Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Blog de Jean-Claude Grosse

notes de lecture

La Nature et nous / Marcel Conche

12 Septembre 2019 , Rédigé par grossel Publié dans #notes de lecture, #jean-claude grosse

paru en septembre 2019

paru en septembre 2019

 

La Nature et nous

Marcel Conche

HD essais 2019

 

Marcel Conche, âgé de 97 ans, aveugle d'un œil, diminué de l'autre œil, écrit presque chaque jour, à la main, à l'aide souvent d'une loupe mais aussi en sentant le tracé des lettres et leur succession. Il livre ses pages d'écriture à une amie lointaine qui les relit, les déchiffre et les tape à l'ordinateur. C'est elle qui lui a proposé ce service.

De quoi s'agit-il ? D'une discipline d'écrivain ? D'une hygiène intellectuelle ? D'une envie de poursuivre une œuvre très abondante ? D'un besoin de continuer à user de sa raison en vue de la vérité ? D'un désir de se souvenir, de se raconter, au fil des humeurs ?

Marcel Conche est conscient que son œuvre est derrière lui, que quelques livres resteront parce que ce sont des références, ses Fragments d'Héraclite traduits et commentés 1986, son Anaximandre 1991, son Parménide 1996, son Héraclite recomposé 2017. Viennent après, dans son jugement, son Lucrèce, son Épicure, ses 2 Montaigne. Il n'évoque pas sa propre philosophie dont Orientation philosophique 1974 et Présence de la Nature 2001 renvoient à ses deux métaphysiques.

Depuis quelques mois, après la série des Journal étrange (6 volumes) où déjà l'écrivain prenait le pas sur le philosophe, Marcel nous livre des essais de 1 à 3 pages dans l'esprit de Montaigne, « c'est moy que je peins » : Regain en août 2018, Regard(s) sur le passé en février 2019, La nature et nous en août 2019. 82 essais pour ce livre plus L'empreinte d'Émilie de 40 pages.

Comme je ne manque pas de lire tout ce que je reçois de Marcel, je suis bien obligé de constater que reviennent les mêmes souvenirs, les mêmes personnes, les mêmes épisodes, les mêmes récits, les mêmes lieux, les mêmes rêves, les mêmes désirs, les mêmes regrets. Radote-t-il ? Se répète-t-il ? Non, il n'y a pas deux feuilles d'un arbre identiques. Il n'y a pas deux Marcel identiques d'un récit à l'autre qui semble lui ressembler. Ressemblance mais aussi dissemblance, le Marcel qui écrit étant dans deux états d'esprit différents à deux ou quelques jours d'intervalle. On n'est plus au niveau d'idées qui s'exposent, s'articulent, on est en présence d'un homme toujours le même et à chaque fois différent. Si on est sensible aux humeurs qui sous-tendent ces récits, toujours très courts, c'est comme si on était plongé dans le fleuve héraclitéen de la vie et que parfois, on ressorte la tête pour une bouffée d'air, pour un regard sur tel aspect autour de soi ou en soi, le cerisier en fleurs, la rivière dans laquelle il trempe ses pieds nus, une pluie de baisers. L'écriture de ces moments captés est tenue, agrémentée parfois de termes de patois corrézien, de termes techniques employés par les paysans d'il y a 60 à 80 ans.

Pour ma part, je prends un vif plaisir à lire ces courtes chroniques, livrant un homme dans son irréalité dirait Émilie parce qu'éphémère, dans sa réalité d'être changeant je dirais car comme le dit Montaigne, se peignant, il peint non l'état mais le changement.

Je laisse à chacun des lecteurs le soin de vivre ses propres humeurs au contact des humeurs de Marcel, humeurs qui le mènent sur des chemins qui ne mènent nulle part comme il les affectionne. Aucune utilité à ces livres. Aucun apport au monde des idées. Des instants de vie d'hier revivifiés sur papier d'aujourd'hui avec l'humeur d'aujourd'hui. De la fugacité à tous les étages, passé, présent, futur. Quid d'un baiser échangé avec une telle ? Qu'aurait-il pu se passer avec telle autre le temps du tunnel dans le train de la peur du manège à Beaulieu sur Dordogne ? Le pétillant de muscat en apéritif le 27 mars ? Comment se suiciderait-il ? Comment ne se suiciderait-il pas ? Les cris de l'anguille jetée dans l'eau bouillante ?

 

L'essai occupant un statut à part consacré à L'empreinte d'Émilie reprend la 1° rencontre entre Émilie et Marcel, rencontre provoquée par une lettre sublime d'Émilie, rencontre et discussions ayant lieu à Treffort en 2001 puis par échanges téléphoniques et épistolaires, du 1° juillet au 18 décembre 2001. 7 ans ensuite de silence jusqu'au départ de Marcel en Corse pour un séjour qui durera un an et dont certains essais font le détail minutieux car Marcel tient carnets et agendas qui lui permettent de réactiver les souvenirs, d'en assurer l'authenticité.

La première rencontre avec Émilie est une rencontre de nature spirituelle. Marcel est emporté par un élan d'enthousiasme envers cette jeune femme de 40 ans de moins que lui et qui par son mysticisme l'entraîne vers des horizons qu'il ignorait. Elle lui fait découvrir la littérature persane, le soufisme. Émilie est de ces femmes qui s'engagent corps et âme dans une quête pour se débarrasser de l'ego, le moi souvent exacerbé, trop soucieux de son unicité, se vivant et se voulant séparé de tout ce qui n'est pas lui, pour se centrer sur la Vie créatrice, s'immerger dans l'Infini et l'Éternité de la Nature. Le soleil, le ciel, l'air, l'eau, le feu, la terre, les arbres, tout le vivant, tout ce qui existe, créations de la Nature, elle veut ne plus en être différenciée. Elle veut s'indifférencier mais pas dans un mouvement de néantisation (la mort est peut-être cela), dans un mouvement au contraire d'élévation et d'expansion aux dimensions de l'univers, du Tout.

Émilie pourrait être une de ces Femmes qui courent avec les loups (livre de Clarissa Pinkola Estès sur l'histoire et les mythes relatifs à l'archétype de la femme sauvage) ou une de ses Femmes qui se réinventent (livre de Monique Grande), autrefois on disait sorcières, elles avaient d'autres connaissances et pouvoirs que les hommes, savoir immémorial de l'instinct féminin, ce qui s'appelle aujourd'hui le féminin sacré ou le divin féminin et où on est très à l'écoute du corps qui n'est pas, surtout pas une machine pouvant être traité séparément de l'esprit et de l'âme (je note au passage que Marcel n'a pas d'amour particulier pour le corps ; aujourd'hui toutes sortes de pratiques tendent à nous réconcilier avec le corps qui doit être aimé, bien soigné ; on a une vision globale, holistique de l'ensemble corps-esprit-âme où le pouvoir de l'intention est activé)

Je comprends que Marcel ait été fasciné par une telle personne qui lui ouvrait ce qu'aujourd'hui on appelle les voies du développement personnel, de l'éveil spirituel, de la pleine conscience (avec tout ce qu'il y a à boire et à manger dans ces domaines où des gourous auto-proclamés se font plein d'argent sur le dos des gogos ; pas facile de trier, de trouver ce qui convient à notre cheminement JUSTE). Mais à vouloir des justifications, des explications et pas seulement des assertions, il ne pouvait que provoquer le silence d'Émilie. La vie spirituelle est semble-t-il voie d'accès à des formes de connaissance et d'expérience extra-neuronales, hors conscience cérébrale. Il faut renoncer à l'ego, aux pouvoirs de la raison analytique. La méditation que ne pratique pas Marcel est peut-être une voie à pratiquer pour accéder à ce qui animerait tout ce qui vit, des pierres aux arbres, des insectes aux hommes, à ce qui unifierait la diversité de ce qui est créé, qui ferait que nous appartenons à un univers fait de liens, d'inter-actions, d'énergie, d'informations. Tout est dans Tout, tout et réciproquement. La nature est en nous. Nous sommes des êtres de Nature, reliés à tous les autres, pas au-dessus ni en dessous, à égalité de considération, de respect, d'amour et de compassion. On sent à travers ce que dit Marcel (à l'attention qu'il porte aux araignées ou aux cerises aigre-douces par exemple) qu'il est proche de tout ce qui vit et qu'il pourrait aller jusqu'à une forme d'animisme.

Après un vagabondage inachevé vers le soufisme, il va de lui-même vers le taoïsme, sans l'influence d'Émilie mais c'est bien elle, en dehors de Heidegger, qui a marqué de son empreinte Marcel, lequel était dans l'Ouvert, disponible. Il avait 80 ans.

Le dernier mot du livre est Merci, Émilie.

