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Blog de Jean-Claude Grosse

amour

Dolly / Edgar et Diane Gunzig

2 Janvier 2024 , Rédigé par grossel Publié dans #FINS DE PARTIES, #SEL, #agoras, #amitié, #amour, #engagement, #histoire, #les entretiens d'Altillac, #notes de lecture, #pour toujours, #vide quantique, #voyages, #écriture, #épitaphier, #vraie vie, #éveil

Dolly / le photographe de Mauthausen / Relations d'incertitude
Dolly / le photographe de Mauthausen / Relations d'incertitude
Dolly / le photographe de Mauthausen / Relations d'incertitude

Dolly / le photographe de Mauthausen / Relations d'incertitude

Dolly (sorti chez Lamiroy en Belgique en septembre 2023) a été placé sous le sapin par mère Noëlle qui est allée le chercher à la fabuleuse librairie Tropismes à Bruxelles, pendant le week-end du 24 au 26 novembre car impossible de trouver en librairie française un livre édité par un éditeur belge
alors finir l'année 2023 par la lecture en deux jours de Dolly d'Edgar Gunzig et Diane Gunzig avec une postface de Thomas Gunzig , le petit-fils de Dolly
c'est un moment fort en lien
avec la lecture que j'avais faite du manuscrit que m'avait envoyé Edgar
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Edgar Gunzig reçoit le vendredi 13 juin 2015, la photo sauvée par Francisco Boix de son père, assassiné le 28 février 1942 à 8 H 30 à Mauthausen (il a 37 ans) et se lance dans la reconstruction très documentée de l'histoire de son père intimement liée à l'histoire des Juifs de l'est de l'Europe, ici la Tchécoslovaquie
la photo n'est pas reproduite dans le récit, beau geste puisque le livre ramène à la vie celui dont le nom était inscrit dans le Totenbuch de Mauthausen et qu'avait découvert en octobre 1945, le soldat américain Jo Stripounsky, neveu de Dolly, matricule 11552; ils s'étaient séparés le 10 mai 1940, à la frontière française; Jo et sa famille, belges, avaient pu entrer en France puis partir pour les Etats-Unis. Dolly, tchèque, avait été refoulé avec Rachel.
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Dolly,
c'est une plongée
- dans une histoire de tresse entre Histoire avec grande H et histoires de personnes militantes, principalement juives, motivées par des idéaux de justice, de solidarité (Jacques, Rachel, la mère d'Edgar, et tant d'autres)
- se tressent
les conditions de l'arrivée au pouvoir d'Hitler et du nazisme, de la solution finale (Shoah), de la 2° guerre mondiale, de la confrontation à mort avec le stalinisme (le bolchevisme juif, dixit Hitler) après l'épisode du pacte germano-soviétique
et les intrications avec le parcours militant de Jacques Gunzig, père d'Edgar Gunzig, se retrouvant par choix idéologique de sioniste laïque dans un kibboutz en Palestine en 1931 et comprenant sur place que le sionisme n'est pas la solution à la question juive, d'où son choix du communisme
- c'est un retour sur mes douze années de militantisme trotskiste
Jacques Gunzig fut faussement accusé par deux commissaires politiques staliniens de déviationnisme trotskiste (cela se traduisait le plus souvent par une balle dans le dos, beaucoup de militants du POUM et d'anarchistes furent assassinés par les staliniens) pendant sa participation de 1937 à 1939 avec sa femme Rachel (Edgar naîtra en Espagne, à Mataro, le 21 juin 1938) aux Brigades Internationales en soutien aux républicains espagnols contre le putsch des nationalistes franquistes;
il n'eut pas le temps ni la possibilité de revenir sur son choix idéologique du communisme stalinien; il n'a rien su des procès, des purges, des famines provoquées, du goulag
je suis convaincu que la solution n'est pas du côté du trotskisme, pas du côté de la révolution ou de la grève générale,
et, c'est une conviction récente, pas du côté de la démocratie soi-disant représentative;
j'avoue ne plus savoir si le monde saura en finir avec le capitalisme ou si le capitalisme débouchera sur le suicide de l'humanité
- c'est en résonance très forte avec ce qui s'est déclenché depuis le 7 octobre 2023 tant à Gaza (Hamas fasciste) + (réaction disproportionnée au service d'une politique de colonisation du gouvernement d'extrême-droite d'Israël) qu'en Cisjordanie (agressions des colons et militaires israéliens) et dont les conséquences désastreuses sont devant nous
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un livre qui devrait être lu par le plus grand nombre car le panoramique historique, géographique et idéologique balayé est vertigineux (sur plus d'un siècle avec le rôle du père de Jacques-Dolly, Ie rabbin Israël Gunzig, installé dans la synagogue de Lostice en Tchécoslovaquie)
et surtout peu connu
(avoir été militant révolutionnaire est de ce point de vue une chance car on a eu accès à une autre histoire de l'Histoire que les histoires officielles, sachant cependant que toutes les histoires sont toutes des histoires qu'on se raconte, des légendes, ni fausses, ni vraies, mais nécessaires et éphémères)
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merci au hasard (?) qui a permis à Edgar Gunzig d'accomplir avec Diane ce formidable travail d'épitaphier qui n'épuise pas son questionnement sur ce père perdu à l'adolescence (en particulier son rôle dans l'Orchestre rouge; pourquoi ne fuit-il pas lors du démantèlement de l'antenne bruxelloise ?)
mais livre aux lecteurs de quoi être ému, bouleversé, questionné, interpellé
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si vous voulez en savoir plus sur Edgard Gunzig, lisez Relations d'incertitude, co-écrit avec Elisa Brune ((1966-2018)
Edgard, physicien reconnu, propose à une jeune journaliste d'écrire un ouvrage de vulgarisation. Rapidement, la discussion scientifique se mue en une longue confidence à bâtons rompus. Du Big Bang aux cachots de la douane indienne, de la guerre d'Espagne à la Pologne communiste des années cinquante, de l'enfance cachée pendant la guerre au vide quantique générateur d'univers, Edgard livre les épisodes d'un destin plus que mouvementé.
Disponible en poche chez Espace Nord
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j'ai lu ce roman à sa sortie en 2004, rencontré Edgard Gunzig au salon du livre à Paris en 2005 et c'est ainsi qu'il m'invita à Peyresq Physics 12, les 19 et 20 juin 2007 puis que j'ai organisé sa rencontre avec Marcel Conche à Altillac, le 11 novembre 2009
le siècle de Marcel Conche avec le texte d'Edgar Gunzig rencontre de deux ignorants

le siècle de Marcel Conche avec le texte d'Edgar Gunzig rencontre de deux ignorants

Edgar Gunzig

rencontre de deux ignorants

Mon cher Marcel Conche,

Voilà plus de dix ans, le 11 novembre 2009 à Altillac, qu’eut lieu, à l’initiative de Jean-Claude Grosse, la rencontre de deux « ignorances », celle du philosophe annonçant d’entrée de jeu, sa méconnaissance de la physique et celle du physicien peu éclairé en philoso- phie.

Malgré le peu de compatibilité entre les deux discours, le scientifique et le métaphysique, l’échange fut vif, fructueux, très cordial et non dépourvu d’humour. Il me laisse un souvenir durable et joyeux.

Vous nous parliez de l’infini de la Nature, moi de l’infini de l’Univers.

Cet Univers qui existe depuis 13,7 milliards d’années mais aussi depuis toujours... Cette affirmation appa- remment contradictoire prend néanmoins tout son sens dans un contexte cosmologique novateur (1,2,3,4) : l’Univers n’a d’autre origine que...lui-même !

Il est sa propre cause et s’auto-engendre dans une dé- marche circulaire que les anglo-saxons désignent par l’expression « free lunch », créer quelque chose à par- tir de rien, sans faire appel à un point d’appui et sans apport d’énergie extérieure, par la seule mise en oeuvre adéquate de ressources, d’actions et d’énergies internes. L’expression « bootstrap », littéralement « se hisser en tirant sur ses bottes », se réfère à ce type de situation.

Le bootstrap se retrouve ainsi au coeur de toute dynamique autonome, toute activité qui s’auto- engendre, auto-consistante, fonctionnant en boucle fermée, indépendante de tout ce qui lui est extérieur. Il est à l’oeuvre dans tous processus scientifiques, phi- losophiques, artistiques...qui se créent, se façonnent réciproquement et s’enrichissent par le biais d’un jeu interactif entre l’oeuvre créée et son créateur. Ce dernier pourrait alors dire à l’instar de Montaigne à propos de ses « Essais »: « J’ai autant fait mon oeuvre qu’elle m’a faite »... et Marcel Conche ?

Que l’Univers lui-même puisse s’autocréer sans le recours à un quelconque « extérieur », d’ailleurs inexis- tant, traduit l’ouverture conceptuelle majeure qui bouleverse la physique d’aujourd’hui : la création d’une connivence indissociable entre le temps, l’espace, la matière et l’acteur essentiel, le « Vide Quantique ». C’est autour de ce dernier que s’articule un dialogue inattendu entre le contenant spatio-temporel et le contenu matériel de l’Univers : l’expansion de l’espace et son contenu matériel s’engendrent l’un l’autre dans un « bootstrap cosmologique » énergétiquement gratuit, une rétro-action géométrico-matérielle à l’échelle cosmologique : l’énergie gagnée par le contenu matériel créé étant intégralement puisée dans la géométrie dynamique de l’espace-temps. C’est elle qui, en retour trace les trajectoires des corps matériels et du rayonnement.

Les équations d’Einstein de la relativité générale représentent les contraintes mathématiques précises qui expriment les liens indissociables entre l’espace, le temps, la matière et ...le vide. Elles gèrent les rapports intimes qu’ils entretiennent au coeur des deux grands courants de la physique contemporaine, la relativité générale et la théorie quantique des champs. Elles décrivent une dynamique d’un genre nouveau, la rétroaction perma- nente entre le contenu de matière-énergie de l’univers et sa géométrie, situation sans précédent en physique.

