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Blog de Jean-Claude Grosse

Edgard Gunzig/le vide quantique

Rédigé par JCG

Edgard Gunzig au Théâtre des Doms en Avigon

Edgard Gunzig au Théâtre des Doms en Avigon

Vendredi 30 mars 2007 de 14 H à 16 H 45 au Lycée Dumont d’Urville à Toulon
Edgard Gunzig, cosmologiste, s’est adressé aux étudiants en classes préparatoires scientifiques sur le sujet : la création de l’univers ex-nihilo


Edgard Gunzig

 
La rencontre a eu lieu en salle de conférence avec 100 étudiants et quelques professeurs. Après l'accueil d'Edgard Gunzig par le proviseur-adjoint du Lycée et une présentation de l'homme par Dominique Glasson, Jean-Claude Grosse a raconté comment Edgard Gunzig se retrouvait, ce 30 mars 2007, à Dumont, à savoir par la découverte et la lecture de son roman: Relations d'incertitude paru chez Ramsay et disponible en collection de poche chez Labor, roman passionnant, autobiographique, écrit avec Élisa Brune, puis par une rencontre au Salon du livre de Paris en 2005 et un échange sur le roman, enfin par une rencontre au Théâtre des Doms en Avignon en 2006 où fut faite et acceptée la proposition d'intervention. Grand merci à Edgard Gunzig pour son exposé lumineux, pour les échanges avec enseignants et étudiants et pour l'acceptation de mise en ligne de l'exposé: ainsi de nombreuses personnes pourront profiter de ce moment exceptionnel, suivi le 6 avril de la rencontre avec Pierre Marage.
Parmi les projets à venir:
- ma présence à Peyresq (04) en juin pour filmer la 12° édition de la rencontre internationale de cosmologistes organisée par Edgard Gunzig, rencontres dont Élisa Brune a fait un récit dans Le goût piquant de l'univers, aux Éditions Le Pommier.
- organiser vers septembre-octobre une rencontre filmée entre Edgard Gunzig et Marcel Conche.
 
Le vide est ailleurs
Qu'y a-t-il quand il n'y a rien? Et que faire quand on découvre que ce rien est infiniment plein? Les spécialistes parlent de «catastrophe» et envisagent, en réponse, rien moins que de fonder une nouvelle physique.
Par DOMINIQUE LEGLU

 
Glossaire

Relativité restreinte: théorie élaborée par Einstein où l'espace et le temps ne sont plus des absolus; ils se transforment (en se mélangeant l'un à l'autre) en garantissant un autre absolu, la vitesse de la lumière. Les événements physiques se jouent dans une trame nouvelle, «l'espace-temps».

Relativité générale: la trame espace-temps est cette fois courbée, à cause de la matière. On se la représente souvent comme une sorte de filet élastique d'autant plus creux que les corps sont plus massifs.

Mécanique quantique: physique s'appliquant à l'infiniment petit des particules et des atomes, et dont les principes choquent souvent le profane, tellement ils s'éloignent du «bon sens» issu de la physique classique s'appliquant aux objets quotidiens. Exemple: on ne peut parler que de la «probabilité de présence» d'un objet.

 
Bruxelles envoyée spéciale
C'est un vide si plein, si foisonnant d'énigmes, qu'il est devenu l'acteur central d'une tragédie scientifique paroxystique. Le drame s'intitule «la catastrophe du vide» et sa trame n'est pas bricolée de petits riens. Si la nature eut jadis «horreur du vide», ce sont les spécialistes qui aujourd'hui, ont de quoi être frappés d'effroi: le vide, pour eux, engendre la crise la plus aiguë de la physique théorique actuelle, un «problème si profond qu'il pourrait bien être le point de départ vers une nouvelle physique», estime le physicien belge Edgard Gunzig (université libre de Bruxelles). Il vient, avec le Français Simon Diner (directeur de recherche au CNRS), de publier le premier ouvrage collectif d'importance en français, consacré à cette énigme clé: le Vide, univers du tout et du rien (1). Pour ce sujet «en pleine explosion», l'ouvrage ne veut pas donner «l'image figée d'une connaissance acquise mais refléter l'état de la recherche, dynamique et en pleine évolution». Les intitulés ont de quoi titiller : «Qu'y a-t-il là quand il n'y a rien là?» par l'Américain Robert Mills (2); «Entre rien et quelque chose: les paradoxes du vide» par l'astrophysicien français Marc Lachièze-Rey. «De quoi parlons-nous?» s'interrogent finalement sur plus de 500 pages, 41 auteurs belges, français, américains, espagnols, hollandais, britanniques... A eux tous, ils construisent une histoire scientifique moderne - non sans importants rappels philosophiques et théologiques - d'autant plus étonnante qu'il semble n'y être question que «d'instabilité», de «fluctuations», de «catastrophe de l'irreprésentable», de «faux et de vrai vide».