 

Jean-Claude Grosse, 11 septembre 2019

un livre pour aller voir du côté de la femme sauvage, un livre pour les femmes qui veulent pratiquer les 9 enfantements amenant à leur possible accomplissement
un livre pour aller voir du côté de la femme sauvage, un livre pour les femmes qui veulent pratiquer les 9 enfantements amenant à leur possible accomplissement

un livre pour aller voir du côté de la femme sauvage, un livre pour les femmes qui veulent pratiquer les 9 enfantements amenant à leur possible accomplissement

Lire la suite

Regard(s) sur le passé/Marcel Conche

23 Mars 2019 , Rédigé par grossel Publié dans #notes de lecture

couvertures des deux derniers livres de Marcel Conche; photo à l'origine de la couverture de Regard(s) sur le passé, prise près de la chapelle des pénitents à Beaulieu sur Dordogne, photo François Carrassan (droits réservés)
couvertures des deux derniers livres de Marcel Conche; photo à l'origine de la couverture de Regard(s) sur le passé, prise près de la chapelle des pénitents à Beaulieu sur Dordogne, photo François Carrassan (droits réservés)
couvertures des deux derniers livres de Marcel Conche; photo à l'origine de la couverture de Regard(s) sur le passé, prise près de la chapelle des pénitents à Beaulieu sur Dordogne, photo François Carrassan (droits réservés)

couvertures des deux derniers livres de Marcel Conche; photo à l'origine de la couverture de Regard(s) sur le passé, prise près de la chapelle des pénitents à Beaulieu sur Dordogne, photo François Carrassan (droits réservés)

Regard(s) sur le passé

Marcel Conche

HD Diffusion 2019

 

À quelques jours de ses 97 ans, Marcel Conche publie Regard(s) sur le passé chez HD Diffusion où il a précédemment publié Regain (« L'âge me laisse des regains de jeunesse » Quinault).

Ses regards sur le passé prennent des titres surprenants du genre Rêver dans le passé (2001-2002-2005-2006-2007-2008-2009-2010-2012-2015), Dans mes carnets.

Il s'agit d'inventaires, occupant l'année entière ou seulement une partie, d'envois de livres, de visites, de coups de téléphones, de lettres. On peut se demander qui ça peut bien intéresser en dehors de Marcel et des personnes citées. En tout cas, c'est très précis ce qui signifie que Marcel note dans agendas ou carnets, tout ce qui constitue rencontres et partages, noms des personnes et titres des œuvres. Et cette précision, paradoxe, lui sert à rêver sur les événements ou personnes évoqués mais il ne nous dit rien de ses rêves.

On connaît les imprévisibilités du rêve comme de la rêverie. On est dans d'autres temps (l'inconscient ne distingue pas le passé, le présent, le futur; le Unus Mundus de Jung est le Monde Un des alchimistes du Moyen-Âge, dans lequel espace et temps ne sont pas séparés, esprit et matière non plus; l'inconscient collectif de Jung est un champ matriciel de possibles d'où naissent et agissent les synchronicités, concept élaboré par Jung à partir de ses rencontres avec Einstein et Pauli en particulier), d'autres espaces (avec Einstein, l'espace est devenu comme élastique, modifiable en fonction de l'action des forces à l'oeuvre dans l'univers dont l'électro-magnétique; dans le rêve, on peut se voir voler, non soumis à la gravité), d'autres logiques (acausale par exemple où il n'y a aucun rapport causal, aucun lien logique entre un événement et un autre, c'est ce qui est arrivé lors de la 1° rencontre de 13 H entre Freud et Jung pendant laquelle Jung annonça par deux fois qu'il allait y avoir un craquement, ce qui se produisit, ce que Freud ne pris pas au sérieux d'où à terme, la rupture entre les deux hommes et les recherches jungiennes sur les symboles, archétypes universels de l'inconscient collectif, de l'Unus Mundus qui a une existence objective, encore faut-il ne pas chercher dans une synchronicité une relation de cause à effet mais se laisser guider par ce que la synchronicité signale d'un sens possible), dans des mondes autres (on peut au cours d'un rêve, d'une durée très brève qui nous semble longue, voyager au milieu de créatures imaginaires; les métamorphoses y sont légion; en général, on ne prête pas attention à nos rêves; si on ne fait pas l'effort de les noter ou raconter, ils disparaissent dès le sursaut dans un cauchemar ou dès le réveil; Jung, Fellini ont su s'imposer ce travail;à partir du livre de mes rêves, Fellini a fabriqué tout son univers de personnages et décors; Jung avec son livre rouge/récits d'un voyage intérieur, retrouver son âme, a analysé, décrypté des visions, des symboles et archétypes souvent obscurs).

Dommage que Marcel Conche qui ne croit pas à la psychanalyse mais qui sait parfois raconter et décrypter ses rêves ne nous en dise pas plus. Les rêves, rêveries qu'il fait sont-ils une restitution à l'éternel de ce qui a été passager, fugace et qui s'oublie ou pas ? (lire plus bas le CR de l'atelier de lecture du 23 mars au Revest)

En tout cas, par sauts d'escalier qui me sont habituels, idée, élan créatif m'a été apportée sur un plateau de cochonnailles par deux amis qui apprenant ma mésaventure avec la publication du livre Le bord des falaises ou comment se relever de ses morts ? m'ont clairement dit de refaire en rêverie éveillée les 16 promenades faites avec la photographe du livre. Ainsi donc, une histoire que je n'ai pas vécu comme échec, comme gâchis, dont je n'ai pas cherché à expliquer la rupture brutale aura donné un livre pluriel, Le bord des falaises, une pièce de théâtre, The last video (porn theater) et un récit de promenades (Retours de promenades ou 16 promenades revisitées, à écrire mais le déclic a eu lieu en regardant mes agendas 2017-2018). C'est une rencontre heureuse avec des personnes amies à un moment festif et opportun de disponibilité qui a ouvert cette nouvelle perspective.

 

« Sans doute nos visions nocturnes ne sont-elles, pour la plupart, qu’un faible et imaginaire reflet de ce qui nous est arrivé à l’état de veille. D’après mon expérience personnelle, je ne puis douter que l’homme, quand il perd conscience de ses liens avec la terre, séjourne vraiment dans une autre vie incorporelle très différente de celle que nous connaissons, dont il ne garde, au réveil, que des souvenirs vagues et confus. Ces fragments estompés nous permettent de déduire bien des choses et d’en prouver fort peu. Nous pouvons deviner que, dans nos rêves, la vie et la matière, telles que nous les trouvons dans notre monde, ne sont pas nécessairement constantes ; que le temps et l’espace n’existent pas tels que nous les comprenons à l’état de veille. Parfois, je crois que la vie matérielle n’est pas notre vie véritable, et que notre futile présence sur le globe terrestre est un simple phénomène secondaire ou virtuel. »

H.P. Lovecraft, Par-delà le mur du sommeil.

On ne peut qu'être étonné de la richesse des rencontres de Marcel, de leur nombre. Marcel, le solitaire, ne l'est pas tant que ça. Et les visites qu'il reçoit semblent le satisfaire sauf une fois, « visite non souhaitée ». Dans les personnes nommées ou prénommées, beaucoup de femmes, quelques hommes. Envers les femmes, Marcel peut éprouver une gamme de sentiments et d'émotions manifestant sa grande sensibilité au charme féminin, à la Beauté. Envers les hommes, il s'agit d'amitié. En ce qui concerne le passé, Marcel distingue la mémoire de l'esprit qui oublie, la mémoire du cœur qui n'oublie pas. Mémoire de l'esprit en ce qui concerne événements, circonstances, propos. Mémoire du cœur en ce qui concerne l'essentiel, l'être de l'autre dans son entièreté.

Qu'est-ce qui pousse Marcel à travailler chaque matin, à écrire sa page ? Il distingue dans l'oeuvre, ce qui est créatif, qui restera pour l'éternité, Anaximandre, Héraclite recomposé et ce qui n'a pas ce statut. Mais dans les deux cas, ce qui compte c'est le souci de la vérité, vérité des situations, des personnages, vérité dans les choses, vérité dans les propositions car seule la vérité triomphe dit-il du temps éternel. La vie rajoute-t-il a un sens si gouvernée par la raison, elle mène au bien, donc au vrai, donc à l'éternel.

Il me semble que l'on peut reprendre autrement ces remarques. Quand Marcel note dans ses agendas ou carnets, un événement, une rencontre, c'est une façon de ne pas oublier. Reprenant l'agenda, retrouvant l'événement, sa date, il peut réactiver le souvenir et nuit venue ou sieste venant, il peut en rêver, indépendamment de sa volonté, de sa raison sauf s'il a appris à être acteur dans son rêve. Ce rêve, cette rêverie ne sont pas son œuvre. Il a fourni le matériau à une métamorphose proposée par le Monde Un, l'inconscient collectif, universel. Ce pourrait être quelque chose comme cela : « Les choses les plus ordinaires m'effraient. Le soleil. Des ombres sur l'herbe. Des roses blanches. » Rosemary Timperlay. Tout est effrayant, tout est source de peur, un peu ce que dit la 4° de couverture de mon livre Journal d'un égaré, sur l'opacité, l'étrangeté, la dureté de la nature loin de que l'on est tenté de nommer la beauté de la nature. Mais nous n'en saurons rien, à nous de rêver les rêves de Marcel.

Dit encore autrement, notant, il surligne si je puis dire le fait que ce qui est noté a eu lieu, never more, qu'il sera toujours vrai que ça a eu lieu, forever, et cela indépendamment du souvenir qu'on en garde.

Reprenant une métaphore mienne, j'en tire, depuis 2010, que nous écrivons un livre d'éternité de notre premier cri à notre dernier souffle, livre unique, non écrit d'avance, s'écrivant à chaque instant, et allant se ranger dans la grande bibliothèque du Monde des Vérités. Métaphore qu'il faut explorer, creuser, laisser parler.

Je n'ai guère avancé depuis L'éternité d'une seconde Bleu Giotto (2014). Mais je crois, sans preuves, que nos vies sont mémorisées comme « livres », que cette mémorisation n'est pas seulement en lien avec la subjectivité de la mémoire, plus ou moins fiable, que c'est une mémorisation objective dans le Monde des Idées comme est objective, agissante, vivante, active à tout moment, la mémoire inscrite dans notre ADN, vieille de 3 milliards d'années d'évolution et nous survivant un million d'années après notre « disparition ».