Les questionnements essentiels, qui se posent au sein de ce cadre conceptuel, s’articulent autour de la manière dont l’expansion de l’espace-temps et son contenu matériel se conditionnent l’un l’autre. Autrement dit, comment ce contenu matériel quantique ressent-il cette expansion et, point capital, comment se comporte son état fondamental, par définition son état d’énergie minimale non nulle, le vide quantique ? Cette dynamique entrelacée se déroule sous la contrainte des équations d’Einstein semi-classiques : la géométrie de l’espace-temps y est décrite classiquement alors que son contenu matériel l’est quantiquement. L’expansion de l’espace produit sa propre énergie analogue à celle que produirait une source d’énergie extérieure, et crée ainsi son contenu matériel.

C’est comme si l’Univers possédait son extérieur énergétique en lui- même.

C’est pourquoi cette création, qui ne résulte que de transferts internes d’énergie, est ainsi globalement gratuite. C’est la stratégie la plus subtile jamais mise en oeuvre par l’univers, celle de son autocréation ! La mise au point de cette cosmologie autoconsistante, fut le fruit des travaux déployés par quelques physiciens (1,2,3,4) désireux de cerner le moment zéro de l’émer- gence physique de l’univers issu d’un vide quantique « primordial ». Celui-ci devient l’acteur central d’une histoire cosmologique semi-classique de l’univers. Ce vide quantique est par essence dépourvu de parti- cules réelles mais est le siège d’une mouvance irréduc- tible par principe, les fluctuations quantiques du vide, porteuses de l’énergie de ce niveau fondamental.

La création de particules au sein de ce vide, requiert un apport suffisant d’énergie à ces fluctuations pour qu’elles puissent se « matérialiser » et transporter alors l’équivalent énergétique de la masse de ces particules réelles ainsi créées. Dans ce contexte cosmologique, il n’y a pas d’« ailleurs » de l’univers d’où cette énergie pourrait être importée, semblant ainsi interdire a priori de telles créations.

Et pourtant, il nous est apparu (1,2,3,4) que l’univers en expansion est le seul système physique qui fasse exception : il contient en lui-même un réservoir énergé- tique dans lequel le champ peut puiser l’énergie qui lui convient. C’est dans un dialogue entre les fluctua- tions quantiques du champ matériel et la géométrie courbée de l’espace-temps qu’apparaît une forme inattendue d’énergie, celle qui est associée à l’expan- sion géométrique de l’univers, donc à la géométrie de l’espace-temps dynamique. Cette source géométrique d’énergie donne au vide quantique la possibilité de s’ex- primer cosmologiquement : l’expansion cosmologique de l’espace induit l’excitation du champ quantique, donc la création associée de particules matérielles. Cette matière ainsi créée rétroagit alors en conditionnant, à son tour, l’expansion qui lui a donné naissance... Extraordinaire serpent cosmologique qui se mord la queue ! Bel exemple de mécanisme de rétroaction régi par les équations d’Einstein. C’est une réponse surprenante et essentielle au questionnement relatif au pouvoir créateur du vide : ce processus de feedback géométrico-matériel peut en effet s’enclencher quel que soit l’état quantique initial du champ... même si c’est précisément son état de Vide.

L’existence préalable de matière n’est donc pas requise pour amorcer sa propre création. La totalité du contenu matériel de l’univers pourrait-il donc résulter de ce scénario autocréateur ? Si ce dernier est concep- tuellement attrayant, satisfait-il pour autant à toutes les contraintes de la théorie ? Autrement dit, est-il décrit par une solution des équations semi-classiques d’Einstein qui gèrent ce problème ?

Question conceptuellement excitante s’il en est.

Notre travail collectif (1,2,3,4) aboutit à une conclu- sion plus que satisfaisante : il existe bien une solution mathématique exacte qui décrit ce mécanisme cosmo- logique autoconsistant par lequel la matière, qui est entièrement produite par l’expansion, est précisément celle qui soutient cette expansion au sein d’un bootstrap géométrico-matériel. C’est un phénomène coopératif à l’échelle cosmologique, responsable de la produc- tion coordonnée du contenu matériel de l’univers et de son expansion : la matière créée par l’expansion en est également le moteur. Ce mécanisme coopératif de création souligne un rôle inattendu de l’espace-temps dynamique : le milieu matériel cosmologique s’engendre lui-même par espace-temps interposé́.

Cette prouesse cosmologique est donc énergétique- ment gratuite car elle ne résulte que de transferts internes d’énergie entre la géométrie et la matière, c’est donc un free lunch cosmologique.

Voilà comment le dialogue entre la relativité générale et la théorie quantique des champs pourrait ouvrir la voie à une histoire cosmologique d’un genre nouveau... l’émergence de l’univers à partir du vide quantique pri- mordial.

En dépit de la beauté formelle de ce mécanisme cosmologique autoconsistant exact, le physicien se doit de poser ici la question cruciale : cette solution mathé- matique a-t-elle des raisons physiques de se matériali- ser au coeur de ce vide quantique ?

La réponse positive à ce questionnement résulte d’une propriété ésotérique de ce milieu particulier : son éner- gie étant la plus basse des énergies compatibles avec les règles du jeu quantique, elle ne peut descendre sous ce seuil et ne peut ainsi que rester constante au cours de l’expansion, propriété étrange qui implique- rait que la pression du vide quantique serait négative et engendrerait par cela même un effet gravitationnel répulsif, une antigravitation. C’est elle qui induirait l’expansion et lancerait la création autoconsistante de matière. Un hypothétique vide quantique primordial soumis aux effets de son autogravitation répulsive ne pourrait dès lors que se transformer en un univers matériel en expansion...le nôtre?

L’histoire cosmologique de l’Univers ne résulterait pas de l’explosion mathématique, cataclysmique, infinie de Tout dans Rien, le Big Bang, mais émergerait physi- quement, sans fracas énergétique, d’une instabilité d’un vide quantique primordial soumis aux effets de son au- togravitation répulsive.

Cette propriété déterminante ouvre la voie à des his- toires cosmologiques inconcevables dans le cadre de la cosmologie einsteinienne classique : l’expansion de l’univers naissant est exponentiellement accélérée, sans commune mesure avec l’expansion décélérée du modèle cosmologique standard, c’est une inflation cosmologique. Cerise sur le gâteau : c’est elle qui éradiquerait un grand nombre de ses pathologies et énigmes.

Voilà mon cher Marcel Conche comment l’univers en expansion pourrait se faire naître lui-même. Il s’inspirerait ainsi du Dieu du « Livre des morts de l’Egypte ancienne » clamant : « Je me suis engendré moi-même à partir de la substance originelle que j’ai faite. »

1. R. Brout, F. Englert, E. Gunzig, « The Creation of the Universe as a Quantum Phenomenon, Ann. phys., 115, 78, 1978.

2. E. Gunzig, P. Nardone, « Self-Consistent Cosmology, The Inflationary Universe and all that... », Fund. Cosmic. Phys., 11, 311-443, 1987.

3. E. Gunzig, « Du vide à l’Univers », dans « Le Vide, Univers du Tout et du Rien », 467-486, Ed. Complexe ( Bruxelles, Paris), 1998.

4. E. Gunzig, « Variations sur un même ciel », Ed. la ville brûle (Paris), « Cyrano, le bootstrap et l’histoire cosmologique du vide », 249-266, 2012.

Ce petit travail n’aurait pas vu le jour sous cette forme sans le soutien de ma femme.

Merci Diane, Edgar.

ENTRETIEN ENTRE UNE COSMOLOGISTE ET UN PHILOSOPHE

ENTRETIEN ENTRE UNE COSMOLOGISTE ET UN PHILOSOPHE

JEAN-CLAUDE GROSSE

OPACITÉ/TRANSPARENCE

ENTRETIEN ENTRE UNE COSMOLOGISTE ET UN PHILOSOPHE

10 août 2013. Soirée (g)astronomie au gîte de Batère, 1 500 mètres d’altitude, à Corsavy. Ciel constellé. Pour observation après le repas.

Ont été invités Ada Lovelace, descendante de Lord Byron, 36 ans, cosmologue, génie du calcul intensif et Marceau Farge, fils de paysans corréziens, 91 ans, philosophe naturaliste d’une grande liberté d’esprit.

MARCEAU – Je me suis souvent demandé, Madame, ce que nous apportait la science: des certitudes valables un temps seulement, souvent contestées du temps même de leur prééminence, sur lesquelles s’appuient des volontés intéressées de maîtriser la nature et l’homme. N’est-ce pas ainsi qu’il faut voir la recherche acharnée des constantes universelles ?

ADA – Les quinze constantes physiques actuelles sont d’une précision et d’un équilibre qui nous ont rendu possible: matière, vie, conscience. Votre méditation métaphysique, cher Marceau, n’est qu’une spéculation solitaire sans vérifications. Les chercheurs avec leurs télescopes comme Hubble captent des lumières (la gamma, la X, l’ultraviolette, la visible, l’infrarouge, la radio) de plus en plus faibles provenant de l’univers (sans lumières, ils sont dans le noir). Voir faible c’est voir loin dans l’espace indéfini et tôt dans le temps immense. Nos tâtonnements lents, rigoureux, collectifs, débouchent sur un modèle d’univers cohérent et beau, en symbiose avec nous.

MARCEAU – La disproportion entre l’opacité et la clarté ne plaide-t-elle pas pour la méditation impatiente et quasi- aveugle sur l’opacité? Elle ne dérange pas l’ordre des choses étant sans volonté de puissance, sous-jacente au désir de savoir.

