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Blog de Jean-Claude Grosse

La Nature et les mondes / Marcel Conche

5 Octobre 2020 , Rédigé par grossel Publié dans #agoras, #amitié, #amour, #développement personnel, #essais, #jean-claude grosse, #notes de lecture, #vide quantique

une branche d'olivier et ses fruits pour illustrer ce nouvel opus de Marcel Conche

une branche d'olivier et ses fruits pour illustrer ce nouvel opus de Marcel Conche


La Nature et les mondes

Marcel Conche

HDiffusion, septembre 2020

 

Le dernier livre de Marcel Conche est paru courant septembre 2020, 182 pages, 89 entrées.

On retrouve le Marcel Conche des livres précédents, à la fois le même (ce qu'il appelle la fixité relative, rendant possible l'établissement d'une carte d'identité, page 163) et autre : le Marcel qui change comme tout ce qui vit et qui passe jusqu'à ce que cesse la vie, un Marcel qui ne se voit pas changer, passer car la Nature aime à se cacher ; la Nature est mouvement, changement mais imperceptible, l'herbe pousse mais on ne la voit pas pousser, l'arbre se développe mais on ne le voit pas se développer, Marcel vieillit, ses souvenirs n'ont plus la même précision, flou et oubli sont son lot en lien avec un désinvestissement, une indifférence à l'égard du monde actuel ; il est un vieil homme, par choix, (page 128) du monde d'avant la télévision, d'avant internet, d'avant les smartphones ; il n'éprouve aucune nécessité de se mettre aux goûts du jour ; il est le paysan d'hier et évoque, ne cesse d'évoquer des moments de sa jeunesse paysanne ; il est aussi philosophe, s'est choisi philosophe en vue de chercher la vérité (qu'y a-t-il après le tournant ?) et soucieux d'une œuvre qui fasse référence donc qui durera après lui, au moins un temps (ce qui n'est pas le cas des romans, dit-il, sauf exception).

Un proverbe africain dit bien ce caractère imperceptible du changement, de la créativité de la Nature : Quand un arbre tombe, on l'entend ; quand la forêt pousse, pas un bruit.

Ce qui me frappe dans cet opus, c'est la turbulence de que j'appelle la CAC 40, la conscience analytique cérébrale, puissance 40, ce que d'autres appellent le mental, chez Marcel comme chez tout un chacun, la CAC 40 aussi toxique que le CAC 40, cette ritournelle incessante de miettes de pensées (il dit brins de pensées), miettes de souvenirs, miettes de désirs, miettes de regrets, ritournelle diurne, nocturne qui nous pollue et qu'il est très difficile de faire taire, de mettre en veilleuse, de regarder en témoin sans s'y impliquer.

Il m'a fallu découvrir certaines pratiques de développement personnel pour réussir parfois à vivre le moment présent, à être pleinement dans le moment présent, dans l'accueil de l'abondance qui s'offre à nous quand on n'attend rien, quand on lâche prise. La concentration sur la respiration (en cohérence cardiaque), la méditation d'un sûtra (celui du cœur par exemple), la pratique du mantra so hum, les mudrâs sont des outils puissants pour ressentir (ressentir, ça se passe plutôt au niveau du ventre, le 2° cerveau), pas penser, (penser, ça se passe au niveau du cortex pré-frontal, on a affaire aux idées, aux concepts et à l'agitation qui est derrière la pensée claire, page 172) la créativité du Vide, du Silence, du Soi, de la Vie, de la Nature (j'ignore à cette étape si ces 5 mots sont compatibles entre eux). Alors coïncidences et synchronicités s'offrent à nous et ce qui paraissait disparate, sans lien se trouve connecté, inter-connecté, l'était de fait mais soudain on réalise, ce qu'on appelait hasard ne l'était pas. Je n'ai entrepris cette démarche que depuis 5 ans, et depuis 2 ans de façon pratique, plutôt assidue et je remercie ceux qui m'ont initié.