Voilà un thème qui mérite prolongement.
Pour conclure sur cette lecture, j'ai particulièrement apprécié la page sur le revolver (chapitre XXVI
Le regret, pages 65-66) qui lui permettrait, dit-il, de se libérer. J'ai senti la jubilation, qui s'est transmise à moi, qu'il a sans doute éprouvé à provoquer le lecteur avec la facilité du suicide, il suffit d'un revolver.

 

Jean-Claude Grosse

4° de couverture du Journal d'un égaré

4° de couverture du Journal d'un égaré

ce samedi 23 mars, 4° atelier de lecture du Revest de 18 à 21 H 30, nous sommes 5 (on est arrivé à être 10 au Cercle du Revest, très agréable lieu à l'accueil chaleureux et aux boissons goûteuses);

présentation du dernier livre de Pablo Servigne: une autre fin du monde est possible; décision est prise de mettre en place un atelier d'écriture d'un récit imaginé, très concret, de vie sur un territoire en transition ou en résilience selon les réalisations de Rob Hopkins qu'on pourra entendre à La Foire Bio de La Farlède dans deux conférences le 14 avril à 11 H et à 15 H; longue discussion sur les GJ, sur la mort du centre-ville de Toulon, doit-on en attribuer la responsabilité à 4 mois de manifestations qui tuent les petits commerces ?

nous avons consacré pas loin de 1/2 H sur les retombées négatives des manifestations qui depuis 4 mois perturbent le commerce local du centre-ville; ce fut chaud (par exemple, un  coiffeur « blanc » a fermé 3 jours en 5 jours 15-16 et 19 mars, trésorerie à sec, il envisage de fermer, avec les conséquences en cours au centre-ville depuis pas mal de temps: renouvellement de population, commerces de "luxe qui ferment", loyers payés rue des arts par la mairie); 
on doit être à l’écoute de tout cela et ne pas rester que sur nos actions qui ne sont pas sans conséquences; 
être responsable c’est aussi entendre les plaintes, les agacements et éventuellement corriger
certes il y a eu des opérations à Carrefour Ollioules et à avenue 83 mais suites judiciaires à Ollioules (3 condamnations, quelle solidarité avec eux ?

présentation du livre Les hasards nécessaires de Jean-François Vézina (la synchronicité dans les rencontres qui nous transforment), en quoi les synchronicités ne sont pas des coïncidences, comment ce sont des manifestations issues de l'inconscient collectif et qui sont des indications pour une transformation quand on est à un carrefour, dans une impasse (lorsque plus rien n'est possible, seul l'impossible peut survenir ou je n'ai aucune chance, je dois donc la saisir) et qu'il faut apprendre à déchiffrer avec prudence, en quoi le Yi King peut être un outil avec ce que disent (ce qu'on fait dire) les 64 hexagrammes chinois; l'une d'entre nous a jeté 6 fois les 3 pièces, émergence de l'hexagramme le K'ien, le créateur, l'élan créatif; a été abordé le rôle du rêve, un rêve est une actualisation au présent d'un problème du passé, une résolution au présent de ce problème, de cette souffrance, de ce poids; encore faut-il apprendre non seulement à retenir ses rêves mais surtout à être actif pendant le rêve, ne pas le subir, le vivre passivement mais être agissant, intervenir en conscience, sachant que la conscience qui agit n'est pas la conscience analytique cérébrale, la CAC 40 mais la Conscience universelle ou l'univers ou (peu importe le nom, le Soi, Dieu...); un exemple nous a été donné de rêve récent: dans le rêve, il arrivait à son cabinet qui était vidé de tout son matériel, angoisse, peur, prise de conscience de cette peur qu'il ne savait pas qu'il l'avait à l'intérieur de lui, pouvoir d'action sur cette peur identifiée; fut abordée aussi la nécessaire transformation de certaines habitudes, préalable à des transformations collectives: et si on supprimait le frigo, et si on supprimait la télé, et si dès 17 H, on stoppait tout écran, portable, tablette, ordi, et si on Qi Jonguer chaque jour, et si on méditait chaque jour, et si on réduisait les déplacements en voiture ...

Rêver dans le passé, voilà donc un titre qui fait fortement résonance; ce sera une des questions que je poserai à Marcel lors de notre visite pour ses 97 ans du mardi 26 mars au jeudi 28 mars avec l'ami F.C. (le 27, anniversaire de Marcel, le 28, anniversaire de Rosalie)

cliquer sur le lien pour accéder à un document remarquable sur le livre rouge de Jung

https://www.cgjung.net/livrerouge/livret-livre-rouge-musee-guimet.pdf

 

Lire la suite

Parcours / Marcel Conche

5 Janvier 2018 , Rédigé par grossel Publié dans #notes de lecture

Parcours, la couverture/ dans la rubrique Pages, 15 notes de lecture sur des livres de Marcel Conche

Parcours, la couverture/ dans la rubrique Pages, 15 notes de lecture sur des livres de Marcel Conche

Parcours

Journal d'une vie intellectuelle

Marcel Conche, HD 2017

 

J'ai reçu le dernier livre de Marcel Conche, le 29 décembre 2017. Belle façon de finir l'année et d'ouvrir la nouvelle, en compagnie d'un ami et d'un philosophe continuant à 95 ans passés à penser et à écrire, sachant que chez lui quand la pensée est claire, l'écriture est sans remords, sans hésitations, limpide.
Parcours est un livre de 216 pages, en 76 chapitres, le plus souvent de 2 pages. Cette concision est particulièrement efficace sur certains sujets philosophiques, métaphysiques comme le temps, le temps et la temporalité, la Nature, le sens de l'homme, l'homme produit de la nature, ma liberté (2 chapitres ont le même nom), les influences, le moi superficiel et le moi profond, l'âme, il y a, la bonté, le visage humain. Pas de chapitres sur la mort ou comment mourir, sujets abordés ailleurs et sur lesquels apparemment il n'a pas d'idées neuves. Mais des pages sur mourir par degrés, sur vieillir, la tristesse du vieil homme. Des pages sobres dans le constat, émouvantes pour qui accompagne Marcel dans son refus de la vie facile, passive à Treffort chez sa belle-fille, dans son choix de la vie solitaire encore active, à part, à Altillac mais de moins en moins, car vieillir c'est être de moins en moins soi-même, de moins en moins vivant, on est moins, à la limite, on n'est plus.

Émilie est présente et d'autres figures féminines Laura, Sylvette, Maryse. À propos d'Émilie, Françoise Dastur, une amie philosophe n'hésite pas à douter de certaines affirmations de Marcel. Le portrait d'elle que vous tracez ne m'incite guère, vraiment, à la compassion et encore moins à l'admiration. Je vois en elle une girouette... Où l'on voit que l'amitié veut la vérité de ce que l'on dit, sans autre considération, sans faux-semblant.

Actualité et histoire sont parfois abordées de façon laconique, tranchante parce que Marcel a une boussole, la morale universelle des droits de l'homme, le mal absolu sous la forme de certaines souffrances infligées aux enfants.

Ainsi le bilan de la colonisation est négatif. Et de citer un livre récent sur les fantômes de Léopold, le sinistre roi belge, instaurateur d'une terreur coloniale responsable de 10 millions de morts entre 1891 et 1911 en lien avec l'exploitation des ressources en ivoire et caoutchouc du Congo. (J'ai vu récemment une vidéo avec des documents photographiques sur cette abomination).

Macron auquel il fut d'abord favorable jusqu'au 26 juin 2017 (il le voyait en Bonaparte de temps de paix) ne semble plus le convaincre et il lui suffit d'une position de Macron, son refus de reconnaître l' « annexion » de la Crimée par Poutine alors que la Crimée fut russe, annexée par Catherine II, annexion reconnue par les Turcs en 1792. Où l'on voit que l'on peut changer d'opinion, non comme une girouette mais en argumentant son changement, en l'étayant. Evidemment l'opinion n'a pas la force, la durée d'une idée philosophique, d'une vérité.
Quelques lettres émaillent le livre dont une de Tzvetan Todorov, mort juste avant la parution de son dernier livre Le triomphe de l'artiste, en février 2017. Je suis tombé sur cette phrase : « puisque nous sommes faits des autres, nous ne mourrons jamais entièrement ; les autres, à leur tour, sont faits en partie de nous ; il y a comme une âme de l'humanité qui est comme immortelle. » On voit comment on peut décliner cette phrase pour penser la mort, la mémoire des morts.

Cette note n'a qu'un but, donner l'envie de suivre ce Parcours, à sauts et à gambades, en fonction de l'intérêt que nous croyons percevoir avec les titres de chapitres, parcours qui renvoie à la personnalité de Marcel Conche, laquelle est lisible dans sa démarche philosophique, bien explicitée dans les premiers chapitres. Rien d'anecdotique même quand on lit Les vendanges, Ma vie à dix-sept ans, Mon frère.

Je rends visite à Marcel Conche du 24 au 27 janvier 2018. Nous lui avons envoyé un colis avec des choses qu'il aime. Pas de livres en cadeau, la lecture lui est devenue difficile. Ne pas se faire plaisir au prix de sa vue, ce à quoi il tient le plus.

 

Jean-Claude Grosse, le 5 janvier 2018

Lire la suite

Zoé / roman d'Alain Cadéo

16 Avril 2015 , Rédigé par grossel Publié dans #notes de lecture

Zoé / roman d'Alain Cadéo
Zoé

d'Alain Cadéo

Mercure de France, janvier 2015

Voilà un court roman de 151 pages en format 11,5 X 18,5, qu'on a très bien en mains et qu'on ne lâche pas.

