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Blog de Jean-Claude Grosse

developpement personnel

La vie la poésie

Rédigé par grossel Publié dans #Emmanuelle Arsan, #SEL, #agoras, #amour, #développement personnel, #engagement, #essais, #notes de lecture, #pour toujours, #poésie, #vide quantique, #vraie vie, #écriture, #épitaphier

La vie la poésie

Des 100 plus beaux poèmes du monde (édition de 1979)

(merci à Alain Bosquet de proposer 1/3 de poètes inconnus car nous sommes trop occidentalocentrés)

je retiens le troisième Cosmogonie dans l’Atharva-Veda (14°- 10° siècle avant J.C.). Il correspond à là où j’en suis aujourd’hui de mon cheminement.

C’est ce qui s’est dit de plus précis et de plus déroutant sur la Création.

(Voir la question du 7° paragraphe : celui qui veille sur elle au plus haut du ciel le sait sans doute... ou s’il ne le savait pas ?)

 

Et surtout ne pas chercher à confirmer par la physique quantique.

J’en ai produit une version dans Et ton livre d’éternité ?, page 639, L’hymne à la création.

 

Version de l’anthologie d’Alain Bosquet

1-

Ni le non-Être n’existait alors, ni l’être.

Il n’existait l’espace aérien, ni le firmament au-delà.
Qu’est-ce qui se mouvait puissamment ? Où ? Sous la garde de qui ?

Etait-ce l’eau, insondablement profonde ?

2-

Il n’existait en ce temps ni mort, ni non-mort;

Il n’y avait de signe distinctif pour la nuit ou le jour.
L’Un respirait de son propre élan, sans qu’il y ait de souffle.
En dehors de Cela, il n’existait rien d’autre.

3- 4- 5- 6- 7-

(Pages 16-17, traduction Louis Renou)

 

Et page 639 de Et ton livre d’éternité ?

 

L’Hymnne à la création

(Nasadiya Sukta. Rig Veda, X, 129)

Il n’y avait pas l’être, il n’y avait pas le non-être en ce temps. Il n’y avait espace ni firmament au-delà. Qu’est-ce qui se mouvait ? Où, sous la garde de qui ? Y avait-il l’eau profonde, l’eau sans fond ?

Ni la mort n’était en ce temps, ni la non-mort, pas de signe distinguant la nuit du jour. L’Un respirait sans souffle, mû de soi-même : rien d’autre n’existait au-delà.

A l’origine les ténèbres couvraient les ténèbres, tout ce qu’on voit n’était qu’onde indistincte. Enfermé dans le vide, l’Un, accédant à l’être, prit alors naissance par le pouvoir de la chaleur.

Il se développa d’abord le désir, qui fut le premier germe de la pensée ; cherchant avec réflexion dans leurs âmes, les sages trouvèrent dans le non-être le lien de l’être.

Leur cordeau était tendu en diagonale : quel était le dessus, le dessous ? Il y eut des porteurs de semence, il y eut des vertus : en bas était l’Énergie spontanée, en haut le Don.

Qui sait en vérité, qui pourrait l’annoncer ici : d’où est issue, d’où vient cette création ? Les dieux sont en deçà de cet acte créateur. Qui sait d’où il émane ?

Cette création, d’où elle émane, si elle a été fabriquée ou ne l’a pas été, – celui qui veille sur elle au plus haut du ciel le sait sans doute... ou s’il ne le savait pas ?

Rig Veda, X, 129, 1. Trad. Louis Renou, La poésie religieuse de l’Inde antique. 1942

 

la couverture évoque la libellule et le piment rouge des deux haïkus, de Kikaku et de Bashô que je donnais en pâture à mes élèves Kikaku une libellule ôtez-lui les ailes un piment rouge  Bashô un piment rouge  mettez-lui des ailes une libellule

la couverture évoque la libellule et le piment rouge des deux haïkus, de Kikaku et de Bashô que je donnais en pâture à mes élèves Kikaku une libellule ôtez-lui les ailes un piment rouge Bashô un piment rouge mettez-lui des ailes une libellule

Des cent tankas 5/7/5/7/7 (la forme la plus ancienne) et haïkus 5/7/5 (la forme la plus aboutie et la plus connue) de Poèmes de tous les jours (1993 chez Picquier-Unesco),

Je note d’abord, l’excellente préface d’Ôoka Makoto qui depuis 1979 tient une rubrique de poésie en 1° page d’un journal tirant à 10 millions d’exemplaires

Et j’en retiens deux,

j’ai évité les plus connus Bashô, Issa, Buson, Tu Fu, Li Po, Po Chû I et les 4500 poèmes du recueil des dix mille feuilles, vieux de 1300 ans :

L’arc-en-ciel lui même

Pense que le temps existe

Abe Seiai né en 1914 page 77,

commentaire d’Ôoka Makoto, page 76

———————————————

Joignant les mains devant cet homme nu, brûlé, perdu

Je partis en courant

Yamamoto Yasuo (1902-1983) page 213

Tanka tiré d’un recueil de tankas sur Hiroshima,

Yamamoto y ayant perdu son fils :

Le cadavre du petit ficelé à la charrette

Ma femme et moi poussions à tour de rôle

Commentaire d’Ôoka Makoto, page 212

coquelicots by ab

coquelicots by ab

on ignore l'impact profond d'un mot sur l'autre comme sur soi pris comme esprit-corps, on ignore l'impact profond d'une chose du monde sur soi  et sur l'autre pris comme corps-esprit; 

nos outils de perception sont les sens, mais il est évident que les illusions sensorielles sont nombreuses, qu'on croit réel ce qui souvent ne l'est pas; il en est de même des sentiments; dire je t'aime à quelqu'un, le plus vivant des poèmes, est peut-être un délire, né d'un désir, d'où ce titre ambigu Parole dé-s/l-irante, s/l = est-ce elle ? tout désir n'est-il pas délire, toute parole délirante n'est-elle pas parole désirante ? la confusion par projection ou tout autre processus est au rendez-vous; il faut donc une grande prudence là où l'exaltation nous saisit; ce je t'aime dont je me dois de douter, une fois dit, chemine en l'autre vers un coeur qui bat la chamade, un esprit qui s'emballe, dans un corps qui s'émeut, au plus profond, le message pensé et émis, une fois reçu par l'autre devient milliers de messages chimiques, hormonaux, moléculaires, quantiques dont j'ignore la réalité et les effets, seule la personne réceptrice perçoit quelques effets, coeur qui bat plus vite, rêves érotiques, organes sexuels en émoi, appétit moindre...; n'est-il pas clair que prendre conscience de cette complexité peut nous inciter à plus de responsabilité, à accepter d'être responsable d'effets imprévus, secondaires, tertiaires et pervers; je peux même en arriver à bouger le moins possible pour déranger le moins possible l'ordre des choses car en fin de compte, on est toujours dérangeant, semeur de désordre; vivre en poète c'est déranger le moins possible et prendre son temps, vivre en poète c'est vivre sobrement, c'est réduire sa surface, son empreinte, c'est ne pas vouloir embrasser l'infini, c'est ne pas vouloir être éternel, c'est voir un monde dans un grain de sable, un ciel dans une fleur sauvage, tenir l'infini dans la paume de la main et l'éternité dans une seconde comme le dit William Blake dans Augures d'innocence, le plus fort programme que je connaisse

j'ai bien raison de prendre mon temps, j'ai tout le temps qui m'est compté (à condition de ne pas le décompter, c'est ainsi qu'il compte, qu'il est vivifiant) pour insuffler la vie à quelques mots pouvant toucher quelques belles personnes. Je laisserai 10 poèmes intitulés Caresses. Caresses 1 et Caresses 2 existent déjà. Les autres Caresses sont à venir, le moment venu, un moment inattendu. Il y aura aussi les 12 Paroles dé-s/l-irantes. Parues dans La Parole éprouvée, le 14 février 2000.

si j'inverse, soit non une pensée d'amour adressée à l'autre mais la vue d'un champ de coquelicots du côté de Lourmarin; ça fait longtemps que je n'ai vu autant de profusion de rouge, de rouge vivant, se balançant dans le vent léger, un vent solaire, autant de rouge habité par la lumière, je prends des photos, je filme pour prolonger mon émotion, mon plaisir; ces coquelicots sont impossibles à cueillir, se refusent au bouquet, trop fragiles; ces coquelicots qui m'éblouissent se resèment d'eux-mêmes, je ne peux les semer, ils refusent la domestication; ces coquelicots fragiles résistent aux grands vents du midi; je perçois, ils me touchent au profond par leur beauté éphémère, impermanence et présence, insignifiance et don gratuit sans conscience du don (quoique sait-on cela ?) et ils me font penser, leur vie me vivifie, m'embellit, je me mets à chanter une rengaine venue d'un vieux souvenir, un petit bal perdu, je m'allonge, me livre au soleil, caresses qui font du bien, pas trop longtemps, messages héliotropiques envoyés aux niveaux les plus infimes, les plus intimes en toute inconscience même les yeux fermés et en méditation visualisante

voilà deux brèves tentatives de mise en mots pour conscientiser (c'est notre privilège) ce que nous éprouvons, pour vivre à la fois plus pleinement (c'est autre chose que l'aptitude au bonheur, au carpe diem, non négligeable) de plus en plus en pleine conscience (et là je m'aventure, si tout ce qui vit est échange, circulation, énergie, information, tout ce qui vit est peut-être aussi conscience ou dit autrement, une conscience, la Conscience est à l'oeuvre dans tout ce qui se manifeste, elle serait l'unité de et dans la diversité, elle serait la permanence sous l'impermanence; ne pas se laisser duper par le côté automatique, bien régulé de notre corps-esprit ou des systèmes univers, multivers avec leurs constantes universelles jusqu'à dérèglements et entropie croissante remettant les pendules à l'heure

(j'ai découvert un livre au titre révélateur : La "Conscience-Énergie", structure de l'homme et de l'univers, du Docteur Thérèse Brosse, paru en 1978 à Sisteron, ça semble du solide !); évidemment, sur ce chemin, je me laisse accompagner par Deepak Chopra qui réussit à articuler approche scientifique et approche ayurvédique

La vie la poésie

Au plus près : entretiens avec Philippe Djian par Catherine Moreau, La passe du vent, 1999

De ces entretiens déjà anciens, j’ignore donc si Djian s’y reconnaîtrait aujourd’hui, 25 ans après, et 40 ans après son entrée en écriture au plus près, je retiens quelques propos :

  • séduire, c’est mourir comme réalité et se produire comme leurre

Ce propos vaut tant pour la séduction de l’autre que pour l’auto-séduction; ajoutons qu’étymologiquement une des significations de seducere serait détruire.

  • partagez-vous la proposition de Rimbaud Je est un autre ? - Je dirai plutôt Je est tous les autres. Et ce à partir du moment où je me rends compte que ma personnalité est tellement multiple. Plus, il y a de rapports avec les autres, plus elle devient riche et vaste…
  • c’est un gros problème que de se demander si le monde qui nous entoure n’est pas une vision de notre esprit. Et par quelles expériences, pouvons-nous confirmer ou infirmer cette sensation ?
  • On m’a demandé pourquoi il y a toujours du sexe dans mes livres. Je trouve que c’est une manière de définir les personnages mis dans ce genre de situation avec plus de finesse et d’exactitude que si je les décris. Un salaud qui est en train de faire l’amour à une femme, ça se voit si c’est un vrai salaud. Ce sont donc des situations susceptibles d’éclairer les personnages. Ce n’est pas simplement le plaisir de raconter ce genre de scènes.

 

La vie la poésie

J’en arrive à La jouissance et l’extase de Françoise Rey, un roman pornographique sur les relations entre Henry Miller et Anaïs Nin, de 1931 à 1934.

Henry Miller m’a passionné il y a longtemps avec sa trilogie Sexus Nexus Plexus, Hamlet, Le temps des assassins. Je ne sais pourquoi, j’ai ignoré les deux Tropiques. Peu importe.

J’ignore tout d’Anaïs Nin. Je dois bien avoir son journal sur un rayon. Pas La maison de l’inceste.

Y a-t-il des raisons à ces choix de lecture où le sexe est mis en scène et en jeu (Gabriel Garcia Marquez, Jean-Paul Dubois, Juan Rios, Philippe Djian, Françoise Rey) ?

J’ai conscience d’être un obsédé sexuel, sans remords, sans culpabilité, avec plaisir à l’être car je sens bien que c’est la pulsion de vie, celle qui affronte la mort. Bataille « de l'érotisme, il est possible de dire qu'il est l'affirmation de la vie jusque dans la mort. » Et ce désir est universel, cosmique, tous règnes minéral, végétal, animal, humain, toutes espèces, tous genres, féminin, masculin, hermaphrodite, androgyne. Obsédé sexuel à plus de 82 ans, je me sens bien vivant, traversé, habité par la Vie. Je ne laisse plus entrer le vieux comme dit Clint Eastwood.

En me plongeant dans ce genre de lectures, cela m’amène aussi à voir comment je sépare, combine amour et désir, comment j’ai vécu mes histoires d’amour et de désir, comment j’ai privilégié le sentiment sur le désir, avec des épisodes très sexuels, comment dans le désir, j’ai vécu la limite de la jouissance masculine et féminine exception de quelques femmes accédant à l’extase, comment j’ai privilégié dans mes histoires la durée, la fidélité avec coups de canif dans le contrat et métamorphose de la relation, de l’amour ou de la pulsion à l’amitié amoureuse…
Je ne suis pas un spécialiste en sexologie, ça ne m’intéresse pas plus que cela mais je ne suis pas un ignorant. J’ai été et je me suis initié. Je ne tourne pas en ridicule le petit cornac qui nous fait primate et primaire selon Rezvani, cet organe qui nous domine et fait de nous des dominants, des prédateurs. Le petit cornac est l’outil de la perpétuation, de l’onto et de la phylogenèse, lignée, espèce.

Le plaisir vient après dans l’histoire de l’évolution et de la perpétuation des espèces et seulement pour l’humanité semble-t-il. C’est par la perpétuation de l’espèce, de la lignée que chaque espèce, chaque lignée combattent la mort, chaque individu meurt, chaque lignée meurt mais non l’espèce qui se rend ainsi ou croit se rendre éternelle.