ADA – Vous provoquez là ! Votre métaphore n’a rien d’aveuglant. Nous, chercheurs, mettons en place des notions nous permettant d’éclairer l’opacité : hasard, chaos, inflation, singularité, fluctuation quantique. Nous voyons se multiplier les paradoxes qui mettent en difficulté nos modèles à contraintes et constantes

MARCEAU – la métaphysique a inventé des modèles depuis longtemps. Anaximandre, son infini, son germe universel, Héraclite, le feu comme principe de création, destruction, bien avant votre big bang, Démocrite, ses atomes, Épicure, le clinamen (une déviation, une mutation). La contemplation ouvre sur des visions développées en métaphores

ADA – vos métaphores métaphysiques, Marceau, sont figées. Nos paradoxes scientifiques sont dynamiques. Pensez aux effets du paradoxe EPR (1935) qui révèle qu’ici est identique à là (1998). Observer en 1998 que l’expansion de l’univers, décelée en 1929, est en accélération oblige à poser l’existence d’une énergie répulsive responsable de cette accélération: l’énergie noire. Les calculs intensifs, pétaflopiques, bientôt exaflopiques, que j’entreprends avec les calculateurs Ada et Turing sont réalisés pour tenter de la caractériser avant de la déceler.

MARCEAU – On a donné votre prénom à un calculateur pétaflopique ? (Elle rit.) Rien n’interdit ma méditation de se nourrir de vos calculs. Échange chiffres contre images. Pour évoquer la recherche de la vérité, j’imagine un archer tirant dans le noir. Où est la cible ?

ADA – Les constantes sont d’une telle précision qu’il faut que votre archer vise une cible d’un centimètre carré, placée aux confins de l’univers. Enlevez un 0 à 1035 et vous avez un univers vide, stérile.

MARCEAU – Savoir que nous sommes des poussières d’étoiles dans un univers anthropique, connaissances scientifiques du jour, enrichit ma pensée de la Nature, m’évite de m’égarer dans une théologie créationniste ou dans une métaphysique matérialiste, déterministe et réductionniste comme celle du Rêve de d’Alembert de Diderot

ADA – d’autant que nous distinguons deux sortes de matières, la matière lumineuse, visible, connue et la matière noire, jamais observée, inconnue, comme l’énergie noire

MARCEAU – si vous permettez que je vous appelle Ada, le noir, Ada, semble dominer en astrophysique

ADA – 73 % d’énergie noire, 23 % de matière noire, 4 % de matière ordinaire dont 0,5 % de matière lumineuse, telles sont les proportions proposées aujourd’hui pour l’Univers

MARCEAU – soit 0,5 % de clarté pour 99,5 % d’opacité. Le raccourci de la méditation sur le Tout de la Réalité me convient mieux que le long chemin sinueux de la connaissance parcellaire qui bute sur le mur de Planck.

ADA – Cela nous mène où, Marceau ?

MARCEAU – vous Ada à savoir presque tout sur presque rien, moi à voir la Nature comme infinie, éternelle, un ensemble ouvert, aléatoire, en perpétuelle création de mondes inédits, ordonnés, périssables, inconnaissables. Notre conversation par exemple n’était pas programmée bien qu’annoncée. Elle est inédite et restera unique. Parce que c’est vous, parce que c’est moi. L’infini ne s’épuise pas et ne se répète donc pas. Dans de telles conditions de créativité au hasard et d’inconnaissance de cette créativité, la seule attitude me semble être le respect de ce que je ne peux connaître complètement selon le théorème de Gödel de 1931.

ADA – Connaisseur à ce que j’entends. Le chemin de la connaissance scientifique est à l’opposé de votre raccourci méditatif sur le Tout. Il ne vise à expliquer que du détail, même aux dimensions de l’Univers. Il rend compte de ce qui existe par des lois et du chaos, facteur de créativité.

MARCEAU – Pourquoi ce détail, Ada, l’origine de l’Univers, plutôt que tel autre ? parce que la métaphysique vous attend aux confins. Expliquer par du nécessaire et du contingent n’empêche pas les trous noirs entre les différents domaines expliqués incomplètement.

ADA – Ce sont les visages troués de votre Nature.

MARCEAU – Je médite sur ces visages mais j’en vois les limites, Ada. L’Univers n’est pas la Nature. Vous vouliez un tableau fidèle. La Réalité vous impose le flou quantique.

ADA – Votre raccourci vous a demandé une vie pour déboucher sur une métaphore de dix lignes

MARCEAU – sur l’étonnement et l’émerveillement, chère Ada. Ce qui nous a construits par asymétries et découplages, des atomes primordiaux aux éléments chimiques, puis par code depuis LUCA, des gènes aux hémisphères cérébraux, si dissemblables, le droit (celui des images), le gauche (celui des calculs). Ce qui nous a conduits par les chemins sinueux de la causalité probabiliste, par les raccourcis de la liberté, à Corsavy, aujourd’hui, pour contempler la Beauté.

(Il plonge ses yeux rieurs dans les siens. Elle rit.)

Handala, personnage créé par Naji al-ali. Il est apparu pour la première fois en 1969 dans le journal koweitien Alsiyassa (La politique). C'est un petit garçon âgé de 10 ans, c'est l'âge qu'avait Naji lorsqu'il avait quitté la Palestine, pieds nus comme tous les enfants qui habitent les camps de réfugiés palestiniens. Handala est situé dans l'espace sans terrain d'appui car il est sans patrie.

Handala, personnage créé par Naji al-ali. Il est apparu pour la première fois en 1969 dans le journal koweitien Alsiyassa (La politique). C'est un petit garçon âgé de 10 ans, c'est l'âge qu'avait Naji lorsqu'il avait quitté la Palestine, pieds nus comme tous les enfants qui habitent les camps de réfugiés palestiniens. Handala est situé dans l'espace sans terrain d'appui car il est sans patrie.

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Lettres de Pétrarque à son frère

30 Janvier 2022 , Rédigé par grossel Publié dans #Le Revest-les-Eaux, #amour, #poésie, #écriture, #vraie vie, #voyages, #pour toujours, #notes de lecture, #histoire, #essais

la salle de spectacles de la Maison des Comoni devrait retrouver son nom d'origine, salle Pétrarque, noms donnés lors de l'inauguration du lieu, le 1° juillet 1990, adoptés dans un conseil municipal de l'époque
Maison des Comoni plutôt que Théâtre parce que
Maison = accueil + chaleur,
Comoni parce que la plus ancienne trace d'occupation du lieu, la tribu ligure des Comani, citée, gravée sur le trophée d'Auguste à La Turbie, devenant par déformation orale Comoni
Pétrarque parce que celui-ci a séjourné deux fois à la Chartreuse de Montrieux, en 1347 puis en 1353, rendant visite à son frère cadet Gherardo, père supérieur de cette Chartreuse, décimée par la peste noire et à laquelle Gherardo survécut, avec lequel François avait fait la montée du Ventoux le 26 avril 1336;
en grimpant sur le pierrier, la xalada (mot de Pétrarque) au-dessus du Revest par le col des morts où une carrière mange la pierre calcaire pour les besoins du BTP, des autoroutes, du nouveau port de Monaco, on peut arriver au monastère en 1 H 1/2; c'est le même territoire de rochers, d'avens, de forêt de chênes
Pétrarque parce que couronné Prince des Poètes au Capitole à Rome en avril 1341, inventeur du sonnet, amoureux à vie de Laure de Noves, épouse Sade (aïeule donc du divin marquis), idéalisée après l'avoir vue à l'église Sainte-Claire d'Avignon, le 6 avril 1327 (elle meurt le 6 avril 1348), objet-sujet, figure-visage-présence de deux oeuvres majeures de la littérature courtoise, le Canzonniere écrit sur 20 ans dans ce qui va devenir l'italien, les Triomphes de l'amour
Pétrarque parce qu'il a écrit 6 Lettres familières à son frère, lettres dont j'ai rendu compte dans un article remis au bibliothécaire de la chartreuse le 25 mai 2006
merci au maire du Revest d'avoir pris note de cette demande de restitution de son nom à cette salle: un lieu est chargé de mémoire, d'énergie en fonction de ce qui s'y est passé
les personnes présentes à la soirée Germain Nouveau, mendiant mystique, le vendredi 28 janvier 2022 ont sans doute ressenti cette charge
au passage, je signale que Germain Nouveau a écrit les Valentines (la doctrine de l'amour) en lien avec une Valentine rencontrée, devenue femme plurielle, Valentine, la Laure de Germain, lequel parmi les 17 hétéronymes qu'il a utilisés avait choisi Jean de Noves et le succulent Monsieur François Laguerrière
Petrarque par Ernest-Pignon Ernest, le Christ vu par le peintre revestois Marief, peinture visible dans le bureau du maire du Revest
Petrarque par Ernest-Pignon Ernest, le Christ vu par le peintre revestois Marief, peinture visible dans le bureau du maire du Revest

Petrarque par Ernest-Pignon Ernest, le Christ vu par le peintre revestois Marief, peinture visible dans le bureau du maire du Revest

Les lettres familières de Pétrarque
à son frère Gherardo,
moine
à La Chartreuse de Montrieux


La Chartreuse de Montrieux, ce 25 mai 2006, à midi,
où a été présenté le texte ci-dessous,
donné ensuite aux moines chartreux.