Quel visage présente donc aujourd'hui cet étrange vide, qu'une de ses facettes révèle comme un extravagant réservoir d'énergie, dont la présence a été confirmée lors d'une expérience clé, baptisée «effet Casimir» (lire ci-contre): «Dans chaque centimètre cube de l'Univers, il y a vraiment beaucoup plus d'ordres de grandeur d'énergie du vide que celle de la matière dans tout l'Univers visible», écrit ainsi l'Américain Ronald Adler (université de Stanford)? Libération fait le point avec le physicien Edgard Gunzig.

Longtemps, le vide est resté l'apanage des philosophes. Quand le concept est-il devenu scientifique?

Avec Galilée, au XVIIe siècle, le vide a cessé d'être un enjeu philosophique pour devenir un objet de science. Galilée, le premier, a formulé des «expériences de pensée» pour comprendre les lois du mouvement des corps. Il avait besoin, pour préciser ce qui arrivait à un corps laissé à lui-même, d'éliminer les forces de frottement, de débarrasser le phénomène à étudier des parasites susceptibles de le troubler, d'opérer une idéalisation du réel, bref de «faire le vide». On assiste ainsi à la première construction théorique du vide. Il fut relayé, d'une façon plus mathématique, par Newton, qui introduisit le vide dans sa conception du monde. Ce vide est un espace absolu dépourvu de matière.

Pourtant, au XIXe siècle, rien ne va plus avec ce vide «sans matière». Pourquoi?

Le problème surgit avec les questions de rayonnement. En particulier, après les travaux de Faraday et surtout de Maxwell, qui formule les lois de l'électromagnétisme (lois entrecroisées de l'électricité et du magnétisme) et comprend définitivement que la lumière est une onde électromagnétique. On connaissait déjà des ondes: les acoustiques où c'est l'air qui vibre; les aquatiques, où c'est l'eau qui vibre. A chaque fois, il y avait un milieu qui vibrait et transportait les ondes. De même, on se demande ce qui vibre pour la lumière? On avait en quelque sorte besoin d'une substance où vibre la lumière. Ainsi est née la notion d'«éther» (rien à voir avec le produit chimique, ndlr).

L'éther en question n'a jamais été trouvé, Einstein l'a même radicalement éliminé. Qu'est-ce qui reste?

La célèbre expérience de Michelson et Morley a effectivement apporté la preuve que la lumière se propageait sans que puisse être repéré un quelconque «vent d'éther». Einstein, avec sa théorie de la relativité restreinte en 1905, a alors l'audace de se débarrasser de l'éther et de postuler que la vitesse de la lumière est la même pour tout le monde, indépendamment des observateurs. C'est une nouvelle façon de comprendre la lumière, phénomène ondulatoire qui se «supporte» lui-même, qui sous-tend sa propre vibration, sans avoir besoin de vibrer dans quelque chose. Un saut conceptuel extraordinaire est franchi: la vitesse de la lumière devenant absolue (et non plus relative à un éther), ce sont d'autres absolus qui doivent être éliminés et devenir relatifs: l'espace et le temps. Il n'y a plus «d'horloge universelle» qui bat pour tout le monde la mesure du temps, l'écoulement du temps devient relatif. Cette relativité a frappé les esprits de l'époque et continue de provoquer des remous. Ce qui nous frappe, rétrospectivement, c'est que ce moment de la théorie est un point d'articulation dans l'histoire du vide: jamais il n'a été plus vide. Le vide est dépouillé de tout, véritablement «évidé».

Parce qu'ensuite, il s'est re-rempli?