Vue à cette altitude, l’obsession sexuelle est questionnement sans fin sur la création, sur la vie, sur la mort, sur l’éphémère, la fragilité, sur l’éternité. Je continuerai donc à être un obsédé sexuel.

Le roman de Françoise Rey m’a dans un premier temps, plutôt déplu. Les scènes pornographiques sont crues, détaillées, longues, avec un lexique obscène, varié dans l’obscénité et l’ordure.

Tantôt du point de vue d’Henry, tantôt du point de vue d’Anaïs. Là, ça commence à devenir intéressant car impossible de savoir ce que l’autre pense de ce qu’on lui fait, impossible de savoir, de connaître, de ressentir  ses réactions. On est dans le malentendu absolu, dans l’opacité même quand on croit être dans la fusion, la communion, l’évidence, la transparence. D’où le côté dérisoire de celui qui se croit l’initiateur d’Anaïs. D’où le côté inconséquent de celle qui croit maîtriser la situation.

Si on ajoute à cette histoire d’un couple qui en est et n’en est pas un, qui va très vite se désunir, les histoires d’Anaïs avec son mari banquier, avec son cousin homosexuel Edouardo, avec son psychanalyste impuissant Allendy, avec Antonin Artaud, homosexuel et impuissant, avec son père Joachim, incestueux, avec le psychanalyste Otto Rank, avec la femme de Henry, June, on comprend que ce roman est foisonnant, déstabilisant, que ni l’un ni l’autre n’ont de boussole. Ils pataugent dans le foutre et le méli-mélo des pulsions.

Henry est faussement amoureux d’Anaïs, il veut l’épouser mais cela est un alibi, ne l’entretient-elle pas,  ne favorise-t-elle pas toutes ses frasques chez les putes, ne paie-elle pas l’édition du Tropique dont la couverture est un cancer sortant d’un vagin ?

Anaïs veut tout essayer qu’il s’agisse de positions, de pratiques, de transgressions, de scandales, de provocations; c’est une femme de tête qui croit maîtriser mais ballottée, écartelée entre des désirs inconciliables, une femme du cul, nymphomane, alcoolique (a manqué la drogue mais elle y a pensé, elle serait aujourd’hui chemsex), qui note tout dans son journal, ses cahiers, cahier vert, cahier rouge, tissus de vrai et de faux selon le destinataire du cahier: mari, Henry), qu’Henry est un faible, idem pour son père très dominateur et autoritaire.

Je ne sais pas comment caractériser cette femme, ni s’il le faut, laissons-là à sa complexité, à son ambigüité insondables, femme sans doute traumatisée petite fille par ce père la prenant en photo, nue, dans son bain et la caressant.

Les deux psychanalystes qu’elle séduit l’ont-elle aidée, l’un en la fouettant ou la fessant jusqu’au sang, l’autre en se faisant sucer ?

La fin est surprenante avec la découverte du cancer d’Anaïs, cancer de l’utérus ?, ignoré d’Henry mais non du mari.

Je ne regrette pas ma lecture mais pour en conclure que je ne me sens pas du tout de ce monde, de ces amants qui croient accéder à l’infini, vivre pleinement la vie par la pornographie perverse et la multiplicité des partenaires.

Ils ont osé, sans aller jusqu’à la mort par épectasse comme un président et un cardinal, sans aller jusqu’à la mise à mort comme dans Matador de Pedro Almodovar.

Parlant pour moi, j’ai dit oui à l’obscénité, oui à la pornographie, oui à l’érotisme, oui aux variations, dans l’intimité, dans un couple s’aimant et consentant. Ce fut je crois ce que nous avons vécu pendant 46 ans, l’épousée et moi, évoqué avec force entre Vita Nova et Lola, fille de joie dans Et ton livre d’éternité ? J’ai dit oui, je dis toujours oui.

Je me sentais plus d’affinités avec Emmanuelle Arsan et son érotisme. Bonheur et Bonheur 2.

Je renvoie à l’essai de Camille Moreau, publié à la Musardine Écrire, lire, jouir, quand le verbe se fait chair.

La vie la poésie
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L'autre visage / Christian Bobin

Rédigé par grossel Publié dans #JCG, #développement personnel, #notes de lecture

3 petits livres et puis s'en vont
3 petits livres et puis s'en vont
3 petits livres et puis s'en vont

3 petits livres et puis s'en vont

L'autre visage

Le huitième jour de la semaine

L'enchantement simple

Christian Bobin

chez Lettres vives

3 petits livres, petit format, qu'il m'a fallu découper car vendus non massicotés. C'était il y a longtemps, années 1986-1991. Soulignés évidemment. J'ai retrouvé des formules faites miennes, matrices à aphorismes, sentences pour soi-même. Dans Le huitième jour de la semaine : Être éloigné de toute maîtrise comme de toute servitude qui engendre vivant la vie sans hurler à la mort ni aboyer à la lune. D'où le poème Élévation (qui a un air très Bobin)

 

à André Comte-Sponville

pour le Traité du désespoir et de la béatitude

Élévation

Un jour enfin nous marcherons
le long des rivages tant désirés
héritiers insatisfaits d’un passé loin des côtes
étonnés de nous retrouver face au grand Océan
Avec la montée sur les falaises
nous abandonnerons de vieilles peurs de vieux espoirs
Tu auras renoncé à remonter aux grandes houles de tes origines à affronter les fables délicieuses de ta généalogie
J’aurai renoncé aux nostalgies de paradis et d’âges d’or
éloigné de toute maîtrise comme de toute servitude
vivant la vie sans hurler à la mort ni aboyer à la lune
Ce sera si simple de prendre
nus un bain d’écumes le matin
Nos corps se dilateront
Notre âme s’enchantera
Quand nous reviendrons au bord
des sourires ensoleillés s’échangeront
Étourdis nous nous découvrirons aimants
En raison nous nous voudrons parfaits amants
donneurs de voix à des enfants de papier
ouvreurs de voies à nos enfants de chair
jusqu’à épuisement de nos jours et de nos nuits

(La Parole éprouvée, p.81, dédié à André Comte-Sponville mais qui aurait pu l'être à Christian Bobin)

ou "c'est dans l'épuisement que l'on augmente ses forces; c'est dans l'abandon que l'on devient prince et dans l'éclat de mourir que l'on découvre ce plus noble éclat de l'amour"


Relus en 2019, ces 3 petits livres ont un effet profondément rafraîchissant. Je peux mesurer la distance entre ce que je suis devenu, façonné par la vie et par un travail conscient sur moi (sans doute aussi inconscient) avec ce que je fus.

L'enchantement simple comme Le huitième jour de la semaine sont sous l'influence de l'enfant, une petite fille de 6 ans, Hélène, dont Christian Bobin accompagne, à moins que ce ne soit l'inverse, quelques moments. Le regard porté par Bobin sur une enfant a pour lui et pour nous peut-être valeur universelle, c'est un regard sur l'enfance : Devenir adulte, c'est oublier ce que l'on ne peut s'empêcher de savoir et dans quoi l'enfant - parce que la force lui est donnée avec sa faiblesse - passe ses heures : le désarroi des mots, la carence des amours et la lente corruption des rêves, soumis à tous les vents. Cette annonciation faite à l'enfant, peu importe où et quand elle se produit. Elle advient et cela suffit. Un peu plus tôt, un peu plus tard...p.38 , le huitième jour. Dans L'enchantement simple, le 2° essai L'ennui léger d'une petite fille dans deux mille ans d'histoire. Pour Bobin, nous avons tout à apprendre de l'enfance, nous n'avons rien à apprendre aux enfants, la vie c'est comme Hélène la vit, la mort, ce sont tous les mots pour parler de la vie, l'obscurcir et ne pas vivre ce qu'avait bien noté Pascal :

« Ainsi nous ne vivons jamais mais nous espérons de vivre »

L'autre visage, 57 petites pages, un apologue justement ou injustement appelé ainsi permettant de mesurer la distance entre eux et nous, entre soi et soi, soi d'hier et soi d'aujourd'hui, entre soi social et soi intime, la distance entre ce qu'on affiche et ce qu'on pourrait être mais voilà, parcimonie du désir, étroitesse du rêve font qu'oiseau jamais on ne sera, qu'ange non plus car nous n'avons pas leur très grand naturel.

Tout est écrit à partir d'eux : chez nous (eux donc), on cache son visage, chez nous (eux donc) le mot amour ne se dit pas, chez nous pas de prison, chez nous, peu, très peu d'Histoire, chez nous pas de sagesse pas de folie, légèreté est notre loi, chez nous pas de bien pas de mal, chez nous pas de montre ni d'horloge, la vérité chez vous est, et maintenant

Quel est donc ce peuple, qui sont donc ces gens qui savent si bien nous donner l'envie de vivre ainsi dans la joie, l'attente, le silence, la solitude, l'amour, la vie, la mort et qui acceptent maintenant de disparaître parce qu'ils voient bien dans nos yeux, la nouvelle de leur mort, parce qu'ils voient bien frémir sur nos lèvres, l'annonce de leur mise à mort car nous arrivons, nous les millions et milliards avec le désir, l'or et l'envie. Et personne ne peut résister à ça.

Comment vit-on chez ces gens-là ?

Chez nous on cache son visage. Le corps, pas d’importance. Le corps va nu sous le soleil, le blond soleil qui brûle le jour, qui brûle la nuit. Car chez nous il n’y a pas de nuit. Ce qu’on appelle la nuit c’est pas commodité, quand l’amour vient aux amoureux, quand deux corps se serrent l’un contre l’autre comme deux épis de blé sous le même vent. Quand deux amants mélangent leurs jambes, on dit qu’ils font la nuit. Une nuit privée, une petite nuit de rien du tout pour deux personnes, deux corps légers sous le soleil. Même quand ils font la nuit, les amants ne se montrent pas le visage. Interdit. Intouchable. Impensable.

Quand l'un d'entre nous est atteint de langueur, il va chez son ami, c'est-à-dire chez le premier venu car tous ici sont frères et sœurs. Il emmène avec lui une paille de chaise. Il s'assied à côté de son frère ou de sa sœur, il reste là sans dire un mot, le temps d'un jour, le temps d'une nuit, le temps d'un soleil et puis d'un autre soleil, jusqu'à ce que la langueur s'en soit allée de lui. Alors, il se lève, ramasse sa chaise de paille et s'en retourne à ses affaires.

Inutile de citer plus, 57 petites pages, de petit format pour une vie simple qui sait que ce qui nous connaît mieux que notre mère, c'est la mort, qui sait que le vent vient d'un livre ancien qu'on a oublié de refermer...

à Corsavy, le 27 août 2019, JCG

 

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l'enseignement de Jean-Yves Leloup

Rédigé par grossel Publié dans #JCG, #développement personnel, #notes de lecture

L'assise et la marche sont deux postures complémentaires face à la vie. Méditer, pour ne pas se laisser disperser, mais rester au contraire en connexion avec soi-même. Marcher, pour ne pas rester prisonnier des liens qui nous entravent, mais être toujours relié au mouvement de la vie.   Jean-Yves Leloup n'a jamais interrompu cette recherche intérieure, faite de méditations inspirées des traditions chrétiennes et orientales, et de marches, des sommets du mont Kailash aux dunes du désert. Puisant à la source de la mystique et des grands textes sacrés, il nous livre ici un véritable éloge du voyage intérieur, rythmé par de longues quêtes et de riches haltes méditatives. « Assieds-toi et marche ! » : deux paroles à tenir ensemble pour se rapprocher de soi-même, s'ouvrir et atteindre la présence, au coeur de l'être.

L'assise et la marche sont deux postures complémentaires face à la vie. Méditer, pour ne pas se laisser disperser, mais rester au contraire en connexion avec soi-même. Marcher, pour ne pas rester prisonnier des liens qui nous entravent, mais être toujours relié au mouvement de la vie. Jean-Yves Leloup n'a jamais interrompu cette recherche intérieure, faite de méditations inspirées des traditions chrétiennes et orientales, et de marches, des sommets du mont Kailash aux dunes du désert. Puisant à la source de la mystique et des grands textes sacrés, il nous livre ici un véritable éloge du voyage intérieur, rythmé par de longues quêtes et de riches haltes méditatives. « Assieds-toi et marche ! » : deux paroles à tenir ensemble pour se rapprocher de soi-même, s'ouvrir et atteindre la présence, au coeur de l'être.

Autrement que Félix Guattari et Arne Naess, qui ont employé ce terme, Jean-Yves Leloup nous introduit ici à cette écologie intégrale qu’il appelle écosophie. Elle intègre en effet l’écologie rationnelle et scientifique, l’écologie instinctive ou chamanique, l’écologie intuitive ou non dualiste et l’écologie affective et religieuse ou écologie sacrée. Changer notre regard sur nous-mêmes et notre environnement est le préalable à tout désir de préserver ou de changer le monde.  Aux regards de la politique, de l'économie, de la science et de la philosophie, il faut joindre celui de la contemplation et de la Philocalie ; Rumi et François d'Assise ont été les précurseurs de cette écosophie qui respecte, prend soin de la nature et en célèbre la beauté – l'Être infini y est manifesté et caché.

Autrement que Félix Guattari et Arne Naess, qui ont employé ce terme, Jean-Yves Leloup nous introduit ici à cette écologie intégrale qu’il appelle écosophie. Elle intègre en effet l’écologie rationnelle et scientifique, l’écologie instinctive ou chamanique, l’écologie intuitive ou non dualiste et l’écologie affective et religieuse ou écologie sacrée. Changer notre regard sur nous-mêmes et notre environnement est le préalable à tout désir de préserver ou de changer le monde. Aux regards de la politique, de l'économie, de la science et de la philosophie, il faut joindre celui de la contemplation et de la Philocalie ; Rumi et François d'Assise ont été les précurseurs de cette écosophie qui respecte, prend soin de la nature et en célèbre la beauté – l'Être infini y est manifesté et caché.

