux telluriques jaillis du magma terrestre luttent avec l’eau – non seulement des particules de vie mais d’étranges amalgames de cellules formant des corps composés, munis d’étranges griffes et de crochets, capables de supporter des chaleurs proches de l’ébullition ?

Quand nous eûmes roulé un moment en silence, elle avait ajouté :

– La Vie ne connaît aucun obstacle. Et même quand je mets en garde ces bergers dont nous parlions tout à l’heure, à propos de la radioactivité des métaux qu’ils arrachent aux carcasses des grandes épaves ensablées, je sais qu’à l’échelle des générations, l’espèce humaine, le jour où elle sera atomisée, comme ces espèces animales ou végétales qui survivent et prolifèrent en dépit de tout autour des centrales nucléaires dévastées, oui l’espèce humaine même si elle est défigurée, même si elle est méconnaissable, je dis bien l’espèce humaine revenue s’il le faut à son animalité la plus primitive qui n’est que Vie sans figure humaine, s’arrangera pour survivre coûte que coûte en se réinventant autre par tâtonnements successifs. » (pages 102-103)
-----------------------------------
évidemment, je constate la coïncidence d'inspiration avec un poème écrit en juillet et que j'ai mis en voix (5'45"), non partagé
-----------------------------------
Metamorphosis
Cosmogonie orgasmique

Somnolent dans le fauteuil Louis-Philippe,
une image te vient :
La Terre et ses milliers de bouches éruptives,
ses milliers de vulves-geysers,
la Terre ronde est ronde
de toutes les grossesses animales et humaines,
de toutes les germinations florales et végétales,
de toutes les minéralisations calcaires et granitiques.
La Terre est la porteuse, l’accoucheuse
de tout ce qui naît, de tout ce qui prend corps.
Le corps, les corps, encore et encore.
Incarnations en chairs et en os,
en racines et cimes,
en strates et sédiments.
Et tu te vis, foetus en position foetale, dans le ventre-terre.
Du ventre-mer, du ventre-mère
tu es passé au ventre-terre, au ventre-univers

........................
Tu as inspiré l’air du Large.
Tu es monté dans la pirogue du Fleuve.
Tu as été fécondé par les abeilles de l’Amour.
Tu accueilles, tu recueilles, tu donnes, tu offres.
Tu ne tries pas, tu ne juges pas, tu n’opposes pas.
Ce qui advient devait arriver,
ce qui adviendra arrive déjà,
ce qui est advenu arrive toujours
parce que le passé ne s’efface pas.
Tout est mémorisé, devient mémoire vivante.
Tu t’es laissé glisser dans l’Océan que tu es.
Tu n’es pas une vie minuscule gouvernée par un zizi ridicule.
Tu es une vie Majuscule reliée au Tout.
Tout copule et consent avec joie à copuler.
Poussières et semences d’étoiles,
germes et spermes de l’orgie de l’évolution,
de l’ontogenèse, de la phylogenèse,
à la vie à la mort.
La fabrique des corps. Et au coeur du corps, le coeur.
Tu es humble de ton humus,
humain de ton humanité,
universel de ton universalité,
divin de ta divinité.
En ouvrant tes bronches,
en activant ouïes, branchies,
tu retrouves tes éléments, l’air, l’eau.
Tu entres dans l’innocence.
Tu es miracle et mystère de ta naissance.
Tu seras mystère et miracle de ta mort.
Tu fais choix de l’ignorance.
Tu ne refuses pas les connaissances
mais surtout tu sais qu’on ne sait rien.
Rien du début, rien de la fin, rien du sens s’il y en a un.
Tu acceptes d’être dans l’incertitude,
tu ne cherches pas de certitudes.
Tu ne crois plus qu’il y a la Vérité à chercher.
Tu essaies d’être dans la Vie, dans l’Amour, dans la Mort.
Tu montes et descends l’échelle,
Du Tartare à l’Olympe,
du Ciel à l’Enfer
et tu bivouaques sur la Terre.
Du Tartare, tel Orphée, tu ramènes poèmes et mélodies.
Épitaphier de tous les morts aimés.
Dans l’Enfer, pas de damnés condamnés à jamais.
Du Ciel, tu ne fais pas le séjour de Dieu ni le paradis des ressuscités.
Dieu ayant créé se cache, tsimtsoum.
Le ciel est espace de légèreté pour la gente ailée.
Dieu est dans le silence d’un souffle subtil.
Dans l’Olympe, aucune guerre des dieux.
Ils ont eu le temps d’apprendre et de pratiquer l’anarchie.
La Terre est danses et cycles.
La grande roue du Grand Manège tourne
bien huilée
sans grincements de dents.
Dieu et les dieux sont présences ineffables.
Tu n’es plus un hamster.
Tu es à Parfaire. Tu es un Parfait. Tu es Parfait.

 

édition 2014, lue en août 2023

édition 2014, lue en août 2023

Circonstances de lecture
Après avoir écrit sur deux N° de Front populaire dont un article approfondi sur 3 philosophes face à la bombe : Camus, Jaspers et Anders.

(Possibilité d’usage d’armes nucléaires dans la proxy war russo-ukrainienne-otanienne)


Plutôt perturbé, à la fois joyeusement et douloureusement par les « accusations et preuves » de mensonges, manipulations des idéologies humanistes, universalistes comme des religions d’amour, j’ai sorti, sans doute pas par hasard, le roman de Rezvani, Vers les Confins, faisant suite, 12 ans après, à La Traversée des Mont Noirs, en supplément au Rêve de d’Alembert.
Je l’ai lu en 3 jours. 4 livres de courts chapitres, IX pour le I (pages 11 à 87), X pour le II (pages 89 à 174), X pour le III (pages 176 à 264), XV pour le IV (pages 266 à 387)
Impressions subjectives, sans tri ni analyse.
Jubilatoire, drôle, parodique, décapant, désespérant, répétitif, symétrique, réversible, asymétrique, lard cochon, hypnotique, profond, léger, paradoxal, contradictoire, iconoclaste, manipulateur, séducteur, raisonneur, rationaliste, matérialiste, scientiste, démolisseur, dynamiteur, palindromique, poétique, lyrique, fantaisiste, magique, encyclopédique, musical = bruit infernal (du train puis de la chenillette), bavard, suspendu, pictural, amoureux, amoureusement féminin, des seins féminins, horriblement masculin érecteur, éjaculateur, émasculateur, cornaqué par le petit cornac, profondément juif, profondément humoristique yiddish
chaque mot mériterait une illustration mais je laisse chaque lecteur faire son travail de lecteur
Voilà des contes tirés des mille et une dunes d’un désert sans fin, illimité
Comme dit la 4° de couverture : « depuis l’aube de l’intelligence humaine, ne faisons-nous pas que délirer…poétiquement, dites-vous, pourquoi pas ? », reprise d’une remarque de la mathématicienne Adema, page 168
Évidemment, l’écrivain de langue française, d’origine russe et perse, de nulle part, muet dans La Traversée, est amené à se dévoiler comme écrivain, donc à parler d’écriture donc de lecture; puisque est énoncé le lieu commun bien éculé (pratiqué par qui ?) du lecteur faisant la moitié du chemin.

Lecteur, je vais tenter de faire la moitié du chemin emprunté par l’auteur se parodiant dans le personnage de l’écrivain de langue française.

Les lieux :
- les Monts Noirs, gelés, glacés, un tunnel sous les Monts qu’il faut deux nuits, un jour pour les traverser avec arrêt dans une gare de triage, de réapprovisionnement, de contrôles… Chemins de fer = trains de la mort de masse, des déportations de masse. Monts Noirs = métaphore = réalité des territoires immenses sous la coupe de tyrans et dictateurs, se prétendant porteurs d’un monde nouveau, d’un homme nouveau.
- Les Confins, du sable encore du sable, des dunes encore des dunes ; et des surprises, des carcasses d’engins indescriptibles, innommables, innommés car rien ne doit être nommé de ce qui est vu. Un cratère géant dû à la chute d’un météorite. Des Esséniens de la lointaine époque de la langue araméenne, des Sages, tous fous merveilleux, le Sage des poules, le Sage des tombes et peut-être le Sage des sages qui a la Réponse. La Déesse des sables, descendante de Lilith, préférée à Ève. S’il est trop curieux, s’il veut aller plus loin que la Montagne Rouge, l’écrivain de langue française est prévenu, il n’en reviendra pas.

Les personnages :
- ceux de la mission sous la responsabilité de l’enquêteur du district, la doctoresse Déborah, la mathématicienne Adema, le criminologue, le chercheur en philosophies oubliés, l’écrivain de langue française
- les personnages rencontrés : l’Arpenteur sans arpents, le Sage des poules, Sarah, le Sage des tombes, le Christ errant éternellement ressuscité, la Déesse des sables
- Les personnages  évoqués : l’anthropologue, Math, Sterne, l’ornithologue des Fauvettes

Les styles :
- Très peu de descriptions, alors même que l’écrivain de langue française y est invité mais attention, seulement pour lui et eux, pas à diffuser, d’ailleurs, pas de prises de notes ou si, destruction des notes
- Très peu de narrations, sauf confidences de l’écrivain de langue française évoquant la maladie de son aimée de 50 ans ou certains de ses écrits antérieurs dont les paroles d’une neuve marseillaise
- Essentiellement des discussions entre les personnages avec insistance sur la nomination de l’émetteur de chaque réplique, et sa façon de dire, ironique, agacée, énervée, colérique, railleuse, câline, ce qui produit beaucoup de comique

Le sujet :
 
c’est quoi cette espèce tueuse douée d’intelligence et qui en est arrivée à rendre invivable son milieu de vie et à être au bord de la disparition collective ? Comment comprendre cette propension, cette pulsion archaïque à tuer, d’abord les siens, pères et frères assassinés, enfants égorgés, femmes lapidées, ensuite les autres, mis en esclavage et exterminés
est interrogée, questionnée la Bible; sont cités des épisodes et des recommandations à se demander comment ne pas se rendre compte de la monstruosité de ce qui est raconté et comment ne pas se détourner définitivement de ce genre de récit; comment expliquer la fascination exercée par ce Livre et par son symétrique, le Coran, tous deux engendrant des fous de Dieu, Yaveh, Allah depuis des millénaires
Comment est-on passé de la Bible, de son Dieu irascible, en colère au Nouveau Testament, au Fils du Père, mourant pour tous sur la croix, par amour de l’homme. Comment est-on passé de la colère divine à l’amour divin, sans pour autant renoncer aux meurtres de masse, aux inquisitions, aux bûchers pour sorcières, aux tortures les plus abominables, aux évangélisations forcées, aux missions colonisatrices … et comment s’est opéré le glissement vers les messianismes terrestres, eux-mêmes porteurs d’exterminations de masse

Ce livre n’épargne rien, aborde tous les aspects liés à trois questions : d’où venons-nous ? Où allons-nous ? Qui sommes-nous ?