La Chartreuse, le 8 octobre 2005


Pétrarque a écrit 6 lettres familières et une lettre de la vieillesse à son frère Gherardo.
Les 6 lettres sont disponibles en version bilingue : latin-français depuis 2005 aux Belles Lettres.
La lettre de la vieillesse ne sera disponible qu’en 2006 ou 2007, aux Belles Lettres.
La 1° lettre est du 25 septembre 1349, plus de 6 ans après la prise de l’habit par Gherardo.
La 2° est du 2 décembre 1349.
La 3° est du 11 juin 1352.
La 4° non datée a été écrite probablement entre janvier et février 1353.
La 5° est du 7 novembre 1353.
La 6° est du 25 avril 1354.
Dans ces 6 lettres, nous ne trouvons pas d’indications sur la région sauf une référence à la grotte de la Sainte Baume, non nommée comme telle mais comme grotte où se retira Marie-Madeleine, grotte visitée par Gherardo et aussi par Pétrarque.
La 4° est celle qui nous en dit le plus. Gherardo a survécu seul à la peste de 1348. Il a perdu ses 34 compagnons de prière. Il a défendu seul la Chartreuse contre les brigands en leur parlant. Il a obtenu du prieur de la Grande Chartreuse, Jean Birelle, de choisir un nouveau prieur et des moines pour restaurer Montrieux.
Les autres lettres sont des méditations provoquées par la réception d’un coffret de buis et d’une lettre de Gherardo, par l’envoi d’un exemplaire des Confessions d’Augustin à Gherardo. Pétrarque semble fier de la fermeté de la foi de son frère, se met à son niveau par les références aux Pères de l’Église et à des philosophes ou sages de l’Antiqité. Il s’interroge sur lui-même, est partagé entre une attitude de pénitence, de repentance et une attitude d’humaniste, ne pouvant renoncer aux biens de ce monde, variables avec l’âge (on ne désire pas les mêmes choses, jeune, puis vieux). Malgré l’admiration qu’il éprouve pour son frère, on sent que Pétrarque est soucieux d’autre chose que de vivre dans la gloire de Dieu et pour Dieu, même si celui-ci est évoqué de nombreuses fois. La piété de Pétrarque, réelle, n’est pas suffisante pour l’amener à renoncer par exemple à son amour idéalisé pour Laure qui va l’occuper toute sa vie, avec les 10 rédactions successives du Canzoniere, son chef d’œuvre en italien quand il était persuadé qu’il passerait à la postérité par ses écrits en latin.
Pétrarque François est né le 20 juillet 1304 à Arezzo en Italie qui n’est pas encore l’Italie.
Gherardo est né en 1307.
En 1311, la famille quitte Pise pour le Vaucluse où se trouve la Papauté, en Avignon. Elle s’installe à Carpentras.
Vers 1316, Pétrarque découvre le site de la Fontaine du Vaucluse.
Entre 1320 et 1326, les deux frères étudient le droit à Bologne.
Dante meurt en 1321. Avec lui, meurt une certaine conception du monde, un certain usage de la vie caractérisée par un ascétisme que l’on commence à trouver excessif parce qu’une nouvelle classe émerge, la bourgeoisie, et qu’avec elle va émerger une nouvelle vision de la vie qui ne mérite pas tant de malédictions et dans laquelle il y a place pour la douceur du monde, les plaisirs, la beauté, les beautés. Certes, on continue à croire que le perfectionnement compte plus que la joie mais on voit bien qu’avec Pétrarque, Laure n’a pas le même statut que la Béatrice de Dante. La chair sourit, le soleil brille, l’homme a des désirs et des rêves, la volonté fléchit, la mélancolie et l’angoisse surgissent, l’élégie redevient possible. Avec Laure, on peut dire que Béatrice, symbole de la divinité, conduisant l’homme vers la perfection par des raisonnements élevés, conscience vigilante de l’homme, devient la beauté qui inspire des sentiments sublimes. Laure a levé les yeux, a souri à l’homme qui l’aime et voilà que Laure se promène dans les prairies, au bord des ruisseaux, contemple son image dans les sources, cueille des fleurs. Le poète ose la regarder, non comme une idée, un idéal mais comme la Femme prête à se laisser contempler par son amant.
Pétrarque vit ce changement de vision avec culpabilité et c’est cette tension entre hier et aujourd’hui, entre la nécessité de la perfection et son impossibilité pour lui, qui va faire la matière de son œuvre, partagée entre les œuvres latines édifiantes et l’œuvre en langue vulgaire où il cède à l’avidité du regard contemplatif, osant regarder les yeux, les mains, le visage, les cheveux, le sourire de la Femme aimée, ce que Dante n’avait pas osé faire.
Pétrarque renverse donc la perspective dantesque. Quand Dante projette la terre vers le ciel, Pétrarque trouve le ciel sur terre, sentiment religieux à rebours, nourri de la nostalgie des formes aimées et disparues, de l’angoisse impuissante de voir s’évanouir dans le néant ce corps adoré.
Revenons à la biographie.
Le 6 avril 1327, il rencontre Laure en l’église Sainte-Claire d’Avignon, vision décisive et définitive qu’il chantera toute sa vie.
En 1333, il reçoit d’un moine un minuscule exemplaire des Confessions d’Augustin qui l’accompagnera toute sa vie et qu’il donnera en 1374, peu avant sa mort, à un jeune moine augustinien. Il fait cadeau en 1354 d’un exemplaire des Confessions, copie transcrite par un jeune familier de Pétrarque, à son frère, cadeau évoqué dans la 6° lettre.
Le 26 avril 1336, il entreprend l’ascension du Ventoux avec son frère, véritable exploit pour l’époque. Au sommet, il ouvre au hasard son exemplaire des Confessions et tombe sur ce passage : « Et les hommes s’en vont admirer les hauts sommets, les immenses houles marines, les fleuves au large cours, l’Océan qui tout embrasse, les révolutions des astres ; et ils se laissent eux-mêmes à l’abandon. » Gherardo est saisi par ce passage, veut en entendre davantage mais François n’en lira pas plus. Il s’est perdu dans la montée quand son frère est arrivé sans encombres, il est fatigué, la montée a duré 7 ou 8 heures, il faut redescendre à Malaucène, il y en a pour 6 heures encore.
Gherardo doit sans doute sa vocation, sa conversion, à cette ascension et aux Confessions mais elle ne se révèlera qu’après la mort de celle qu’il aime en 1340. Laure, elle, sera emportée, comme le cardinal Colonna, protecteur de Pétrarque, par la peste de 1348. François apprendra la nouvelle le 19 mai 1348.
Gherardo décide de se retirer du monde à Montrieux et prend l’habit de moine en avril 1343.
Pétrarque passera un jour et une nuit à Montrieux, début 1347, visite à la suite de laquelle il écrira en latin le De otio religioso dédié aux moines chartreux.
Le 6 avril 1341, Pétrarque avait été spectaculairement couronné Prince des Poètes au Capitole à Rome. Il avait tout mis en œuvre pour obtenir cette consécration.
Pétrarque passera le 20 avril 1353 à Montrieux avant de quitter définitivement la Provence pour l’Italie, fin mai ou début juin 1353. Il s’installe d’abord à Milan au grand dam de son ami Boccace puis à Venise à la demande des doges où il reçoit un palais en échange de ses manuscrits car Pétrarque, fantastique érudit, avait réussi à dénicher des manuscrits rares.
En 1368, il s’installe à Padoue-Arquà. Il meurt le 19 juillet 1374 à sa table de travail et est enseveli dans l’église d’Arquà.
Le Canzoniere, commencé en 1342 (Laure a été vue le 6 avril 1327), prendra toute sa vie : en 1374, il travaille à la 10° rédaction de ce texte qu’il récusait pourtant.
Revenons au contenu des lettres.
La 1° lettre évoque les années de dissipation (1326 et après) dont seul Gherardo réussit à se libérer par la conversion. Comme toujours chez Pétrarque, érudit, l’imitation des Anciens est une source d’inspiration. Pour cette lettre, le fond doit aux Confessions d’Augustin et la forme aux Psaumes de David.
Avec la 2° lettre, Pétrarque envoie Parthenias, première églogue écrite en 1347 de son Bucolicum carmen, dans laquelle Pétrarque affirme que les Psaumes de David ne sont pas seulement un témoignage de foi mais aussi une œuvre poétique, développant ainsi cette thèse que la poésie a une origine religieuse et que la théologie est une poésie ayant Dieu pour objet.
Le 10 juin, veille du jour où Pétrarque rédige sa 3° lettre, il reçoit de Gherardo, un coffret de buis réalisé par son frère lui-même et une lettre de conseils, composée en grande partie de citations des Pères de l’Église, lettre perdue. La lettre de Pétrarque développe les raisons de la diversité observée entre les êtres humains et en un même être. Je n’ai pu m’empêcher d’entendre Montaigne, deux siècles et demi plus tard. Pétrarque emprunte à Aristote sa tripartition entre vie voluptueuse, vie politique et vie contemplative.
La 4° lettre est consacrée au courage de Gherardo pendant la peste de 1348.
La 5° est en relation avec un livre écrit par Gherardo sur la philosophie chrétienne et sur les principes à suivre pour une vie qui lui soit conforme, livre dont une copie a été remise à François. Ce livre est également perdu. Pétrarque s’interroge sur quelle est la vraie philosophie, quelle est la vraie loi et quel est leur meilleur maître à toutes les deux.
La 6° lettre en lien avec le cadeau d’une copie des Confessions à Gherardo aborde le sujet des livres et de leurs copies et pourquoi les copies des savants comportent plus d’erreurs que celles des copistes.
Comme on le voit, les circonstances d’écriture conditionnent en partie le sujet des lettres mais l’érudition de Pétrarque, sa culture donnent à ses lettres une dimension qui dépasse les circonstances, lui permettant de s’adresser à tout un chacun.
Pour conclure, on mesure cependant, en lisant ces lettres aujourd’hui, notre inculture de fond, l’absence de fréquentation des textes anciens, y compris religieux, expliquant cette distance entre nous et Pétrarque.
Je ne suis pas sûr que nous ayons perdu quelque chose d’essentiel en perdant ce qui sollicitait Pétrarque ou Dante. Nous avons trouvé d’autres interrogations, d’autres visions du monde, d’autres façons de vivre. En essayant de me situer à peu près au même niveau, à la même hauteur d'exigence que Gherardo ou François Pétrarque, il me semble que la sagesse tragique d’un Marcel Conche répond mieux à mes attentes, à mes envies fortes de vivre vraiment ma vie, que la vocation de Gherardo pour la voie de la perfection, ou que le clivage de Pétrarque entre son aspiration à la vraie vie spirituelle et sa complaisance pour la vie mondaine que par ailleurs il critique. La perfection recherchée par Gherardo, l’écartèlement de Pétrarque, cela ne me parle pas, ne me mobilise pas, ne correspond pas à mon expérience. Je suis en recherche d’authenticité et de vérité, comme eux sans doute, mais sur cette voie, j’ai d’autres maîtres: Montaigne et Marcel Conche.