Deux personnages, un vieil homme croit-il, la soixantaine (ce n'est pas la vieillesse même si la vie l'a cabossé au point de lui donner un air de shérif) et une jeune fille, boulangère dans une de ces boulangeries multi-services (café, pain, pâtisseries, journal, terrasse) qui font du lien et du bien.

Henry descend de son fortin Vauban où il vit solitaire, solaire, lunaire, à sculpter des rochers et à écrire, pour acheter son pain et ne manque pas d'être saisi par la présence de Zoé, l'innocence même, tout sourire, toute confiance, offrant par cette seule présence joie et bonheur. Évidemment, cela ne va pas sans convoitises, jalousies, drague, forçage même. L'innocence bafouée, la confiance perdue. Zoé sort-elle abîmée de cette comédie-tragédie que constitue le monde des hommes en chasse ?

Henry et elle vont avoir une correspondance par miche interposée. Il lui dit quelques phrases, loin d'être banales, maximes de vie, repères et balises que Zoé ne comprend pas nécessairement, elle a raté son bac, elle n'a pas les dons de sa sœur Marine, hélas disparue et avec laquelle Zoé entretient des liens secrets. Elle lui écrit ce qu'elle éprouve et glisse le mot dans la miche boite à lettres.

Décor et personnages sont plantés jusqu'à la quasi-fin où surviennent deux événements que je laisse découvrir. Ce roman utilise différents registres de langue comme on dit. Zoé est très nature dans son expression. Henry peut osciller de la sentence à graver dans le marbre ou le rocher à la formule populaire. L'écriture est riche, variée, colorée, dense, sentencieuse pour tenter de dire deux choses :

l'improbable d'une rencontre ne tient qu'à notre circonspection, notre méfiance, notre quant-à-soi ; osons sortir des a priori, osons regarder, éprouver et Zoé devient une chance, une histoire vécue, légère, où les deux s'apportent, se réconfortent, se confortent

toute vie est reliée au Tout, à Dieu dont le manque est violemment ressenti par Henry ; il faut donc être attentif aux détails, savoir relier, tisser, mettre quoi ? de l'ordre ? du sens ?

On le comprend, le fond de ce roman est métaphysique, il est méditation sur l'éternité, sur l'infini, sur le lien, sur le sens « religare » de « religion ». En ce sens, ce roman est un appel à aller à l'essentiel, le statut d'ermite d'Henry indiquant la nécessité du dépouillement, à la façon de Rilke dans son Livre de la pauvreté et de la mort.

Henry est un guide et pour lui et pour Zoé sur ce chemin d'exigence devant fuir toute facilité.

Zoé renonce à la séduction voulue par la qualité de ses mises. Elle apprend que si on le veut, on peut préserver son innocence, sa liberté, son pouvoir de dire NON, le boulanger en fera les frais et le salopard de Philippe.

Henry lui se veut exterminateur de hasard, ambitieux programme, orgueilleux défi.

Ce roman fourmille de phrases à forte résonance pour celles et ceux se sentant reliés, venus de loin, des origines sans début, et se rendant loin, aux confins sans fin.

Henry n'hésite pas à faire appel à des images de nature quasi-scientifique, à des notions non définies mais parlantes comme les électrons de la pensée et que sais-je. Il y a une fascination pour les ouvertures proposées par les théories d'aujourd'hui, ouvrant sur la pluralité des univers, les multiples dimensions du réel et sans doute Henry au parfum de ces théories s'en nourrit.

Je revendique, à la différence d'Henry, une autre métaphysique, une métaphysique du hasard. Je m'explique, le souci du détail, de reliance d'Henry est un projet de maîtrise, dû à la peur de passer à côté, d'être déçu. Pour moi, on passe à côté si on n'admet pas qu'on est dans le bain, dans le flux, dans le fleuve, qu'on y barbote, qu'on peut s'y noyer. Pour moi, tout ce qui apparaît est création du et par le hasard, tout « apparu » se transforme, rien ne se perd, rien ne retourne au néant, tout laisse traces éternelles, disponibles pour d'autres chances, d'autres usages. La tapisserie, ce n'est pas Henry qui la compose ni moi, c'est la Nature créatrice, cachée derrière ce que je vois, sens, ressens. Mais je suis mauvais formulateur de cette métaphysique du hasard créateur. Je n'écrirai pas l'autre Zoé.

Jean-Claude Grosse

Lire la suite

Viva/Patrick Deville

13 Décembre 2014 , Rédigé par grossel Publié dans #notes de lecture

Viva

Patrick Deville

Seuil, août 2014

Présenté comme un roman, Viva comporte 30 chapitres fort documentés sur des personnages qui ont marqué dans deux domaines, politique, artistique, Trotski, Lowry, Frida Kahlo, Diego Rivera, Traven, Cravan, Artaud, Breton. Cela se passe au Mexique dans les années 30 pour l'essentiel mais comme certains de ces personnages sont des errants, des exilés, des clandestins, l'auteur nous fait voyager là où le hasard, le destin les ont conduits, jamais pour longtemps. Je dis hasard, destin, sans trop chercher à distinguer les deux notions. Disons que hasard me semble convenir pour parler du moment où ça surgit, où ça arrive, que destin me semble approprié après coup, quand on sait ce qui a surgi, ce qui est advenu. Ce qui semblait ne pas être écrit d'avance, après coup semble l'être, illusion d'optique : ce n'était pas écrit d'avance mais quand c'est enfin écrit, ça semble une évidence.

Les péripéties incroyables accompagnant l'écriture d'Au-dessous du volcan (que j'ai dans l'édition « définitive » de Buchet-Chastel de 1960) illustrent me semble-t-il mon propos. Lowry ne semble pas savoir ce qu'il démarre et qui lui demande dix ans d'efforts, de déménagements et déambulations (en particulier vers Vancouver dans une cabane où tout ce qu'il a écrit brûle), sa femme d'alors, Margerie, se mettant entièrement au service de cette écriture (tous les deux en paient le prix) mais quand paraît le livre en 1947, il est évident que c'était pour cela, pour ce livre, que Lowry avait vécu ces 10 ans, la disparition du consul, son assassinat par des fascistes le traitant de bolchevik, anticipant la sienne propre quelques temps après, étouffé par ses vomissures.

On pourrait presque faire le même constat avec Trotski qui alors qu'il est au faîte de sa puissance comme chef de l'Armée Rouge va se reposer, se ressourcer, se remettre à sa place, sa toute petite place, dans une nature sauvage qui l'apaise, le ramène à ses justes proportions, à sa juste mesure, pendant que dans son dos à Moscou conspire Staline. L'homme complet Trotski, à la fois homme d'action et homme de contemplation, de réflexion, de grande écriture n'a pas su, n'a pas voulu peut-être au moment crucial redevenir homme d'action, de décisions fulgurantes, éliminer Staline et c'est lui qui est d'abord effacé des mémoires, des livres, des photos, lui qui est calomnié, déporté, exilé et qui finira par être éliminé physiquement, assassiné par un tueur qui finit ses jours à La Havane au pays de Castro, ce dont parle le roman, L'homme qui aimait les chiens de Leonardo Padura, paru en 2011.

La riche documentation de Patrick Deville, qu'il est allé chercher sur le terrain, mériterait qu'on lise ce roman avec un planisphère Mercator devant soi, un peu comme celui dont disposait Trotski. En plus du planisphère, il faudrait une éphéméride. Et studieusement noter dates et lieux pour pleinement savourer toutes ces coïncidences mises en avant par l'auteur, coïncidences qu'il est seul à repérer, les protagonistes de l'histoire les ignorant et n'en ayant cure puisque repérées après coup. On est donc dans une histoire rapportant des faits mais aussi dans une histoire construite. La plume qui raconte est aussi plume qui relève, souligne. Ce n'est donc pas un roman-documentaire objectif, c'est impossible, c'est un roman documenté mettant l'accent sur ce qui apparaît à l'auteur comme devant être relevé, souligné, un roman où le présent occupe une place importante puisque l'auteur qui connaît la suite de l'Histoire (en gros, une Grand-Roue Ferris qui tourne où ceux qui sont en haut ne vont pas tarder à se retrouver en bas, où les perdants d'aujourd'hui seront les gagnants de demain) peut évoquer la suite des coïncidences comme dans l'insurrection zapatiste des indiens du Chiapas avec comme porte-parole le sous-commandant Marcos en 1994, le surgissement d'un portrait d'Antonin Artaud au milieu des portraits du Che et de Zapata. (Voir ci-dessous deux liens récents, d'actualité, sur ces Indiens)

Se posent quelques questions : ces coïncidences soulignées, repérées après coup font-elles sens ? Indiquent-elles qu'il y a une marche de l'Histoire, un sens de l'Histoire, un moteur de l'Histoire ? Marche, sens, moteur induisent une vision linéaire du cheminement humain vers le progrès, vers le bonheur, vers l'humanisation de l'humanité, vers le triomphe de la raison sur les passions. Trotski en marxiste y croit. Une autre métaphore est souvent utilisée, celle de la Roue qui tourne comme révolution. Je crois que ces manières de voir, très prégnantes, nous éloignent du cheminement réel, balbutié, obscur, aléatoire, hasardeux, coïncidences pétrifiantes comme disaient les surréalistes.
Je dois dire que ma culture politique d'ancien trotskiste (dès qu'il y a un regroupement de 6 trotskistes, il y a scission, dit l'auteur et c'est presque vrai et c'est le problème) et que ma culture littéraire n'ignorant rien des auteurs et artistes évoqués m'ont beaucoup aidé. Je n'ai à aucun moment été égaré par cette profusion d'informations « érudites ». Mais un lecteur lambda peut sans doute être perdu par ces références. C'est donc une lecture passionnante que j'ai faite, me replongeant dans les enfers de ces hommes et femmes, joués et jouant, quêteurs aveugles et aveuglés d'absolus, la révolution, l'oeuvre, l'alcool, l'amour, les femmes... Les citations d'oeuvres sont stimulantes. Y a t-il un héritage, que devient-il, comment tourne la Grand-Roue Ferris ? Ou tout cela retourne-t-il au silence comme celui des Indiens qui ont tout compris : se taire devant le mystère de tout ce qui se présente.