Marcel, de façon empirique, flirte avec ces pratiques par la contemplation de ce qu'il a sous les yeux, le cerisier en fleurs, les nuages, la colline, par sa sensibilité à la beauté de ce que crée la Nature, par son respect de tout ce qui est vivant, par ses choix de vie saine, décroissante (la sobriété heureuse), par son refus de la violence, son pacifisme, son amour de la paix, son rejet de la guerre, sa bonté. Marcel est taoïste en pratique, par son attitude d'ensemble d'amour de la vie et de non-intervention, de non-agir. « Je fais mien ce qui est le but des mouvements taoïstes. Il faut éviter tout ce qui fait le jeu de la mort. N'est-ce pas dire qu'il faut vivre en sage, ce qui signifie mener une vie retirée à la campagne ou dans une petite ville. Le sage s'abstient de tout ce qui le lie à des conventions ou à des règles particulières. » page 171.

La beauté de tout de ce qui est vivant, principe d'harmonie et d'équilibre, est inhérente, constitutive de chaque être vivant, propre à chaque être vivant, différente de l'un à l'autre. Il y a donc autant de beautés offertes qu'il y a d'êtres vivants, expressions de la créativité de la Nature. Les beautés sont données, offertes à qui sait les voir, les ressentir, à qui est disposé à les accueillir par un refus d'un usage utile de ces êtres vivants. Pas question de jeter l'anguille vivante dans la poêle. Pas question d'égorger le cochon.

Marcel est sensible à la sensibilité animale, ce que Hegel a décrit comme le magnétisme animal et qui a été repris, développé par François Roustang, d'abord psychanalyste lacanien puis hypnothérapeute. Aujourd'hui, hypnose et auto-hypnose sont des pratiques répandues mettant hors-jeu le mental, la CAC 40 et permettant à une personne de se repositionner, de sortir des schémas répétitifs qui provoquent le mal-vivre, le mal-être de beaucoup de gens. La volonté, la raison sont impuissantes à modifier, apaiser ces schémas souvent destructeurs, auto-destructeurs (genre victime-bourreau ou comme Marcel allant de non-baiser en non-baiser sauf rares cas, avec Claire ou Marie ; c'est ce qu'il appelle son côté négatif, son côté de « perdant » page 140). Marcel est fin psychologue mais sa psychologie est rationnelle et ancienne, même s'il n'ignore pas le ça et le sur-moi freudien ; elle ignore les neurosciences. Il croit au pouvoir de la volonté, au pouvoir de la raison. Il croit à la différence essentielle entre l'homme qui pense et l'animal qui ne pense pas. L'absence d'animal genre chat et chien devenant compagnons de vie, avec lesquels il commercerait, qu'il caresserait, leur donnant du plaisir qu'ils savent prendre, ce qui est leur façon de rendre le compagnon heureux est peut-être une expérience qui lui manque, l'expérience de la présence de tout l'animal au seul moment présent, même si je l'ai vu s'occuper de chats SDF venant réclamer leur gamelle à La Maisonneuve. Mais sans affection. Par solidarité morale ou éthique avec le vivant.

