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Blog de Jean-Claude Grosse

Marilyn Monroe/Don Wolfe/Joyce Carol Oates

1 Août 2011 , Rédigé par grossel Publié dans #notes de lecture

Marilyn Monroe/Don Wolfe/Joyce Carol Oates

Marilyn Monroe

Don Wolfe/Joyce Carol Oates

 

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Travaillant au livre à 36 voix, Pour Marilyn, je suis amené à lire un certain nombre de livres, biographies, romans. Pour finir, ce seront les Fragments de Marilyn elle-même.

 

Marilyn Monroe/Enquête sur un assassinat de Don Wolfe date de 1998. 15 ans d'enquête, 6 ans d'écriture, c'est un temps considérable pour un résultat convaincant, en cinq parties. La 1° est consacrée à la mort de Marilyn. De plus en plus de livres et de documentaires télé comme le Contre-Courant de Stéphane Paoli du 21/11/2003 avancent la thèse d'un assassinat le 4 août maquillé en suicide le 5 août. Les motivations sont nombreuses, les principales étant les révélations supposées de Marilyn lors d'une conférence de presse prévue le 6 août, révélations sur les agissements et les projets du Président et de l'attorney général. Marilyn prenait des notes de ses conversations et son carnet rouge présentait une menace pour la sécurité nationale, d'après le FBI et la CIA. La présence de Robert Kennedy est attestée tant dans l'après-midi que dans la soirée du 4 août. Les détails varient d'un auteur à l'autre. Les variations sont plus importantes sur les causes : assassinat (homicide volontaire), maladresse médicale (homicide involontaire), sur les commanditaires et les exécutants, sur les complicités voulues ou involontaires. On peut renoncer à la théorie du complot mais observer de curieuses connivences de fait entre des protagonistes aux intérêts différents : Kennedy, Lawford, Greenson, Murray, Engelberg, Newcomb, Jefferies … On peut aussi constater ou admettre que ce que l'on appelle machine d'état, appareil judiciaire fonctionnent comme des machines et des appareils, se mettant au service de ce qui doit rester caché. On est impressionné par l'acharnement à ne pas relancer l'enquête, à ne pas présenter l'affaire devant un grand jury … Bref, le mystère de la mort de Marilyn, en grande partie élucidé, reste tout de même mystérieux.

Les autres parties du livre nous décrivent l'enfance de Norma Jeane, l'orphelinat, les familles d'accueil, le mariage à 17 ans, la pin-up, le bout d'essai, le premier contrat à 75 dollars par semaine et le nouveau nom : Marilyn Monroe, née le 24 août 1946, les films et mariages, les ruptures avec les maris comme avec Hollywood ou New York. J'ai apprécié les 4 parties consacrées à Marilyn Monroe, Zelda Zonk car elles sont écrites par quelqu'un qui a appris le métier d'acteur, qui a travaillé aux studios et qui donc fait preuve d'empathie pour son sujet et de connaissance sur son art. Il y a des trouvailles d'écriture qui font de cette biographie plus qu'une biographie, déjà un roman. Évidemment, on sort éprouvé de cette lecture. Certains chapitres comme le 58° sur le week-end des 28 et 29 juillet 1962 au Cal-Neva Lodge à l'invitation de l'infâme Franck Sinatra donnent la nausée. D'autres ouvrent sur des abîmes (le mystère de cette femme, de cette personne) comme le 41° : Ne tuez rien, s'il vous plaît ! J'en conseille la lecture ; c'est une mine qui se nourrit du travail de prédécesseurs sans les répéter inutilement. Les sources sont indiquées avec précision. Je relève au passage, la discrétion de M.M dans sa vie privée. Certes, avec la presse aux trousses, il y eut des révélations, scandales mais elle a su à de nombreuses reprises devenir anonyme, passer incognito et se préserver, préserver ses RV, ses rencontres. Perruque, lunettes noires, imper, noms de code et hop !