D’où venons-nous ?


de la première femme, d’un utérus originel, d’entre les cuisses de la Mère, et donc d’incestes à répétition ?
de l’homme insufflé par le souffle divin, la femme étant tirée de la cuisse de l’homme ?
Genèse utérine = ire es tu - égal en grand écart
(Ève rêve)

Où allons-nous ?

Fin du monde, fin de l’humanité sont des métaphores; le temps de l’extinction sera peut-être le temps de la métamorphose (rire de Kafka se lisant), le temps de l’adaptation aux pires conditions de survie, comme les monstres animaux engendrés par la vie sous terre dans les confins; nous nous acheminons vers une métamorphose de monstres humains en monstres insectes
(rions noirs)

Qui sommes-nous ?

Des monstres originels, des monstres de tout temps, d’avant, de maintenant, d’après, d’ici, d’ailleurs, de nulle part, des monstres éternels

En conclusion :
Rezvani en écrivant ce livre poursuivait-il un but ? En revendiquant d’être artiste de lui-même, d’être créatif, en faisant travailler ses deux hémisphères, celui du langage, celui des images, ayant été témoin de la dégénérescence du cerveau de l’aimée (l’âme neuronale de Lula), Rezvani me semble-t-il, ne poursuit d’autre but que celui de se faire plaisir, avec désinvolture, sans attachement à l’oeuvre, « son » oeuvre, tant que son cerveau peut délirer poétiquement.

En regardant sur internet, j’ai très peu vu de notes de lecture sur ces deux livres (un 3° me semble annoncé).
C’est le signe me semble-t-il d’une liberté radicale, peu soucieuse de l’écho rencontré, de faire oeuvre dans le cocon menacé par le Feu de La Béate dans les Maures.
Comme j’ai trouvée cette liberté radicale, chez Emmanuelle Arsan qui n’a jamais accordé d’interviews, est restée d’une discrétion absolue, vivant à Chantelouve, menacée par le Feu dans la forêt dracénoise.

Je pense donc que ces deux livres écrits par Rezvani pour se faire plaisir en se grattant là où ça lui  fait très mal (la tête) et où ça peut aussi nous faire très mal (le cul) ne sont lisibles que par les quelques-uns qui en auront le désir.

(l’arpenteur sans arpents n’est-il pas un chrétien palestinien, le symétrique des arpenteurs sans arpents que furent les juifs pendant des millénaires et se revendiquant aujourd’hui d’Israël colonisant à tout va des territoires palestiniens)


Après Onfray (va-t-il aussi profond et aussi drôlement?), on va avec Rezvani au coeur du magma pulsionnel, de l’énigme. Il n’y a pas de Réponse à la Question, il n’y a pas de Sage des Sages au-delà de la Montagne Rouge.
L’enquêteur du district chargé d’élucider les innombrables crimes commis dans les Confins, a compris qu’il n’y a rien à élucider. Ces crimes sont des crimes « naturels », perpétrés depuis la nuit des Temps.

Le crime précède la loi l’interdisant.
Le tribunal Russell ou le Tribunal pénal international doivent condamner avant l’exécution des crimes.

Pour raconter tout cela à nos amis-enne-amis extra-terrestres, une seule hellade suffira, soit un milliard de signes binaires.
Faut-il raconter ou faire silence ? Faut-il se souvenir ou oublier ? Faut-il parler, user des mots ou se penser en connexion avec le Tout ? Faut-il honorer le veau d’or ou pratiquer le don ?

J’inviterai certains amis à en être lecteurs.
Et pourquoi pas, organiser quelques lectures à voix haute de certains des très courts chapitres des 4 livres de ce Livre.

Longue vie encore à Rezvani, 95 ans en 2023, cent ans moins cinq comme il se présente, artiste pluri-indisciplinaire,

qu'il s'amuse, continue à s'amuser, qu'il en  amuse quelques-uns d'entre nous.

 

 

Lire la suite

3 philosophes face à la bombe

8 Août 2023 , Rédigé par grossel Publié dans #Albert Camus, #FINS DE PARTIES, #JCG, #Corsavy, #Le Revest-les-Eaux, #SEL, #agoras, #amitié, #engagement, #essais, #notes de lecture, #pour toujours, #écriture, #vraie vie

3 philosophes face à la bombe
3 philosophes face à la bombe
3 philosophes face à la bombe
3 philosophes face à la bombe

3 philosophes face à la bombe

Du N° 13, de la revue Front Populaire,  Guerre à la guerre, tu retiens pour t’interroger, l’article Trois philosophes face à la bombe (Albert Camus, Karl Jaspers, Günther Anders) pages 145-151. Tu ignores si le complexe militaro-intellectuel qui vend la guerre sur les plateaux TV, sans la faire, évoque la possibilité de l’usage de l’arme nucléaire dans la guerre russo-ukrainienne otanienne.
L’article de Combat du 8 mai 1945 dans lequel Camus développe sa position est écrit à chaud, deux jours après Hiroshima qui selon la lettre de Claude Heatherly, pilote ayant participé à l’opération, adressée au révérend N., le 8 août 1960, est une erreur accidentelle (la ville n’était pas la cible).

Camus dégage l’enjeu, avec cette arme c’est le suicide collectif de l’humanité qui est possible. La science censée apporter la connaissance et de meilleures conditions d’existence, contribuer au bonheur des gens dans leur vie quotidienne est utilisée pour des meurtres de masse avec une bombe de la grosseur d’un ballon de football.

On a fait de gros progrès depuis, la bombe la plus puissante ayant jamais explosé en essai aérien est la bombe russe Tsar Bomba (3300 fois celle de Hiroshima).
 
Jaspers fait une conférence 11 ans après Camus, en août 1956 « La bombe atomique et l’avenir de l’homme » qu’il développera ensuite dans un livre de 700 pages, épuisé, paru en 1963 chez Buchet-Chastel. Il met en avant le fait que la théorie de la dissuasion est une folie. Croire qu’on empêchera la guerre parce qu’on possède l’arme nucléaire, c’est ne pas comprendre que toute arme nouvelle finit toujours par être utilisée. Donc, une guerre nucléaire est possible. Ce qui confirme cette hypothèse,

ce sont les essais nucléaires (le chiffre des essais aériens, souterrains, sous-marins sur une trentaine d’années est ahurissant)

et l’impossibilité d’empêcher la dissémination de l’arme nucléaire (sauf à faire une injuste guerre juste).

Anders publie en 1956, la même année que Jaspers, le 1° tome de son magistral livre L’obsolescence de l’homme. Il pense comme Jaspers que la bombe est appelée à être utilisée, que c’est pour cela qu’on l’essaie, que ce ne sont pas des essais de dissuasion pour la vitrine. Au delà de Jaspers, il voit les effets désastreux pour de très longues durées  (millénaires) sur les humains, la faune, la flore.

Tchernobyl entre autres est là pour nous raconter ce qui se passe au niveau des sols contaminés, des eaux radioactives, des peaux brûlées, des modifications génétiques…

Avec la guerre russo-ukrainienne otanienne, on est sorti (on est en voie de sortie) de la pax americana c’est-à-dire des guerres innombrables menées par l’impérialisme US depuis la fin de la 2° guerre mondiale (je devrais citer aussi les guerres menées par la France en tout un tas d’endroits en Europe, en Afrique, en Asie) sous couvert de démocratie et de droits de l’homme

pour entrer dans une recomposition géo-politique entre divers impérialismes, dans une ère de choc des civilisations où ce qui était annoncé se déroule tout à fait différemment en dépit des experts (une guerre russe rapide qui s’éternise, un effondrement de l’économie russe suite aux sanctions qui a fort bien résistée, une Europe et un OTAN dépassant toutes les lignes rouges en laissant les Ukrainiens payer le prix fort de la guerre, les États-Unis  faisant ce qui s’appelle une proxy war (une guerre médiée par un adversaire-tampon, l’empire visé au-delà de la Russie étant la Chine), des BRICS de plus en plus nombreux et puissants, optant pour un monde multi-polaire.
Ce qui m’étonne, c’est apparemment, le peu de crédit accordé au risque de nucléarisation de ce conflit.