L'Enseignement de Jean Yves Leloup

MEDITER ET PRIER DANS TOUS LES SENS
Dans la prière, l’oeuvre de l’Esprit, avant d’illuminer, est de guérir, de rendre à l’homme le bon usage de ses sens afin qu’il puisse – en vérité – voir, entendre, toucher, sentir, goûter « ce qui est » et entrer dans la Présence de « Celui qui Est ».
L’exercice méditatif de tous les sens pourrait être ainsi l’introduction à une oraison profonde.
Il s’agit de les considérer comme des alliés dans la prière et non comme des ennemis ou des obstacles à la grâce.
Tout ce qu’on sait de Dieu, c’est toujours un homme qui le sait.
Tout ce que l’homme sait de Dieu, il le sait dans son corps. Paul Evdokimov, à la suite de la tradition orthodoxe, parlera d’une « sensation de Dieu » indiquant la participation de tout l’être à la prière.
Dans l’étude contemporaine des processus de la mémoire on connaît mieux l’importance du corps. On ne se souvient que de ce que l’on a réellement éprouvé dans son corps. Se souvenir de Dieu dans la tradition ancienne n’est pas un simple acte de l’intelligence et du coeur, c’est garder en soi l’empreinte d’une présence. « Marche en ma présence et sois parfait » disait Dieu à Abraham.
Prier ce n’est pas penser à Dieu ; c’est entretenir la sensation d’une présence qui nous enveloppe et qui nous guide.
Bien sûr il ne s’agit pas de réduire cette présence à la sensation que nous pouvons en avoir (comme à la compréhension ou l’amour que nous pouvons en avoir).
La présence déborde de toute part notre appréhension, mais néanmoins « selon notre capacité » qui reste toujours à élargir, elle se communique réellement à nous.
L’essence de Dieu demeure inaccessible, c’est son énergie qui se communique à nos sens, pourrions-nous dire en reprenant les distinctions de Grégoire Palamas. Nous ne sommes pas au coeur du soleil, et pourtant chaque rayon de sa lumière c’est bien le soleil… Prier, c’est être nu et se laisser ensoleiller.
L’ascèse commence par une purification de tous les sens. Il s’agit de les accorder à la présence de l’incréé, de les rendre silencieux, sans les interprétations du mental, c’est-à-dire nus dans l’étreinte avec ce qui est.

Méditation hésychaste

Méditer comme une montagne, méditer comme un coquelicot, méditer comme l’océan, méditer comme un oiseau, je m’étonnais que le père Séraphin fasse appel aux « maîtres » que nous donne la nature. Dans son optique, il fallait récapituler tous les règnes de la création, minéral, végétal, animal, avant de prétendre être un homme et de prier comme Abraham…La grâce de Dieu, avant d’illuminer notre nature, doit d’abord la guérir…

L’effort qu’il me demandait n’avait par pour but de provoquer la grâce, mais de m’y disposer naturellement. A quoi bon polir le marbre de la fontaine si ce n’est pour que la source s’y donne plus claire ?...

Il m’enseigna l’importance du corps dans la prière : « La prière est un acte physique. Tu confonds la glose et la gnose. La gnose, la connaissance dans l’Esprit Saint, touche aussi bien le corps que l’intelligence. Te soumettre humblement à une pratique d’assise régulière t’évitera bien des illusions. Ton corps a aussi quelque chose à te dire sur Dieu, toute créature a quelque chose à te dire sur son Créateur… »
…Le Père accordait également beaucoup d’importance à l’écoute (plus qu’à la maîtrise) de la respiration. « Prier, c’est respirer », me disait-il.

La méthode de prière orthodoxe

Selon l’enseignement du Père Séraphin du Mont Athos
Auteur question de Jean-Yves Leloup
Lorsque M. X…, jeune philosophe français, arriva au Mont Athos, il avait déjà lu un certain nombre de livres sur la spiritualité orthodoxe, particulièrement la petite philocalie de la prière du Coeur et les récits d’un pèlerin russe. Il avait été séduit sans être vraiment convaincu. Une liturgie, rue Daru à Paris, lui avait inspiré le désir de passer quelques jours au Mont Athos, à l’occasion de vacances en Grèce, pour en savoir un peu plus sur la prière et la méthode d’oraison des hésychastes. Ces silencieux en quête d’ “hésychia”, c’est-à-dire de paix intérieure.

Raconter dans le détail comment il en vint à rencontrer le père Séraphin qui vivait dans un ermitage proche de Saint-Panteleimon (le Roussikon comme l’appellent les Grecs) serait trop long. Disons seulement que le jeune philosophe était un peu las. Il ne trouvait pas les moines ‘‘à la hauteur’’ de ses livres. Disons aussi que s’il avait lu plusieurs livres sur la méditation et la prière, il n’avait pas encore vraiment prié ni pratiqué une forme de méditation particulière ; et ce qu’il demandait au fond, ce n’était pas un discours de plus sur la prière ou la méditation, mais une ‘‘initiation’’ qui lui permettrait de les vivre et de les connaitre du dedans, par expérience et non par “ouï-dire".

Le père Séraphin avait une réputation ambiguë auprès des moines de son entourage. Certains l’accusaient de léviter, d’autres d’aboyer, certains le considéraient comme un paysan ignare, d’autres comme un véritable staretz inspiré du Saint-Esprit et capable de donner de profonds conseils ainsi que de lire dans les coeurs. Lorsqu’on arrivait à la porte de son ermitage, le père Séraphin avait l’habitude de vous observer de la façon la plus indécente : de la tête aux pieds pendant cinq longues minutes, sans vous adresser le moindre mot. Ceux que ce genre d’examen ne faisait pas fuir pouvaient alors entendre le diagnostic cinglant du moine : 
- Vous, Il n’est pas descendu en dessous du menton. 
- Vous, n’en parlons pas. Il n’est même pas entré. 
- Vous, ce n’est pas possible, quelle merveille. Il est descendu jusqu’à vos genoux.

C’est du Saint-Esprit bien sur qu’il parlait et de sa descente plus ou moins profonde dans l’homme. Quelquefois dans la tête mais pas toujours dans le coeur ou dans les entrailles, il jugeait ainsi la sainteté de quelqu’un d’après son degré d’incarnation de l’Esprit. L’homme parfait, l’homme transfiguré, pour lui c’était celui qui était habité tout entier par la Présence de l’Esprit-Saint de la tête aux pieds, “Cela je ne l’ai vu qu’une fois chez le staretz Silouane, lui disait-il, c’était vraiment un homme de Dieu, plein d’humilité et de majesté.”

Le jeune philosophe n’en était pas encore là, le Saint-Esprit s’était arrêté ou plutôt n’avait trouvé de passage en lui que “jusqu’au menton”. Lorsqu’il demanda au père Séraphin de lui parler de la prière du cœur et de l’oraison pure selon Evagre le Pontique, le père Séraphin commença à aboyer. Cela ne découragea pas le jeune homme. Il insista… alors le père Séraphin lui dit : “Avant de parler de prière du coeur, apprend d’abord à méditer comme la montagne..” et il lui montra un énorme rocher. “Demande-lui comment il fait pour prier. Puis reviens me voir.”

MÉDITER COMME UNE MONTAGNE
Ainsi commençait pour le jeune philosophe une véritable initiation à la méthode d’oraison hésychaste. La première indication qui lui était donnée concernait la stabilité. L’enracinement d’une bonne assise.

En effet, le premier conseil que l’on peut donner à celui qui veut méditer n’est pas d’ordre spirituel mais physique : assieds-toi.

S’asseoir comme une montagne cela veut dire aussi prendre du poids : être lourd de présence. Les premiers jours le jeune homme avait beaucoup de mal à rester ainsi immobile, les jambes croisées, le bassin légèrement plus haut que les genoux (c’est dans cette posture qu’il avait trouvé le plus de stabilité). Un matin il sentit réellement ce que voulait dire méditer comme une montagne. Il était là de tout son poids, immobile. Il ne faisait qu’un avec elle, silencieux sous le soleil. Sa notion du temps avait complètement changé. Les montagnes ont un autre temps, un autre rythme. Être assis comme une montagne c’est avoir l’éternité devant soi, c’est l’attitude juste pour celui qui veut entrer dans la méditation : savoir qu’il a l’éternité derrière, dedans et devant soi. Avant de bâtir une église il fallait être pierre et sur cette pierre (cette solidité imperturbable du roc) Dieu pouvait bien bâtir son Église et faire du corps de l’homme son temple. C’est ainsi qu’il comprenait le sens de la parole Évangélique : “Tu es pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Église."

Il resta ainsi plusieurs semaines. Le plus dur était pour lui de passer ainsi des heures “à ne rien faire ‘’. Il fallait réapprendra à être, à être tout simplement - sans but ni motif. Méditer comme une montagne c’était la méditation même de l’Être, “du simple fait d’Être’’, avant toute pensée, tout plaisir et toute douleur.

Le père Séraphin lui rendait visite chaque jour, partageant avec lui ses tomates et quelques olives. Malgré ce régime des plus frugal, le jeune homme semblait avoir pris du poids. Sa démarche était plus tranquille. La montagne semblait lui être entrée dans la peau. Il savait prendre du temps, accueillir les saisons, se tenir silencieux et tranquille comme une terre parfois dure et aride, mais aussi parfois comme un flanc de colline qui attend sa moisson.

Méditer comme une montagne avait également modifié le rythme de ses pensées. Il avait appris à “voir” sans juger, comme s’il donnait à tout ce qui pousse sur la montagne “le droit d’exister”.

Un jour, des pèlerins le prenant pour un moine, impressionnés par sa qualité de présence, lui demandèrent une bénédiction. Il ne répondit rien, imperturbable comme la pierre. Ayant appris cela, le soir même le père Séraphin commença à le rouer de coups... Le jeune homme se mit alors à gémir. “Ah bon, je te croyais devenu aussi stupide que les cailloux du chemin... La méditation hésychaste a l’enracinement, la stabilité des montagnes, mais son but n’est pas de faire de toi une souche morte mais un homme vivant.” Il prit le jeune homme par le bras et le conduisit dans le fond du jardin où parmi les herbes sauvages on pouvait voir quelques fleurs. “Maintenant, il ne s’agit plus de méditer comme une montagne stérile. Apprends à méditer comme un coquelicot, mais n’oublie pas pour autant la montagne...”

MÉDITER COMME UN COQUELICOT
C’est ainsi que le jeune homme apprit à fleurir...

La méditation c’est d’abord une assise et c’était ce que lui avait enseigné la montagne. La méditation c’est aussi une “orientation” et c’est ce que lui enseignait maintenant le coquelicot : se tourner vers le soleil, se tourner du plus profond de soi-même vers la lumière. En faire l’aspiration de tout son sang, de toute sa sève.

Cette orientation vers le beau, vers la lumière le faisait quelquefois rougir comme un coquelicot. Comme si “la belle lumière" était celle d’un regard qui lui souriait et attendait de lui quelque parfum... Il apprit également auprès du coquelicot que pour bien demeurer dans son orientation, la fleur devait avoir “la tige droite” et il commença à redresser sa colonne vertébrale.

Cela lui posait quelques difficultés, parce qu’il avait lu dans certains textes de la philocalie que le moine devait être légèrement courbé. Quelquefois même avec douleur. Le regard tourné vers le coeur et les entrailles.

Il demanda quelques explications au père Séraphin. Les yeux du staretz le regardèrent avec malice : “Ça, c’était pour les costauds d’autrefois. Ils étaient pleins d’énergie, et il fallait un peu les rappeler à l’humilité de leur condition humaine, qu’ils se courbent un peu le temps de la méditation cela ne leur faisait pas de mal... Mais toi, tu as plutôt besoin d’énergie, alors au moment de la méditation redresse-toi, sois vigilant, tiens-toi droit vers la lumière, mais sois sans orgueil... d’ailleurs si tu observes bien le coquelicot, il t’enseignera non seulement la droiture de la tige, mais aussi une certaine souplesse sous les inspirations du vent et puis aussi une grande humilité..."

En effet, l’enseignement du coquelicot était aussi dans sa fugacité, sa fragilité. Il fallait apprendre à fleurir, mais aussi à faner. Le jeune homme comprenait mieux les paroles du prophète : “Toute chair est comme l’herbe et sa délicatesse est celle de la fleur des champs. L’herbe sèche, la fleur se fane... Les nations sont comme une goutte de rosée au bord d’un seau... Les juges de la terre à peine sont-ils plantés, à peine leur tige a-t-elle pris racine en terre... alors ils se dessèchent et la tempête les emporte comme un fétu."(cf. Isaie 40.)

La montagne lui avait donné le sens de l’Éternité, le coquelicot lui enseignait la fragilité du temps : méditer c’est connaitre l’Éternel dans la fugacité de l’instant, un instant droit, bien orienté. C’est fleurir le temps qu’il nous est donné de fleurir, aimer le temps qu’il nous est donné d’aimer, gratuitement, sans pourquoi, car pour qui ? Pour quoi fleurissent-ils, les coquelicots ?

Il apprenait ainsi à méditer “sans but ni profit", pour le plaisir d’être, et d’aimer la lumière. “L’amour est à lui-même sa propre récompense’’, disait saint Bernard. “La rose fleurit parce qu’elle fleurit sans pourquoi”, disait encore Angelus Silesius. “C’est la montagne qui fleurit dans le coquelicot, pensait le jeune homme. C’est tout l’univers qui médite en moi. Puisse-t-il rougir de joie l’instant que dure ma vie.” Cette pensée était sans doute de trop. Le père Séraphin commença à secouer notre philosophe et de nouveau le prit par le bras.

Il l’entraina par un chemin abrupt jusqu’au bord de la mer, dans une petite crique déserte. “Arrête de ruminer comme une vache le bon sens des coquelicots... Aie aussi le coeur marin. Apprends à méditer comme l’océan.”