Ce qui m'étonne aussi, c'est sa limitation du vivant au végétal, à l'animal. Le minéral en est exclu, une pierre est de la matière et la matière c'est la mort. Et pourtant, comment ne pas être interpellé : « Si un jour, tu vois qu'une pierre te sourit, iras-tu le dire ? » Guillevic. A-t-il besoin de sortir le minéral du vivant pour récuser le matérialisme ? Lui qui est sensible à la beauté des montagnes, des collines, des rivières et ruisseaux doit sentir, ressentir le travail du temps éternel, travail d'érosion, travail quasi-invisible mais sculptant tant des paysages que nous contemplons ; je pense aux gorges de l'Ardèche du côté du Vallon Pont d'Arc ou aux gorges du Tarn. Paysages à couper le souffle, inspirants, magnétiques, obligeant presque à une méditation métaphysique sur le temps destinal, « destructeur ». Évidemment, dans de tels paysages, il y a les amateurs de sensations extrêmes comme ces alpinistes à mains nus (tel Patrick Edlinger) ou ce sportif de haut niveau, Dan Millman, qui a inspiré le film Le guerrier pacifique, (quel oxymore !), performants parce que dans un état qu'ils appellent le flow ; le flow est un état totalement centré sur la motivation. C'est une immersion totale, qui représente peut-être l'expérience suprême, employant les émotions au service de la performance et de l'apprentissage. Dans le flow, les émotions ne sont pas seulement contenues et canalisées, mais en pleine coordination avec la tâche s'accomplissant. Le trait distinctif du flow est un sentiment de joie spontané, voire d'extase pendant une activité. Marcel est dans cet état de concentration extrême, de joie quand il recompose Héraclite, sa dernière œuvre. Il sait se mettre dans le flow des grands sportifs, en athlète de la pensée. «  C'est en joie constante que j'ai écrit les Fragments recomposés d'Héraclite ». (PUF, 2017), page 155.

Le ressassement du passé, surtout décevant, désespérant, par exemple avec Émilie, ne peut lui procurer que tristesse, amertume. On voit avec la succession de ses livres qu'il change par rapport à elle, il n'est plus dans une forme d'amour inconditionnel. « Ma vie est vécue sous le règne du rationnel. Pourtant, j'ai été amoureux, j'ai même aimé, aimé Emilie. Par quelle aberration ? (Car je n'eus que la désespérance). Sans doute ai-je vu en elle la beauté et donc ce que j'ai aimé c'est la beauté. On ne peut aimer que la beauté et inversement, ce que l'on aime nous semble beau. » page 174. S'agit-il d'un jugement définitif ? D'une réaction d'humeur ? Du jugement de ce jour d'après le 13 mai 2020 ? Aucune satisfaction possible à tenter d'expliquer (page 140, 3 explications possibles mais aucune certitude, Marcel est dans l'interprétation, rationnelle mais nullement fiable) alors même qu'il sait qu'il lui est impossible de comprendre l'attitude d'Émilie, ne le remerciant même pas pour sa dédicace dans son livre précédent La Nature et la beauté. « Ai-je été amoureux d'elle ? Je ne sais. Le Temps qui a la puissance du destin a appauvri ma mémoire et délaie mes souvenirs. Pourquoi tenter vainement de me souvenir d'Émilie ? C'est que la multitude d'émotions que j'ai eues avec elle a laissé une trace dans mon âme. » page 124. Par contre, satisfaction possible à essayer de se comprendre lui (page 128), il se voit, se comprend comme vivant dans son monde, un monde choisi, cohérent ; ça lui importe plus que d'être compris d'autrui ou de comprendre autrui. Se connaître soi-même fait partie de la vie, se réfléchissant elle-même, faisant le point, s'essayant, essayant des possibilités, jusqu'à trouver ce qui nous convient, ce qui est conforme à notre nature, à notre mission de vie, ce qui donne sens à notre vie parce que visant au-delà de notre vie. Marcel ne pouvait s'essayer que comme philosophe.

Page 153, il cite André Gide, d'après son agenda du 15 octobre 1957 (quel archiviste !) pour marquer sa différence : « Connais-toi toi-même, maxime aussi pernicieuse que laide. Quiconque l'observe arrête son développement. La chenille qui chercherait à bien se connaître ne deviendrait jamais papillon. » Aujourd'hui on sait comment la chenille devient papillon. « Les biologistes ont découvert qu'à l'intérieur des cellules du tissu de la chenille, il y a des cellules appelées cellules imaginatives. Elles résonnent sur une fréquence différente. De plus, elles sont si différentes des autres cellules de vers que le système immunitaire de la chenille les prend pour des ennemis et tente de les détruire. Mais de nouvelles cellules imaginatives continuent d'apparaître, et de plus en plus. Soudain, le système immunitaire de la chenille ne peut plus les détruire assez vite et elles deviennent plus fortes en se connectant les unes aux autres pour former une masse critique qui reconnaît leur mission de réaliser l'incroyable naissance d'un papillon. » Deepak Chopra.