Je préfère penser le contraire, même si c'est désespérant. Oui, cette guerre peut devenir une guerre nucléaire et le conflit peut se mondialiser. Personne ne me semble maître du « jeu ». On est dans un conflit portant sur des valeurs et pas seulement sur des territoires, sur des ressources. Comme les guerres de religion, les conflits de valeurs, de visions du monde, sont des croisades et donc ce n’est pas la guerre pour faire la paix (la guerre c'est la continuation de la politique par d'autres moyens d'après Clausewitz), c’est la guerre pour s’imposer, imposer sa foi, sa vision. L’enfer est peut-être devant nous. Avec son prix, le meurtre, le suicide  ? collectif d’une partie de l’humanité.
Pour Camus, le suicide dans un monde absurde est l’ultime liberté de l’individu.
Le suicide collectif, comment doit-il être considéré ? Il est clair qu’il ne s’agira en aucune manière d’une décision libre de chacun et de tous. Aucune concertation des peuples n’a eu lieu. Nous sommes en guerre par le fait de « nos » dirigeants. Aucun vote de l’Assemblée, aucun consultation du peuple par référendum. L'ONU est court-circuitée.

Donc, s’il y a suicide collectif, c’est plutôt d’un meurtre de masse qu’il faudra parler, meurtre imposé, subi. Les princes seront des criminels, devant quel tribunal ? Que les princes, dictateurs, présidents puissent en arriver à cette solution finale, cela s’expliquera-t-il par notre passivité, notre soumission volontaire, notre lâcheté, notre impuissance, notre insouciance, notre inconscience ? Quel activisme pourrait nous en garder ? Camus proposait de combattre pour la paix par la raison, aspirant à un gouvernement mondial (ce sera l’ONU en 1948). Jaspers propose la raison et la sensibilité. Vivre en paix, en harmonie avec les gens qu’on côtoie, qu’on aime, avec la nature, en contemplant la beauté de ce qui s’offre, tant que cela s’offre. J’ignore ce qu’Anders propose.

Vers qui se tourner ? Des 300 livres d’Épicure, il ne reste que quelques pensées de lui sur la politique, dans les maximes capitales. Épicure a été « détruit » par le christianisme. Raison : sa philosophie et sa politique sont immanentes et non transcendantes. Il était incompatible avec Dieu et les fables qui en sont issues, la naissance d’un enfant sans père, une femme qui donne naissance sans géniteur, un fils de Dieu qui meurt et ressuscite, l'eucharistie. Ces fables sont puissantes, durables. Elles sont peu en rapport avec des faits réels. Elles ont plutôt à voir avec nos désirs, celui d'éternité par exemple (Le désir d'éternité, Ferdinand Alquié).


« La justice n’est pas quelque chose en soi mais quand les hommes se rassemblent en des lieux, peu importe, chaque fois, lesquels et leur grandeur, un certain contrat sur le point de ne pas faire de tort ou de ne pas en subir. » M.C. XXXVIII.
Pour Épicure, la politique c’est l’art de produire les conditions de possibilités sociales d’une vie hédoniste pour tous. Il veut que le contrat vise l’établissement de lois justes pour tous, pas pour une minorité de privilégiés. Il sait que l’homme n’est pas naturellement bon et que c’est culturellement qu’il peut le devenir par la philosophie politique épicurienne en particulier. Il est le penseur de la puissance de la majorité, l’antidote à la tyrannie des minorités, des maîtres sur les esclaves. (N°12, Front Populaire pages 6-7).
On voit en quoi des initiatives comme Construisons notre bonheur sont éminemment épicuriennes et sans doute une des bonnes façons de passer contrat. C’est du local, de l’action décidée par RIC.

Ou le projet de Jean Delorme avec les Entrepreneurs du sens.


Si on prend en compte, toutes les initiatives, installées dans le temps, à périodicité stable, (mensuelle, bimensuelle), on se rend compte que certes, les dirigeants nous feront tuer en masse (et cela nous dépasse) mais que nous avons encore de la latitude pour nous rencontrer, discuter, décider de faire notre bonheur avec d'autres.

 

3 philosophes face à la bombe
3 philosophes face à la bombe

Après deux N° de la revue des deux mondes, deux N° de la revue Front populaire.
Avec Jean-François Kahn, dans la revue des deux mondes, tu te confirmes dans ce jugement que chiffres et sondages des « experts » de plateau TV et autres tribunes ne sont là que pour habiller, voiler, maquiller, bidouiller, manipuler, orienter, formater l’opinion, ne sont là que pour se substituer à l’opinion, à la voix citoyenne, ne pouvant s’exprimer par la voie référendaire (au sens du RICCARL) localement, régionalement, nationalement, européennement, onusiennement.
Chiffres et sondages, conseils des cabinets de conseils étrangers (américains, allemands) grassement payés contre la voix des gens ordinaires, contre la voie démocratique dégageant une majorité que Tocqueville a décrit comme « le despotisme de la majorité » dans De la démocratie en Amérique.

Voilà une "bible" dont il faut reconsidérer l'impact.


Soit aujourd’hui, « démocratie directe » pas du tout réalisée contre « démocratie représentative » où les représentants élus se servent, s’accordent privilèges et prébendes avec cynisme et mépris du peuple = des gens ordinaires = des périphériques, invisibilisés au profit de minorités agissantes de toutes sortes, les plus gueulardes ayant le plus pignon sur plateau, contribuant à la fragmentation de la société, à son éclatement, à sa décomposition, à la guerre civile, à bas bruits pour le moment, selon Michel Onfray, décrivant par exemple ce qui se passe régulièrement quartier Perseigne, à Alençon, Orne, son département aimé, quartier devenu « territoire perdu de la République » selon un euphémisme pudique, territoire devenu territoire d’une tribu marquant son territoire par « tirs de mortiers, incendies de poubelles et de voitures, barricades, dégradations de mobilier urbain, caillasses, guets-apens de policiers  et de pompiers, une bande d’une cinquantaine de personnes masquées, cagoules, armées de barres de fer est allée au contact de la police forte de 35 membres pendant 3 heures. » N° 12, pages 5-6
Avec les N° de Front populaire, N° 12, La tyrannie des minorités, l’art de détruire la France et N° 13 Guerre à la guerre, contre les impérialismes, te voilà en présence d’analyses argumentées, de droite, de gauche, d’ailleurs et de nulle part comme se présente la revue.
Ça déboulonne, ça renverse les statues, ça jette à bas quantité de logiciels, de paradigmes, de discours admis sans distance, par méconnaissance (puisque tout est voilé, truqué) et ça fait un bien fou, tout en déstabilisant au point de ne pas en dormir, sans doute pour remettre un peu de cohérence dans tes convictions.
Tu es confirmé dans ta conviction récente (depuis 2020 environ) que tout un tas de récits sur des épisodes du roman national sont des faux,

- la révolution française (il vaut mieux lire Taine que Michelet ou Jean Tulard),

- l’universalisme des droits de l’homme,

- la colonisation civilisatrice (le célèbre discours de Victor Hugo du 21 août 1849 au Congrès de la Paix, souvent cité mais toujours caviardé, coupé de ce qui aujourd’hui gêne),

- la résistance sous Vichy,

- le gaullisme, le mitterrandisme, le chiraquisme;
qu’il en est de même de tout un tas de récits sur des épisodes internationaux :

- la révolution bolchevique, le stalinisme,

- la libération de la France par les américains,

- la guerre du Viet-nam,

- les guerres du Golfe (l’énorme mensonge de Colin Powell montrant une fiole d’ « arme bactériologique » du régime de Sadam Hussein aux TV),

- les guerres de l’axe du bien contre les axes du mal,

- les guerres justes qui fonctionnent selon un schéma hérité de Saint-Paul, Saint-Augustin, Saint-Thomas d’Aquin, médiatisé par deux Bernard, BK et BHL: je te fais la guerre préventivement à toi dictateur dangereux, au nom des droits de l’homme, de la démocratie, de l’universalisme, d’une façon active, pas réactive, pour t’empêcher de me faire la guerre liée à ta folie. Je tue des gens réels, je cause des souffrances réelles, des injustices réelles au nom d’injustices virtuelles, de souffrances virtuelles. (N°13, pages 2 à 9)

Tu es effaré de voir comment on est passé
- de la génération de 68, dite des Boomers,  rimbaldienne, utopiste, qui rêvait d’une société différente, de courir le monde, d’inventer une contre-culture, de définir une liberté neuve
- à la génération des Millennials  qui font choix d’un monde fait d’interdits, de censures de tous calibres, de frontières pathologiques entre les races, les cultures, les sexes, les âges.
Comme si on était passé, en quelques décennies, d’« il est interdit d’interdire » à « il faut faire taire celui qui m’offense ». Selon Brice Couturier (N° 12, page 157)

exit avec cette génération, la résilience: ce qui ne te tue pas, te rend plus fort

Tu penses à Marcel Conche, à ses fondements de la morale, au devoir de prendre la parole pour ceux qui ne l'ont pas

(à mettre en contraste avec ce qui est arrivé au Canada à Ariane Mnouchkine, voulant donner la parole dans un spectacle aux indiens autochtones, sans eux et se faisant tailler en pièces, parce que sans eux c'est contre eux = = activisme décolonial; voir aussi ce qui est arrivé à J.K. Rowling)


Woke veut dire éveillé, qui s'éveille, prend conscience. Comment l’éveil a t-il pu engendrer le Wokisme, source de régressions impensables il y a une dizaine d'années ?

Le wokisme est la rencontre selon Jean-François Braunstein d'un courant américain du protestantisme théorisant la notion de péché d'un point de vue collectif et pas seulement individuel (tous coupables, le méchant blanc) et de la french theory, les philosophes français dits de la déconstruction (Foucault, Derrida, Baudrillard).

Pour ma part, j'approuve que l'on révèle la réalité coloniale, dominatrice, exterminatrice, extractrice, prédatrice de l'Occident. Après vient le débat : réparation, repentance... Avec le wokisme, plus de débat possible : il faut passer par la revanche, la vengeance.