Jean-Claude Grosse

Viva/Patrick Deville

montage que j'ai réalisé avec des documents d'époque + a capella la voix de Dasha Baskakova

Lire la suite

Le cauchemar de Don Quichotte

12 Mars 2014 , Rédigé par grossel Publié dans #notes de lecture

Le cauchemar de Don Quichotte

Le cauchemar de Don Quichotte

Matthieu Amiech et Julien Mattern

Climats (2004)

Lire un livre 10 ans après sa parution (acheté à mon dernier salon du livre en 2004) parce qu'on l'a retrouvé, trouvé dans sa bibliothèque où des centaines de titres attendent que le désir, le hasard viennent s'en saisir est une expérience d'évaluation quasi-immédiate. On sait au bout de quelques pages si l'essai est encore d'actualité ou s'il est déjà obsolète, s'il vaut le coup d'y consacrer quelques jours de lecture ou pas, en lien avec les préoccupations citoyennes qu'on peut avoir. Le cauchemar de Don Quichotte a réussi l'examen du temps comme La révolte des élites de Christopher Lash, toujours chez Climats qui avec Agone éditent des livres importants pour tenter de comprendre dans quel monde on vit. Les auteurs doivent être jeunes, ils ont parfois un ton naïf, ils se font humbles devant l'ampleur de la tâche, tenter de déblayer le terrain idéologique pour faire émerger quelque prise, saisie de ce monde en vue d'agir. Leur maîtrise des références (des penseurs marginalisés) n'est pas toujours convaincante parce qu'ils n'en disent pas assez.

La fin du livre est édifiante, l'utopie 1810 - 1820 de Saint-Simon d'une société, d'un monde entièrement soumis à la science, à l'industrie et à l'utilité économique, peu probable à l'époque s'est réalisée ; nous vivons en plein dedans, salariés et consommateurs à deux moments différents de la journée, enchaînés par nos intérêts contradictoires, explosifs, générateurs d'inégalités aggravées, donc de violences potentielles et réelles, de conditions de vie de plus en plus précaires, stressantes. Le monde d'aujourd'hui, on peut supposer qu'on en a une certaine conscience. Vouloir universaliser notre mode de vie consumériste est sans doute le plus mauvais choix ayant été fait, celui qui tout en dégradant de manière sans doute irréversible la planète, aggravera conditions de vie et de travail du plus grand nombre pour le profit d'élites réduites, cyniques, oligarques et népotiques.

Le cauchemar de Don Quichotte montre comment tout un tas de critiques de gauche (des altermondialistes qui refusent d'être nommés antimondialistes, en passant par Attac, la LCR devenue NPA ...) de ce monde sont en fait gangrenées par l'idéologie dominante, le fétichisme marchand et par des illusions mortelles ou mortifères car elles barrent la route à l'émergence de voies nouvelles.

Si on croit au progrès, si on pense que la solution aux problèmes est dans la croissance, 1 à 2 points de croissance par an, si on croit au nom de l'égalité (ou de la lutte contre les inégalités) à la nécessité de faire profiter tout le monde (7 milliards) des avantages et avancées du monde occidental (le plein emploi, les acquis salariaux, la réduction de la durée du temps de travail, l'augmentation des congés payés, la sécurité sociale, la retraite de 60 ou 65 ans à 100 ans, logement, école, santé éternelle avec prothèses bioniques pour tous, le maintien du statut d'intermittent, la culture élitaire pour tous), alors on accepte dans les faits, partageux que nous sommes, la marchandisation de tout, y compris les biens culturels et c'est bien parti, la mondialisation des marchés, l'interdépendance de tous les secteurs et leur spécialisation, la mise en réseaux des systèmes de communication, d'information, d'échanges financiers et commerciaux. Bref, l'extension de ce que nous voyons depuis les années 70 avec l'émergence de sociétés multinationales présentes dans le monde entier, aux moyens plus importants que ceux des États, sociétés qui ne s'embarrassent pas trop des contraintes et des lois, engagées qu'elles sont dans des stratégies de domination, donc d'exploitation, en guerre entre elles, en partie, en guerre contre les États sauf quand, comme les banques spéculatives en faillite en 2008, elles ont besoin d'être renflouées. Multinationales animées par un messianisme interne, où la guerre menée dans le secret est considérée comme une mission civilisatrice. Faudrait analyser cela.

Si on croit que l'État, celui d'hier, l'État-Providence, est le recours contre les pratiques hégémoniques des multinationales et des banques, alors on risque au minimum d'être déçus, de vivre comme trahisons toutes sortes de promesses faites pour arriver au pouvoir et jamais appliquées, une fois installés car les États sont corsetés dans tout un réseau de traités, de règlements dépassant le cadre et les prérogatives des États. Les élus et hommes au pouvoir sont sous la coupe de bureaucrates, de technocrates non élus, genre Union européenne et ses commissions, commissaires, fonctionnant au lobbying et dans le secret, eux-mêmes contrôlés par l'économie et la finance, elles-mêmes incontrôlables. On le voit avec le Traité transatlantique en cours de négociation entre Amérique du Nord et Europe : s'il est adopté et il le sera, les multinationales pourront poursuivre les États ne respectant pas les normes du libéralisme, voulant légiférer, règlementer, limiter leur pouvoir. La démocratie et le marché ne sont pas compatibles. La démocratie (qui demande du temps, du débat d'opinion et pas des batailles d'experts souvent en conflits d'intérêts) est trop peu réactive par rapport à la vitesse des changements technologiques, des pratiques managériales quasi-dictatoriales. Croire que l'État peut corriger le marché, moraliser les banques d'affaires, donner un visage humain au capitalisme est une illusion dangereuse qui conduit dans l'impasse la réflexion et l'action. L'analyse faite dans le livre des grèves de 2003 (comparées à celles de 1995) est particulièrement illustrative de ces illusions, expliquant sans doute que la jeunesse (lycéens, étudiants) n'ait pas rejoint le mouvement.

Évidemment parmi les illusions néfastes, croire que la voie social-démocrate, devenue voie social-libérale peut atténuer, voire réguler, et sauver l'essentiel des meubles. On en avait eu une illustration magistrale avec le comportement de la social-démocratie allemande votant les crédits de guerre au Kayser, ouvrant la voie à la boucherie industrielle de 14-18 au mépris des engagements internationalistes, la grève générale contre la guerre. Assassinat de Jean Jaurès, assassinat de Karl Liebknecht et de Rosa Luxembourg.

Idem avec la voie révolutionnaire mais qui y croit encore (ceux qui se réclament encore un peu du marxisme ont renoncé aux luttes de masse). On en avait eu une illustration magistrale avec le comportement des staliniens lors de la montée du nazisme en Allemagne, plutôt frapper sur les sociaux-démocrates que faire alliance avec eux contre le nazisme et c'est ainsi qu'Hitler arriva, minoritairement élu, au pouvoir et enferma les dirigeants sociaux-démocrates et communistes allemands.

Et les auteurs de s'étonner de l'amnésie qui en même pas 40 ans (1968-2003) a fait oublier nombre d'analyses radicales, d'avertissements prémonitoires. C'est là que leur éclectisme est peut-être un peu faiblard mais c'est bon de citer leurs références. Oubliés Georges Orwell, Guy Debord, Simone Weil, Rosa Luxembourg, Herbert Marcuse, Hannah Arendt, Jacques Ellul, Günther Anders et bien d'autres. Oubliées aussi des formes de lutte comme le luddisme en Angleterre au XIX° siècle, la destruction des machines textiles (1811-1812). Oubliés les conseils ouvriers, la Commune de Paris (1871), les conseils de Budapest (1956). Là aussi ils n'en disent pas assez. Les hackers, les anonymous sont-ils les nouveaux luddites ? En tout cas, merci au soldat Bradley Manning, fournisseur de WikiLeaks, oublié dans sa cellule, merci au lanceur d'alerte Edward Snowden, planqué quelque part en Russie qui a su l'accueillir. Certes il y des mouvements. Ça part des fois d'en bas et ça se coordonne un peu. Des fois ça vient d'en haut, des syndicats et ça fait des grèves tournantes, des journées d'action de 24 h, des manifestations. Parfois c'est inventif, mouvement des indignés, occupy city and wall street. Mais on en est où ? Beaucoup d'énergie qui finit pas s'épuiser et épuiser les manifestants et les usagers qu'on tente de dresser contre les grévistes. Cette rupture dans l'histoire de la pensée et de l'action radicale a pour effet principal, le désinvestissement dans l'engagement politique (même pas militant car ce n'est plus un comportement courant que de militer) par sentiment d'impuissance, la jeunesse étant la principale concernée. La responsabilité des économistes, sociologues, historiens dans ce constat est bien sûr importante mais pas seule : l'horizon bouché ça plombe !