La question pour moi est que faire d'un amour non-réciproque ? Réactiver les émotions passées qui passent, se délaient, s'estompent relève du mental, de la CAC 40, activité toxique, source de souffrances, de regrets, de tristesse, de ressentiment éventuellement. Seul est réel, le moment présent. Le passé n'est plus, le futur pas encore. Étant créateur, écrivain, philosophe, Marcel ne devrait selon moi se poser que cette question : pourquoi cette jeune et jolie femme a-t-elle été placée sur mon chemin, pour quelle expérience de vie pouvant contribuer à me nettoyer de quelles répétitions ? Il ne connut même pas un baiser sur la joue. L'écart d'âge n'est pas suffisant pour expliquer ce manque d'empathie, cette absence de générosité, cette froideur. Malgré cela, Marcel lui a été longtemps fidèle, longtemps fidèle à cette histoire dont il n'évoque aucun échange y compris philosophique. Ils mangeaient souvent ensemble mais de quoi parlaient-ils ? Se contentait-il de la contempler, de contempler sa beauté ? Cela peut suffire à combler un amoureux. Le généreux, l'ouvert, l'accueillant fut bien Marcel, payé d'ingratitude et de froideur. Il vécut chose semblable avec Chaïmaa et avec bien d'autres. Il reste Corsica et Le silence d'Émilie, la médiatisation romanesque de cette histoire étant passée. Mais ce ne sont pas des œuvres de référence. N'est-il pas temps pour Marcel de tirer un trait, de cesser de ressasser sauf à tenter de répondre à la question : pourquoi tant de déceptions amoureuses ? Qu'est-ce qui chez moi, Marcel, provoque le « ratage », pourquoi me vis-je comme un « perdant » sur le plan amoureux ? Car, il n'est pas question dans ce genre de questionnement de rejeter la « faute » sur l'autre.

J'ai vécu durant 3 ans une histoire d'amour non réciproque, j'en ai fait une œuvre théâtrale Your last video (porn theater). Ce ne sera pas une œuvre de référence. Juste une catharsis. L'acceptation joyeuse de ce qui s'est passé comme ça s'est passé au terme de 3 ans, d'abord de souffrance intense, puis d'apaisement et enfin de joie, de gratitude.

Sur la conception des mondes de Marcel, mondes structurés, cohérents, clos, sans communication entre eux, j'ai signalé dans ma note de lecture sur La Nature et la beauté en quoi elle ne me paraissait pas en accord avec les connaissances que nous avons aujourd'hui, en particulier du règne végétal. Le règne végétal est caractérisé par son immobilité, il ne peut se déplacer. Il a donc développé de formidables capacités à s'informer sur les variations de son environnement et à y répondre par des techniques de coopération, plus que de compétition, en quoi le monde végétal se distingue du monde animal et du monde humain où règnent prioritairement la prédation et la domination. Animaux et humains sont en mouvement, peuvent fuir ou faire face selon. Des millénaires de pratiques et techniques de survie qui ont programmé un organe comme le striatum peuvent-ils être contrebalancés en quelques années par des méthodes de développement personnel, une éducation à la joie, à la paix ? À nous d'avoir conscience des enjeux, de faire nos choix.

Marcel, homme par choix, d'un monde en retrait du monde virtuel, est en prise directe avec le nécessaire changement de paradigme révélé par la crise sanitaire mondiale de la Covid 19. Depuis déjà longtemps, Marcel est un décroissant, depuis déjà longtemps, il sait que le jour d'après ne peut être comme le jour d'avant. Ce n'est pas le cas de la grande majorité des gens qui ont repris leurs habitudes comme avant. Y aura-t-il assez de créatifs culturels, de cellules imaginatives (7 à 8%) pour constituer la masse critique nous permettant de vivre autre chose que l'effondrement ? J'ai cité Marcel comme une de mes Antigones d'aujourd'hui dans le Cahier des futurs désirés, à paraître.