Autre point à évoquer : la question de l'identité. Là encore, l'idée de définir, de faire évoluer son identité, ses identités, n'est pas en soi une "mauvaise" idée. Personnellement, je suis favorable à ce que j'appelle la fluidification de l'identité puisque cela correspond à la variété de nos humeurs, sensations, émotions, sentiments, pensées. Mais de là à exiger la reconnaissance par autrui ou par la loi de mes choix personnels me semble correspondre à ce proverbe : les chemins de l'enfer sont pavés de bonnes intentions.

----------------------------------------

(Une vague de folie et d’intolérance submerge le monde occidental. Venue des universités américaines, la religion woke, la religion des «  éveillés  », emporte tout sur son passage  : universités, écoles et lycées, entreprises, médias et culture.
  Au nom de la lutte contre les discriminations, elle enseigne des vérités pour le moins inédites. La «  théorie du genre  » professe que sexe et corps n’existent pas et que seule compte la conscience. La «  théorie critique de la race  » affirme que tous les Blancs sont racistes mais qu’aucun «  racisé  » ne l’est. L’«  épistémologie du point de vue  » soutient que tout savoir est «  situé  » et qu’il n’y a pas de science objective, même pas les sciences dures. Le but des wokes : «  déconstruire  » tout l’héritage culturel et scientifique d’un Occident accusé d’être «  systémiquement  » sexiste, raciste et colonialiste. Ces croyances sont redoutables pour nos sociétés dirigées par des élites issues des universités et vivant dans un monde virtuel.
  L’enthousiasme qui anime les wokes évoque bien plus les «  réveils  » religieux protestants américains que la philosophie française des années 70. C’est la première fois dans l’histoire qu’une religion prend naissance dans les universités. Et bon nombre d’universitaires, séduits par l’absurdité de ces croyances, récusent raison et tolérance qui étaient au cœur de leur métier et des idéaux des Lumières. Tout est réuni pour que se mette en place une dictature au nom du "bien" et de la «  justice sociale  ». Il faudra du courage pour dire non à ce monde orwellien qui nous est promis.
Comme dans  La philosophie devenue folle, Braunstein s’appuie sur des textes, des thèses, des conférences, des essais, qu’il cite et explicite abondamment, afin de dénoncer cette religion nouvelle et destructrice pour la liberté.
Un essai choc et salutaire.)

----------------------------------------------------

Appliqué à l'école, ça donne : "l’école inclusive est la « révolution copernicienne » du système éducatif, la fin heureuse d’une école « ségrégationniste et élitiste » avec l'extension du domaine du handicap...La dyslexie a ouvert le bal à la fin du siècle dernier, destinée à camoufler l’échec de l’apprentissage de la lecture par la méthode globale, bientôt suivie de tous ses avatars poursuivant peu ou prou le même objectif : dissimuler l’échec des réformes pédagogiques engagées depuis quarante ans en l’attribuant aux supposés « dysfonctionnements » neurocérébraux d’élèves chaque année plus nombreux. Cette extension organisée du domaine des « dys » explique sans doute l’étrange statistique  selon lequel un quart des élèves français relèverait aujourd’hui du handicap… La déconstruction de la norme – par rapport à laquelle se définit nécessairement le handicap – et l’idéologie victimaire qui sert de boussole aux instances supranationales ont pour effet de pathologiser la société. Pour preuve, la catégorie de « handicap ressenti », strictement déclarative et très sérieusement utilisée par l’INSEE dans l’établissement de ses statistiques sur le handicap en France... Tous handicapés, tous victimes, tel serait donc l’idéal de l’école inclusive." Anne-Sophie Nogaret, N°12, pages 126 à 131.

Vers les confins
Vers les confins

Vers les confins

8 août 2023
7 H 10 balade d’une heure sur la route de Montferrer, 4 kms AR.
Mon ombre portée devant moi avec le soleil rasant atteint 15 m. Je vois ma belle allure d’homme à la Giacometti.
8 H 10 je croise Clive, archi-pressé comme à son habitude et dont j’ai rencontré la fille Charlotte quelques jours avant. Magnifique jeune femme de 25 ans. Très émotive, elle avoue que d’avoir 25 ans l’angoisse car il lui faut décider de son projet de vie. Elle veut devenir maman. Fini le temps de l’insouciance, des virées sac à dos dans le monde entier.
On a envisagé une soirée barbecue à 4.
8 H 15, courses légumes-fruits chez les filles. Café.
Je peux me connecter et travailler sans que ça rame à publier l’article Face à la bombe. Jusqu’à 11 H 30.
Interruption d’une bonne demie heure suite au surgissement de Ninon, psychologue et de son père, éducateur spécialisé en retraite. Reprise d’une discussion sur Irvin Yalom, on parle de Camus. Le père est allé sur la tombe de Camus à Lourmarin. J’évoque la tombe de Gabriel Guez-Ricord, quasiment en face.
12 H 30, repas partagé avec Rosalie et Lula.
Sieste d’une heure, réglée comme papier à musique.
15 H 15, balade de 6 kms sur la route de Montefferrer AR.
17 H, discussion sur la place de la république avec papy gaga et un pompier professionnel de Lyon, en retraite. Papy gaga nous annonce la 3° guerre mondiale pour 2025.
Ne nous empêchons pas de construire notre bonheur. Avec nos proches, des gens rencontrés, des amis.
------------------------------
Fin d'après-midi et soirée, je décide de me plonger dans Vers les confins de Serge Rezvani, dont j'ai lu La traversée des Monts noirs. Énorme et agréable surprise.
Ce roman foisonnant correspond à ce sur quoi je travaille en rendant compte de mes lectures de revues. Humour ravageur, dommage que je sois seul, je ne peux partager mes rires. Roman dont j'ai déjà lu un tiers. les livres I et II sur 6 livres.  Après reprise du dernier chapitre de La traversée des Monts noirs, et deux jours et une nuit dans le tunnel passant dans les Monts noirs, on prend un convoi de camions militaires en route pour les Confins, désert sans fin où vivent les Esséniens, les descendants de la Bible d'avant sa défiguration par le Nouveau Testament.
Si avec la revue Front populaire, ça déboulonne, avec ce roman, on atteint l'apothéose des déboulonnages, où Spartacus précède de 70 ans, le Christ, où la doctoresse  et la mathématicienne sont les seules femmes du voyage d'élucidation des crimes commis dans les Confins, les autres personnages s'appelant l'ami français, l'enquêteur du district, le criminologue, le chercheur en philosophies oubliés, où la philosophe du deuxième sexe n'est pas nommée mais  déconsrtruite... Bref, un régal.

https://les4saisons.over-blog.com/article-la-traversee-des-monts-noirs-serge-rezvani-103527428.html
--------------------------------
deux extraits par la doctoresse, Déborah
« – Oui, je veux dire que la Vie est sans pensée, elle ! Sans programme, elle ! Que la Vie va s’épanouir là où se trouvent dans la Nature des interstices qui lui sont favorables. Elle s’improvise Vie !  Sans savoir qu’elle est Vie ! Voyez l’Australie. À peine s’était-elle détachée des autres continents qu’en quelques millions d’années elle invente les marsupiaux. N’est-ce pas sublime d’imaginer, avec notre étrange cerveau spécifiquement humain, que l’Univers se peuple à l’infini d’une Vie aveugle, sans conscience et à la fois de la même violence inventive que le Feu, lui aussi aveugle et sans conscience, des Mondes en fusion ? Que la Vie et le Feu cohabitent à l’infini dans l’Univers comme cohabitent Vie et Mort ? N’a-t-on pas découvert dans les abysses des mers les plus profondes – là où les feux telluriques jaillis du magma terrestre luttent avec l’eau – non seulement des particules de vie mais d’étranges amalgames de cellules formant des corps composés, munis d’étranges griffes et de crochets, capables de supporter des chaleurs proches de l’ébullition ?
Quand nous eûmes roulé un moment en silence, elle avait ajouté :
– La Vie ne connaît aucun obstacle. Et même quand je mets en garde ces bergers dont nous parlions tout à l’heure, à propos de la radioactivité des métaux qu’ils arrachent aux carcasses des grandes épaves ensablées, je sais qu’à l’échelle des générations, l’espèce humaine, le jour où elle sera atomisée, comme ces espèces animales ou végétales qui survivent et prolifèrent en dépit de tout autour des centrales nucléaires dévastées, oui l’espèce humaine même si elle est défigurée, même si elle est méconnaissable, je dis bien l’espèce humaine revenue s’il le faut à son animalité la plus primitive qui n’est que Vie sans figure humaine, s’arrangera pour survivre coûte que coûte en se réinventant autre par tâtonnements successifs. » (pages 102-103)
-----------------------------------
évidemment, je constate la coïncidence d'inspiration avec un poème écrit en juillet et que j'ai mis en voix (5'45"), non partagé
-----------------------------------
Metamorphosis
Cosmogonie orgasmique
Somnolent dans le fauteuil Louis-Philippe,
une image te vient :
La Terre et ses milliers de bouches éruptives,
ses milliers de vulves-geysers,
la Terre ronde est ronde
de toutes les grossesses animales et humaines,
de toutes les germinations florales et végétales,
de toutes les minéralisations calcaires et granitiques.
La Terre est la porteuse, l’accoucheuse
de tout ce qui naît, de tout ce qui prend corps.
Le corps, les corps, encore et encore.
Incarnations en chairs et en os,
en racines et cimes,
en strates et sédiments.
Et tu te vis, foetus en position foetale, dans le ventre-terre.
Du ventre-mer, du ventre-mère
tu es passé au ventre-terre, au ventre-univers........................
Tu as inspiré l’air du Large.
Tu es monté dans la pirogue du Fleuve.
Tu as été fécondé par les abeilles de l’Amour.
Tu accueilles, tu recueilles, tu donnes, tu offres.
Tu ne tries pas, tu ne juges pas, tu n’opposes pas.
Ce qui advient devait arriver,
ce qui adviendra arrive déjà,
ce qui est advenu arrive toujours
parce que le passé ne s’efface pas.
Tout est mémorisé, devient mémoire vivante.
Tu t’es laissé glisser dans l’Océan que tu es.
Tu n’es pas une vie minuscule gouvernée par un zizi ridicule.
Tu es une vie Majuscule reliée au Tout.
Tout copule et consent avec joie à copuler.
Poussières et semences d’étoiles,
germes et spermes de l’orgie de l’évolution,
de l’ontogenèse, de la phylogenèse,  
à la vie à la mort.
La fabrique des corps. Et au coeur du corps, le coeur.
Tu es humble de ton humus,
humain de ton humanité,
universel de ton universalité,
divin de ta divinité.
En ouvrant tes bronches,
en activant ouïes, branchies,
tu retrouves tes éléments, l’air, l’eau.
Tu entres dans l’innocence.
Tu es miracle et mystère de ta naissance.
Tu seras mystère et miracle de ta mort.
Tu fais choix de l’ignorance.
Tu ne refuses pas les connaissances
mais surtout tu sais qu’on ne sait rien.
Rien du début, rien de la fin, rien du sens s’il y en a un.
Tu acceptes d’être dans l’incertitude,
tu ne cherches pas de certitudes.
Tu ne crois plus qu’il y a la Vérité à chercher.
Tu essaies d’être dans la Vie, dans l’Amour, dans la Mort.
Tu montes et descends l’échelle,
Du Tartare à l’Olympe,
du Ciel à l’Enfer
et tu bivouaques sur la Terre.
Du Tartare, tel Orphée, tu ramènes poèmes et mélodies.
Épitaphier de tous les morts aimés.
Dans l’Enfer, pas de damnés condamnés à jamais.
Du Ciel, tu ne fais pas le séjour de Dieu ni le paradis des ressuscités.
Dieu ayant créé se cache, tsimtsoum.
Le ciel est espace de légèreté pour la gente ailée.
Dieu est dans le silence d’un souffle subtil.
Dans l’Olympe, aucune guerre des dieux.
Ils ont eu le temps d’apprendre et de pratiquer l’anarchie.
La Terre est danses et cycles.
La grande roue du Grand Manège tourne
bien huilée
sans grincements de dents.
Dieu et les dieux  sont présences ineffables.
Tu n’es plus un hamster.
Tu es à Parfaire. Tu es un Parfait. Tu es Parfait.