Jean-Claude Grosse, ce 25 mai 2006

 

La Chartreuse de Montrieux, ce jeudi 25 mai 2006, à midi.

La Chartreuse, le 8 octobre 2005


PS : Une légende veut que Pétrarque se soit arrêté au Revest en rendant visite à Gherardo. Rien dans les lettres ou dans les notes érudites ne permet d’accréditer la légende. Pour se rendre à Montrieux depuis le Vaucluse, le passage par Le Revest ne semble pas se justifier.
Mais on peut se rendre à Montrieux depuis Le Revest en passant par Siou Blanc et son pierrier, une xalada selon un terme du Canzoniere. Il faut 2 bonnes heures de marche.
Le Revest a donné le nom de Pétrarque à la salle de spectacle de la Maison des Comoni, le 1° juillet 1990. Pétrarque est donc associé aux activités artistiques et culturelles de ce lieu rayonnant : c’est une autre forme de couronnement ; c’est une reconnaissance légitime quand on sait l’influence de Pétrarque depuis 7 siècles sur la poésie et ses formes, en particulier le sonnet, jusqu’à Baudelaire en passant par Lamartine, qui lui a consacré un de ses cours familiers de littérature.

Une des 3 manifestations Poètes en partage qui se sont déroulées aux Comoni  a été consacrée à Pétrarque dit en latin, en italien et à René Char. 

 

La Chartreuse de Montrieux, ce 25 mai 2006, à midi,
où a été présenté le texte ci-dessus,
donné ensuite aux moines chartreux.

La Chartreuse, le 8 octobre 2005
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lettres ouvertes à Mona Chollet et à Edgar Morin

21 Janvier 2022 , Rédigé par grossel Publié dans #JCG, #SEL, #agoras, #amour, #engagement, #essais, #notes de lecture, #poésie, #vraie vie, #écriture

cher instant je te vois, je te vis, je t'entends et j'apprends à conjuguer je même, je t'aime, je sème, je m'aime
cher instant je te vois, je te vis, je t'entends et j'apprends à conjuguer je même, je t'aime, je sème, je m'aime

cher instant je te vois, je te vis, je t'entends et j'apprends à conjuguer je même, je t'aime, je sème, je m'aime

courte lettre ouverte à Mona Chollet

chère madame,

j'ai sauté sur votre livre à cause de son titre que j'ai interprété selon mon miroir intérieur

j'ai connu un amour inouï de 46 ans avec l'épousée, passée il y a onze ans déjà

impossible de reconnaître ce vécu, deux vécus avec hauts et bas, mais d'amour vif, vivifiant, vivifié, partagé, discuté, fortifié, dans votre livre

si l'épousée, alors jeune fille, avait lu votre livre, c'est bardée de méfiance qu'elle m'aurait approché

(oh que voilà un mâle dominant qui va me croquer, m'exploiter ; elle aurait lancé le mouvement #balance ton génie !, à dire à l'épouse de Dostoiëvski, à celle de Tolstoï)

et l'aveu n'aurait pu jaillir : je pense à vous autrement qu'à un professeur,

aujourd'hui les délateurs diraient un pédophile, hier, ils disaient un détournement de mineure (Gabrielle en est morte par suicide, j'ai été accueilli par la famille;

j'ai beaucoup accompagné l'histoire de Gabrielle et de Christian, voir sur ce blog les 6 pages qui y sont consacrées)

déclaration d'amour inconditionnel auquel elle s'est tenu

aveu auquel je n'ai pas répondu : et moi, je ne pense à vous que comme élève

d'avoir été incapable de répondre, ouvrait la voie à une rencontre, à un amour partagé, inégalitaire certes, en construction permanente parce que nous avons fait choix de l'installer dans le temps

(s'aimer au dernier jour comme au premier jour, un effet lune de miel, lire ou écouter Bruce Lipton, engendrant un effet de vie comme ça arrive parfois avec une oeuvre d'art, pour la vie; voir la théorie étayée sur l'effet de vie de Münch Marc-Mathieu), reposant sur confiance et fidélité, une dimension sacrée confirmée à l'église alors que nous nous déclarions athées

en tendant votre miroir intérieur vers le chaos, vous avez trouvé le chaos d'où la tâche infinie de déconstruction quasi-guerrière du mâle dominant, du patriarcat, émasculation qui ne favorisera à mon humble avis d'incompétent, d'aucune façon, l'émergence de nouveaux hommes développant leur féminin sacré (késako ?) ni l'émergence de nouvelles femmes, insoumises aux diktats politiques et culturels d'une société capitaliste de l'hubris machiste, du narcissisme de chacun et chacune, développant leur masculin sacré (késako ?),

nouvelles femmes initiatrices, nouveaux hommes à l'écoute

pouvant réellement réinventer l'amour qui ne peut-être qu'une reprise, à mon humble avis d'incompétent, du projet d'amour courtois

(lire ou écouter Catherine Millot, la logique et l'amour),

https://youtu.be/dhfNFOzgPgc?si=oIgjVn_g4Jjw14kj

jouant sur l'échelle des 10 degrès de l'amour, de porneia à agapé

si vous aviez tendu votre miroir intérieur vers la lumière et la beauté, vous seriez peut-être tombée sur des lettres écrites en 1903 par Rainer Maria Rilke, autrement plus inspirantes pour moi dans ma vie de tous les jours que toutes ces enquêtes, romans, BD, témoignages de la woke et de la cancel culture venues du pays le plus prédateur et le plus guerrier au monde

ou déclarations des people de France et d'ailleurs (Bertrand Cantat, Vincent Cassel...)

vous auriez aussi découvert de magnifiques portraits de femmes et d'hommes

tourmentés chez Dostoïevski

et bons ou les deux chez Tolstoï

pour moi, vous vous êtes trompée d'aire géographique et culturelle

(j'ai évité de réagir épidermiquement, plutôt vous accueillir comme témoin de ce qui agite sexes, coeurs et têtes-arrière-têtes de la plupart des gens)

merci de m'avoir permis de faire un peu le point sur ma sexualité vieillissante sans viagra et ma pratique du désir et de l'amour

inconditionnel, l'amour-agapé me semble être un sentiment mais aussi une force créatrice, à l'oeuvre dans l'univers, créant sans jugement, détruisant sans jugement; ce que décrit fort bien la prière du coeur dite de la philocalie, dans les Récits d'un pèlerin russe (késako ?)

à la dualité qui voit la paille dans l'autre œil pour ne pas voir la poutre dans le sien, je choisis l'unité des contraires ou plus justement la complémentarité des contraires travaillant à s'ajuster

dans la mesure où vous vous mettez aussi en jeu en parlant de vos amours, de vos fantasmes, je vous invite à changer votre regard, de passer d'Histoire d'O à Emmanuelle,

(j'ai eu une magnifique correspondance avec celle qui a chanté l'amour hybride, rose, heureux, risqué, sans péché originel ni jugement dernier; lire Bonheur 2)

oui, vous avez raison, nous devenons ce que nous lisons et disons, sans même nous en rendre compte souvent, nous devenons ce que nous dénonçons en toute méconnaissance de causes et d'effets, persuadés de détenir la vérité 

d'où ces conseils de lecture: Jacqueline Kellen (L'éternel masculin : traité de chevalerie à l'usage des hommes d'aujourd'hui; Aimer d'amitié : comment l'amitié enseigne à aimer), Odile Grande (femmes qui se réinventent), Lydie Bader (le couple conscient)

aux mâles, je dirai regardez moins dans votre sleep, centrés sur votre nombril en quête d'avoirs sonnants et trébuchants (aux sens propre et figuré)

aux femmes, je dirai regardez moins dans votre miroir, cherchez à être plus qu'à paraître (selon le principe de la complémentarité des contraires, je serai plus paraître, masquillée à 18 ans et plus soi s'aime/sème à 60 ans)

à 81 ans passés, veuf depuis 11 ans, parange d'un fils depuis 20 ans, je me suis risqué à une nouvelle histoire d'amour que je reçois comme l'occasion d'aller avec l'autre à une forme élevée dans l'échelle de l'amour, d'eros à charis

gratitude pour cette chance, merci à la d'âme

dernière remarque : j'ai  apprécié votre évocation de Serge et Lula Rezvani qu'avec l'épousée, nous avons rencontré à La Béate dans les Maures, le 2 août 2001, 45 jours avant la perte du fils (le récit en est fait dans Et ton livre d'éternité ?, à paraître le 14 février 2022)

deux photos de spectacles Le Jubilé de Tchekhov avec Frédéric Andrau, Valérie Marinèse, Jeanne Mathis, créé en 1995 par Cyril Grosse, parti à 30 ans le 19 septembre 2001, La Forêt d'Ostrovsky, créée en 1999
deux photos de spectacles Le Jubilé de Tchekhov avec Frédéric Andrau, Valérie Marinèse, Jeanne Mathis, créé en 1995 par Cyril Grosse, parti à 30 ans le 19 septembre 2001, La Forêt d'Ostrovsky, créée en 1999

deux photos de spectacles Le Jubilé de Tchekhov avec Frédéric Andrau, Valérie Marinèse, Jeanne Mathis, créé en 1995 par Cyril Grosse, parti à 30 ans le 19 septembre 2001, La Forêt d'Ostrovsky, créée en 1999

Retour sur internet

 

après une semaine sans ordi, du 11 au 18 janvier,

le retour à quoi ?

pendant la semaine sans ordi, 4 livres lus :

Mona Chollet (réinventer l'amour),

Edgar Morin (leçons d'un siècle de vie),

Jean-Yves Leloup (à l'écoute de notre maître intérieur),

Alexis Jenni (parmi les arbres),

la relecture passionnante des lettres de Rilke à un jeune poète

(1903, il y a des pages d'une actualité et d'une acuité inouïes;

gentes dames déchaînées, tirez-en profit

et vous mâles dominants, pensez moins à votre sleep)