Le Bug humain de Sébastien Bohler : (sous-titré Pourquoi notre cerveau nous pousse à détruire la planète et comment l'en empêcher) montre comment la programmation de notre cerveau non seulement nous pousse vers les satisfactions immédiates (nourriture, sexe, pouvoir, information), mais aussi nous incite à en vouloir toujours plus et à nous détourner des comportements qui nous frustreraient parce qu'ils limiteraient nos désirs. Dans ce livre, l'auteur analyse la crise écologique massive générée par l'humanité au travers du prisme des neurosciences. Selon lui, les processus de destruction de l'environnement s’expliquent en grande partie par des mécanismes cérébraux archaïques : le striatum, notamment, et les circuits neuronaux de récompense, qui par le biais de la dopamine, incitent l'homme à assouvir continuellement et exponentiellement cinq besoins fondamentaux : manger, se reproduire, asseoir du pouvoir, acquérir de l'information, et fournir le moindre effort. L'auteur évoque ensuite le rôle du cortex préfrontal, qui permet au contraire au cerveau de planifier, prendre du recul par rapport à ces injonctions de l'instant. Ce qui lui permet d'exposer les possibles contrepoids à ces déterminismes : l'éducation (valoriser les comportements écologiques) et la méditation pleine conscience.

Sans connaître les travaux de ce chercheur, Marcel Conche, par son propre cheminement, participe, contribue depuis déjà longtemps au changement de paradigme nécessité par les dégradations peut-être irréversibles que nous avons causées en quelques secondes à l'échelle de l'histoire de l'univers. En s'essayant comme philosophe, en s'essayant comme décroissant conscient, responsable, Marcel Conche sème, a semé des graines dont certaines germeront, dont d'autres se stériliseront. Il est ainsi co-créateur du monde qui vient, qui verra des gestes de profonde humanité comme des comportements profondément inhumains. Ainsi va la Vie.

Jusqu'à la cessation de la vie (Marcel signale que « l'idée de mort n'ajoute rien à l'idée de la cessation de la vie », page 133), de sa vie. Dans nos échanges téléphoniques, à peu près tous les 15 jours, j'exprime nettement notre souhait à quelques-uns de fêter ses 100 ans, le 27 mars 2022, lui disant que ce futur désiré s'inscrit déjà dans le présent, notre présent. Il semble y croire et mène la vie qu'il faut pour que ce futur désiré se réalise (il a la sagesse de se résigner à ce qui adviendra, nous aussi mais l'oeil fixé sur cet horizon) : dormir (beaucoup), déjeuner, parler avec les gens de la maison, téléphoner, écrire (page 128), ménager son œil encore valide, rigoler (m'a-t-il dit) (je rajouterai : de soi), être de bonne humeur (page 49), la première des vertus, vertu sociale selon Démocrite, celle qu'il faut pratiquer avec autrui (je rajouterai : avec soi). Il m'a exprimé le souhait plusieurs fois de boire du Dom Pérignon. Va pour le Dom Pérignon, déjà au frais.