 

Lire la suite

L'impitoyable aujourd'hui / Emmanuelle Loyer

8 Décembre 2022 , Rédigé par grossel Publié dans #FINS DE PARTIES, #JCG, #SEL, #agoras, #engagement, #développement personnel, #essais, #histoire, #notes de lecture, #écriture, #vraie vie

J'ai profité des 29 jours de censure de FB et de sevrage de cet outil (5 novembre-5 décembre) pour me demander quoi faire avec FB : je ne relaierai plus aucune polémique même en proposant les points de vue opposés, par exemple sur le film Les amandiers, ou sur Annie Ernaux; je ne dirai rien sur les affrontements en cours, en Ukraine, en Iran et ailleurs non parce que je choisirais d'être aveugle, sourd et muet mais parce que je sais que nous baignons à nous y noyer dans un milieu de propagandes visant à manipuler, à fabriquer le consentement et à faire passer en force des politiques discutables non-discutées à tous les niveaux, du local au mondial
d'où l'importance de lire pour ne pas vivre avec son temps comme dit le bandeau de l'essai, majeur d'après moi, d'Emmanuelle Loyer qui m'amène à remettre en cause tous les paradigmes auxquels je croyais depuis 60 ans
Emmanuelle Loyer dans un autre essai se devra d'aller lire certains livres d'anticipation et de science-fiction et aussi le devenir Grec (le premier regard d'Homère, d'Anaximandre, de Parménide, d'Héraclite) du philosophe Marcel Conche qui pour moi a la même valeur que le regard éloigné (le dernier regard du dernier témoin des sociétés premières) de Claude Lévi-Strauss.
J'en ai profité pour réactiver un blog mis en sommeil en juillet 2021 s'intitulant Bric à bracs de broques en briques d'ailleurs et d'ici, pour que personne ne se reconnaisse
bonne lecture
prenez soin de vous et de tout en pansant en vous, autour de vous
L'impitoyable aujourd'hui / Emmanuelle Loyer

L'impitoyable aujourd'hui 

Emmanuelle Loyer 

Flammarion, septembre 2022

 

Ce livre est sorti à point nommé, alors que, suite au livre-labyrinthe Et ton livre d'éternité ?, je remets en question, en perspective, la plupart de mes croyances, de mes paradigmes historiques, scientifiques, métaphysiques, politiques et idéologiques.
Cela me fait du bien de voir s'effondrer ou basculer « mes » croyances, convictions, certitudes d'une soixantaine d'années. À 82 ans, tabula rasa. On ne sait rien. Grande humilité pour accepter le miracle de la naissance, le mystère de la mort, pour vivre la vie avec gratitude, pour respecter la vie dans sa diversité et son unité.

De ce champ de ruines, je ne sors pas effondré mais animé du projet : quoi à la place ?

Ayant pris conscience 

que tout est croyance, les certitudes ou vérités dites scientifiques, les preuves ou faits historiques, les arguments philosophiques et métaphysiques, les convictions politiques et idéologiques

que tout est récit, que ce que je prends pour le réel est l'effet du récit que je tiens sur ce que je crois être le réel et qui l'engendre

que ce sont les mots que j'emploie qui crée le réel, que les mots ne sont pas les traducteurs d'un réel pré-existant, objectif, extérieur

alors la tache devient celle-ci : quel récit veux-tu tenir aujourd'hui puisque tu es l'auteur du récit qui va donner sens ou valeur à ta vie, présence à ton réel ? Quels mots veux-tu utiliser pour créer ton réel ?

 

L'essai d'Emmanuelle Loyer ne répond en aucune façon à cette invention, fabrication du réel que je désire par les mots que j'utiliserai. Il a par contre un pouvoir de remise à l'heure des pendules. Les grands récits, récit national par exemple, s'effondrent, grâce à des frondeurs, des chercheurs de l'autre face des Lumières, des points aveugles des éclairages enseignés, appris sans grand esprit critique. Car il faut du temps pour que les ombres, les fantômes mis sous le tapis se fassent entendre. La révolution française est-elle vraiment une révolution libératrice, émancipatrice ? Liberté, égalité, fraternité, à quels prix ? Avec quels effets dans le monde ? La révolution industrielle anglaise est-elle la continuation technique et économique de la révolution politique française ? D'où vient la croyance au progrès ? D'où viennent les deux guerres mondiales de la 1° moitié du XX° siècle ? Devant ce qui s'appelle 

l'accélération de l'histoire au travers de la modification agressive des frontières dans l'Europe commencée avec l'aventure napoléonienne, suscitant par effets-boomerang la naissance de nationalismes revanchards, 

l'accélération des inventions techno-scientifiques, bouleversant en permanence le quotidien des gens, y a t-il de la résistance, de la résilience, de la survivance ? 

Quelles formes ont pris les manières de ne pas vivre avec son temps ?

 

Emmanuelle Loyer, historienne, ethnologue, lectrice d'oeuvres littéraires nous emmène chez le dernier des Mohicans avec Fenimore Cooper, le dernier trappeur de la taïga, Derzou Ouzala avec Vladimir Arseniev, dans l'île de Sakhaline avec Anton Tchekhov, en Amazonie, chez les Nambikwara avec leur dernier témoin Lévi-Strauss, chez ceux qui sont arrivés trop tôt ou trop tard, les déçus de l'histoire ayant perdu leurs illusions, n'ayant que la peau de chagrin de l'Histoire, ambivalents par rapport à l'Histoire au présent (Chateaubriand, Stendhal, Hugo), dans certaines campagnes françaises, à Nohant dans le Berry chez George Sand devenue grand-mère et sorcière après avoir créé et animé La Cause du peuple (3 N° en 1848), à Minot dans le Doubs où disparaissent les vieilles façons de dire et de faire de la laveuse, la couturière, la cuisinière avec Yvonne Verdier, sur l'Èvre, un affluent méconnu de la Loire avec Julien Gracq, dans l'empire austro-hongrois de La marche de Radetzky avec Joseph Roth, à Donnafugata en Sicile à l'achèvement de l'aristocratisme avec Giusepe Tomasi Lampedusa, à Gagliano où le Christ n'est jamais arrivé avec Carlo Lévi et Ernesto De Martino, à Višegrad sur le pont Mehmed Pacha Sokolović franchissant la Drina avec Ivo Andrić, en Angleterre dans les châteaux gothiques et maisons hantées de Marie Shelley, pendant que le temps devient horloger avec la mécanisation des métiers à tisser, modifiant le temps du sommeil avec Edward Palmer Thompson et Jacques Rancière, en Russie à Borodino dans Guerre et Paix de Tolstoï où Napoléon est vu par l'oeil de son serviteur, par le petit bout de la lorgnette évoquant le petit homme de la boucherie (le mot est dans le roman) et non le grand stratège et où avec Koutouzov, on saisit les mille et unes micro-décisions décidant du sort d'une bataille et d'une armée en déroute, boucherie produite par l'exaltation patriotique des nationalismes en formation et produisant des fous se prenant pour Napoléon, des hallucinés ayant l'angoisse de perdre la tête, d'être décapités (la terreur fut un gouvernement des émotions par les émotions, un déchaînement paranoïaque de politique dite de salut public), en Russie soviétique à Stalingrad avec Vie et destin de Vassili Grossman, en Allemagne année zéro avec Winfried Georg Maximilian Sebald, à Berlin à l'arrivée des troupes soviétiques avec une femme anonyme, dans une ville, aujourd'hui ukrainienne, Lviv, d'où sont issus les inventeurs (Hersch Lauterpacht, Raphaël Lemkin) de deux concepts juridiques : crime contre l'humanité, génocide (18 ans après ce qui s'appellera génocide arménien, décrit par Frantz Werfel dans Les Quarante Jours du Musa Dagh paru en 1933), Lemkin mettant le doigt sur le propre de cette guerre totale « cette guerre n'est pas menée par les nazis seulement pour des frontières mais pour transformer l'humanité à l'intérieur de ces fontières. », sur deux siècles (XIX-XX°) pour terminer par la longue durée étudiée par certains historiens (Lucien Febvre, Fernand Braudel), par la spécificité du temps des isolés (Proust dans sa chambre, Barthes au sanatorium), par la vieillesse vécue comme vita nova pendant une vingtaine d'années par George Sand ou Colette (L'étoile Vesper, 1946) ou Vita Sackville-West (Toute passion abolie, 1933), et par le voyage Dans la nuit et le vent de Patrick Leigh Fermor, 19 ans en 1934, parcourant entre 1933 et 1935 à pied et en diagonale, du nord-ouest (Rotterdam) au sud-est (Istanbul), en suivant deux voies fluviales, le Rhin puis le Danube, la face européenne de la Terre dont Bruno Latour fait un être vivant avec l'hypothèse Gaïa. 