MÉDITER COMME L’OCÉAN
Le jeune homme s’approcha de la mer. Il avait acquis une bonne assise et une orientation droite. Il était en bonne posture. Que lui manquait-il ? Que pouvait lui enseigner le clapotis des vagues ? Le vent se leva. Le flux et le reflux de la mer se firent plus profond et cela réveilla en lui le souvenir de l’océan. Le vieux moine lui avait bien conseillé en effet de méditer “comme l’océan” et non comme la mer. Comment avait-il deviné que le jeune homme avait passé de longues heures au bord de l’Atlantique, la nuit surtout, et qu’il connaissait déjà l’art d’accorder son souffle à la grande respiration des vagues, j’inspire, j’expire ..., puis, je suis inspiré, je suis expiré, je me laisse porter par le souffle, comme on se laisse porter par les vagues... Ainsi faisait-il la planche, emporté par le rythme des respirations océanes. Cela l’avait conduit parfois au bord d’évanouissements étranges. Mais la goutte d’eau qui autrefois “s’évanouissait dans la mer” gardait aujourd’hui sa forme, sa conscience. Était-ce l’effet de sa posture ? De son enracinement dans la terre ? Il n’était plus emporté par le rythme approfondi de sa respiration. La goutte d’eau gardait son identité et pourtant elle savait “être un” avec l’océan. C’est ainsi que le jeune homme apprit que méditer c’est respirer profondément, laisser être le flux et le reflux du souffle.

Il apprit également que s’il y avait des vagues en surface, le fond de l’océan demeurait tranquille. Les pensées vont et viennent, nous écument, mais le fond de l’être reste immobile. Méditer à partir des vagues que nous sommes pour perdre pied et prendre racine dans le fond de l’océan. Tout cela devenait chaque jour un peu plus vivant en lui, et il se rappelait les paroles d’un poète qui l’avaient marqué au temps de son adolescence : “L’Existence est une mer sans cesse pleine de vagues. De cette mer les gens ordinaires ne perçoivent que les vagues. Vois comme des profondeurs de la mer d’innombrables vagues apparaissent à la surface, tandis que la mer reste cachée dans les vagues." Aujourd’hui la mer lui semblait moins “cachée dans les vagues”, l’unicité de toutes choses lui semblait plus évidente, et cela n’abolissait pas le multiple. Il avait moins besoin d’opposer le fond et la forme, le visible et l’invisible. Tout cela constituait l’océan unique de la vie. Dans le fond de son souffle n’y avait-il pas la Ruah ? Le pneuma ? Le grand souffle de Dieu ?

Celui qui écoute attentivement sa respiration, lui dit alors le vieux moine Séraphin, n’est pas loin de Dieu.”

Écoute qui est là à la fin de ton expir. Qui est là à la source de ton inspir. Il y avait là en effet quelques secondes de silence plus profondes que le flux et le reflux des vagues, il y avait là quelque chose qui semblait porter l’océan...

MÉDITER COMME UN OISEAU
Être dans une bonne assise, être orienté droit dans la lumière, respirer comme un océan, ce n’est pas encore la méditation hésychaste, lui dit le père Séraphin, tu dois apprendre maintenant a méditer comme un oiseau, et il le mena dans une petite cellule proche de son ermitage où vivaient deux tourterelles. Le roucoulement de ces deux petites bêtes lui parut d’abord charmant mais ne tarda pas à énerver le jeune philosophe. Elles choisissaient en effet le moment où il tombait de sommeil pour se roucouler les mots les plus tendres. Il demanda au vieux moine ce que signifiait tout cela et si cette comédie allait durer encore longtemps. La montagne, l’océan, le coquelicot passe encore (quoiqu’on puisse se demander ce qu’il y a de chrétien dans tout cela), mais maintenant lui proposer cette volaille languissante comme maître de méditation c’en était trop !

Le père Séraphin lui expliqua que dans le premier testament la méditation est exprimée par des termes de la racine “haga” rendus le plus souvent en grec par mélété - meletan - et en latin par méditari - méditatio. La racine en son sens primitif signifie “murmurer à mi-voix’’. Elle est également employée pour désigner des cris d’animaux, par exemple le rugissement du lion (lsaie 31, 4), le pépiement de l’hirondelle et le chant de la colombe (lsaie 38, 14), mais aussi le grognement de l’ours. “Au mont Athos on manque d’ours. C’est pour cela que je t’ai conduit auprès de la tourterelle, mais l’enseignement est le même. Il faut méditer avec ta gorge, non seulement pour accueillir le souffle mais aussi pour murmurer le nom de Dieu jour et nuit...”

Quand tu es heureux, presque sans t’en rendre compte tu chantonnes, tu murmures quelquefois des mots sans signification, et ce murmure fait vibrer tout ton corps de joie simple et sereine.

Méditer c’est murmurer comme la tourterelle, laisser monter en soi ce chant qui vient du coeur, comme tu as appris à laisser monter en toi le parfum qui vient de la fleur... Méditer c’est respirer en chantant. Sans trop t’attarder à sa signification pour le moment, je te propose de répéter, de murmurer, de chantonner ce qui est dans le coeur de tous les moines de l’Athos. “Kyrie eleison, kyrie eleison...” Cela ne plaisait pas trop au jeune philosophe. Lors de certaines messes de mariage ou d’enterrement il avait déjà entendu cela, on traduisait en français par “Seigneur prend pitié".

Le moine Séraphin se mit à sourire : “Oui, c’est une des significations de cette invocation, mais il y en a bien d’autres. Cela veut dire aussi “Seigneur, envoie ton Esprit... ! Que ta tendresse soit sur moi et sur tous, que ton Nom soit béni, etc., mais ne cherche pas trop à te saisir du sens de cette invocation, elle se révélera d’elle-même à toi. Pour le moment sois sensible et attentif à la vibration qu’elle éveille dans ton corps et dans ton coeur. Essaie de l’harmoniser paisiblement avec le rythme de ta respiration. Quand des pensées te tourmentent reviens doucement à cette invocation, respire plus profondément, tiens toi droit et immobile et tu connaitras un commencement d’hésychia, la paix que Dieu donne sans compter à ceux qui l’aiment. ” Le “Kyrie eleison” lui devint au bout de quelques jours un peu plus familier. Il l’accompagnait comme le bourdonnement accompagne l’abeille lorsqu’elle fait son miel. Il ne le répétait pas toujours avec les lèvres. Le bourdonnement devenait alors plus intérieur et sa vibration plus profonde.

Le “Kyrie eleison”, dont il avait renoncé à “penser” le sens , le conduisait parfois dans un silence inconnu et il se retrouvait dans l’attitude de l’apôtre Thomas lorsque celui-ci découvrit le Christ ressuscité “Kyrie eleison”, Mon Seigneur est mon Dieu.

L’invocation le plongeait peu a peu dans un climat d’intense respect pour tout ce qui existe. Mais aussi d’adoration pour ce qui se tient caché à la racine de toutes les existences. Le père Séraphin lui dit alors : “Maintenant tu n’es pas loin de méditer comme un homme. Je dois t’enseigner la méditation d’Abraham.”

MÉDITER COMME ABRAHAM
Jusqu’ici l’enseignement du staretz était d’ordre naturel et thérapeutique. Les anciens moines, selon le témoignage de Philon d’Alexandrie, étaient en effet des “thérapeutes’’. Leur rôle avant de conduire à l’illumination était de guérir la nature de l’être, de la mettre dans les meilleures conditions pour qu’elle puisse recevoir la grâce, la grâce ne contredisant pas la nature mais la restaurant et l’accomplissant. C’est ce que faisait le vieillard avec le jeune philosophe en lui enseignant une méthode de méditation que certains pourraient appeler “purement naturelle’’. La montagne, le coquelicot, l’océan, l’oiseau, autant d’éléments de la nature qui rappellent à l’homme qu’il doit avant d’aller plus loin, récapituler les différents niveaux de l’être, ou encore les différents règnes qui composent le macrocosme. Le règne minéral, le règne végétal, le règne animal... Souvent l’homme a perdu le contact avec le cosmos, avec le rocher, avec les animaux et cela n’est pas sans provoquer en lui toutes sortes de malaises, de maladies, d’insécurité, d’anxiété. Il se sent “de trop’’, étranger au monde. Méditer c’était d’abord entrer dans la méditation et la louange de l’univers car “toutes ces choses savent prier avant nous", disent les pères. L’homme est le lieu où la prière du monde prend conscience d’elle-même. L’homme est là pour nommer ce que balbutient toutes créatures. Avec la méditation d’Abraham, nous entrons dans une nouvelle et plus haute conscience qu’on appelle la foi, c’est-à-dire l’adhésion de l’intelligence et du cœur à ce “Tu” ou à ce “Toi” qui est, qui transparait dans le tutoiement multiple de tous les êtres. Telle est l’expérience et la méditation d’Abraham : derrière le frémissement des étoiles il y a plus que les étoiles, une présence difficile à nommer, que rien ne peut nommer et qui a pourtant tous les noms...

C’est quelque chose de plus que l’univers et qui pourtant ne peut pas être saisi en dehors de l’univers. La différence qu’il y a entre Dieu et la Nature, c’est la différence qu’il y a entre le bleu du ciel et le bleu d’un regard... Abraham, au-delà de tous les bleus, était en quête de ce regard...

Après avoir appris l’assise, l’enracinement, l’orientation positive vers la lumière, la respiration paisible des océans, le chant intérieur, le jeune homme était ainsi invité à un éveil du coeur. “Voici tout à coup que vous êtes quelqu’un.” Le propre du coeur c’est, en effet, de personnaliser toute chose et, dans ce cas, de personnaliser l’Absolu, la Source de tout ce qui est et respire, la nommer, l’appeler “Mon Dieu, Mon Créateur” et marcher en Sa Présence. Méditer pour Abraham c’est entretenir sous les apparences les plus variées le contact avec cette Présence. Cette forme de méditation entre dans les détails concrets de la vie quotidienne. L’épisode du chêne de Mambré nous montre Abraham “assis à l’entrée de la tente, au plus chaud du jour", et là, il va accueillir trois étrangers qui vont se révéler être des envoyés de Dieu. Méditer comme Abraham, disait le père Séraphin “c’est pratiquer l’hospitalité, le verre d’eau que tu donnes à celui qui a soif, ne t’éloigne pas du silence, il te rapproche de la source”. “Méditer comme Abraham, tu le comprends, n’éveille pas seulement en toi de la paix et de la lumière, mais aussi de l’Amour pour tous les hommes.” Et le père Séraphin lut au jeune homme le fameux passage du livre de la Genèse où il est question de l’intercession d’Abraham :

Abraham se tenait devant “YHWH celui qui est - qui était – qui sera”. Il s’approcha et dit : “Vas-tu vraiment supprimer le juste avec le pêcheur ? Peut-être y a-t-il cinquante justes dans la ville, vas-tu vraiment les supprimer et ne pardonneras-tu pas à la cite pour les cinquante justes qui sont dans son sein ?...”

Abraham, petit à petit, dut réduire le nombre des justes pour que ne soit pas détruite Sodome.

Que mon Seigneur ne s’irrite pas et je parlerai une dernière fois : peut-être s’en trouvera-t-il dix ?...” (cf. Genèse 18, 16). Méditer comme Abraham c’est intercéder pour la vie des hommes, ne rien ignorer de leur pourriture et pourtant “ne jamais désespérer de la miséricorde de Dieu.”

Ce genre de méditation délivre le coeur de tout jugement et de toute condamnation, en tout temps et en tout lieu, quelles que soient les horreurs qui lui soient données de contempler il appelle le pardon et la bénédiction.

Méditer comme Abraham cela conduit encore plus loin. Le mot avait du mal à sortir de la gorge du père Séraphin, comme s’il avait voulu épargner au jeune homme une expérience par laquelle il avait dû lui-même passer et qui réveillait dans sa mémoire un subtil tremblement : cela peut aller jusqu’au Sacrifice. .. Et il lui cita le passage de la Genèse où Abraham se montre prêt à sacrifier son propre fils Isaac. “Tout est à Dieu, continua en murmurant le père Séraphin. Tout est de lui, par lui et pour lui” ; méditer comme Abraham te conduit à cette totale dépossession de toi-même et de ce que tu as de plus cher... cherche ce à quoi tu tiens le plus, ce avec quoi tu identifies ton moi... pour Abraham c’était son fils, son unique, si tu es capable de ce don, de cet abandon total, de cette infinie confiance en celui qui transcende toute raison et tout bon sens, tout te sera rendu au centuple : “Dieu pourvoira. ” Méditer comme Abraham c’est n’avoir dans le coeur et la conscience “rien d’autre que Lui’’. Quand il monta au sommet de la montagne, Abraham ne pensait qu’à son fils. Quand il redescendit il ne pensait qu’à Dieu.

Passer par le sommet du sacrifice, c’est découvrir que rien n’appartient au “moi”. Tout appartient à Dieu. C’est la mort de l’ego et la découverte du “Soi”. Méditer comme Abraham c’est adhérer par la foi à celui qui transcende l’Univers, c’est pratiquer l’hospitalité, intercéder pour le salut de tous les hommes. C’est s’oublier soi-même et rompre ses attaches les plus légitimes pour se découvrir soi-même, nos proches et tout l’Univers, habité de l’infini présence de ‘‘Celui-là seul qui Est".

MÉDITER COMME JÉSUS
Le père Séraphin se montrait de plus en plus discret. Il sentait les progrès que faisait le jeune homme dans sa méditation et sa prière. Plusieurs fois il l’avait surpris, le visage baigné de larmes, méditant comme Abraham et intercédant pour les hommes. “Mon Dieu, ma miséricorde, que vont devenir les pêcheurs... ?” C’est le jeune homme qui un jour vint vers lui et lui demanda : “Père, pourquoi ne me parlez-vous jamais de Jésus ? Quelle était sa prière à lui, sa forme de méditation ? Dans la liturgie, dans les sermons on ne parle que de lui. Dans la prière du coeur, telle qu’on en parle dans la philocalie, c’est bien son nom qu’il faut invoquer. Pourquoi ne me dites-vous rien ?”

Le père Séraphin eut l’air troublé. Comme si le jeune homme lui demandait quelque chose d’indécent, comme s’il lui fallait révéler son propre secret. Plus grande est la révélation que l’on a reçue, plus grande doit être l’humilité pour la transmettre. Sans doute ne se sentait-il pas assez humble : “Cela, ce n’est que l’Esprit-Saint qui peut te l’enseigner. Nul ne sait qui est le fils, si ce n’est le père, ou qui est le père si ce n’est le fils et celui a qui le fils veut bien le révéler" (Luc 10, 22). Il faut que tu deviennes fils pour prier comme le fils et entretenir avec Celui qu’il appelle son père et notre Père les mêmes relations d’intimité que lui, et cela c’est l’oeuvre de l’Esprit-Saint, il te rappellera tout ce que Jésus a dit. L’Évangile deviendra vivant en toi et il t’apprendra à prier comme il faut.