Avec la relativité générale, où s'installe de façon «naturelle» la gravitation, il y a en effet réhabillage du vide. L'espace-temps, qui était une sorte de scène de théâtre passive pour les événements, un réceptacle inerte devient un protagoniste dynamique actif. Il se courbe, cette courbure traduisant sa sensibilité au contenu de l'Univers, c'est-à-dire à la matière (lire glossaire). Les équations prennent une tournure inédite, où géométrie égale matière, où la géométrie de l'espace-temps prend un caractère physique. Et que devient le vide là-dedans? Il devient physiquement impossible. On voit en effet que la gravitation, universelle, est impossible à «écranter». On ne peut pas construire une cage de Faraday (3) qui abrite de la gravitation; les «effets gravitationnels» ne peuvent être éliminés d'aucun lieu. Même si on évacue de cet endroit-ci la matière, le rayonnement électromagnétique, qu'on décide même de négliger le fameux rayonnement cosmologique à 3°Kelvin (rayonnement fossile du big bang, ndlr) traversant l'Univers tout entier, il restera inévitablement quelque chose: les effets à l'infini de la matière qui est encore quelque part. Einstein allait encore plus loin et affirmait qu'un vide en relativité générale est «non seulement physiquement impossible mais aussi conceptuellement incohérent».

Pendant ce temps, l'effet Casimir nous confirme que jamais vide n'a été aussi plein d'énergie. Mais c'est le vide vu par une autre théorie, la mécanique quantique. Que faut-il y comprendre?

Ce n'est pas un petit problème mais une catastrophe. Pour mieux le comprendre, il faut un peu de théorie. En théorie quantique des champs (lire glossaire), les objets fondamentaux ne sont ni les particules, ni les ondes, mais les «champs quantiques». C'est lorsque ces «champs» sont excités qu'on voit par exemple apparaître ce que l'on baptise particule - électron, proton ou autre, et qu'on les détecte avec des appareils de mesure. A l'inverse, c'est quand ces champs sont dans leur état d'énergie minimale (dit fondamental) qu'on parle de «vide». Prenons l'analogie du pendule. Vu de façon classique, le pendule immobile, qui s'est figé, est dans son état fondamental et son énergie est nulle. Vu de façon quantique, il ne sera jamais considéré comme totalement immobile, il lui restera toujours une petite vibration inamovible par principe. C'est cela que l'on décide de baptiser «vide», cet état de plus basse énergie, étant entendu qu'elle ne vaut pas zéro, que c'est une énergie résiduelle. Dans ce registre, le vide quantique n'est pas absence de matière, mais état particulier de la matière. Il faut construire pour lui un formalisme mathématique à l'instar de ce qu'on fait pour un simple oscillateur. Et c'est ici qu'on découvre que le vide quantique est à la fois capable du pire et du meilleur.

Le meilleur?

Il pourrait bien être un réservoir potentiel d'Univers. Ainsi, notre Univers matériel aurait pu émerger à partir d'un «vide primordial» devenu instable dans un face-à-face étonnant: des fluctuations quantiques (du vide quantique) et les fluctuations de l'espace-temps qui leur font écho seraient entrées en résonance, produisant spontanément la matière et la courbure d'espace-temps. L'expansion de l'espace-temps devient le moteur de la création de matière et vice-versa... et on voit se construire «gratuitement» l'Univers à partir de ce vide primordial instable.

Et le pire?

Quand on fait le calcul de «l'énergie» de ce vide, on tombe sur une énergie phénoménale: dix mille milliards de milliards de milliards de milliards (10 40 ) de fois plus grande que celle de tout l'Univers visible. L'énorme densité d'énergie du vide quantique devrait avoir de gigantesques effets gravitationnels... qui sont totalement absents de notre Univers observé. La courbure de l'espace-temps, par exemple, devrait être telle que l'Univers serait ridiculement ramassé sur lui-même, avec un horizon de quelques centimètres! C'est une catastrophe, probablement un problème si profond qu'il faudra une nouvelle physique pour le comprendre.

(1) Editions Complexe, en association avec la Revue de l'université de Bruxelles, 523 pp. 169 F.

(2) Physicien du «couple» célèbre Yang et Mills, inventeurs des «champs de jauge», qui joue un rôle essentiel dans les théories des interactions forte et faible.

(3) Une cage de Faraday est un conducteur creux qui fait écran aux champs électriques.