 

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Blonde de Joyce Carol Oates date de 2000. C'est un roman et non une biographie, une synecdoque comme dit l'auteur dans sa note. L'empathie de Joyce Carol Oates pour le personnage de Norma Jeane est communicative. L'auteur, en 1110 pages (Livre de poche), réussit à nous faire rentrer dans la peau, l'âme de son personnage (La peau est mon âme. Il n'y a pas d'âme autrement. Vous voyez en moi la promesse de la joie humaine). On ne cherchera pas à démêler la fiction et la réalité. On a affaire comme dit l'auteur à une tragédie en 5 actes avec deux registres d'écriture, une écriture réaliste pour la réalité extérieure et une écriture surréaliste pour l'intime, la vie intérieure, les rêves, visions, hallucinations, un roman pluriel, à multiples voix, avec une présence forte du sexe (très impressionnant de voir comment cette romancière pudique sait nous balancer à la gueule nos turpitudes, nos fantasmes …), avec aussi cette recherche de l'amour, cet amour de la vie, de toute vie, son amour de la nature, même si Norma est plus citadine que paysanne. La variété des écritures me semble oeuvrer dans le sens d'une composition juste du personnage, aller dans le sens de la vérité du personnage : on est embarqué, on est touché, on s'attache, on n'abandonne pas (comme elle a été abandonnée partiellement par la mère, totalement par le père mais comme elle qui n'a jamais abandonné). Si on veut comprendre la blonde, il faut partir du contexte : la grande crise de 1929, comment s'en sortir ?, le mariage à 17 ans, fin de la vie pour la plupart des jeunes filles de l'époque, devient pour Norma, le point de départ d'une conquête de soi, d'une affirmation de soi, au travers d'une blonde sophistiquée créée par l'usine à rêves, même si le prix à payer fut en partie celui du cul (beaucoup ne voyaient que son cul, d'autres les seins, d'autres la bouche, les lèvres en O parfait, disant Mmmm, d'autres les yeux, quelques-uns le visage, et très rares, la femme, la personne ; s'il existait des photos prises par des soldats de Corée ou des souvenirs de son tour de chant ! en tout cas, elle sut montrer à ceux qui avaient produit la ravissante blonde idiote qui roule des hanches, qu'elle était une sacrée femme ; élevée un temps dans la Science chrétienne, il semble que l'affirmation de Mary Baker Eddy sur l'irréalité du mal ait influencé Norma Jeane qui semble avoir traversé les épreuves mauvaises et méchantes comme si elles ne l'atteignaient pas ; elle était sans doute blessée ; trop de signes : dépression, addictions diverses montrent les effets du mal mais malgré tout, à chaque fois, elle rebondit, à chaque fois, elle puise l'énergie contre ses propres tentations d'abandon, de suicide, de renoncement).
Joyce Carol Oates montre bien comment cette construction s'opère, comme un aller-retour entre réel et scène, scène et réel (et la scène se poursuivrait ainsi comme font les scènes, en notre absence, page 1096), comment ce qui pourrait s'apparenter à une structure psychotique (dédoublement) sert d'arme à Norma pour imposer son approche de ses personnages aux metteurs en scène, pour combattre les studios et les médias qui ne veulent montrer que le produit Marilyn, comment elle sait rompre quand elle perd son âme pour se retrouver elle, ailleurs, modeste et géniale actrice sur la scène d'une célèbre école de New York, anonyme dans les rues et accessible dans les jardins. Son rapport au temps ((qu'est-ce que le temps ? Sinon ce que les autres attendent de nous. Ce jeu que nous pouvons refuser de jouer. Et qu'elle sut si bien refuser de jouer !), ses retards sans culpabilité, ses séances de préparation qui durait des heures comme on prépare un cadavre, autant de faits révélant la force de Norma, difficile à vivre pour les autres, les salauds, navigatrice dans une rivière sans retour, impétueuse, et où il faut beaucoup d'instinct, d'intelligence, de volonté, de détermination, d'astuce, de stratégie, d'humour pour ne pas se naufrager. Car si mort jeune, il y a eu, elle est le fait des autres, des barbares dont le tireur d'élite.

 

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Jean-Claude Grosse, à Corsavy, le 1° août 2011

 

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O
We all think that the art shows a biography but it really is a story. I am really surprised knowing this. Read this to get more ideas of the one that is written in the article, and that is of the Marilyn Monroe.
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N
wow. nice article.
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