Le jeune homme insista. Dites-moi encore quelque chose. Le vieillard lui sourit. “Maintenant, dit-il, je ferai mieux d’aboyer. Mais tu prendrais encore cela pour un signe de sainteté. Mieux vaut te dire les choses simplement.

Méditer comme Jésus, cela récapitule toutes les formes de méditation que je t’ai transmises jusqu’à maintenant. Jésus est l’homme cosmique. Il savait méditer comme la montagne, comme le coquelicot, comme l’océan, comme la colombe. Il savait méditer aussi comme Abraham. Le coeur sans limites, aimant jusqu’à ses ennemis, ses bourreaux : “Père pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font.” Pratiquant l’hospitalité à l’égard de ceux qu’on appelait les malades et les pécheurs, des paralysés, des prostituées, des collabos… La nuit il se retirait pour prier dans le secret et là, il murmurait comme un enfant “abba”, ce qui veut dire “ papa’‘. Cela peut te sembler tellement dérisoire, appeler “papa” le Dieu transcendant, infini, innommable, au-delà de tout ! C’est presque ridicule et pourtant c’était la prière de Jésus, et dans ce simple mot tout était dit. Le ciel et la terre devenaient terriblement proches. Dieu et l’homme ne faisaient qu’un. .. Peut-être faut-il avoir été appelé “papa” dans la nuit pour comprendre cela... Mais aujourd’hui ces relations intimes d’un père et d’une mère avec leur enfant ne veulent peut-être plus rien dire. Peut-être que c’est une mauvaise image ?...

C’est pour cela que je préférais ne rien te dire, ne pas employer d’image et attendre que l’Esprit-Saint mette en toi les sentiments et la connaissance qui étaient dans le Christ Jésus et que cet “abba” ne vienne pas du bout des lèvres mais du fond du coeur. Ce jour-là tu commenceras à comprendre ce que sont la prière et la méditation des hésychastes. ”

MAINTENANT, VA !
Le jeune homme resta encore quelques mois au Mont Athos. La prière de Jésus l’entraînait dans des abimes, parfois au bord d’une certaine “folie” : “Ce n’est plus moi qui vit, c’est le Christ qui vit en moi”, pouvait-il dire avec saint Paul. Délire d’humilité, d’intercession, de désir “que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la pleine connaissance de la vérité”. Il devenait Amour, il devenait feu. Le buisson ardent n’était plus pour lui une métaphore mais réalité : “Il brûlait et pourtant il n’était pas consumé.” D’étranges phénomènes de lumière visitaient son corps. Certains disaient l’avoir vu marcher sur l’eau ou se tenir assis immobile à trente centimètres du sol...

Cette fois le père Séraphin se mit à aboyer. “Ça suffit ! Maintenant, va !” et il lui demanda de quitter l’Athos, de rentrer chez lui et là il verrait bien ce qui reste de ses belles méditations hésychastes !...

Le jeune homme partit. Il revint en France. On le jugea plutôt amaigri et on ne trouva rien de très spirituel dans sa barbe plutôt sale et son air négligé... Mais la vie de la ville ne lui fit pas oublier l’enseignement de son staretz !

Quand il se sentait trop agité, n’ayant jamais le temps, il allait s’asseoir comme une montagne à la terrasse du café. Quand il sentait en lui l’orgueil, la vanité, il se souvenait du coquelicot, “toute fleur se fane", et de nouveau son coeur se tournait vers la lumière qui ne passe pas. Quand la tristesse, la colère, le dégoût envahissaient son âme, il respirait au large, comme un océan, il reprenait haleine dans le souffle de Dieu, il invoquait son Nom et murmurait “Kyrie eleison’’. Quand il voyait la souffrance des hommes, leur méchanceté et son impuissance à changer quelque chose, il se souvenait de la méditation d’Abraham. Quand on le calomniait, qu’on disait sur lui toutes sortes de choses infâmes, il était heureux de méditer ainsi avec le Christ... Extérieurement, il était un homme comme les autres. Il ne cherchait pas à avoir “l’air d’un saint”. Il avait même oublié qu’il pratiquait la méthode d’oraison hésychaste, simplement il essayait d’aimer Dieu instant après instant et de marcher en sa Présence...

 

Essence

Dérivé du latin esse, qui signifie « Être »

Lorsque nous parlons de l’« essence » de Dieu, nous évoquons le mystère de Dieu, son Être en soi, entièrement autre, invisible, inconcevable, au delà de tout ce que nous pouvons en dire ou en penser, radicalement transcendant.

Il est incompréhensible, au sens où comprendre signifierait qu’on peut le définir, le cerner, le connaître entièrement avec les ressources de notre intelligence.

L’essence désigne Dieu tel qu’Il est en Lui-même, restant au-delà de toute connaissance humaine Grégoire de Nazianze : « Ce que Dieu est nature et Son essence, nul humain ne l’a découvert et ne le découvrira jamais. ››

Mais ce Dieu est toutefois proche de nous partout et remplissant tout. Il se révèle à nous en tant que personne : son Verbe incarné, son Fils fait homme. Il se manifeste par ses actions, ses énergies. «Il est, par son essence, en dehors de tout, mais Il est en tout par sa puissance » (saint Athanase). « Nous ne connaissons pas Dieu dans son essence. Nous le connaissons plutôt par la magnificence de sa création et l’action de sa Providence qui nous présentent, comme en un miroir, le reflet de sa bonté, de sa sagesse et de sa puissance infinies ›› (saint Maxime le Confesseur).

Dictionnaire amoureux de Jérusalem p.286/287


 

Conscience

Il y a deux types de conscience :
À la différence des arbres qui ne peuvent s’empêcher de monter vers la Lumière, l’homme a la possibilité de dire « non », il n’est pas obligé d’être « bienheureux ». Il faut l’adhésion du cœur et de la volonté. « Dieu » ne nous veut pas heureux sans nous. L’arbre de Vie est théocentré, l’arbre de la connaissance est ego-centré : « ça c’est bien, ça c’est mal, » à partir de ce que je pense. Bien par rapport à qui ? Bien par rapport à quoi ? Il y a la projection du milieu familial, de la culture. Il y a la possibilité d’être un ego coupé du Soi.

Il y a une « connaissance » qui ne peut que nous faire du mal. Il ne s’agit pas d’un interdit, mais d’un avertissement. « Tu ne consommeras pas »… Ce n’est plus « la communion » souhaitée.

Comment discerner entre pensée parasite et pensée éclairée ?
Ne pas tuer ni la pensée, ni le mental, ni l’ego, mais ouvrir, éclairer, éclaircir, replacer dans une vie plus vaste.

Peut-on être dans la conscience sans utiliser le mental ? Il y a une conscience non cérébrale. Le cerveau fonctionne par comparaison, mais quand le mental est calme, on peut aborder une conscience non duelle…

Il y a une conscience juste. La pensée parasite, c’est ce que l’on rajoute (jugements, obsessions) si on observe les pensées parasites, elles disparaissent.

Il y a différentes façons de refuser ou d’accepter, adhésion ou refus du réel.
Tout le travail des anciens est la purification de la conscience : l’âme gouverne le corps. (SGE)

Avoir ce minimum de conscience qui permet de mesurer l’infini qui distingue « ma » réalité de « la » Réalité suffit à me garder ouvert et à ne pas m’enfermer dans cette relative réalité comme dans une coquille ou une idole. (AG p.394)


 

Prière du cœur

En 313, l’Édit de Milan proclame la paix et offre à la chrétienté un statut légal.

L’Église entre dans l’histoire, mais elle demeure habitée par des hommes qui se sentent à l’étroit dans ce monde et veulent déployer leur infinie capacité d’amour au-delà des frontières de l’espace et du temps. Anticipée par les ermites d’Égypte, une réaction violente s’oppose au conformisme de l’Empire de Constantin, trop rapidement proclamé chrétien. Au baptême du sang des martyrs va succéder le baptême de l’ascèse…

Ces hommes, qu’on appellera plus tard les « pères du désert » sont les ancêtres des hésychastes, dont la tradition, du IVe siècle jusqu’à nos jours, demeure ininterrompue.

On a trop souvent donné à l’hésychasme un sens historique trop restreint, réservant l’appellation d’hésychastes aux mystiques byzantins du XIVe siècle, alors que le mot est déjà bien établi comme terme technique dans la première moitié du VIIe siècle.

Qu’est-ce que l’hésychasme ? Ce terme, en langue byzantine, désigne un système de spiritualité ayant pour principe l’excellence, voire la nécessité de l’hésychia. Hésychia veut dire : tranquillité, silence, quiétude…

C’est dans ces milieux (hommes et femmes retirés dans le désert) que s’élaboreront petit à petit les techniques d’oraison et plus particulièrement la prière du cœur – ou prière à Jésus – considérée encore aujourd’hui comme l’ « âme de la spiritualité orientale. »

Cette tradition spirituelle a eu ses foyers de vie principaux dans les monastères du Sinaï à partir du VIe siècle et du Mont Athos, surtout au XIVe siècle avec Grégoire Palamas…

Depuis la fin du XVIIIe siècle, la « prière du cœur » s’est répandue en dehors des monastères grâce à la Philocalie publiée en 1782, par un moine grec, Nicodème l’Hagiorite, et éditée en russe peu après par Païsi Velitchkovsky… Les Récits du Pèlerin russe (fin du XIXe siècle), traduits en français en 1945 par Jean Gauvain et la présence d’Églises de la diaspora l’ont fait mieux connaître en Occident…

Il ne faudrait pas, par exemple, opposer la prière du cœur et la prière liturgique. Ce sont deux voies différentes qui poursuivent le même but : l’union au Dieu Jésus-Christ…

Ecrits sur l’Hésychasme, p.161/164

 

L’assise et la marche 

sont deux postures complémentaires face à la vie. Méditer, pour ne pas se laisser disperser, mais rester au contraire en connexion avec soi-même. Marcher, pour ne pas rester prisonnier des liens qui nous entravent, mais être toujours relié au mouvement de la vie. Jean-Yves Leloup n’a jamais interrompu cette recherche intérieure, faite de méditations inspirées des traditions chrétiennes et orientales, et de marches, des sommets du mont Kailach aux dunes du désert.

 

 

Puisant à la source de la mystique et des grands textes sacrés, il nous livre ici un véritable éloge du voyage intérieur, rythmé par de longues quêtes et de riches haltes méditatives. « Assieds-toi et marche !», deux paroles à tenir ensemble pour se rapprocher de soi-même, s’ouvrir et atteindre la présence, au cœur de l’Être.


 

Vers une écologie intégrale
Autrement que Félix Guattari et Arne Naess, qui ont employé ce terme, Jean-Yves Leloup nous introduit ici à cette écologie intégrale qu’il appelle écosophie. Elle intègre en effet l’écologie rationnelle et scientifique, l’écologie instinctive ou chamanique, l’écologie intuitive ou non dualiste et l’écologie affective et religieuse ou écologie sacrée. Changer notre regard sur nous-même et notre environnement est le préalable à tout désir de
préserver ou de changer le monde.

Au regard de la politique, de l’économie, de la science et de la philosophie, il faut joindre celui de la contemplation et de la Philocalie ; Rumi et François d’Assise ont été les précurseurs de cette écosophie qui respecte, prend soin de la nature et en célèbre la beauté
— l’Être infini y est manifesté et caché.
Editions UPPR

 

 

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le pouvoir de l'univers est en vous/Deepak Chopra

Rédigé par grossel Publié dans #jean-claude grosse, #notes de lecture, #vide quantique, #développement personnel

le pouvoir de l'univers est en vous/Deepak Chopra

 

Le pouvoir de l'univers est en vous

Deepak Chopra et Menas Kafatos

 

 

Deepak Chopra a écrit des livres importants, toujours en collaboration avec d'autres scientifiques, avec Rudolf Tanzi, sur le cerveau, les gènes, l'autoguérison et aujourd'hui avec Menas Kafatos, sur l'univers humain. Ces grands livres sont de bonne tenue, honnêtes intellectuellement, nourri des connaissances les plus récentes sur les sujets traités. Quand il y a doute, il le signale, quand il y a ignorance ou impasse, également, si des perspectives innovantes peuvent être proposées, il les propose. Avec le développement depuis une vingtaine d'années de l'épigénétique, on ne voit plus le devenir du corps de la même manière. Ces livres sont donc accompagnés de conseils à personnaliser par chacun. Les propositions sont suffisamment variées pour qu'on prenne les 3 ou 4 résolutions qui vont changer nos comportements et donc donner des signaux à notre corps, traité comme un tout (approche holistique) et avec respect, amour même. De tradition ayurvédique, Deepak Chopra articule les résultats de la science et les traditions ou connaissances spirituelles fort anciennes de l'Inde. Ce n'est pas du syncrétisme ni de l'occidentalisation de l'ailleurs ou une hindouisation du corpus scientifique occidental, c'est une recherche de complémentarité, de complétude entre une approche matérialiste (scientifique) où la matière est première et une approche spiritualiste où l'esprit, le mental sont affirmés agissant. Le pouvoir du corps sur l'esprit, le mental est complémentaire du pouvoir de l'esprit, du mental sur le corps.