 

Le Revest, le 2 octobre 2020

Jean-Claude Grosse

 

 

Suite à la grande librairie du mercredi 20 mai 2020, avec entre autres Aurélien Barreau et Baptiste Morizot, et au visionnement dans l'après-midi de deux visioconférences de Marc Halévy, je constate la diversité des approches concernant où on en est mondialement et planétairement avec la crise de la covid19 et où on souhaite aller, individuellement et collectivement, dans la mesure où ce serait encore possible. Barreau et Morizot plaident pour un changement radical d'attitude envers le vivant, une attitude de cosmopolitesse selon un néologisme d'Alain Damasio, où l'homme reconnaît en quoi tout le vivant contribue à la vie de tout le vivant; trois exemples, sans les plantes, pas d'air respirable, sans les bactéries du microbiote intestinal, pas de fonctions assimilatrices et évacuatrices (le ventre, notre 2° cerveau avec plus de bactéries fort anciennes qui nous colonisent pour notre bien que de cellules n'arrêtant pas de se reproduire à l'identique de notre corps, tout neuf, tous les 6 mois), sans la pollinisation, plus de vie en très peu de temps. Il apparaît que notre ignorance, par hubris, est incommensurable. Nous serions incapables de nommer 4 insectes voletant dans notre jardin, d'en nommer 10 plantes. Et même si nous avions beaucoup de connaissances sur ce qui est notre milieu nourricier (pas que pour nous, pour tout ce qui existe, sans hiérarchie), cela ne changerait pas grand chose car l'espèce mouche dont je vais connaître le monde, l'umwelt, ce n'est pas la mouche qui vient de se poser sur ma table et dont je ne connaîtrai jamais, le for intérieur, pas plus que je ne connais le for intérieur de mon chat ou de moi-même, a fortiori, ton for intérieur, toi que j'aime et qui m'envahit. On est donc amené à une grande humilité, un sens du mystère, conduit à sacraliser (comment), à imaginer des rituels de remerciements et de reconnaissance comme le fait l'animisme. 

J'ai noté le rejet de la collapsologie, perçue comme trop négative; évidemment, un usage positif de cette "science" n'est pas envisagé, comme le fait Pablo Servigne, avec la collapsosophie. Et pourtant, plein de pistes intéressantes sont proposées dont l'éco-féminisme, la place des femmes, au sens de détentrices des savoirs instinctuels, des sorcières (mot nullement péjoratif), du féminin sacré dans cette recherche d'équilibre, d'harmonie avec la Nature, avec le reste du vivant, du Vivant.

Quant à Marc Halévy, très intéressant par ailleurs, il me semble rester dans le paradigme techno-scientifique, évoquant l'inéluctabilité suite à la robotisation de la transformation-disparition de quantité de métiers, médecins, avocats..., évoquant la possibilité via la fusion d'accéder à des petits soleils chez soi (le rendement de la fusion serait, dixit Barreau, de 3%, les 97% restants servant à faire fonctionner l'énorme machinerie accompagnant cette production). Son éloge du capitalisme entrepreneurial me semble aussi discutable. C'est exactement ce que le 1° de cordée a fait croire avec son programme de révolution de la start-up France. On voit où cette conception managériale d'un pays nous a conduits.

Comme le temps nous est compté et conté (car c'est nous qui nous racontons les histoires, c'est nous qui les écrivons, et ce faisant nous nous racontons des histoires, car raconter une histoire c'est se raconter une histoire, on y croit et pourtant ce n'est pas croyable, ce qui n'enlève rien au pouvoir sans doute considérable des croyances), il faut bien opter pour une histoire. 

J'opte à cette étape pour celle-ci : moi (petit moi, tout tout petit moi), l'individu JCG, je n'ai aucune raison d'être qui me serait extérieure, je suis arrivé au monde avec un donné initial issu de toutes sortes d'histoires, familiales, nationales, culturelles, je suis mortel et tant que je suis vivant, je suis unique; dans cet horizon de ma mort, que puis-je faire d'autre que vivre ma vie au sens où l'ami Montaigne l'entendait (pour moi, donc j'aime la vie, tout bon, il a fait tout bon; notre grand et glorieux chef d'oeuvre c'est vivre à propos; toutes autres choses, régner, thésauriser, bâtir n'en sont qu'appendices et adminicules pour le plus). Je vais essayer d'être de plus en plus cosmopoli. Courtois avec tout ce qui vit, pierres y comprises, et paysages. Visages aussi.

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