 

depuis le 18, fin de matinée, actualisation de ma page FB

(annonce de la soirée Germain Nouveau du 28 janvier, 19 H, aux Comoni)

 

18, soirée impromptue, on se retrouve à 5 au bar de Dardennes pour un café-culture horizontal sur vérité et réalité, personne, on s'est trompé de date (18 février et non 18 janvier);

alors direction le Haut-Ray, lentilles aux saucisses ou l'inverse + riz, pommes à la cannelle et surtout échanges,

- l'amour, la tendresse (un ange passe, je monte sur l'échelle de porneia à agapé mais ne me souviens plus de l'échelon où je me suis arrêté)

- politiques (ce qui semble en marche c'est le projet et la réalité de tout pouvoir - capitaliste, capitalo-communiste, bureaucratique, technocratique, médiocratique - de contrôler au plus serré sa population pour le bien-être des plus riches, même au prix de l'effondrement et de la disparition de l'espèce, les pseudo-démocraties suivant ce mouvement mondial),

- artistiques et culturels (le monde de la culture ne se pose pas de question sur le deux poids, deux mesures en cours, pass pour la culture, pas pass pour le commerce; ça dit beaucoup sur l'aveuglement du monde culturel; en paiera-t-il le prix ?),

- lecture d'un superbe texte d'Isaac sur la mort de son père; texte qui m'a fait penser à celui du fils d'Alexandre Jodorowski

- des souvenirs sur Cyril Grosse avec Jeanne, Ivan et Michelle qui l'ont bien connu

 

« Qu’il soit entendu que je ne donne de leçons à personne. J’essaie de tirer les leçons d’une expérience séculaire et séculière de vie, et je souhaite qu’elles soient utiles à chacun, non seulement pour s’interroger sur sa propre vie, mais aussi pour trouver sa propre Voie. » E.M.  À 100 ans, Edgar Morin demeure préoccupé par les tourments de notre temps. Ce penseur humaniste a été témoin et acteur des errances et espoirs, crises et dérèglements de son siècle. Il nous transmet dans ce livre les enseignements tirés de son expérience centenaire de la complexité humaine. Leçons d’un siècle de vie est une invitation à la lucidité et à la vigilance.

« Qu’il soit entendu que je ne donne de leçons à personne. J’essaie de tirer les leçons d’une expérience séculaire et séculière de vie, et je souhaite qu’elles soient utiles à chacun, non seulement pour s’interroger sur sa propre vie, mais aussi pour trouver sa propre Voie. » E.M. À 100 ans, Edgar Morin demeure préoccupé par les tourments de notre temps. Ce penseur humaniste a été témoin et acteur des errances et espoirs, crises et dérèglements de son siècle. Il nous transmet dans ce livre les enseignements tirés de son expérience centenaire de la complexité humaine. Leçons d’un siècle de vie est une invitation à la lucidité et à la vigilance.

courte lettre ouverte à Edgar Morin

cher Edgar,

je vous lis depuis longtemps

à votre démarche que j'apprécie, humaniste, il manque selon moi, une dimension, la pratique de l'éveil spirituel

vous vous posez les questions de Kant : Que puis-je savoir ? Que puis-je espérer ? Qu'est-ce que l'homme ?

D'entrée, vous vous limitez

avant de se demander que puis-je savoir ?

peut-être se demander puis-je savoir ?

De la science, on passe à la métaphysique

plus de preuves toujours provisoires (vérité inatteignable, seulement prouver que ce n'est pas faux

d'où pour moi, nécessité de se méfier de la science, de la techno-science, de la contrôler (science sans conscience n'est que ruine de l'âme,

conscience et âme, termes inaudibles par une société matérailiste, consumériste, quasi-nihiliste)

seulement des arguments, ne valant que pour ceux qui en sont convaincus

d'où le cheminement d'un séculaire comme vous, Marcel Conche dont je suis le cheminement depuis 1967

et dont je me suis aperçu fin 2020 qu'il avait été l'écran derrière lequel je me planquais pour éviter l'appel de l'infini vivant, aimant, de l'éternité embrassant notre conception du temps, passé-présent-futur, de la Vie créatrice, sans jugement et destructrice, sans jugement

votre humanisme, votre anthropomorphisme (une version de l'homme est la mesure de toutes choses, Protagoras) donnent des leçons pratiques plus englobantes, plus complexes que les mesures des experts, que les décisions des acteurs politiques et économiques mais on reste dans une approche humaine, trop humaine, empêchant d'accéder aux 10 échelons de la conscience (de la conscience matricielle à la conscience apophatique) comme aux 10 échelons de l'amour (de porneia à agapé)

 

je vous renvoie à l'enseignement de Jean-Yves Leloup

Qui est mon maître ? À l'écoute de notre maître intérieur (Presses du Châtelet, août 2021)

je n'en rendrai pas compte car il s'agit de pratique personnelle, intime et parfois en groupe réel ou virtuel mais je donne des liens

Qui oriente mes désirs, mes pensées ? À qui puis-je accorder ma confiance ou ma foi ? Qui a autorité sur moi ? Lorsqu’il vient à notre rencontre dans les moments où nous sommes troublés ou perdus, notre maître intérieur nous lie à la Présence Intérieure qui nous ramène au coeur de notre existence. Afin de nous guider sur le chemin, Jean-Yves Leloup fait appel aux recherches de la psychologie contemporaine comme à l’intuition poétique, particulièrement celle de Rainer Maria Rilke, dont il relit de façon éclairante les Lettres à un jeune poète. Évoquant la présence des anges au sein des grandes traditions spirituelles, ainsi que dans les Dialogues avec l’ange transmis par Gitta Mallasz, il nous incite à écouter avec attention cette Voix qui nous parle, nous enseigne, nous guide… au plus inti

Qui oriente mes désirs, mes pensées ? À qui puis-je accorder ma confiance ou ma foi ? Qui a autorité sur moi ? Lorsqu’il vient à notre rencontre dans les moments où nous sommes troublés ou perdus, notre maître intérieur nous lie à la Présence Intérieure qui nous ramène au coeur de notre existence. Afin de nous guider sur le chemin, Jean-Yves Leloup fait appel aux recherches de la psychologie contemporaine comme à l’intuition poétique, particulièrement celle de Rainer Maria Rilke, dont il relit de façon éclairante les Lettres à un jeune poète. Évoquant la présence des anges au sein des grandes traditions spirituelles, ainsi que dans les Dialogues avec l’ange transmis par Gitta Mallasz, il nous incite à écouter avec attention cette Voix qui nous parle, nous enseigne, nous guide… au plus inti

4 titres récents des Cahiers de l'Égaré
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La Nature et les mondes / Marcel Conche

5 Octobre 2020 , Rédigé par grossel Publié dans #agoras, #amitié, #amour, #développement personnel, #essais, #jean-claude grosse, #notes de lecture, #vide quantique

une branche d'olivier et ses fruits pour illustrer ce nouvel opus de Marcel Conche

une branche d'olivier et ses fruits pour illustrer ce nouvel opus de Marcel Conche


La Nature et les mondes

Marcel Conche

HDiffusion, septembre 2020

 

Le dernier livre de Marcel Conche est paru courant septembre 2020, 182 pages, 89 entrées.

On retrouve le Marcel Conche des livres précédents, à la fois le même (ce qu'il appelle la fixité relative, rendant possible l'établissement d'une carte d'identité, page 163) et autre : le Marcel qui change comme tout ce qui vit et qui passe jusqu'à ce que cesse la vie, un Marcel qui ne se voit pas changer, passer car la Nature aime à se cacher ; la Nature est mouvement, changement mais imperceptible, l'herbe pousse mais on ne la voit pas pousser, l'arbre se développe mais on ne le voit pas se développer, Marcel vieillit, ses souvenirs n'ont plus la même précision, flou et oubli sont son lot en lien avec un désinvestissement, une indifférence à l'égard du monde actuel ; il est un vieil homme, par choix, (page 128) du monde d'avant la télévision, d'avant internet, d'avant les smartphones ; il n'éprouve aucune nécessité de se mettre aux goûts du jour ; il est le paysan d'hier et évoque, ne cesse d'évoquer des moments de sa jeunesse paysanne ; il est aussi philosophe, s'est choisi philosophe en vue de chercher la vérité (qu'y a-t-il après le tournant ?) et soucieux d'une œuvre qui fasse référence donc qui durera après lui, au moins un temps (ce qui n'est pas le cas des romans, dit-il, sauf exception).

Un proverbe africain dit bien ce caractère imperceptible du changement, de la créativité de la Nature : Quand un arbre tombe, on l'entend ; quand la forêt pousse, pas un bruit.

Ce qui me frappe dans cet opus, c'est la turbulence de que j'appelle la CAC 40, la conscience analytique cérébrale, puissance 40, ce que d'autres appellent le mental, chez Marcel comme chez tout un chacun, la CAC 40 aussi toxique que le CAC 40, cette ritournelle incessante de miettes de pensées (il dit brins de pensées), miettes de souvenirs, miettes de désirs, miettes de regrets, ritournelle diurne, nocturne qui nous pollue et qu'il est très difficile de faire taire, de mettre en veilleuse, de regarder en témoin sans s'y impliquer.