Les titres peuvent paraître commerciaux, ronflants : Le pouvoir fabuleux de votre cerveau, le pouvoir fabuleux de vos gènes, le pouvoir de l'univers est en vous. Le mot pouvoir au cœur de ces titres n'est pas anodin. Il prend le contre-pied des attitudes dominantes consistant en soumission à ce qui nous arrive, en système D pour atténuer les effets affligeants de ce qui nous arrive. Le mot pouvoir ne signifie pas avoir la maîtrise de notre devenir physique, psychique, spirituel mais avoir la possibilité de modifier, de réorienter, de corriger des comportements, y compris semblant très déterminés génétiquement, très conditionnés culturellement. Avec Deepak Chopra et d'autres se développe une médecine corps-esprit refusant la séparation entre corps et esprit, cherchant l'intégration, la complémentarité, l'alignement corps-esprit. Deepak Chopra a mis en place des cycles gratuits de méditation accompagnée de 7 à 21 jours. Pour en avoir suivi 3, je peux affirmer que je me sens bien accompagné. Je pense que l'influence de ce chercheur scientifique et spirituel est positive. Personnellement, j'en profite.
Le livre sur le pouvoir de l'univers est pour moi, particulièrement important. Les enjeux de ce livre sont rien moins qu'un changement de paradigme. Les questions, mystères abordés dans ce livre sont les questions ultimes que l'on peut se poser, à la rencontre entre science et métaphysique. Qu'y avait-il avant le big bang ? Pourquoi l'univers est-il si parfaitement agencé ? D'où vient le temps ? De quoi est fait l'univers ? Y a-t-il un dessein dans l'univers ? Le monde quantique est-il relié à la vie de tous les jours ? Vivons-nous dans un univers conscient ? Quelle est l'origine de la vie ? Le mental est-il la création du cerveau ?

Chaque mystère est exposé pour tenter de le comprendre. Quelles réponses sont apportées par les scientifiques, réponses parfois contradictoires avec deux camps,

  • les conservateurs qui posent que l'évolution est due au hasard, que la matière est première, matérialistes et déterministes purs et durs qui ne pensent que mesures, calculs, quantités et qui résistent tant qu'ils peuvent aux effets de la théorie de la relativité et de la physique quantique, remettant en cause leur conception de la réalité physique,

  • les visionnaires qui à partir de leurs théories (sachant que les chercheurs n'ont toujours pas réussi à unifier la relativité qui traite magistralement des objets très grands dans l'espace-temps et la physique quantique qui traite magistralement des objets infiniment petits) plus qu'à partir d'observations (elles ne sont venues souvent qu'après coup et certaines prédictions de particules n'ont toujours pas été expérimentés) ont contribué à complexifier ce qu'on appelle la réalité, nous obligeant à au moins nous demander s'il n'y a pas une conscience à l'oeuvre.

    Evidemment, là, on est à la limite de la religion, il y a un dieu créateur. Au XVIII° siècle, ce dieu créateur a été conçu comme un dieu mécanicien, nécessaire pour mettre en route la machinerie puis la laissant fonctionner selon des lois immuables dites lois de la nature. Avec les théories du début du XX° siècle, finie la constance des constantes, finie la stabilité, c'est l'émergence de ce qui est vu comme chaos, désordre, le big bang étant le modèle théorique fonctionnant le mieux actuellement pour expliquer la naissance, le développement de l'univers mais évidemment le big bang ne sera jamais observable (des animations font croire à une gigantesque explosion, une énorme chaleur, une inflation très courte et intense, un refroidissement, une expansion, une décélération puis une accélération de l'expansion en lien avec énergie et matière noires, hypothèses théoriques sur des réalités inobservables, seuls 4% de l'univers sont visibles, le big bang c'est la création d'un univers à partir de rien, à partir de particules virtuelles devenant réelles, à partir du vide quantique et de ses fluctuations, c'est du potentiel devenant réel...). Comment cet univers créé à partir du vide quantique évolue-t-il jusqu'à la vie sur terre, jusqu'à l'homme, son cerveau, sa pensée consciente, ses buts, intentions, recherches de sens ? Les scientifiques sont inventifs en matière d'explications, de théories. On a parlé d'ajustement fin, on a posé l'existence d'un principe anthropique (l'univers est fait pour accueillir l'homme, température moyenne de notre soleil par rapport à d'autres étoiles, lumière arrivant sur terre dans le bon spectre ; là il faut corriger : la lumière venant du soleil, ce sont des photons se déplaçant de façon non lumineuse donc indétectable jusqu'à la rétine qui excitée rend le photon à son état lumineux, lumière de l'objet éclairé construite dans la boîte noire du crâne, le cerveau, qui voit, crée le rouge de la rose que je vois, j'espère être fidèle au récit de la vue, opération particulièrement mystérieuse, un quale, une perception éminemment subjective) ; le principe anthropique a été utilisé par les créationnistes à l'appui de leur vision de la création qu'ils ont tenté de rendre concurrente à celle des scientifiques, la justice américaine a tranché, pas de créationnisme enseigné dans les écoles.

  • Si l'univers est fait pour accueillir l'homme, il semble fait aussi pour accueillir les végétaux (et tout le reste) qui ont un mode de vie spécifique, grâce à la chlorophylle. Cette molécule est constituée de 137 atomes dont le seul objectif est d'accueillir 1 atome de magnésium. Cet atome est ionisé au contact de la lumière solaire permettant au carbone et à l'eau de former un glucide, c'est la photosynthèse. L'énergie solaire est captée, presque instantanément transmise aux cellules contenant de la chrorophylle et transformée en protéines et autres produits organiques. Transfert d'énergie particulièrement efficace sans gaspillage sous forme de perte de chaleur en particulier.

    Comme les objets de la physique quantique sont des objets particulièrement surprenants à tel point que Feynman a pu dire que le monde quantique était absurde, ces objets « fantasques » font moins l'objet d'observations que de modélisations. On ne peut que leur appliquer des statistiques, des calculs de moyenne ou des équations très complexes comme l'équation de Schrödinger. Les mathématiques supérieures sont devenues l'outil principal des chercheurs, à tel point que certains en sont arrivés à se demander si l'univers n'était pas mu par les Idées mathématiques, si le dessein de l'univers n'était pas mathématique, retour à Platon. Dans quel état est l'électron, corpuscule, onde ? superposé ? soit complémentarité de deux états opposés, autrement dit relation d'inclusion des deux états et ci et ça et non d'exclusion des deux états ou ci ou ça ? Quand il change d'orbite que se passe-t-il ? Il glisse d'une orbite à l'autre ? Non, il disparaît de l'orbite et réapparaît dans l'autre. Si deux électrons sont intriqués, les effets sur l'un sont immédiats et instantanés sur l'autre sans aucun déplacement (téléportation). De plus comment l'électron qu'on trouve dans les atomes se spécifie-t-il, se spécialise-t-il si on peut dire, on appelle ça activité secondaire. L'exemple de l'hémoglobine est particulièrement instructif (une molécule d'hémoglobine qui se trouve à l'intérieur d'un globule rouge, ce sont 10000 atomes dont 4 de fer pour capter 4 atomes d'oxygène, transporté par circulation sanguine à chaque cellule du corps).

    Avec l'effet observateur, on va encore plus loin dans le bizarre. Un observateur veut mesurer ou la masse ou la position ou la vitesse. Dès le moment où il a spécifié son intention, l'objet s'y conforme et lui donne à percevoir ce qu'il veut percevoir. Les photons semblent doués d'un pouvoir de décision comme l'a prouvé l'expérience de la double fente et comme le chat de Schrödinger n'a pas cessé d'interroger les chercheurs. Chacun y va de son interprétation. Deux effets ont été repérés, le choix retardé et l'effacement quantique. Autrement dit, l'univers est participatif, l'observateur fait partie intégrante de la réalité et sa présence, ses choix, intentions influencent le comportement des photons, en état indéfini jusqu'au moment où l'observateur décide de le mesurer, décision et mesure le faisant devenir onde, corpuscule conformément à ce que cherche l'observateur. Conséquence, observer le monde, c'est lui faire quitter un état indéfini pour un état défini. Observer c'est spécifier la réalité, c'est ce qu'on appelle l'effet Zénon. L'observateur et l'objet de son observation sont enfermés, l'observateur ne connaîtra jamais l'état de son objet fonctionnant « naturellement ». Observer comme on le voit n'est pas un acte passif. C'est modifier la réalité, interagir avec la réalité, créer celle qu'on perçoit.

    Il n'y a pas trop de chemin à faire pour en arriver à l'hypothèse d'un univers conscient, d'un univers participatif, d'un univers humain. Lors de sa rencontre avec Einstein (soit dit en passant, c'est à partir d'images mentales, genre chevaucher un rayon lumineux, qu'Einstein a élaboré ses théories, corroborées ensuite par l'observation, il ne cherchait pas les propriétés de la lumière mais à vivre mentalement une expérience, à cheval sur son rayon de lumière), le 14 juillet 1930 à Caputh près de Berlin, Tagore a pu lui dire : « ce monde est un monde humain, sans nous, le monde n'existe pas, c'est un monde relatif dont la réalité dépend de notre conscience ».

    Poser que l'univers est conscient, c'est passer assez facilement du big bang à l'homme, c'est plus difficile, voire impossible de passer du chaos initial à la pensée. Si la conscience est un champ qui comme le champ quantique engendre des réalités à partir de virtualités (le vide créateur), elle est partout à la fois, dans tout, devenant conscience spécifique dans chaque « je », conscience d'un « je » agissant sur la réalité par ses décisions, ses buts, ses intentions. L'homme n'est pas qu'observateur, il fait l'expérience du monde, de la réalité à chaque instant, la modifiant, se modifiant, se transformant, la transformant.

    Ou l'homme est le gagnant du casino cosmique sans qu'on sache très bien comment cela a été réalisé, ou l'homme comme l'univers sont l'oeuvre d'un dessein conscient qu'on n'a pas besoin d'appeler dieu. Deux façons de vivre le monde s'offrent, selon le mode de la séparation (on se perçoit comme individu isolé, l'égo passe avant autrui, pour survivre, travailler, batailler, s'inquiéter, en particulier du temps qui passe alors que Schrödinger nous a dit de façon définitive : « seul existe l'instant présent, éternel ; le présent est la seule chose qui soit sans fin » ou Einstein : « j'ai pris conscience que le passé et le futur sont de véritables illusions et qu'ils existent dans le présent, qui est la seule chose qui soit »…) ou selon le mode de la complétude (l'univers existe à l'intérieur de soi, phénomènes extérieurs et intérieurs sont des reflets mutuels, la conscience est continue et omniprésente, c'est la seule réalité qui soit ...).

    L'homme ne pouvant se séparer de la réalité qu'il vit, une notion devient centrale, celle de quale, de qualia, c'est-à-dire la manière subjective de vivre la réalité. Depuis une cinquantaine d'années, une philosophie de l'esprit et de la conscience se développe ayant pour objet d'étude les qualia ; nos perceptions, sensations, émotions, sentiments, pensées. Une annexe est consacrée à la science des qualia (la conscience n'est pas un attribut qui s'est développée au travers de l'évolution et par les jeux du hasard d'une base de matière pour émerger chez l'homme, la conscience est fondamentale et acausale, la conscience comme fondement de l'existence se comporte comme un champ, elle interagit avec elle-même et cette interaction aboutit à la création de toutes les formes spécifiques de conscience ...

    Ce livre est très documenté, on y apprend beaucoup de choses. L'argumentation est construite, étayée. Questions et réponses sans tourner autour du pot. On peut y adhérer, rester dubitatifs. Des exemples édifiants. De l'humour, beaucoup. Bref, un livre passionnant, à mettre en pratique par une vie de plus en plus consciente, pas une vie de volonté de puissance, mais une vie sachant s'abandonner au champ de la conscience cosmique qui fait surgir pensée nouvelle, image inédite, sentiment régénéré, empathie plus vivante, qui favorise le mouvement, le changement. Pas de recherche d'embrassement de la réalité dans sa totalité, ça ne veut rien dire. Une vie plus ouverte, élargie.

 
conclusion de mon article sur Deepak Chopra
comme a pu dire Djalâl-od-Din- Rûmi, la conscience dort dans les minéraux, rêve dans les végétaux, se réveille dans les animaux et commence à devenir consciente d'elle-même dans les êtres humains ; aujourd'hui, on pourrait le dire différemment : la conscience est présente et agissante à tous les niveaux sous des formes différentes, du vide quantique, des quanta à l'univers ;
tout l'univers est contenu dans un seul être humain : toi et dans tout grain de sable ; ce que tu cherches te cherche ; arrête d’agir petit, d'être étroitement conscient car tu es l’univers et l'univers est humain et végétal et minéral et céleste. Tel est le dessein.

 

les augures d’innocence de William Blake

Voir un Monde dans un Grain de sable 

Un Ciel dans une Fleur sauvage 

Tenir l’Infini dans la paume de la main 

Et l’Éternité dans une seconde.

 

la rencontre du 14 juillet 1930 entre Einstein et Tagore, près de Berlin; la religion du poète est à lire en complément du livre de Deepak Chopra;  avec la langue des poètes, avec sa propre langue, Tagore développe la même intuition, l'Unité sous la multitude
la rencontre du 14 juillet 1930 entre Einstein et Tagore, près de Berlin; la religion du poète est à lire en complément du livre de Deepak Chopra;  avec la langue des poètes, avec sa propre langue, Tagore développe la même intuition, l'Unité sous la multitude
la rencontre du 14 juillet 1930 entre Einstein et Tagore, près de Berlin; la religion du poète est à lire en complément du livre de Deepak Chopra;  avec la langue des poètes, avec sa propre langue, Tagore développe la même intuition, l'Unité sous la multitude
la rencontre du 14 juillet 1930 entre Einstein et Tagore, près de Berlin; la religion du poète est à lire en complément du livre de Deepak Chopra;  avec la langue des poètes, avec sa propre langue, Tagore développe la même intuition, l'Unité sous la multitude

la rencontre du 14 juillet 1930 entre Einstein et Tagore, près de Berlin; la religion du poète est à lire en complément du livre de Deepak Chopra; avec la langue des poètes, avec sa propre langue, Tagore développe la même intuition, l'Unité sous la multitude

Au début de son livre, Deepak Chopra raconte la rencontre entre Einstein et Tagore.

Le 14 juillet 1930, Albert Einstein a accueilli dans sa maison à la périphérie de Berlin, le philosophe indien, musicien, lauréat du prix Nobel, Rabindranath Tagore.

Les deux ont eu une des conversations les plus stimulantes intellectuellement de l’histoire, en explorant le lien entre science et religion, mais surtout qu’est-ce que la réalité et la vérité?

Le choc entre la spiritualité indienne et le génie d’Einstein…

Voici un extrait de cette conversation :


Croyez-vous que le divin est en dehors du monde?