 
L'effet Casimir ou la force du rien

Cette expérience a montré que le vide, plein d'énergie, était le siège de phénomènes sauvages.
Par DOMINIQUE LEGLU

«Il y a moins de vide à l'intérieur qu'à l'extérieur et donc... ça pousse.»
Simon Diner, directeur de recherches
au CNRS

C'est un phénomène extraordinaire, l'un des plus importants découverts au XXe siècle. Et qui aurait bien valu un prix Nobel», estime Simon Diner, directeur de recherche au CNRS, l'un des «initiateurs» du livre sur le vide. En 1948, Hendrik B. Casimir, qui fut directeur de la recherche chez Philips, prédit (en utilisant l'électrodynamique quantique) que deux plaques métalliques conductrices parallèles placées très près l'une de l'autre devaient s'attirer. En 1958, a lieu la vérification expérimentale approximative mais il faut attendre 1997 pour une vérification très précise (1). L'interprétation de ce phénomène semble donner raison à ceux qui croient à un vide, siège de phénomène sauvages. Casimir lui-même écrit: «C'est la confirmation expérimentale (...) que le vide contient une quantité énorme d'énergie (2).»
Ce que l'on appelle désormais «l'effet Casimir» peut être interprété de la manière suivante: le vide quantique (lire interview ci-contre), par construction, n'a pas une énergie nulle. Il n'est pas le même à l'intérieur et à l'extérieur des plaques. Entre les plaques, la densité d'énergie est plus faible, car seuls certains modes vibratoires sont possibles (à l'instar d'une cavité sonore). Il en résulte une force qui fait se rapprocher les plaques (3). Comme le dit de façon imagée Simon Diner, «l'effet Casimir, c'est le vide "comme si vous y étiez". Il y a moins de vide à l'intérieur qu'à l'extérieur et donc... ça pousse». Et de regretter que cette expérience ait été trop vite «banalisée» par la technologie, qui s'est empressée de l'utiliser, avec notamment la création de «microcavités Casimir» servant de «modulateurs de lumière» (un atome placé à l'intérieur de la cavité peut en effet être «bloqué» ou «autorisé» à émettre de la lumière selon les modes vibratoires possibles). C'est un «événement considérable que cette maîtrise de la lumière,» insiste Simon Diner, pour qui «autour de l'effet Casimir, dont le dispositif semble hypersimple, se joue une immense réflexion philosophique». En l'occurrence, il oblige à réfléchir sur la mécanique quantique, qui «ne décrit pas ce que sont les choses mais ce que nous observons». Le vide, en cette occurrence, «n'étant pas une substance, mais un état».

(1) Expériences de Sparnay puis de Lamoreaux.

(2) «Le vide et l'énergie de point zéro», titre de son article,

pp. 105-108 de l'ouvrage le Vide (éd. Complexe).

(3) Des plaques de 1 cm2 à une distance de 0,5 millième de millimètre sont attirées avec une force de 10-4 dynes.




 

Vendredi 6 avril  de 14 H à 16 H au Lycée Dumont d’Urville à Toulon
Pierre Marage, physicien des particules, s’est adressé aux étudiants en classes préparatoires scientifiques sur le sujet : Les Conseils Solvay et les débuts de la physique moderne.

 


Pierre Marage à droite

 
Les Conseils Solvay et les débuts de la physique moderne
 
Présentation par Pierre Marage

Les Conseils Solvay ont constitué des moments mythiques de l’histoire de la physique moderne : naissance de la « théorie des quanta » en 1911, affrontement des titans, Einstein et Bohr, sur l’interprétation de la mécanique quantique en 1927 et 1930.
Ils furent aussi les témoins des enthousiasmes et des malheurs de leurs temps.
On tentera ici de raconter ces grands moments de la science et de la pensée humaine, et de rendre vivantes les figures des principaux protagonistes.

 
Résumé

Le 30 octobre 1911 s’ouvrait à Bruxelles, à l’Hôtel Métropole, une « sorte de Congrès privé » à l’invitation d’Ernest Solvay, industriel richissime, humaniste progressiste, penseur autodidacte à la recherche de l’unité du savoir – de la physique à la physiologie, à la psychologie et à la sociologie.

A une époque où les réunions scientifiques internationales étaient rares et où la physique théorique existait à peine en tant que discipline autonome, une vingtaine de savants, parmi les plus brillants du siècle, étaient réunis pour « discuter une série de points controversés des théories physiques modernes » : Max Planck, Henri Poincaré, Hendrick-Antoon Lorentz, Marie Curie, Albert Einstein, Paul Langevin, ...

Pourtant, personne ne pouvait prévoir à quel point cette réunion allait contribuer à forger le visage de la science contemporaine.