Peut-on s'en sortir ? La réponse n'est pas assurée. Mais il y a à renouer le fil d'une pensée réellement critique à partir au moins de cette assurance ou conviction, voire croyance, notre mode de vie n'est pas universalisable, continuer sur cette croyance nous mène tous dans le mur. Il faut cesser de croire à l'avenir radieux avec un capitalisme à visage humain comme l'avenir radieux avec le socialisme sans ou à visage humain n'a jamais vu le jour (ils n'abordent pas les dégâts causés par le stalinisme entre 1923 au moins et 1982, mort de Brejnev ; c'est dommage). Ne plus croire que la mondialisation du marché, que le salariat pour tous (et alors on peut se scandaliser en toute innocence et ignorance du fait que des centaines de millions vivent (?) avec moins de 2 euros par jour ; illustration de la pollution idéologique puisque on évalue leur vie avec une somme d'argent) donnant accès à la consommation de masse sont la clé du bonheur et du plaisir pour tous. Le marché s'autonomise de plus en plus, s'émancipant de plus en plus des contraintes et lois, nous faisant perdre notre autonomie, nous enserrant dans des réseaux dont nous croyons qu'ils nous facilitent la vie (et en partie c'est vrai si on oublie de penser le prix que l'on paye, humanité et planète).

Alors ? la décroissance ? Le mot fait peur. Des mots comme développement durable, sobriété heureuse sont également proposés.

Les auteurs en disent trop peu, ils nous alertent sur le fait que ce sera difficile, dangereux car ou nous laissons filer les choses et l'humanité est menacée de chaos, voire de disparition (catastrophisme de beaucoup de films ou romans) ou nous provoquons un effondrement de ce système. Il n'y a de choix qu'entre le chaos complet, plus ou moins définitif et un effondrement volontaire et maîtrisé (il ne le sera jamais complètement) destiné à devancer le chaos et à en atténuer les conséquences.

Un seul projet politique leur paraît donc pertinent : approfondir la crise afin d’en gérer les conséquences. Ce processus serait à mener sans État et même contre lui (ils n'évoquent pas le caractère répressif de tout État, la violence d'État de plus en plus évidente ; or ce n'est pas un mince problème quand interviennent les forces du désordre, voire l'armée de métier). Il leur paraît nécessaire d’envisager l’effondrement volontaire de l’Économie de concurrence généralisée, mais ils en négligent la grande conséquence : une dépression générale instantanée.

Ils savent qu’un changement de culture ne se décrète pas puisqu’il s’agit que se crée une autre manière de vivre et là, ils n'ont rien, et c'est normal, à proposer car ce seront des créations collectives de nouveaux vivre-ensemble concrets, et pas virtuels comme ceux des réseaux sociaux. Il y aura tellement de dégâts à réparer, eaux des nappes et des rivières, terres agricoles pesticidées, air archi pollué, déchets nucléaires, dénucléarisation de la fission, désarmement, réchauffement climatique… restaurer des liens sociaux ou en inventer de nouveaux, pas la fête des voisins, et la journée d'ELLE, la F, et celle de LUI, le grand-père ou le père…, inventer un autre usage de l'argent ou autre chose que lui. Les scientifiques ayant rompu avec le système mais auront-ils encore accès aux laboratoires ? seront nécessaires. Le débat et sa lenteur devront être restaurés (ah surtout pas le système électoral, piège à cons où nous déléguons par un bulletin tous les 5, 6 ans nos pouvoirs à des professionnels carriéristes), dans la proximité. Il faudra penser et agir petit, small is beautiful, réaliser petit, la petite part du colibri de Pierre Rabhi. Ralentir (chacun par des comportements plus responsables) la disparition de l'humanité d'une seconde multipliée par des centaines de millions, c'est peut-être permettre à la jeunesse d'après-demain (horizon probable minimum, 100 ans) à laquelle nous n'aurons pas su rendre un monde meilleur, de le leur rendre pas complètement chaotique.

Cela dit, une évolution-révolution minime, non évoquée dans le livre, me semble en cours. Des millions d'initiatives sont prises dans tout un tas de domaines, des comportements nouveaux émergent, il y a du têtu ou de la ténacité chez l'homme, je ne parle pas de la femme, encore plus têtue, tenace. Même dans les conditions les plus extrêmes, ce n'est pas que l'agressivité individualiste qui règne seule. Et dans nos conditions de confort ce n'est pas non plus l'hédonisme cynique individualiste qui règne seul.

Parmi les mouvements qui ont le plus ma sympathie, semons des graines, kokopelli, le mouvement des colibris …

Cet article est à la fois à peu près fidèle au livre et nourri de mes propres façons de dire et de voir le monde dans lequel je vis.

Jean-Claude Grosse

Lire la suite

Passion arabe/Gilles Kepel

16 Juin 2013 , Rédigé par grossel Publié dans #notes de lecture

Passion arabe de Gilles Kepel, Témoins chez Gallimard, 2013

Journal 2011-2013

J'ai acheté ce journal à Casablanca le 9 mai, au prix marocain soit la moitié du prix français. J'ai commencé à le lire pendant mon périple de 3700 kilomètres dans l'est et le nord du Maroc. Puis mon frère se l'est approprié et l'a terminé avant moi. Je l'ai achevé à Paris le 12 juin. Tant de temps pour le lire, autant dire que ma note va s'en ressentir.

J'ai apprécié les deux versants de ce journal, récit « objectif » de rencontres nombreuses dans les différents pays où ont eu lieu les révolutions arabes, à partir de l'immolation de Mohamed Bouazizi, à Sidi Bouzid le 17 décembre 2010, et journal « personnel » par retour dans le passé sur ce qui a déclenché cette passion arabe, ces deux mots étant les deux derniers du livre en italiques avec majuscule. La parole est donnée aux arabes, leaders religieux, leaders politiques, gens du peuple, étudiants. Les connaissances linguistiques, historiques de l'auteur lui servent à décrypter les propos. L'écriture est fluide, nourrie aussi de mots rares.

On comprend, grâce à ce travail réalisé sur le terrain (avec sa part de risques) et inscrit dans la temporalité, la complexité de ce qui est sorti des révolutions arabes et dont l'évolution dépendra des rapports de force entre les différentes composantes islamiques et des réactions populaires.

On a, soutenus par le richissime Qatar à la manne gazière, les Frères musulmans, très bien organisés, pouvant aller de la modération pseudo-démocratique au radicalisme djihadiste. Soutenus par l'Arabie saoudite à la manne pétrolière, les salafistes, particulièrement offensifs, radicaux. Soutenus par l'Iran, les chiites, également radicaux. Les puissances régionales sont la Turquie où émerge un renouveau de l'ottomanisme, l'Iran qui vise la possession de l'arme nucléaire pour dominer la péninsule, l'Arabie saoudite qui veut contrecarrer l'Iran, le Qatar qui soutient tout ce qui peut affaiblir Iran, Arabie saoudite, afin de continuer à exister. Il semble aller de soi que le rêve de kalifat mondial des uns et des autres a peu de chances de se réaliser étant données les divisions internes au monde islamique. C'est peut-être ce qui fera qu'après la main mise des islamistes soi-disant modérés sur le pouvoir dans certains pays (Tunisie, Égypte, Turquie) et après la déception très grande de certains couches des populations, on verra refleurir les aspirations démocratiques.

Ce livre fourmille d'anecdotes, d'histoires qui ne demandent qu'à être prolongées en pièces, romans, nouvelles. Je pense à la page consacrée à la Lybienne Houda Ben Hamer ou aux quatre pages consacrées à la Tunisienne Fayda Hamdi. Je lirai d'ailleurs ces pages le 11 juillet à Présence Pasteur dans le cadre de Voyages de mots en Méditerranée.

Le dernier voyage, périlleux, consiste à passer en Syrie à partir de la Turquie. Gilles Kepel relate à la fois ce passage risqué et un voyage réalisé 40 ans plus tôt à Antioche et qui fut le déclic de sa passion arabe. À 40 ans d'intervalle, l'auteur est accompagné par une jeune femme. On sent son attirance pour les beautés arabes comme on sent sa passion de transmettre, sa passion de professeur. Bref, un livre important pour comprendre une région du monde qui agace trop de nos con-citoyens, partisans du simplisme réducteur, du racisme, à l'image d'ailleurs des islamistes, simplistes (L'Islam est la solution, slogan dominant), antisémites, anti-occidentaux.

Pour ma part, ce livre m'a fait prendre conscience que cette région du monde, bien que poudrière, a peu de chances de provoquer un déchaînement mondial. Mon regard a alors toute latitude pour tenter de voir d'où viennent les dangers. J'en suis convaincu : c'est chez nous que banquiers, financiers, multi-nationales travaillent contre les peuples, contre la démocratie, contre l'avenir et l'espoir.

Je renvoie à mon voyage au Maroc et à un lien pour compléter ma note :

http://www.huffingtonpost.fr/ruth-grosrichard/passion-arabe-gilles-kepel_b_2934514.html

Jean-Claude Grosse

Passion arabe/Gilles Kepel
Lire la suite

Disparition de Georges Mathieu / Le privilège d'être

13 Juin 2012 , Rédigé par Jean-Claude Grosse Publié dans #notes de lecture

Je fais remonter cet article du 2 juin 2007 en mémoire de Georges Mathieu, disparu dimanche 10 juin 2012. Il avait 91 ans.