 

Pas en dehors. La personnalité infinie de l’homme est incluse dans l’Univers. Ça ne peut pas être quelque chose qui n’appartient pas à la personnalité humaine, et cela prouve que la vérité de l’univers est la vérité humaine.

J’ai pris un fait scientifique pour expliquer cela – La matière est composée de protons et d’électrons, avec des espaces entre eux; mais la matière semble être solide. De même l’humanité est composée d’individus, mais ils sont interconnectés, ce qui donne une unité vivante dans le monde de l’homme. L’univers entier est lié avec nous d’une manière similaire, c’est un univers humain. Je poursuis cette pensée à travers l’art, la littérature et la conscience religieuse de l’homme.

 

Il y a deux conceptions différentes sur la nature de l’univers: (1) Le monde comme une unité dépendante de l’humanité. (2) Le monde comme une réalité indépendante du facteur humain.

 

Quand notre univers est en harmonie avec l’homme, avec l’éternel, nous savons ce qu’est la vérité, nous sentons la beauté.

 

 

Ceci est la conception purement humaine de l’univers.

 

Il ne peut y avoir aucune autre conception. Ce monde est un monde humain – le point de vue scientifique, c’est aussi celui de l’homme de science. C’est une norme issue de la raison et du plaisir que lui donne la Vérité, la norme de l’Homme éternel dont les expériences sont filtrées par nos expériences.

 

Ceci est une réalisation de l’entité humaine.

 

Oui, une entité éternelle. Nous devons nous réaliser à travers nos émotions et nos activités. Nous avons réalisé l’Homme suprême qui n’a pas de limite individuelle par le biais de nos limites. La science est préoccupée par ce qui ne se limite pas à des individus; il est le monde humain impersonnel des vérités. La religion réalise ces vérités et relie entre eux nos besoins les plus profonds; notre conscience individuelle de la vérité gagne une signification universelle. La religion applique les valeurs à la vérité, et nous savons que cette vérité est bonne à travers notre propre harmonie avec elle.

 

 

La vérité ou la Beauté n’est pas indépendante de l’Homme?

 

Non!

 

S’il n’y avait pas d’êtres humains, l’Apollon du Belvédère ne serait pas plus beau.

 

Non!

 

Je suis d’accord à l’égard de cette conception de la beauté, mais pas à l’égard de la vérité.

Pourquoi pas? La vérité est réalisée par l’homme.

 

 

Je ne peux pas prouver que ma conception est bonne, mais c’est ma religion.

 

La beauté est dans l’idéal de l’harmonie parfaite qui est dans l’être universel; la vérité de la parfaite compréhension de l’esprit universel. Nous approchons des personnes à travers nos propres erreurs et maladresses, à travers nos expériences accumulées, à travers notre conscience illuminée – comment sinon pouvons-nous connaître la vérité?

 

Je ne peux pas prouver scientifiquement que la vérité doit être conçue comme une vérité qui est valable indépendante de l’humanité; mais je le crois fermement. Je crois, par exemple, que le théorème de Pythagore en géométrie affirme quelque chose qui est  vrai, indépendamment de l’existence de l’homme. Quoi qu’il en soit, s’il y a une réalité indépendante de l’homme, il y a aussi une vérité par rapport à cette réalité; et de la même façon, la négation du premier engendre une négation de l’existence de ce dernier.

 

 

La vérité, qui est l’un avec l’Être universel, doit être essentiellement humaine, sinon tout ce que les individus réalisent aussi vrai ne peut jamais être appelé vérité – au moins la vérité qui est décrite comme scientifique et qui ne peut être atteint à travers le processus de la logique, en d’autres termes, par un organe de la pensée qui est humaine. Selon la philosophie indienne, c’est Brahman, la Vérité absolue, qui ne peut être conçu par l’isolement de l’esprit individuel ou décrit par des mots, mais ne peut être réalisé en fusionnant complètement l’individu dans son infinité. Mais une telle vérité ne peut pas appartenir à la science. La nature de la Vérité dont nous parlons est un aspect – c’est-à-dire, ce qui semble être fidèle à l’esprit humain et par conséquent est humain, et peut être appelé Maya ou l’illusion.

 

Donc, selon votre conception, qui peut être la conception indienne, ce n’est pas l’illusion de l’individu, mais de l’humanité dans son ensemble.

 

 

Les espèces appartiennent aussi à une unité, à l’humanité. Par conséquent tout esprit humain réalise la Vérité; l’Indien ou l’esprit européen se rencontrent dans une réalisation commune.

 

Le mot espèce est utilisé en allemand pour tous les êtres humains, en fait, même les singes et les grenouilles devraient être inclus.

 

 En science, nous passons par cette discipline pour éliminer les limites personnelles de nos esprits individuels et ainsi atteindre la compréhension de la vérité qui est dans l’esprit de l’homme universel.

 

Le problème commence si la Vérité est indépendante de notre conscience.

 

 

Ce que nous appelons la vérité réside dans l’harmonie rationnelle entre les aspects subjectifs et objectifs de la réalité, qui tous deux appartiennent à l’homme superpersonnel.

 

Même dans notre vie de tous les jours nous nous sentons obligés d’attribuer une réalité indépendante de l’homme aux objets que nous utilisons. Nous faisons cela pour relier les expériences à nos sens d’une manière raisonnable. Par exemple, même si personne ne se trouve pas dans cette maison, le tableau reste encore où il est.

 

Oui, il reste en dehors de l’esprit individuel, mais pas l’esprit universel. Le tableau que je perçois est perceptible par le même genre de conscience que je possède.

 

Si personne n’était dans la maison, la table existerait quand même – mais cela n’a pas de valeur de votre point de vue – parce que nous ne pouvons pas expliquer la signification de la présence de la table, indépendamment de nous.

Notre point de vue naturel en ce qui concerne l’existence de la vérité en dehors de l’humanité ne peut pas être expliqué ou prouvé, mais il y a une croyance que personne ne peut oublier – pas même les êtres primitifs. Nous attribuons à la vérité de l’objectivité d’un superhumain; il est indispensable pour nous que cette réalité soit indépendante de notre existence et de notre expérience et de notre esprit – même si nous ne pouvons pas comprendre sa signification.

 

 La science a prouvé que la table comme un objet solide est une apparence et donc ce que l’esprit humain perçoit comme une table n’existerait pas si cet esprit était absent. Dans le même temps, il faut admettre que le fait que la réalité physique ultime n’est rien, mais une multitude de vibrations séparées de force électrique appartiennent aussi à l’esprit humain.

Dans l’appréhension de la vérité, il y a un conflit éternel entre l’esprit humain universel et le même esprit confiné dans l’individu. Le processus de réconciliation est en cours entre la science, la philosophie, l’éthique… En tout cas, s’il y avoir une vérité absolue, elle n’a rien à voir avec l’humanité alors pour nous, elle est absolument non-existante.

Il n’est pas difficile d’imaginer un esprit dans lequel les choses ne se passent pas dans l’espace, mais seulement dans le temps comme la séquence de notes de musique. Pour un tel esprit, cette conception de la réalité est proche de la réalité musicale dans laquelle la géométrie de Pythagore ne peut avoir aucun sens. C’est la réalité du papier, infiniment différente de la réalité de la littérature. Pour l’esprit possédé d’une mite qui mange le papier, la littérature est absolument inexistante, mais pour l’esprit de l’homme la littérature a une plus grande valeur de la vérité que le papier lui-même. D’une manière similaire, s’il y avoir une certaine vérité qui n’a aucun rapport avec ses sens ou rationnel à l’esprit humain, elle restera toujours comme inexistante tant que nous resterons des êtres humains.

 

Alors je ne suis pas plus religieux que vous l’êtes!

 

Ma religion est dans le rapprochement de l’Homme superpersonnel, l’esprit humain universel, dans mon propre être individuel.

Tiré du livre : Science et tradition indienne

 
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Le fabuleux pouvoir de vos gènes/Deepak Chopra

Rédigé par grossel Publié dans #notes de lecture, #agoras, #développement personnel

deux livres stimulants, accessibles, sans concessions
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Le fabuleux pouvoir de vos gènes

Deepak Chopra, 2016

Livre de 384 pages, le fabuleux pouvoir de vos gènes demande de l'attention et de la persévérance. J'ai mis plusieurs semaines à le lire parce que je me suis essayé à effectuer un certain nombre de choix faciles dans différents domaines, alimentation, activités, méditation... Ce sont des choix pour la vie, il n'y a donc pas lieu de se précipiter, il faut évaluer ce qui nous convient. Ce n'est pas un livre de prescriptions, c'est un livre de conseils que chacun est libre de suivre selon ses besoins, ses désirs, ses buts. Il y a donc lieu de faire le point, une sorte de bilan, un peu comme le dit l'inscription d'un cadran solaire non loin de chez moi : si tu ne sais pas où tu vas, arrête-toi, fais la pause et regarde d'où tu viens.

Je ne vais pas décrire mes choix et décisions. Chacun doit les faire pour lui-même s'il est convaincu de l'intérêt profond de ce qui est proposé. Que ces choix et décisions soient complètement fondés scientifiquement, rien n'est moins sûr. Mais la probabilité est grande. Et surtout, le fait de croire aux effets positifs de ce que l'on décide se suffit comme le prouve le fameux effet placebo. Nos convictions, croyances sont agissantes.

Avec ce livre, il en est de même avec le précédent, le fabuleux pouvoir de votre cerveau, Deepak Chopra fait le point sur ce que nous savons, met en question les hypothèses, évalue les effets possibles de ce savoir évolutif sur les gènes. C'est une somme, vivante, non une bible, sur les usages possibles au quotidien d'un savoir récent, en construction, qui met à mal nombre de certitudes, de lieux communs nous venant d'un savoir précédent, devenu obsolète en grande partie, mais qui continue à être colporté, diffusé, partagé. La réactivité de la "communauté" scientifique aux avancées techniques, scientifiques est freinée par des lourdeurs, des enjeux de prestige, de profit, par des cabales, des résistances dogmatiques. La réactivité de la société est bien entendue en résonance avec celle de la "communauté" scientifique, « communauté » étant un euphémisme. Selon le niveau de culture, le statut socio-professionnel et autres déterminations plus ou moins agissantes, les groupes et les individus seront plus ou moins en phase ou plus ou moins en décalage avec l'état actuel des connaissances, avec l'état actuel des polémiques, avec l'état actuel des incertitudes.

Au sortir de ce livre, ce qui domine pour moi est l'impression d'avancées, de percées aux potentialités considérables mais aussi le sentiment que nos savoirs sont plein d'incertitudes, qu'ils ne sont pas acquis durablement, qu'ils sont instables. Il faut donc avoir une curiosité scientifique inlassable, hélas difficile, imposssible à satisfaire car les domaines concernés sont très spécialisés, que les spécialistes sont souvent seuls à se comprendre, que la vulgarisation n'existe pas ou peu, que les passeurs de ces savoirs évolutifs, voire révolutionnaires, sont rares. Autrement dit, l'objectif de vivre avec son temps, avec son temps scientifiquement parlant, qu'il s'agisse de nous, notre corps, notre esprit, qu'il s'agisse de la Terre, de l'Univers, est un objectif inatteignable mais auquel, pour ma part, je préfère ne pas renoncer. Me voir et me vivre selon ce que nous savons aujourd'hui de nous, vivre dans un Univers selon ce que nous en savons aujourd'hui me semble une tentative difficile mais aux effets bénéfiques, en tout cas préférables aux effets sclérosants des modèles précédents obsolètes ou en cours d'obsolescence. Et pour tout dire, je préfère passer une partie de mon temps à me mettre au courant (expression intéressante) de l'état actuel des recherches qu'à m'indigner en permanence des histrions qui occupent le devant de la soi-disant scène qui compte.

Obsolète, la séparation inné-acquis. Obsolète, l'ADN, signature immuable d'un individu. Obsolète, la démarche par causalité linéaire : un symptôme, une « maladie », un traitement. Obsolète probablement, le darwinisme pur et dur confiant au hasard seul, le moteur de l'évolution.

À reconsidérer, les rapports corps-esprit ou corps-mental. Le rôle, la place de la mémoire, des mémoires (le domaine à mon avis, le plus important comme le montre l'ADN, mémoire vivante, agissante en permanence de 3,5 milliards d'années d'évolution, c'est cette mémoire qui est à considérer comme intelligence créatrice, évolutive; l'IA -intelligence artificielle- a beaucoup à nous apprendre sur comment un système se corrige, se développe...). À reconsidérer, nos croyances sur la mort, les représentations que nous en avons. Faire appel à de nouveaux outils, concepts et réalités, la causalité nébuleuse, l'intelligence auto-organisationnelle par rétro-action, feed-back, homéostasie, le génome et sa plasticité, l'épigénome et ses capacités réparatrices ou destructrices découvertes par l'épigénétique selon qu'il y a activation ou désactivation par méthylation , le microbiome (les milliards de bactéries, plus nombreuses que nos cellules qui nous colonisent, très lointaines ou très anciennes et sans lesquelles nous ne pourrions digérer et nous défendre...) et ses interactions au plus petit niveau avec nos cellules. Admettre que nos corps fonctionnent bien, en harmonie, que nous n'avons presque qu'à laisser faire, sauf dans les domaines essentiels de l'alimentation, du sommeil, du stress, de l'activité physique, de l'environnement dans lequel nous vivons, que les dérèglements sont rares, peuvent être partiellement prévenus par une bonne hygiène et qualité de vie, la diversité des cellules et des organes n'étant pas régie par la seule loi de la survie pour chacune et chacun, auquel cas ce serait la guerre permanente en nous mais aussi par une autre loi, le service de l'ensemble, le vivre ensemble si je puis dire, chacun restant spécialisé mais en lien avec le reste, avec l'ensemble, ce n'est pas seulement chacun pour soi, c'est chacun pour tous (à relever le fait que cette diversification, cette spécialisation des cellules et des organes, 79 organes dans le corps humain dont un vient d'être découvert et nommer - il s'appelle le mésentère et est situé dans le système digestif, reliant l'intestin aux parois abdominales, on ne connaît pas encore ses fonctionns -; cette diversification est obtenue à partir d'une cellule qui se divise par mitose, 2 donnent 4 puis très vite on est à des milliards, d'où problème métaphysique, l'indéfiniment grand est-il engendré par division de l'unité ou faut-il postuler l'infini pour en dériver tout ce qui est fini, comptable ?). Ne pas s'énerver quand des paradoxes surgissent et ils sont nombreux, contribuant à nous déstabiliser. Porter un regard différent, nouveau sur nos maladies, l'Alzheimer (pour se faire une idée de comment on a avancé dans ce domaine, on lira L'éclipse de Rezvani où celui-ci décrit avec force détails, sorte de confession implacable, le développement de la maladie chez sa femme, Lula), les cancers, le diabète, l'obésité, nos dépressions. Ne pas croire à la toute puissance de nos choix de vie. Ne pas croire à leur inutilité pour retomber dans les mêmes compulsions de répétition. Avoir plutôt une approche holistique, corps-esprit, une approche tenant compte du contexte environnemental (vit-on en zone fortement polluée ou a-t-on la chance d'y échapper partiellement, ai-je échappé au nuage de Tchernobyl ou pas ?), interrogeant les comportements, remontant dans la psycho-généalogie pour découvrir de possibles héritages par transmission sans doute épigénétique après avoir été culturels et familiaux, une approche consciente de l'impact des mémoires qui nous constituent, donc des durées historiques dont nous sommes les héritiers et les passeurs. Je pense même qu'il faut élargir cette conscientisation jusqu'aux étoiles dont nous sommes des poussières.