Il m'a fallu découvrir certaines pratiques de développement personnel pour réussir parfois à vivre le moment présent, à être pleinement dans le moment présent, dans l'accueil de l'abondance qui s'offre à nous quand on n'attend rien, quand on lâche prise. La concentration sur la respiration (en cohérence cardiaque), la méditation d'un sûtra (celui du cœur par exemple), la pratique du mantra so hum, les mudrâs sont des outils puissants pour ressentir (ressentir, ça se passe plutôt au niveau du ventre, le 2° cerveau), pas penser, (penser, ça se passe au niveau du cortex pré-frontal, on a affaire aux idées, aux concepts et à l'agitation qui est derrière la pensée claire, page 172) la créativité du Vide, du Silence, du Soi, de la Vie, de la Nature (j'ignore à cette étape si ces 5 mots sont compatibles entre eux). Alors coïncidences et synchronicités s'offrent à nous et ce qui paraissait disparate, sans lien se trouve connecté, inter-connecté, l'était de fait mais soudain on réalise, ce qu'on appelait hasard ne l'était pas. Je n'ai entrepris cette démarche que depuis 5 ans, et depuis 2 ans de façon pratique, plutôt assidue et je remercie ceux qui m'ont initié.

Marcel, de façon empirique, flirte avec ces pratiques par la contemplation de ce qu'il a sous les yeux, le cerisier en fleurs, les nuages, la colline, par sa sensibilité à la beauté de ce que crée la Nature, par son respect de tout ce qui est vivant, par ses choix de vie saine, décroissante (la sobriété heureuse), par son refus de la violence, son pacifisme, son amour de la paix, son rejet de la guerre, sa bonté. Marcel est taoïste en pratique, par son attitude d'ensemble d'amour de la vie et de non-intervention, de non-agir. « Je fais mien ce qui est le but des mouvements taoïstes. Il faut éviter tout ce qui fait le jeu de la mort. N'est-ce pas dire qu'il faut vivre en sage, ce qui signifie mener une vie retirée à la campagne ou dans une petite ville. Le sage s'abstient de tout ce qui le lie à des conventions ou à des règles particulières. » page 171.

La beauté de tout de ce qui est vivant, principe d'harmonie et d'équilibre, est inhérente, constitutive de chaque être vivant, propre à chaque être vivant, différente de l'un à l'autre. Il y a donc autant de beautés offertes qu'il y a d'êtres vivants, expressions de la créativité de la Nature. Les beautés sont données, offertes à qui sait les voir, les ressentir, à qui est disposé à les accueillir par un refus d'un usage utile de ces êtres vivants. Pas question de jeter l'anguille vivante dans la poêle. Pas question d'égorger le cochon.

Marcel est sensible à la sensibilité animale, ce que Hegel a décrit comme le magnétisme animal et qui a été repris, développé par François Roustang, d'abord psychanalyste lacanien puis hypnothérapeute. Aujourd'hui, hypnose et auto-hypnose sont des pratiques répandues mettant hors-jeu le mental, la CAC 40 et permettant à une personne de se repositionner, de sortir des schémas répétitifs qui provoquent le mal-vivre, le mal-être de beaucoup de gens. La volonté, la raison sont impuissantes à modifier, apaiser ces schémas souvent destructeurs, auto-destructeurs (genre victime-bourreau ou comme Marcel allant de non-baiser en non-baiser sauf rares cas, avec Claire ou Marie ; c'est ce qu'il appelle son côté négatif, son côté de « perdant » page 140). Marcel est fin psychologue mais sa psychologie est rationnelle et ancienne, même s'il n'ignore pas le ça et le sur-moi freudien ; elle ignore les neurosciences. Il croit au pouvoir de la volonté, au pouvoir de la raison. Il croit à la différence essentielle entre l'homme qui pense et l'animal qui ne pense pas. L'absence d'animal genre chat et chien devenant compagnons de vie, avec lesquels il commercerait, qu'il caresserait, leur donnant du plaisir qu'ils savent prendre, ce qui est leur façon de rendre le compagnon heureux est peut-être une expérience qui lui manque, l'expérience de la présence de tout l'animal au seul moment présent, même si je l'ai vu s'occuper de chats SDF venant réclamer leur gamelle à La Maisonneuve. Mais sans affection. Par solidarité morale ou éthique avec le vivant.

Ce qui m'étonne aussi, c'est sa limitation du vivant au végétal, à l'animal. Le minéral en est exclu, une pierre est de la matière et la matière c'est la mort. Et pourtant, comment ne pas être interpellé : « Si un jour, tu vois qu'une pierre te sourit, iras-tu le dire ? » Guillevic. A-t-il besoin de sortir le minéral du vivant pour récuser le matérialisme ? Lui qui est sensible à la beauté des montagnes, des collines, des rivières et ruisseaux doit sentir, ressentir le travail du temps éternel, travail d'érosion, travail quasi-invisible mais sculptant tant des paysages que nous contemplons ; je pense aux gorges de l'Ardèche du côté du Vallon Pont d'Arc ou aux gorges du Tarn. Paysages à couper le souffle, inspirants, magnétiques, obligeant presque à une méditation métaphysique sur le temps destinal, « destructeur ». Évidemment, dans de tels paysages, il y a les amateurs de sensations extrêmes comme ces alpinistes à mains nus (tel Patrick Edlinger) ou ce sportif de haut niveau, Dan Millman, qui a inspiré le film Le guerrier pacifique, (quel oxymore !), performants parce que dans un état qu'ils appellent le flow ; le flow est un état totalement centré sur la motivation. C'est une immersion totale, qui représente peut-être l'expérience suprême, employant les émotions au service de la performance et de l'apprentissage. Dans le flow, les émotions ne sont pas seulement contenues et canalisées, mais en pleine coordination avec la tâche s'accomplissant. Le trait distinctif du flow est un sentiment de joie spontané, voire d'extase pendant une activité. Marcel est dans cet état de concentration extrême, de joie quand il recompose Héraclite, sa dernière œuvre. Il sait se mettre dans le flow des grands sportifs, en athlète de la pensée. «  C'est en joie constante que j'ai écrit les Fragments recomposés d'Héraclite ». (PUF, 2017), page 155.

Le ressassement du passé, surtout décevant, désespérant, par exemple avec Émilie, ne peut lui procurer que tristesse, amertume. On voit avec la succession de ses livres qu'il change par rapport à elle, il n'est plus dans une forme d'amour inconditionnel. « Ma vie est vécue sous le règne du rationnel. Pourtant, j'ai été amoureux, j'ai même aimé, aimé Emilie. Par quelle aberration ? (Car je n'eus que la désespérance). Sans doute ai-je vu en elle la beauté et donc ce que j'ai aimé c'est la beauté. On ne peut aimer que la beauté et inversement, ce que l'on aime nous semble beau. » page 174. S'agit-il d'un jugement définitif ? D'une réaction d'humeur ? Du jugement de ce jour d'après le 13 mai 2020 ? Aucune satisfaction possible à tenter d'expliquer (page 140, 3 explications possibles mais aucune certitude, Marcel est dans l'interprétation, rationnelle mais nullement fiable) alors même qu'il sait qu'il lui est impossible de comprendre l'attitude d'Émilie, ne le remerciant même pas pour sa dédicace dans son livre précédent La Nature et la beauté. « Ai-je été amoureux d'elle ? Je ne sais. Le Temps qui a la puissance du destin a appauvri ma mémoire et délaie mes souvenirs. Pourquoi tenter vainement de me souvenir d'Émilie ? C'est que la multitude d'émotions que j'ai eues avec elle a laissé une trace dans mon âme. » page 124. Par contre, satisfaction possible à essayer de se comprendre lui (page 128), il se voit, se comprend comme vivant dans son monde, un monde choisi, cohérent ; ça lui importe plus que d'être compris d'autrui ou de comprendre autrui. Se connaître soi-même fait partie de la vie, se réfléchissant elle-même, faisant le point, s'essayant, essayant des possibilités, jusqu'à trouver ce qui nous convient, ce qui est conforme à notre nature, à notre mission de vie, ce qui donne sens à notre vie parce que visant au-delà de notre vie. Marcel ne pouvait s'essayer que comme philosophe.

Page 153, il cite André Gide, d'après son agenda du 15 octobre 1957 (quel archiviste !) pour marquer sa différence : « Connais-toi toi-même, maxime aussi pernicieuse que laide. Quiconque l'observe arrête son développement. La chenille qui chercherait à bien se connaître ne deviendrait jamais papillon. » Aujourd'hui on sait comment la chenille devient papillon. « Les biologistes ont découvert qu'à l'intérieur des cellules du tissu de la chenille, il y a des cellules appelées cellules imaginatives. Elles résonnent sur une fréquence différente. De plus, elles sont si différentes des autres cellules de vers que le système immunitaire de la chenille les prend pour des ennemis et tente de les détruire. Mais de nouvelles cellules imaginatives continuent d'apparaître, et de plus en plus. Soudain, le système immunitaire de la chenille ne peut plus les détruire assez vite et elles deviennent plus fortes en se connectant les unes aux autres pour former une masse critique qui reconnaît leur mission de réaliser l'incroyable naissance d'un papillon. » Deepak Chopra.

La question pour moi est que faire d'un amour non-réciproque ? Réactiver les émotions passées qui passent, se délaient, s'estompent relève du mental, de la CAC 40, activité toxique, source de souffrances, de regrets, de tristesse, de ressentiment éventuellement. Seul est réel, le moment présent. Le passé n'est plus, le futur pas encore. Étant créateur, écrivain, philosophe, Marcel ne devrait selon moi se poser que cette question : pourquoi cette jeune et jolie femme a-t-elle été placée sur mon chemin, pour quelle expérience de vie pouvant contribuer à me nettoyer de quelles répétitions ? Il ne connut même pas un baiser sur la joue. L'écart d'âge n'est pas suffisant pour expliquer ce manque d'empathie, cette absence de générosité, cette froideur. Malgré cela, Marcel lui a été longtemps fidèle, longtemps fidèle à cette histoire dont il n'évoque aucun échange y compris philosophique. Ils mangeaient souvent ensemble mais de quoi parlaient-ils ? Se contentait-il de la contempler, de contempler sa beauté ? Cela peut suffire à combler un amoureux. Le généreux, l'ouvert, l'accueillant fut bien Marcel, payé d'ingratitude et de froideur. Il vécut chose semblable avec Chaïmaa et avec bien d'autres. Il reste Corsica et Le silence d'Émilie, la médiatisation romanesque de cette histoire étant passée. Mais ce ne sont pas des œuvres de référence. N'est-il pas temps pour Marcel de tirer un trait, de cesser de ressasser sauf à tenter de répondre à la question : pourquoi tant de déceptions amoureuses ? Qu'est-ce qui chez moi, Marcel, provoque le « ratage », pourquoi me vis-je comme un « perdant » sur le plan amoureux ? Car, il n'est pas question dans ce genre de questionnement de rejeter la « faute » sur l'autre.