 

Cet essai est tellement riche (l'énumération qui précède en donne un aperçu) que je ne cherche pas à en rendre compte, renvoyant chacun à sa lecture éventuelle.

L'impitoyable aujourd'hui / Emmanuelle Loyer

Par contre, oui, tenter de dire quels mots je souhaite utiliser pour créer le réel dans lequel je désire vivre.

Et ce seront d'abord les mots de Lévi-Strauss, le témoin triste disant dans Tristes tropiques « Le monde a commencé sans l'homme et s'achèvera sans lui. » Mais ce constat, né de l'opposition entre les sociétés froides, les sociétés premières, et les sociétés chaudes (la civilisation moderne née à la Renaissance), particulièrement entropiques, désagrégatrices ne doit pas nous empêcher de jouer notre partie et de la jouer le mieux possible. Là Rousseau est préférable à Descartes. Celui-ci exprime les certitudes du moi (je pense donc je suis), Rousseau exprime la sortie des évidences du moi, l'identification à autrui, la pitié, aujourd'hui, on dirait la compassion ou l'amour inconditionnel (je panse donc je suis, je prends soin). « La conscience de la vanité du sens n'est pas un extincteur de la quête de compréhension, la conscience de la finitude n'est pas un découragement à l'action. » p.125

En 1976, Lévi-Strauss propose à la commission des lois de l'Assemblée Nationale, une charte du vivant, une réforme de la morale et de la politique fondée sur la beauté du monde et sa caducité. La valeur de toute chose est dans son irremplaçabilité. Il faut célébrer les choses mêmes en dehors de l'usage ou de la perception du sujet, dans la réconciliation de la morale avec l'esthétique et de l'homme avec la nature, dans le respect de tout ce qui naît, vit, meurt, de la bactérie à la galaxie en expansion accélérée, du virus au trou noir glouton.

Ce respect intègre le respect de soi, l'estime de soi, l'acceptation, l'affirmation de mon caractère irremplaçable, l'acceptation de mon unicité, de ma singularité.

D'où l'interrogation : Au lieu de se demander « qu'est-ce que je veux de la vie ? », une question plus puissante est : « qu'est-ce que la vie veut de moi ? ». Eckhart Tolle

 

En ce qui me concerne, j'opte pour une curiosité à 360°, circulaire horizontale, sphérique toutes directions, de la bactérie aux galaxies, des virus à nous et nous, à moi et moi,  à je et je est un autre,  à toi et tu...

L'infinie variété du vivant me passionne, l'infinie diversité des humains aussi.

Tout accueillir, tout ce qui se manifeste, sans jugement, sans tri, du salaud au saint, du monstrueux au sublime (il y a du monstre, du sublime, du normal, du foldingue... dans tout humain) ; si ça se manifeste, c'est que c'est nécessaire (y en a qui appellent ça hasard) 

qui suis-je pour trier ? ça c'est bon, ça c'est mauvais ?

du miracle de la naissance au mystère de la mort, se vivre comme goutte dans l'océan-comme océan dans la goutte, comme agitation des vagues de surface-comme immobilité des profondeurs

la VIE comme vibration information énergie

 

 

Le temps du confinement fut un temps de révélation de l'essence-ciel pour certaines et certains.

Le temps du confinement fut un temps de confinement pour tout un chacun du monde

dans la ronde arrêtée du monde

un temps imposé d'isolement par les pouvoirs du monde mais pas sur la ronde du monde

une prison mondiale pour humains, mais pas pour animaux, végétaux, minéraux

chacun chez soi, chacun pour soi

(à chacun de se situer entre les extrêmes de ces deux expressions pouvant comprendre tout le monde, chacun dans sa singularité de situation, de confortable à insupportable, chacun dans sa spécificité d'être, d'altruiste à égoïste)

avec rares autorisations de sorties pour s'approvisionner, s'oxygéner

sans pénurie organisée sans chaos engendré

sans insurrections provoquées sans révoltes spontanées

un parmi huit milliards de prisonniers soumis volontaires

nourris, blanchis, chauffés, « protégés » du virus

né d'une soustraction CAC 40 - COP 21 = COVID 19

facteur d'évolution comme tout virus mutant de variant en variant

contre lequel big pharma était en « guerre » totale

contre lui COVID 19 qui nous avait mis en grève générale

un parmi huit milliards

faisant ce qu'ils voulaient de leur temps d'isolement diversement vécu

faisant ce qu'il voulait de son temps de solitude aimée, oh oui, bien aimée !

même la route passant en dessous de chez lui avait été fermée pour deux ans

pas de travail contraint, de télé-travail

pas de travaux forcés d'intérêt général

découvrant ainsi la liberté intérieure, la fluidité de l'impermanence gommant la rigidité de toutes ses identités, découverte par bien des prisonniers avant lui

prisonniers dans des prisons d'états, dans leur propre prison ou celle d'une maladie, asile d'aliénés, sanatorium de tuberculeux

et qui ont soigné un peu le monde en souffrance parce que s'étant remis synchrones avec leurs rytmes internes et externes (coeur, respir, cycles journaliers, saisonniers...)

découvrant sa liberté créatrice jusque-là potentielle, l'activant, en usant

faisant ainsi de lui non un homme parmi huit milliards d'humains

vivant au petit bonheur la chance au gré des circonstances, des influences

mais un homme singulier, nécessaire car seul à créer ce qu'il créait dans l'humilité et l'intimité, au secret

par un petit pas de côté, un petit glissando de travers, un petit rire sur lui - on n'en finit pas avec l'enflure du moi-je-moi-je -, une larme d'empathie pour le virus traqué dans les labos

ils furent quelques-uns à découvrir un autre usage du temps consistant à prendre le temps, à faire comme si le temps était éternel

plus de compétences à avoir, d'originalité à exhiber, de domination à exercer, plus de temps compté, émietté, mesuré


 

du temps prenant son temps

c'est ce que quelques-unes redécouvrirent

que le temps c'est le présent, que c'est un présent

car c'est depuis toujours, le temps des femmes, le temps de l'attention au présent, au présent de l'enfant en demande, au présent de la vieille en souffrance

découvrir que l'éternité est dans le moment présent

pas dans regrets et souvenirs du passé

dans projets et désirs de lendemains qui chantent et dansent

ce fut ce qui jaillit de la prison mondiale


 

il n'y a rien à ajouter, rien à retrancher au monde

il n'y a rien à juger, rien à séparer

le bon grain de l'ivraie, le bien du mal, le beau du laid, le doux du cruel

tout est déjà là, dans sa diversité, ses contrariétés, ses complémentarités

avec ses effets-miroirs

l'autre détesté c'est moi, l'autre aimé c'est moi

et si tu me détestes, c'est toi et si tu m'aimes, c'est toi

tout est à cueillir, accueillir, recueillir

tout est partageable, tout est à partager

depuis je chante sans forcer la voix, léger comme murmure de filet d'eau, danse avec l'absente dans mes bras ouverts, goûte à ma cuisine-maison, déguste mes breuvages et infusions, redécouvre pissenlits, roquettes, herbes sauvages, baies de myrte, olives, champignons de mon terrain non cultivé

ils et elles chantent ; quelques-uns, quelques-unes ; les autres continuent à s'affronter

ils et elles dansent ; quelques-uns, quelques-unes ; les autres continuent à s'entr'envier

les quelques-uns ne croient même pas utiles de garder traces écrites, dessinées, peintes de leurs bonheurs

ce sont des bonheurs minuscules de vies minuscules centrées sur l'essence-ciel

ils se regardent, s'enlacent, s'embrassent, se caressent

ils se sentent regardés, enlacés, embrassés, caressés par tout ce qui existe, vit, meurt de la bactérie à la galaxie en expansion, du virus au trou noir glouton

ils sont en lien, reliés

ils tissent la tapisserie mystique de la dame à la licorne

ils sont un point à l’endroit, un point à l’envers de la grande tapisserie cosmique

les fleurs séchées égrènent leurs graines

de nouvelles germinations engendreront de nouvelles floraisons

le temps du confinement en prison mondiale a été pour certaines et certains le temps de la libération de leur puissance créatrice, génitrice de leur liberté intérieure, inaliénable.