Le Privilège d’être
  Georges Mathieu

portmathieu.jpg

Éditions Complicités 2007
ISBN 2351200047
20 euros

 

40 ans après la 1° édition chez Robert Morel, (1967), dans une édition de luxe, les Éditions Complicités rééditent ce texte de Georges Mathieu, précédé d’une note au lecteur, d’une introduction et d’un entretien entre le peintre et Christine Blanchet-Vaque.
J’ai eu l’information par le portail d’artistes Art Point France et j’ai commandé et le livre et le film de Frédéric Rossif (1971) sur et avec Mathieu:
commentaires de François Billetdoux, musique de Vangélis, le plus grand film sur le mystère de la création avec Le mystère Picasso de Clouzot. (Durée: 53 minutes, 20 euros chez Zoroastre)

6.jpg
Vangélis et Mathieu
3.jpg
Mathieu, Rossif et la célèbre Mercédès 540 K
photo-3.jpg
Rossif et Mathieu

Je ne découvre pas Mathieu aujourd’hui. Je m’y suis intéressé à l’époque de sa célébrité, de son dandysme. Disons de 1957 à 1968. Je suivais ses frasques à travers la presse à l’affût des sorties de Georges Mathieu. Je me souviens de ses voitures, de ses capes noires avec doublures rouge, de ses moustaches, de ses écrits aussi : L’abstraction lyrique chez Julliard, de son intérêt pour Stéphane Lupasco, de certains écrits-manifestes sur la fête, le sacré, l’art. Je ne l’ai jamais vu peindre en public et je n’ai vu que peu d’oeuvres en vrai.

Le Privilège d’être est un ensemble disparate d’écrits tant dans le fond que dans la forme. Dialogue théâtral favorisant la distanciation avec Les Muses. Journal avec deux semaines non datées : Sept jours et Sept autres jours permettant de découvrir le Maître, ses rencontres, les lettres reçues, ses interlocuteurs, son environnement. Le musée de l’âme est une évocation de son appartement de 12 pièces sur 3 étages où un meuble à chaque fois décide de la destination de la pièce. Du renvoi de Till nous montre le Maître dans ses rapports étranges avec son valet qui apparemment s’autorisait bien des privautés justifiant son renvoi abrupt. Petites confidences et petites impressions libanaises racontent plein d’anecdotes sur le Maître , permettant de se faire une idée de ses comportements au quotidien, de son insolence, de ses goûts et affinités, de ses rejets aussi.
Livre roboratif, plein d’humour et d’esprit où s’exprime un fort refus du conformisme, où se revendique une forte affirmation à être libre, ce que les autres vont appeler anti-conformisme ou snobisme comme façon de se démarquer. Or Mathieu se démarque surtout du bourgeois, de l’américanisme, de l’aristotélisme-cartésianisme. Mathieu se veut à la pointe de l’art et de la science : n’adresse t’il pas un mémoire à Einstein pour réconcilier physique quantique et relativité générale (50 ans après, on court toujours après cette unification) ? Il s’intéresse au passé, essentiellement des batailles, du mobilier, des bustes, des trônes, (il est royaliste mais nous n’apprenons pas pourquoi), il s’intéresse à l’orient, aux nouvelles logiques, à la théorie des jeux. Il comprend le premier l’importance des tachistes américains comme Pollock, lui-même inventant l’abstraction lyrique, l’abstractivisme préfèrerait-il qu’on dise.
Biographie, bibliographie complètent utilement ce livre qui permet de prendre la mesure d’un homme et d’un artiste qui auront marqué avec une force rare l’évolution de la création contemporaine par deux démarches : la peinture en public sur de grands formats à une vitesse surprenante, le tubisme ou tachisme permettant de s’émanciper du constructivisme, du géométrisme ; le signe précédant la signification, ce que nombre de jaloux ou d’incultes lui auront fait payer car Mathieu, polémiste redoutable, aura su mettre le doigt là où ça fait mal : les méfaits ravageurs de la bureaucratie institutionnelle qui occupe les postes de décision, l’inexistence de l’éducation artistique…
Dès 1964, Georges Mathieu s’est lancé dans une croisade en faveur d’une éducation qui ne mettrait plus l’accent sur la raison au détriment de la sensibilité, ni sur le progrès économique au détriment du progrès de l’homme et qui ouvrirait l’accès du plus grand nombre aux joies les plus simples et les plus exaltantes de la vie. Une phrase de Galbraith, qu’il aime à citer, résume sa philosophie : "L’artiste est maintenant appelé, pour réduire le risque du naufrage social, à quitter sa tour d’ivoire pour la tour de contrôle de la société".
Un regret : trop de fautes , voire de maladresses d’expression émaillent le livre, surtout dans l’entretien. Dommage.
Jean-Claude Grosse

Mathieu.jpg

Note sur le film: La fureur d’être, édité par Zoroastre.
Le film de Rossif qui date de 1971 est complété par une interview de Georges Mathieu en date du 14 mars 2006 à Paris soit 35 ans après.
L’interview donne des éclairages sur le film, sur l’interventionnisme de Rossif auquel Mathieu satisfait parce que 2 caméras filment dont l’une au ralenti pour surprendre les « erreurs gourmandes » de Mathieu dit Billetdoux. En réalité, Mathieu n’aime pas les sinusoïdes que lui fait accomplir Rossif et s’en libère par des traits sur les signes qu’il a commis sur « commande ».
Dans la 2° partie du film, pendant que Mathieu peint, agit, Vangélis improvise ainsi qu’une danseuse grecque mais la musique n’influence pas le peintre. C’est Rossif qui nomme la toile : Charles Quint alors que pour Mathieu, il s’agit d’une tragédie grecque avec 3 composantes : l’amour, la vie, la fête.
Le film comme l’interview permettent de comprendre le cheminement de Mathieu qui prend conscience de l’importance du style avec une étude sur Joseph Conrad, en arrive à rompre avec dit-il, 40.000 ans d’histoire de l’art, avec l’héritage gréco-latin, à inventer l’abstraction lyrique, rupture avec tous les courants antérieurs, rupture avec la réflexion précédant l’action. Évidemment, il y a le risque des automatismes mais Mathieu, peintre autodidacte, s’en émancipe souverainement.
Le film est disparate comme le livre : Le privilège d’être, évoquant l’enfance, la guerre, l’amour des voitures, soumettant le peintre à une interview graphique sur la page blanche, nous le montrant dans son appartement « baroque », nous le montrant bien sûr en acte de peindre et c’est assez impressionnant. Mathieu et ses longs pinceaux tenus presque comme des épées, Mathieu et son large pinceau qu’il manie avec dextérité pour des courbes et des volutes, Mathieu et son gant qu’il passe sur la toile comme s’il lessivait, Mathieu bondissant, Mathieu allongé. Au fur et à mesure que le travail avance, Mathieu s’éloigne de plus en plus souvent de la toile, dans des allers et retours rapides, avec une gestuelle variée où j’ai noté des temps d’arrêt pour des bifurcations, des insistances mais cela va vite et la toile se remplit, se charge sans qu’on ait le sentiment d’un excès, d’un trop plein. Mathieu s’adresse aussi à nous comme s’il nous faisait une conférence et c’est avec le film que j’ai compris le titre de son livre : Le privilège d’être, à savoir que ce privilège, on veut nous le confisquer et que nous avons à l’affirmer contre toutes les forces aliénantes. « L’homme moderne sera-t-il demain définitivement frustré de ce privilège démocratique que l’État lui accorde et que la société lui arrache : le privilège d’être ? » Un des très forts moments du film est l’installation des œuvres de Mathieu dans le parc de Versailles, faisant paraître pâle la nature, rendant évidente la puissance créatrice de l’homme.
Voir Mathieu, 35 ans après, a été pour moi une surprise : il a 86 ans, répond aux questions d’ Yves Rescalat, parfois avec quelques difficultés mais avec clarté dans l’ensemble jusqu’à la question finale sur ce qu’est la beauté pour lui, question qui le laisse sans voix jusqu’à ce qu’il réponde d’une façon lumineuse : « c’est une sorte de présence qui sublime le reste. »
Je ne peux que conseiller la découverte ou redécouverte de ce peintre, convaincu d’avoir rompu avec des millénaires de représentation, d’avoir ouvert la voie à la création sans réflexion, sans construction, l’abstraction lyrique, et d’avoir essayé de rapprocher l’art de la vie pour tous d’où ses peintures en public, ses affiches pour Air France, sa pièce de 10 franc, son logo pour Antenne 2…
« Pour aller où tu ne sais pas, va par où tu ne sais pas », cette phrase de Saint-Jean de la Croix, Mathieu la reprend à son compte. Le film se conclut par : « on ne fait pas le portrait d’un artiste, on l’approche à peine. »
JCG
mathieubarth--l--my.jpg
Georges Mathieu: Le Massacre de la Saint Barthélémy
Paris 1945 bis 1965 Museum de Modern Art Linz

MATHIEU - ROSSIF, la rencontre étonnante et détonnante...
«Mon film tente d’exprimer les rapports entre un homme et la peinture. Pourquoi cet homme vit, pourquoi il peint comme ça... J’ai essayé de composer un opéra dont Mathieu serait le livret. Il ne s’agit donc pas d’un portrait; on ne fait pas le portrait d’un artiste, on l’approche à peine. Quoi qu’il en soit, Mathieu est une personnalité extraordinaire, un homme de notre temps avec un immense talent: c’est déjà fascinant. Ce n’est pas un film de peinture. Ce n’est à aucun moment un documentaire. Nous avons tenté en partant de Mathieu de dépasser les notions de réel et d’irréel, les données d’information historiques ou même généalogiques, il fallait par une vision cinématographique faire comprendre l’œuvre d’un visionnaire ». _ Frédéric ROSSIF _

Un film à part ..._Invisible depuis des années, toujours inédit salle, _voici enfin en DVD, pour la première fois entièrement restauré, pour le 35ème anniversaire de sa réalisation, le chef d’œuvre méconnu de Frédéric Rossif. Au delà d’un film sur un peintre, c’est un film sur la peinture, et plus encore une œuvre à part entière sur la création. Eclats d’un tournage porté par la rencontre de quatre grands artistes : les qualités d’auteur, la grandeur et l’éclectisme de Rossif, ne peuvent seules se résumer aux chefs d’œuvre reconnus que sont Mourir à Madrid et de Nuremberg à Nuremberg : on les retrouve dans Georges Mathieu ou la fureur d’être. Ce film singulier, n’en demeure pas moins à part dans sa filmographie. A part également parce que Vangelis, qui a marqué de son talent l’œuvre de Rossif, signe ici par sa présence à l’écran, une première collaboration avec le cinéaste. A part, enfin, car cette musique originale, tout comme le texte remarquable de François Billetdoux, sont toujours inédits.