J'ai vécu durant 3 ans une histoire d'amour non réciproque, j'en ai fait une œuvre théâtrale Your last video (porn theater). Ce ne sera pas une œuvre de référence. Juste une catharsis. L'acceptation joyeuse de ce qui s'est passé comme ça s'est passé au terme de 3 ans, d'abord de souffrance intense, puis d'apaisement et enfin de joie, de gratitude.

Sur la conception des mondes de Marcel, mondes structurés, cohérents, clos, sans communication entre eux, j'ai signalé dans ma note de lecture sur La Nature et la beauté en quoi elle ne me paraissait pas en accord avec les connaissances que nous avons aujourd'hui, en particulier du règne végétal. Le règne végétal est caractérisé par son immobilité, il ne peut se déplacer. Il a donc développé de formidables capacités à s'informer sur les variations de son environnement et à y répondre par des techniques de coopération, plus que de compétition, en quoi le monde végétal se distingue du monde animal et du monde humain où règnent prioritairement la prédation et la domination. Animaux et humains sont en mouvement, peuvent fuir ou faire face selon. Des millénaires de pratiques et techniques de survie qui ont programmé un organe comme le striatum peuvent-ils être contrebalancés en quelques années par des méthodes de développement personnel, une éducation à la joie, à la paix ? À nous d'avoir conscience des enjeux, de faire nos choix.

Marcel, homme par choix, d'un monde en retrait du monde virtuel, est en prise directe avec le nécessaire changement de paradigme révélé par la crise sanitaire mondiale de la Covid 19. Depuis déjà longtemps, Marcel est un décroissant, depuis déjà longtemps, il sait que le jour d'après ne peut être comme le jour d'avant. Ce n'est pas le cas de la grande majorité des gens qui ont repris leurs habitudes comme avant. Y aura-t-il assez de créatifs culturels, de cellules imaginatives (7 à 8%) pour constituer la masse critique nous permettant de vivre autre chose que l'effondrement ? J'ai cité Marcel comme une de mes Antigones d'aujourd'hui dans le Cahier des futurs désirés, à paraître.

Le Bug humain de Sébastien Bohler : (sous-titré Pourquoi notre cerveau nous pousse à détruire la planète et comment l'en empêcher) montre comment la programmation de notre cerveau non seulement nous pousse vers les satisfactions immédiates (nourriture, sexe, pouvoir, information), mais aussi nous incite à en vouloir toujours plus et à nous détourner des comportements qui nous frustreraient parce qu'ils limiteraient nos désirs. Dans ce livre, l'auteur analyse la crise écologique massive générée par l'humanité au travers du prisme des neurosciences. Selon lui, les processus de destruction de l'environnement s’expliquent en grande partie par des mécanismes cérébraux archaïques : le striatum, notamment, et les circuits neuronaux de récompense, qui par le biais de la dopamine, incitent l'homme à assouvir continuellement et exponentiellement cinq besoins fondamentaux : manger, se reproduire, asseoir du pouvoir, acquérir de l'information, et fournir le moindre effort. L'auteur évoque ensuite le rôle du cortex préfrontal, qui permet au contraire au cerveau de planifier, prendre du recul par rapport à ces injonctions de l'instant. Ce qui lui permet d'exposer les possibles contrepoids à ces déterminismes : l'éducation (valoriser les comportements écologiques) et la méditation pleine conscience.

Sans connaître les travaux de ce chercheur, Marcel Conche, par son propre cheminement, participe, contribue depuis déjà longtemps au changement de paradigme nécessité par les dégradations peut-être irréversibles que nous avons causées en quelques secondes à l'échelle de l'histoire de l'univers. En s'essayant comme philosophe, en s'essayant comme décroissant conscient, responsable, Marcel Conche sème, a semé des graines dont certaines germeront, dont d'autres se stériliseront. Il est ainsi co-créateur du monde qui vient, qui verra des gestes de profonde humanité comme des comportements profondément inhumains. Ainsi va la Vie.

Jusqu'à la cessation de la vie (Marcel signale que « l'idée de mort n'ajoute rien à l'idée de la cessation de la vie », page 133), de sa vie. Dans nos échanges téléphoniques, à peu près tous les 15 jours, j'exprime nettement notre souhait à quelques-uns de fêter ses 100 ans, le 27 mars 2022, lui disant que ce futur désiré s'inscrit déjà dans le présent, notre présent. Il semble y croire et mène la vie qu'il faut pour que ce futur désiré se réalise (il a la sagesse de se résigner à ce qui adviendra, nous aussi mais l'oeil fixé sur cet horizon) : dormir (beaucoup), déjeuner, parler avec les gens de la maison, téléphoner, écrire (page 128), ménager son œil encore valide, rigoler (m'a-t-il dit) (je rajouterai : de soi), être de bonne humeur (page 49), la première des vertus, vertu sociale selon Démocrite, celle qu'il faut pratiquer avec autrui (je rajouterai : avec soi). Il m'a exprimé le souhait plusieurs fois de boire du Dom Pérignon. Va pour le Dom Pérignon, déjà au frais.

 

Le Revest, le 2 octobre 2020

Jean-Claude Grosse

 

 

Suite à la grande librairie du mercredi 20 mai 2020, avec entre autres Aurélien Barreau et Baptiste Morizot, et au visionnement dans l'après-midi de deux visioconférences de Marc Halévy, je constate la diversité des approches concernant où on en est mondialement et planétairement avec la crise de la covid19 et où on souhaite aller, individuellement et collectivement, dans la mesure où ce serait encore possible. Barreau et Morizot plaident pour un changement radical d'attitude envers le vivant, une attitude de cosmopolitesse selon un néologisme d'Alain Damasio, où l'homme reconnaît en quoi tout le vivant contribue à la vie de tout le vivant; trois exemples, sans les plantes, pas d'air respirable, sans les bactéries du microbiote intestinal, pas de fonctions assimilatrices et évacuatrices (le ventre, notre 2° cerveau avec plus de bactéries fort anciennes qui nous colonisent pour notre bien que de cellules n'arrêtant pas de se reproduire à l'identique de notre corps, tout neuf, tous les 6 mois), sans la pollinisation, plus de vie en très peu de temps. Il apparaît que notre ignorance, par hubris, est incommensurable. Nous serions incapables de nommer 4 insectes voletant dans notre jardin, d'en nommer 10 plantes. Et même si nous avions beaucoup de connaissances sur ce qui est notre milieu nourricier (pas que pour nous, pour tout ce qui existe, sans hiérarchie), cela ne changerait pas grand chose car l'espèce mouche dont je vais connaître le monde, l'umwelt, ce n'est pas la mouche qui vient de se poser sur ma table et dont je ne connaîtrai jamais, le for intérieur, pas plus que je ne connais le for intérieur de mon chat ou de moi-même, a fortiori, ton for intérieur, toi que j'aime et qui m'envahit. On est donc amené à une grande humilité, un sens du mystère, conduit à sacraliser (comment), à imaginer des rituels de remerciements et de reconnaissance comme le fait l'animisme. 

J'ai noté le rejet de la collapsologie, perçue comme trop négative; évidemment, un usage positif de cette "science" n'est pas envisagé, comme le fait Pablo Servigne, avec la collapsosophie. Et pourtant, plein de pistes intéressantes sont proposées dont l'éco-féminisme, la place des femmes, au sens de détentrices des savoirs instinctuels, des sorcières (mot nullement péjoratif), du féminin sacré dans cette recherche d'équilibre, d'harmonie avec la Nature, avec le reste du vivant, du Vivant.

Quant à Marc Halévy, très intéressant par ailleurs, il me semble rester dans le paradigme techno-scientifique, évoquant l'inéluctabilité suite à la robotisation de la transformation-disparition de quantité de métiers, médecins, avocats..., évoquant la possibilité via la fusion d'accéder à des petits soleils chez soi (le rendement de la fusion serait, dixit Barreau, de 3%, les 97% restants servant à faire fonctionner l'énorme machinerie accompagnant cette production). Son éloge du capitalisme entrepreneurial me semble aussi discutable. C'est exactement ce que le 1° de cordée a fait croire avec son programme de révolution de la start-up France. On voit où cette conception managériale d'un pays nous a conduits.

Comme le temps nous est compté et conté (car c'est nous qui nous racontons les histoires, c'est nous qui les écrivons, et ce faisant nous nous racontons des histoires, car raconter une histoire c'est se raconter une histoire, on y croit et pourtant ce n'est pas croyable, ce qui n'enlève rien au pouvoir sans doute considérable des croyances), il faut bien opter pour une histoire. 

J'opte à cette étape pour celle-ci : moi (petit moi, tout tout petit moi), l'individu JCG, je n'ai aucune raison d'être qui me serait extérieure, je suis arrivé au monde avec un donné initial issu de toutes sortes d'histoires, familiales, nationales, culturelles, je suis mortel et tant que je suis vivant, je suis unique; dans cet horizon de ma mort, que puis-je faire d'autre que vivre ma vie au sens où l'ami Montaigne l'entendait (pour moi, donc j'aime la vie, tout bon, il a fait tout bon; notre grand et glorieux chef d'oeuvre c'est vivre à propos; toutes autres choses, régner, thésauriser, bâtir n'en sont qu'appendices et adminicules pour le plus). Je vais essayer d'être de plus en plus cosmopoli. Courtois avec tout ce qui vit, pierres y comprises, et paysages. Visages aussi.

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