C’est que, outre les savants, figuraient parmi les invités l’atome, le rayonnement, le « corps noir », et ces insaisissables « quanta d’énergie » qui sont au cœur de la physique microscopique et de ses propriétés insolites : le thème des débats, proposé par Walther Nernst et Planck, était « La théorie du rayonnement et les quanta ».

Sous la conduite de Lorentz, dans un climat de liberté de pensée et de créativité extraordinaires, cette semaine de discussions appuyées sur des rapports préliminaires fouillés, allait révéler que la physique était décidément entrée dans une ère nouvelle – aussi déroutante qu’inattendue. Déjà la théorie de la Relativité d’Einstein et Poincaré, datant d’à peine six ans, faisait figure de « vieille physique ».

Einstein qualifia la réunion de « sabbat de sorcières », ajoutant : « Personne n’y voit clair. Il y aurait dans toute cette affaire de quoi ravir une compagnie de jésuites démoniaques. » C’est l’ouverture de cette ère nouvelle que les remarquables « Comptes-Rendus » rédigés par Langevin et Maurice de Broglie allaient bientôt révéler à toute la communauté savante. On déchiffre littéralement dans ces comptes-rendus l’intelligence à l’œuvre et la science qui se construit.

L’intensité des discussions, la parfaite adéquation de cette forme de réunion aux questions posées à la science de l’époque … et aussi la qualité de l’accueil des Solvay et du Roi et de la Reine allaient convaincre les participants de revenir avec enthousiasme à Bruxelles en 1913 pour discuter le thème « La structure de la matière ». Ils seraient accueillis cette fois dans le cadre de l’Institut international de Physique créé par Solvay en 1912, conjointement avec l’Institut de Chimie.

Mais la science et les savants n’allaient pas échapper aux malheurs des temps. La guerre de 1914-1918 allait non seulement voir périr toute une génération de jeunes chercheurs brillants, mais aussi laisser des traces cruelles dans les relations entre savants. Aux Conseils de 1921 et 1924, les Allemands sont exclus, et même le pacifiste Einstein n’est pas le bienvenu.

Pendant ce temps, pourtant, la nouvelle physique se développe impétueusement. Juste avant la guerre, Ernest Rutherford avait mis en évidence la structure nucléaire de l’atome, et Niels Bohr avait utilisé les quanta pour expliquer sa stabilité, a priori incompatible avec la physique classique. Et en quelques années, à Copenhague avec Max Born, Werner Heisenberg, Wolfgang Pauli groupés autour de Bohr, à Cambridge avec Paul Dirac, à Paris et Vienne avec Louis de Broglie et Erwin Schrödinger, une nouvelle théorie prend forme, au milieu des débats passionnés d’écoles opposées, – jusqu’à ce que son unité mathématique profonde se révèle : l’ancienne « théorie des quanta » a débouché sur la « Mécanique quantique ».

Mais comment réconcilier avec nos intuitions cette théorie révolutionnaire qui, dans les objets microscopiques, associe aspects ondulatoires et corpusculaires, et surtout qui implique, selon les tenants de l'Ecole de Copenhague un indéterminisme fondamental.

Einstein avait été, avec Planck, l’un des fondateurs de cette nouvelle physique. Comment réagirait-il aux audaces de la jeune génération ?

Encore une fois, après celui de 1911, les Conseils Solvay de 1927 et de 1930 formeront la scène de la tragédie – l’affrontement des titans, Einstein et Bohr. Einstein ne pouvait se résigner à abandonner le déterminisme intégral du monde physique, il ne pouvait admettre que « Dieu joue aux dés ». Par ses objections, ses expériences de pensée, le scalpel de sa réflexion, il allait mettre en difficulté les tenants de ce que nous appelons aujourd’hui l’« interprétation orthodoxe », et les obliger à affiner davantage leurs approches. La théorie quantique en sortira considérablement solidifiée.

Mais une fois de plus, la tourmente approche. Au Conseil de 1933, Einstein est absent : à son retour d’un voyage aux Etats-Unis, il n’a pu rentrer dans l’Allemagne nazie et, après une halte à la côte belge, il est parti en exil.

Ce Conseil pourtant, réunira une fois de plus, comme ses successeurs de 1948, 1954, 1960 … l’élite la plus prestigieuse de la physique moderne.

Lieux d’accueil de la plus haute pensée humaine et témoins des tragédies du siècle, les Conseils Solvay ont non seulement marqué la science, mais toute notre culture.
 

Ces deux agoras ont été filmées pour être ensuite partagées sur internet, avec l'accord des deux intervenants.

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