La création au travail..._Georges Mathieu ou la fureur d’être est un film organisé autour d’une interview graphique improvisée par Georges Mathieu, réalisé à la demande du cinéaste. Elle confère au film une ligne narrative qui, en le « fictionnalisant », restitue, sous la forme du conte initiatique placé sous le sceau du signe, des rites, du cérémonial, tout le mystère et la merveilleuse légende Georges Mathieu. Sous l’œil des caméras de Rossif, Mathieu exécute "L'Election de Charles Quint" et la « Nécessité de l’Espérance » sur la musique improvisée de Vangelis. L’œuvre est bercée par la majesté du commentaire de François Billetdoux, et les voix mélodieuses, envoûtantes du dramaturge, et de celle de la comédienne Nathalie Nerval. C’est alors, par la magie du cinéma, que le mouvement du cinématographe épouse intimement le geste créateur et met en lumière la quintessence suprême du génie de l’ouvrage, l’art de Mathieu, prémisses à la fête suprême de l’être : le privilège d’être.


mathieucapetiens.jpg"Les Capétiens partout" - 295 x 600 cm -
Huile sur toile, signée et datée en bas à droite : Mathieu, 10 octobre 1954 -
Centre Pompidou, Musée national d'art moderne
mathieubogota.jpgComplainte silencieuse des enfants de Bogota face aux commandos de la mort
mathieudana.jpg
Dana
mathieutaverny.jpgTaverny
photos-g-mathieu-011.jpgau centre d'art contemporain de Fernet-Branca en janvier-février 2007


Lire la suite

Misfit/Adam Braver

28 Mai 2012 , Rédigé par grossel Publié dans #notes de lecture

Misfit.gif

 

Misfit d'Adam Braver

Éditions Autrement

 

Ce roman sort au moment où Marilyn et son mythe sont célébrés, 50 ans après tout.

S'appuyant sur des situations réelles, lieux et dates, personnages, ce roman réussit à nous mettre dans la tête de Marilyn. Il s'agit d'une tentative de nous faire entrer dans l'univers mental de Marilyn par empathie. L'usage du « tu » est le signe de cette tentative d'empathie ; en s'adressant à toi, l'auteur se met à ta place avec la petite distance existant entre « je » et « tu ». Dire « je » c'est véhiculer l'illusion que ce qui est dit est vrai, sincère. En disant « tu », l'auteur nous laisse apprécier, évaluer la vérité, la sincérité de ce qu'éprouve Marilyn.

Les scènes décrites ne sont pas chronologiques : série de scènes entre 1937 et 1954, 27 juillet 1962 en 4 épisodes répartis dans le livre : le fameux week-end chez Sinatra à Cal-Neva Lodge, 1956 et l'Actors Studio, 1957-1960 avec le tournage des Misfits en 1960, 6 chapitres, janvier-juin 1962, et pour terminer, une semaine après le 28 août 1962, à la morgue donc. Les moments ne sont pas nécessairement les plus connus. Il s'agit de nous faire pénétrer dans l'univers de Marilyn, sa fragilité, ses peurs et angoisses, sa culpabilité …

Ce roman est un mixte de biographie et de fiction. Je l'ai lu avec plaisir. Les chutes des chapitres sont souvent intéressantes parce qu'inattendues.

 

Jean-Claude Grosse

 

 

Lire la suite

L'Intranquille/Gérard Garouste

1 Mai 2012 , Rédigé par grossel Publié dans #notes de lecture

 

L’Intranquille/Gérard Garouste,

avec Judith Perrignon

Autoportrait d’un fils, d’un peintre, d’un fou

 

Voilà un autoportrait particulièrement prenant. Je ne connais rien de Garouste. Je n’ai jamais eu l’occasion de rencontrer son œuvre. Je sais qu’il est à l’origine de La Source, initiative ne pouvant venir que d’un fou et d’un peintre et qui atteint semble-t-il ses objectifs.

·      la prévention,pour venir en aide aux enfants défavorisés, en lien avec les travailleurs sociaux, en utilisant des supports artistiques et culturels, afin de faciliter leur réadaptation sociale et permettre leur épanouissement personnel

·      l'éducation,en développant l'accueil de classes lors d'ateliers de pratiques artistiques, de séjours modulables avec ou sans hébergement, pour favoriser la démarche créative et l'éducation artistique des élèves, en collaboration avec les enseignants.

·      la dynamique artistique et culturelle, auprès du public local et régional, pour promouvoir l'art et la culture, en s'adressant à un public plus large, et en devenant un centre artistique régional en milieu rural, notamment dans le sud de l'Eure.

Autoportrait d’un fils, portrait d’un père, d’une mère, d’une femme, de Léo Castelli, de Fabrice et quelques autres. Garouste est le fils d’un salaud antisémite qui n’a pas hésité à spolier des Juifs pendant la guerre. Il est le fils d’un père sans doute psychopathe, terrorisant sa femme, son fils, lequel va se réfugier dans la lune, le délire, la folie et la peinture. Garouste mettra du temps à s’émanciper du poids de son père. Et paradoxe, ce fils d’antisémite va trouver sa voie, sa langue en apprenant l’hébreu et en nous montrant comment cet apprentissage fut désencombrement, mise à jour des mensonges du catholicisme en particulier, comparant l’éducation religieuse passive du catholicisme à l’enseignement émancipateur de la Thora. Deux exemples : le 1° Honore ton père et ta mère peut être entendu tout différemment, considère le poids de ton père et de ta mère dans ton histoire ; le 2° l’épisode de Saül qui refuse de donner un dernier assaut aux Philistins et de tuer femmes et enfants comme le veut l’Éternel, il perd tout, son royaume et la vie, il est décapité ; leçon catholique : il faut obéir à l’Éternel ; leçon talmudique : tu peux avoir raison et le payer très cher.

Garouste, le succès étant venu, comprend qu’il a un devoir vis à vis des jeunes en difficulté, lui qui a eu tant de mal à se trouver, à se désencombrer. Quand il inaugure La Source, son père a ce mot terrible : C’est dommage que je haïsse l’humanité sinon je serai bien venu.Son père est allé jusqu’à lui demander de renoncer à son héritage pour le transmettre à ses deux fils. Garouste a connu les internements psychiatriques, la camisole chimique, les cocktails de neuroleptiques. Il a même dormi à Sainte-Anne dans la chambre d’Althusser, interné après avoir étranglé sa femme et disant cela à sa femme Elizabeth, il lui serre la gorge (halte ! tu serres !), la sadisant comme il dit. Quand on en est passé là où il est passé, on acquiert une capacité à questionner, mettre en doute ce qui contribue à vous détruire. Aujourd’hui, il contrôle mieux ses émotions qui peuvent le conduire à un épisode de folie, il sait que la folie ne l’aide pas à peindre comme la peinture ne le sauve pas des crises de folie.

Sur son travail de peintre et son positionnement de peintre, il y a des pages très intéressantes. Je retiendrai que pour lui, la peinture, après toutes les aventures de l’art du XX° avec Picasso, Duchamp, Warhol, les installations, performances, surenchères … ne peut consister qu’à raconter des histoires, à questionner, à donner du sens, des sens plutôt parce qu’il glisse sous la peinture de surface, des repentirs qui apparaîtront avec le temps. Il emploie une métaphore, celle de l’Everest. On ne peut monter plus haut que là où les artistes nous ont menés. Alors certains veulent monter à reculons, d’autres torse nu … lui a opté pour mettre ses pas dans ceux des maîtres et chercher sur le toit du monde ses propres sensations, vibrations. Cette métaphore ignore les gouffres où se jettent quantité d’anartistes d’aujourd’hui, comme dirait Rezvani. Monceaux de cadavres, déjections et excréments odorants … que sais-je, des provocations sans lendemain d’après scandale. Il a peint 600 œuvres. Sa peinture demande une herméneutique, lui emploie le mot exégèse, un désencombrement du regard, un déconditionnement. Par exemple, s’il peint Dina, Genèse 34, il la peint en réaction à un texte rabbinique étonnant d’ambiguïté : cette jeune fille était extrêmement belle, vierge et aucun homme ne l’avait connue, sous-entendant qu’une femme peut être vierge et avoir connu un homme (le texte rabbinique évoque alors ces mœurs des jeunes filles consistant à préserver la virginité de l’endroit de la virginité mais à être sans pudeur d’un autre endroit) et donc la Dina de Garouste a deux sexes, deux anus ; Allez savoir avec tous ces trous si elle est vraiment vierge !dit-il.

L’écriture est sobre, efficace. Autobiographie sans haine, lucide et forte.

 

Jean-Claude Grosse, 1° mai 2012

 

Lire la suite
<< < 1 2 3 4 5 > >>