 

Jean-Claude Grosse, le 4 décembre 2022, Le Revest

 

 

La vision trinitaire de Jean-Yves Leloup, 83° graine de conscience, parcours gratuit sur inscription

De l’observation au silence 
On entre en sciences
en disant oui à l’être qui est ainsi. 
On entre en philosophie 
en disant oui à l’être qui est « Je suis ». 
On entre en Philocalie
en disant oui à l’être qui se donne en tout ce qui est et en tout ce que je suis.
On entre en sciences avec les sens et la raison.
On entre en philosophie avec les sens, la raison et l'intuition.
On entre en philocalie avec les sens, la raison, l'intuition et le cœur.
On entre en sciences
en faisant l'expérience de ne faire qu'un avec tout ce qui est (interdépendance).
Je suis cela !
On entre en philosophie
en faisant l'expérience de ne faire qu'un avec la conscience de tout ce qui est.
Je suis la conscience de cela.
On entre en philocalie
en faisant l'expérience de ne faire qu'un avec tout ce qui est, consciemment et amoureusement.
J'entre en sciences quand « je vois » que tout cela existe, 
et cela est Vrai.
J'entre en philosophie quand « je vois » la conscience qui voit que tout cela existe 
et cela est Bien.
J'entre en philocalie quand « je vois » que tout cela existe, quand je suis la conscience qui voit que tout cela existe et nous est donné 
et cela est Beau !
J'entre en sciences lorsque j'observe et m'étonne de tout ce qui est.J'entre en philosophie lorsque Je m’émerveille de ma conscience de tout ce qui est, et de la conscience que je suis.
J'entre en philocalie lorsque je suis dans la gratitude d'être, et de devenir la conscience et l'amour que je suis, lorsque je remercie tout ce qui est d'être et de devenir « ainsi ».
On entre en sciences en disant : « cela est ».
On entre en philosophie en disant : « Je suis ».
On entrant en philocalie en disant : « je t'aime ».
A un ami qui vient de mourir :
Lorsque j'entre en silence, maintenant ou à l’heure de ma mort,
le scientifique que je suis deviens tout ce qui est :
poussière parmi toutes les poussières, étoile parmi les autres étoiles.
Lorsque j'entre en silence maintenant et à l’heure de ma mort, 
le philosophe que je suis deviens ce qu'il est depuis toujours, conscience au cœur de la conscience, lumière au cœur de la lumière.
Le poète (le croyant ou le pratiquant de la philocalie) que je suis, deviens l’Agapé qui donne l’être à tout ce qui est et qui m'a donné l'être que j'étais, que je suis, que je serai.
Lorsque j'entre en silence maintenant et à l’heure de ma mort,
j'entre en parousie, plénitude de la présence, « aïn sof », « sans limites ».
Je découvre le silencieux amour partout et toujours, là, depuis toujours et pour toujours…
ah !
oui !
merci !
a o m …
 
l'accueilleuse-guérisseuse et le chasseur, en cours d'écriture, j'ai le chasseur, manque la guérisseuse

l'accueilleuse-guérisseuse et le chasseur, en cours d'écriture, j'ai le chasseur, manque la guérisseuse

l'éternité est épuisée / le livre d'éternité est à livrer
l'éternité est épuisée / le livre d'éternité est à livrer

l'éternité est épuisée / le livre d'éternité est à livrer

Lire la suite

Lettres de Pétrarque à son frère

30 Janvier 2022 , Rédigé par grossel Publié dans #Le Revest-les-Eaux, #amour, #poésie, #écriture, #vraie vie, #voyages, #pour toujours, #notes de lecture, #histoire, #essais

la salle de spectacles de la Maison des Comoni devrait retrouver son nom d'origine, salle Pétrarque, noms donnés lors de l'inauguration du lieu, le 1° juillet 1990, adoptés dans un conseil municipal de l'époque
Maison des Comoni plutôt que Théâtre parce que
Maison = accueil + chaleur,
Comoni parce que la plus ancienne trace d'occupation du lieu, la tribu ligure des Comani, citée, gravée sur le trophée d'Auguste à La Turbie, devenant par déformation orale Comoni
Pétrarque parce que celui-ci a séjourné deux fois à la Chartreuse de Montrieux, en 1347 puis en 1353, rendant visite à son frère cadet Gherardo, père supérieur de cette Chartreuse, décimée par la peste noire et à laquelle Gherardo survécut, avec lequel François avait fait la montée du Ventoux le 26 avril 1336;
en grimpant sur le pierrier, la xalada (mot de Pétrarque) au-dessus du Revest par le col des morts où une carrière mange la pierre calcaire pour les besoins du BTP, des autoroutes, du nouveau port de Monaco, on peut arriver au monastère en 1 H 1/2; c'est le même territoire de rochers, d'avens, de forêt de chênes
Pétrarque parce que couronné Prince des Poètes au Capitole à Rome en avril 1341, inventeur du sonnet, amoureux à vie de Laure de Noves, épouse Sade (aïeule donc du divin marquis), idéalisée après l'avoir vue à l'église Sainte-Claire d'Avignon, le 6 avril 1327 (elle meurt le 6 avril 1348), objet-sujet, figure-visage-présence de deux oeuvres majeures de la littérature courtoise, le Canzonniere écrit sur 20 ans dans ce qui va devenir l'italien, les Triomphes de l'amour
Pétrarque parce qu'il a écrit 6 Lettres familières à son frère, lettres dont j'ai rendu compte dans un article remis au bibliothécaire de la chartreuse le 25 mai 2006
merci au maire du Revest d'avoir pris note de cette demande de restitution de son nom à cette salle: un lieu est chargé de mémoire, d'énergie en fonction de ce qui s'y est passé
les personnes présentes à la soirée Germain Nouveau, mendiant mystique, le vendredi 28 janvier 2022 ont sans doute ressenti cette charge
au passage, je signale que Germain Nouveau a écrit les Valentines (la doctrine de l'amour) en lien avec une Valentine rencontrée, devenue femme plurielle, Valentine, la Laure de Germain, lequel parmi les 17 hétéronymes qu'il a utilisés avait choisi Jean de Noves et le succulent Monsieur François Laguerrière
Petrarque par Ernest-Pignon Ernest, le Christ vu par le peintre revestois Marief, peinture visible dans le bureau du maire du Revest
Petrarque par Ernest-Pignon Ernest, le Christ vu par le peintre revestois Marief, peinture visible dans le bureau du maire du Revest

Petrarque par Ernest-Pignon Ernest, le Christ vu par le peintre revestois Marief, peinture visible dans le bureau du maire du Revest

Les lettres familières de Pétrarque
à son frère Gherardo,
moine
à La Chartreuse de Montrieux


La Chartreuse de Montrieux, ce 25 mai 2006, à midi,
où a été présenté le texte ci-dessous,
donné ensuite aux moines chartreux.

La Chartreuse, le 8 octobre 2005


Pétrarque a écrit 6 lettres familières et une lettre de la vieillesse à son frère Gherardo.
Les 6 lettres sont disponibles en version bilingue : latin-français depuis 2005 aux Belles Lettres.
La lettre de la vieillesse ne sera disponible qu’en 2006 ou 2007, aux Belles Lettres.
La 1° lettre est du 25 septembre 1349, plus de 6 ans après la prise de l’habit par Gherardo.
La 2° est du 2 décembre 1349.
La 3° est du 11 juin 1352.
La 4° non datée a été écrite probablement entre janvier et février 1353.
La 5° est du 7 novembre 1353.
La 6° est du 25 avril 1354.
Dans ces 6 lettres, nous ne trouvons pas d’indications sur la région sauf une référence à la grotte de la Sainte Baume, non nommée comme telle mais comme grotte où se retira Marie-Madeleine, grotte visitée par Gherardo et aussi par Pétrarque.
La 4° est celle qui nous en dit le plus. Gherardo a survécu seul à la peste de 1348. Il a perdu ses 34 compagnons de prière. Il a défendu seul la Chartreuse contre les brigands en leur parlant. Il a obtenu du prieur de la Grande Chartreuse, Jean Birelle, de choisir un nouveau prieur et des moines pour restaurer Montrieux.
Les autres lettres sont des méditations provoquées par la réception d’un coffret de buis et d’une lettre de Gherardo, par l’envoi d’un exemplaire des Confessions d’Augustin à Gherardo. Pétrarque semble fier de la fermeté de la foi de son frère, se met à son niveau par les références aux Pères de l’Église et à des philosophes ou sages de l’Antiqité. Il s’interroge sur lui-même, est partagé entre une attitude de pénitence, de repentance et une attitude d’humaniste, ne pouvant renoncer aux biens de ce monde, variables avec l’âge (on ne désire pas les mêmes choses, jeune, puis vieux). Malgré l’admiration qu’il éprouve pour son frère, on sent que Pétrarque est soucieux d’autre chose que de vivre dans la gloire de Dieu et pour Dieu, même si celui-ci est évoqué de nombreuses fois. La piété de Pétrarque, réelle, n’est pas suffisante pour l’amener à renoncer par exemple à son amour idéalisé pour Laure qui va l’occuper toute sa vie, avec les 10 rédactions successives du Canzoniere, son chef d’œuvre en italien quand il était persuadé qu’il passerait à la postérité par ses écrits en latin.
Pétrarque François est né le 20 juillet 1304 à Arezzo en Italie qui n’est pas encore l’Italie.
Gherardo est né en 1307.
En 1311, la famille quitte Pise pour le Vaucluse où se trouve la Papauté, en Avignon. Elle s’installe à Carpentras.
Vers 1316, Pétrarque découvre le site de la Fontaine du Vaucluse.
Entre 1320 et 1326, les deux frères étudient le droit à Bologne.
Dante meurt en 1321. Avec lui, meurt une certaine conception du monde, un certain usage de la vie caractérisée par un ascétisme que l’on commence à trouver excessif parce qu’une nouvelle classe émerge, la bourgeoisie, et qu’avec elle va émerger une nouvelle vision de la vie qui ne mérite pas tant de malédictions et dans laquelle il y a place pour la douceur du monde, les plaisirs, la beauté, les beautés. Certes, on continue à croire que le perfectionnement compte plus que la joie mais on voit bien qu’avec Pétrarque, Laure n’a pas le même statut que la Béatrice de Dante. La chair sourit, le soleil brille, l’homme a des désirs et des rêves, la volonté fléchit, la mélancolie et l’angoisse surgissent, l’élégie redevient possible. Avec Laure, on peut dire que Béatrice, symbole de la divinité, conduisant l’homme vers la perfection par des raisonnements élevés, conscience vigilante de l’homme, devient la beauté qui inspire des sentiments sublimes. Laure a levé les yeux, a souri à l’homme qui l’aime et voilà que Laure se promène dans les prairies, au bord des ruisseaux, contemple son image dans les sources, cueille des fleurs. Le poète ose la regarder, non comme une idée, un idéal mais comme la Femme prête à se laisser contempler par son amant.
Pétrarque vit ce changement de vision avec culpabilité et c’est cette tension entre hier et aujourd’hui, entre la nécessité de la perfection et son impossibilité pour lui, qui va faire la matière de son œuvre, partagée entre les œuvres latines édifiantes et l’œuvre en langue vulgaire où il cède à l’avidité du regard contemplatif, osant regarder les yeux, les mains, le visage, les cheveux, le sourire de la Femme aimée, ce que Dante n’avait pas osé faire.
Pétrarque renverse donc la perspective dantesque. Quand Dante projette la terre vers le ciel, Pétrarque trouve le ciel sur terre, sentiment religieux à rebours, nourri de la nostalgie des formes aimées et disparues, de l’angoisse impuissante de voir s’évanouir dans le néant ce corps adoré.
Revenons à la biographie.
Le 6 avril 1327, il rencontre Laure en l’église Sainte-Claire d’Avignon, vision décisive et définitive qu’il chantera toute sa vie.
En 1333, il reçoit d’un moine un minuscule exemplaire des Confessions d’Augustin qui l’accompagnera toute sa vie et qu’il donnera en 1374, peu avant sa mort, à un jeune moine augustinien. Il fait cadeau en 1354 d’un exemplaire des Confessions, copie transcrite par un jeune familier de Pétrarque, à son frère, cadeau évoqué dans la 6° lettre.
Le 26 avril 1336, il entreprend l’ascension du Ventoux avec son frère, véritable exploit pour l’époque. Au sommet, il ouvre au hasard son exemplaire des Confessions et tombe sur ce passage : « Et les hommes s’en vont admirer les hauts sommets, les immenses houles marines, les fleuves au large cours, l’Océan qui tout embrasse, les révolutions des astres ; et ils se laissent eux-mêmes à l’abandon. » Gherardo est saisi par ce passage, veut en entendre davantage mais François n’en lira pas plus. Il s’est perdu dans la montée quand son frère est arrivé sans encombres, il est fatigué, la montée a duré 7 ou 8 heures, il faut redescendre à Malaucène, il y en a pour 6 heures encore.
Gherardo doit sans doute sa vocation, sa conversion, à cette ascension et aux Confessions mais elle ne se révèlera qu’après la mort de celle qu’il aime en 1340. Laure, elle, sera emportée, comme le cardinal Colonna, protecteur de Pétrarque, par la peste de 1348. François apprendra la nouvelle le 19 mai 1348.
Gherardo décide de se retirer du monde à Montrieux et prend l’habit de moine en avril 1343.
Pétrarque passera un jour et une nuit à Montrieux, début 1347, visite à la suite de laquelle il écrira en latin le De otio religioso dédié aux moines chartreux.
Le 6 avril 1341, Pétrarque avait été spectaculairement couronné Prince des Poètes au Capitole à Rome. Il avait tout mis en œuvre pour obtenir cette consécration.
Pétrarque passera le 20 avril 1353 à Montrieux avant de quitter définitivement la Provence pour l’Italie, fin mai ou début juin 1353. Il s’installe d’abord à Milan au grand dam de son ami Boccace puis à Venise à la demande des doges où il reçoit un palais en échange de ses manuscrits car Pétrarque, fantastique érudit, avait réussi à dénicher des manuscrits rares.
En 1368, il s’installe à Padoue-Arquà. Il meurt le 19 juillet 1374 à sa table de travail et est enseveli dans l’église d’Arquà.
Le Canzoniere, commencé en 1342 (Laure a été vue le 6 avril 1327), prendra toute sa vie : en 1374, il travaille à la 10° rédaction de ce texte qu’il récusait pourtant.
Revenons au contenu des lettres.
La 1° lettre évoque les années de dissipation (1326 et après) dont seul Gherardo réussit à se libérer par la conversion. Comme toujours chez Pétrarque, érudit, l’imitation des Anciens est une source d’inspiration. Pour cette lettre, le fond doit aux Confessions d’Augustin et la forme aux Psaumes de David.
Avec la 2° lettre, Pétrarque envoie Parthenias, première églogue écrite en 1347 de son Bucolicum carmen, dans laquelle Pétrarque affirme que les Psaumes de David ne sont pas seulement un témoignage de foi mais aussi une œuvre poétique, développant ainsi cette thèse que la poésie a une origine religieuse et que la théologie est une poésie ayant Dieu pour objet.
Le 10 juin, veille du jour où Pétrarque rédige sa 3° lettre, il reçoit de Gherardo, un coffret de buis réalisé par son frère lui-même et une lettre de conseils, composée en grande partie de citations des Pères de l’Église, lettre perdue. La lettre de Pétrarque développe les raisons de la diversité observée entre les êtres humains et en un même être. Je n’ai pu m’empêcher d’entendre Montaigne, deux siècles et demi plus tard. Pétrarque emprunte à Aristote sa tripartition entre vie voluptueuse, vie politique et vie contemplative.
La 4° lettre est consacrée au courage de Gherardo pendant la peste de 1348.
La 5° est en relation avec un livre écrit par Gherardo sur la philosophie chrétienne et sur les principes à suivre pour une vie qui lui soit conforme, livre dont une copie a été remise à François. Ce livre est également perdu. Pétrarque s’interroge sur quelle est la vraie philosophie, quelle est la vraie loi et quel est leur meilleur maître à toutes les deux.
La 6° lettre en lien avec le cadeau d’une copie des Confessions à Gherardo aborde le sujet des livres et de leurs copies et pourquoi les copies des savants comportent plus d’erreurs que celles des copistes.
Comme on le voit, les circonstances d’écriture conditionnent en partie le sujet des lettres mais l’érudition de Pétrarque, sa culture donnent à ses lettres une dimension qui dépasse les circonstances, lui permettant de s’adresser à tout un chacun.
Pour conclure, on mesure cependant, en lisant ces lettres aujourd’hui, notre inculture de fond, l’absence de fréquentation des textes anciens, y compris religieux, expliquant cette distance entre nous et Pétrarque.
Je ne suis pas sûr que nous ayons perdu quelque chose d’essentiel en perdant ce qui sollicitait Pétrarque ou Dante. Nous avons trouvé d’autres interrogations, d’autres visions du monde, d’autres façons de vivre. En essayant de me situer à peu près au même niveau, à la même hauteur d'exigence que Gherardo ou François Pétrarque, il me semble que la sagesse tragique d’un Marcel Conche répond mieux à mes attentes, à mes envies fortes de vivre vraiment ma vie, que la vocation de Gherardo pour la voie de la perfection, ou que le clivage de Pétrarque entre son aspiration à la vraie vie spirituelle et sa complaisance pour la vie mondaine que par ailleurs il critique. La perfection recherchée par Gherardo, l’écartèlement de Pétrarque, cela ne me parle pas, ne me mobilise pas, ne correspond pas à mon expérience. Je suis en recherche d’authenticité et de vérité, comme eux sans doute, mais sur cette voie, j’ai d’autres maîtres: Montaigne et Marcel Conche.


Jean-Claude Grosse, ce 25 mai 2006

 

La Chartreuse de Montrieux, ce jeudi 25 mai 2006, à midi.

La Chartreuse, le 8 octobre 2005


PS : Une légende veut que Pétrarque se soit arrêté au Revest en rendant visite à Gherardo. Rien dans les lettres ou dans les notes érudites ne permet d’accréditer la légende. Pour se rendre à Montrieux depuis le Vaucluse, le passage par Le Revest ne semble pas se justifier.
Mais on peut se rendre à Montrieux depuis Le Revest en passant par Siou Blanc et son pierrier, une xalada selon un terme du Canzoniere. Il faut 2 bonnes heures de marche.
Le Revest a donné le nom de Pétrarque à la salle de spectacle de la Maison des Comoni, le 1° juillet 1990. Pétrarque est donc associé aux activités artistiques et culturelles de ce lieu rayonnant : c’est une autre forme de couronnement ; c’est une reconnaissance légitime quand on sait l’influence de Pétrarque depuis 7 siècles sur la poésie et ses formes, en particulier le sonnet, jusqu’à Baudelaire en passant par Lamartine, qui lui a consacré un de ses cours familiers de littérature.

Une des 3 manifestations Poètes en partage qui se sont déroulées aux Comoni  a été consacrée à Pétrarque dit en latin, en italien et à René Char. 

 

La Chartreuse de Montrieux, ce 25 mai 2006, à midi,
où a été présenté le texte ci-dessus,
donné ensuite aux moines chartreux.

La Chartreuse, le 8 octobre 2005
Lire la suite
1 2 3 4 5 > >>