Évidemment, je dis tout cela avec mes mots, pour me rendre accessible ce que j'ai retiré de ce livre stimulant, offrant un nombre important de nouvelles connaissances, portant sur la place publique les différends traversant la « communauté » scientifique dont l'ultime différend, métaphysique, primat de la matière, du hasard créateur, option matérialiste dominante chez les scientifiques, primat de la Conscience, d'une Intelligence créatrice, option spiritualiste, minoritaire chez les scientifiques, (il ne semble pas nécessaire de considérer cette Intelligence comme ayant à voir avec « Dieu », avec le créationnisme; comme je l'ai signalé plus haut, je pense que c'est la mémoire qui se constitue, qui se transmet, qui évolue, qui s'adapte, le moteur de cette intelligence créatrice). J'opte pour un mixte des deux, pour une approche corps-esprit, étroitement reliés.

Un exemple de la fécondité de cette approche. L'ADN de chacune de nos cellules, déplié, fait 2,5 m. Sont mémorisés 3,5 milliards d'années d'évolution des espèces avec 4 lettres A, C, G, T enroulés en double hélice, ingéniosité de stockage, ingéniosité de reproduction, de réparation... Par exemple, le chromosome1 humain, qui est le plus grand des chromosomes humains, contient environ 220 millions de paires de bases pour une longueur linéaire de 7 cm. L'ADN recèle toute l'information génétique permettant aux êtres vivants de vivre, de croître et de se reproduire. Certains constituant de l'ADN, l'adénine, la guanine semblent avoir été formés dans l'espace. Cette mémoire n'est pas une mémoire figée, c'est une mémoire évolutive dans le temps, l'évolution continuant, évolution dont on peut penser qu'elle s'accélère avec ce que l'épigénétique nous apprend, à savoir que des modifications acquises de comportements, transmises culturellement sont, dès une ou deux générations, aussi transmises épigénétiquement, transmission dont on ne sait pas dire encore sur combien de générations elle s'effectuera. Ces découvertes modifient l'approche inné-acquis, obligent à reconsidérer les rapports nature-culture (pour le dire clairement, il y a une intelligence créatrice de la nature, de l'univers, de la vie, du corps qui est sans doute sous-estimée par rapport à l'importance accordée à l'éducation, à la culture comme vecteurs de transmission; la tentation cartésienne, l'homme maître de la nature, est toujours dominante; humilité SVP; les mémoires de la Vie sont autrement plus efficaces que cette "mémoire" qu'on appelle Histoire, leçons de l'histoire; l'homme en société n'est pas capable pour le moment de s'auto-réguler, s'auto-corriger; des individus par démarche personnelle évoluent considérablement; un mouvement de fond semble se dessiner mais évidemment les accrocs au fric et au pouvoir veulent se servir au passage d'où le développement de toutes sortes de techniques et stages de bien-être). Cette mémoire est agissante à tout instant car les cellules meurent plus ou moins vite, certaines très rapidement, de l'ordre de la seconde, cellules gastriques par exemple, et donc elles doivent se reproduire à l'identique, se répliquer quasi en permanence (nous avons un corps nouveau, le même et un autre tous les 5 ou 6 mois). Autre information et non des moindres, notre ADN a une durée de vie d'1 million et demi d'années après notre mort. Le clonage a de beaux jours devant lui et donc une certaine immortalité. On ne s'explique pas autrement les recherches à visée très messianiques et lucratives de géants de l'IA comme Google et d'autres. Dernière information: seulement 10% de notre ADN est utilisé pour la fabrication de protéines. C'est ce sous-ensemble d'ADN qui intéresse les chercheurs occidentaux et qui est actuellement examiné et catégorisé. Les autres 90% sont considérés comme de l'ADN junk, l'ADN poubelle dit Deepak Chopra. Cependant, les chercheurs Russes, convaincus que la nature n'est pas stupide, ont rejoint les linguistes et les généticiens en entreprenant d'explorer ces 90% de d'ADN poubelle. Leurs résultats et conclusions sont tout simplement révolutionnaires ! (voir le 1° article en lien ci-dessous).

L'ADN étant utilisé par les êtres vivants pour stocker leur information génétique, certaines équipes de recherche l'étudient comme support destiné au stockage d'informations numériques au même titre qu'une mémoire informatique. Les acides nucléiques présenteraient en effet l'avantage d'une densité de stockage de l'information considérablement supérieure à celle des médias traditionnels avec une durée de vie également très supérieure. Il est théoriquement possible d'encoder jusqu'à deux bits de données par nucléotide, permettant une capacité de stockage atteignant 455 millions de téraoctets par grammes d'ADN monocaténaire demeurant lisibles pendant plusieurs millénaires y compris dans des conditions de stockage non idéales; à titre de comparaison, un DVD double face double couche contient à peine 17 gigaoctets pour une masse typique de 16 g, soit une capacité de stockage 400 milliards de fois moindre par unité de masse.

Prospective personnelle. Il me semble qu'on peut aborder le paradoxe never more, for ever sous l'angle de la mémoire. Tout ce que nous vivons d'immatériel, ce que nous pensons, éprouvons, ressentons, tout cela passe, ne reviendra pas, est passé une fois pour toutes, never more; il n'y a que l'instant présent en déduisent certains, vivons l'instant présent devient un mot d'ordre, rétrécissant, réducteur. Or, il sera toujours vrai que ce qui a passé a eu lieu, for ever, il sera toujours vrai que mon amour pour toi au jour le jour, instant par instant, a duré 50 ans. Outre que je m'en souviens avec plus ou moins de fidélité (en réalité nos mémoires construisent des fictions, des légendes; les chercheurs montrent aujourd'hui que se souvenir c'est se tromper), la mémoire au jour le jour de cet amour existe. Il en est de même de tout ce que j'ai pensé, éprouvé, ressenti, de mon premier cri à mon dernier souffle. J'écris donc un livre non pas d'éternité mais d'immortalité, infalsifiable, véridique, pas écrit d'avance ni utilisé pour un quelconque jugement dernier, livre que je rends en rendant l'âme, expression à revisiter en dehors de toute référence religieuse. Où est stocké ce livre d'immortalité ? Filant la métaphore du livre, on imagine une bibliothèque de tous les livres de chacun, une Babel cosmique. Il me semble que ce livre qui s'écrit instant après instant doit se mémoriser instant après instant dans notre cerveau, dans 4 neurones de notre hippocampe (4 neurones suffisent vu ce que j'ai dit plus haut sur la capacité de stockage dans les nucléotides), peut-être même se mémoriser épigénétiquement. Mais je ne suis pas un chercheur, seulement un questionneur.

J'espère vous avoir donné l'envie de faire votre usage personnel d'un livre qui peut permettre de vivre sa vie, autrement, « mieux », plus sereinement, plus responsablement, de façon plus élargie (le corps comme enveloppe est une notion un peu trop limitée, de même le corps comme machine, on est, on n'est qu'échanges, vie et mort cellulaire en permanence, toujours le même, toujours renouvelé), plus ouverte (sur les autres, à appréhender comme personnes plus que comme groupes, foules, masses, sur la Terre comme auto-organisation de mondes se survivant (la loi du plus fort, la loi du mieux adapté) et en même temps inter-dépendants (la chaîne alimentaire, les éco-systèmes...), l'univers comme le grand milieu ayant rendu possible sous certaines conditions et constantes, la Vie, vivre de façon plus consciente et plus libre, plus créative, plus intelligente, comme un Grand Jeu.

Mais ne soyez pas dupe de la présentation dithyrambique de l'éditeur :

« Selon les auteurs du best-seller Le fabuleux pouvoir de votre cerveau, contrairement à une croyance profondément ancrée, nous ne subissons pas nos gènes : nous pouvons en tirer parti. Les perspectives soulevées par la génétique nouvelle sont palpitantes. Vous découvrirez dans cet ouvrage comment influencer vos gènes de manière à transformer votre vie comme vous le souhaitez. Car vos gènes sont dynamiques et réagissent à tout ce que vous pensez, dites et faites.
Les Drs Deepak Chopra et Rudolph Tanzi vous indiquent les éléments clés pour ne plus subir votre patrimoine génétique : alimentation, sport, méditation, sommeil et gestion du stress et des émotions, tels sont les leviers que tout un chacun peut utiliser pour obtenir des effets sans précédent sur la prévention de la maladie, l’immunité, le vieillissement et les troubles chroniques.
• ouvrage révolutionnaire, qui prend le contre-pied de croyances obsolètes dans les milieux scientifiques et au sein du grand public
• ouvrage à la pointe de la science, mais très accessible à un public non averti
• des clés pratiques et éprouvées pour agir sur ses gènes et sa vie
• des connaissances illustrées par des récits touchants et bien réels
• ouvrage bénéficiant du soutien d’une partie de la communauté scientifique ».


Jean-Claude Grosse, 4 janvier 2017

 

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Le corps quantique / Deepak Chopra

Rédigé par grossel Publié dans #notes de lecture, #développement personnel

le corps quantique, collection J'ai lu
le corps quantique, collection J'ai lu

le corps quantique, collection J'ai lu

Le corps quantique

de Deepak Chopra

 

C'est grâce à une amie virtuelle de FB devenue amie réelle dans la vie que j'ai découvert Deepak Chopra lorsqu'elle m'a offert Le livre des coïncidences.

Je suis sensible aux coïncidences. Peut-être même que je les favorise. Lanceur de fils d'une part, réceptionniste de fils d'autre part, telle est « ma » toile d'araignée. Quand on voit une araignée tisser sa toile, quand on voit la toile au vent, sous la pluie, la rosée éclairée par le soleil levant ou couchant, quand on voit un insecte s'engluer dans la toile, on est sans doute métaphoriquement parlant, assez près de la texture de la vie et de la mort. La vie comme tissage, la mort comme déchirure.

Depuis Le livre des coïncidences, j'ai lu La vie après la mort, Le corps quantique, Le fabuleux pouvoir de votre cerveau, Le fabuleux pouvoir de vos gènes. Tous sont passionnants. Le corps quantique déjà ancien (1989) est actualisé par le livre sur le cerveau (fin 2013) et par celui sur les gènes (avril 2016).

La lecture du corps quantique est une expérience d'éveil. Ça ouvre des perspectives, met en perspective, oblige à revoir quantité de certitudes. Ça remet en mouvement.

La démarche de Deepak Chopra me semble honnête. Il définit ses notions, indique quand il se heurte à des absences d'explications, idem d'ailleurs pour les limites de la médecine scientifique, il émet des hypothèses, étayées sur des enquêtes reconnues par le milieu scientifique, sur des cas cliniques. Il n'oppose pas médecine moderne et médecine ayurvédique (médecine traditionnelle indienne, vieille de plusieurs millénaires) mais repère bien les blocages de l'institution médicale. Devant un cas inexplicable, ne rentrant pas dans les statistiques, la science l'évacue. Miracle, inexplicable, donc à ne pas interroger. Les moyens doivent rester concentrés sur la majorité des cas.

Et c'est ainsi que la science, l'industrie pharmaceutique, l'université se ferment à des remises en question au nom d'un darwinisme pur et dur, une sélection naturelle seulement régie par le hasard, au nom d'un matérialisme plutôt simpliste, de type mécaniste (le corps est une machine, une maladie a une cause et un traitement) fonctionnant selon une causalité unique, une cause, un effet. Les conséquences de ces dogmes sont énormes en termes de santé publique, de santé individuelle, de rentabilité économique. Pas question de s'interroger sur ce qu'on appelle, terme pratique, les effets secondaires des médicaments ou des traitements dont certains sont dits lourds. Comme nous ne sommes pas à l'échelle de ce qui se passe, nous ne voyons rien, nous ne sentons rien, dans l'immédiat. On somnole. Ça on l'éprouve. Notre système immunitaire a été attaqué, on s'en rendra compte plus tard, trop tard.

Dans la médecine moderne, la maladie a une cause et un traitement. Le patient est rarement pris en compte dans sa complexité et sa globalité, son mode de vie, son histoire personnelle, ses traumatismes, ses souffrances cachées...

De plus en plus de gens se détournent de cette médecine mécaniste, déterministe, en plus peu bienveillante, peu compassionnelle, parfois maltraitante : les brutes en blouses blanches. On voit se développer d'autres médecines, alternatives, douces, ayurvédiques, des techniques diverses de bien-être, des approches holistiques de la personne, du corps, de la maladie. De plus en plus de connaissances sont mises à notre disposition, souvent vulgarisées, non étayées, simplement affirmées donc déjà présentées comme dogmes (avec les régimes pour maigrir, on a un champ immense de manipulation, pareil avec les maladies liées au mauvais cholestérol, l'arnaque sans doute du siècle), souvent aussi sources de profits. La masse de connaissances proposées est considérable, éclectique et il est difficile sans doute de trier. Des modes se développent, ensuite critiquées, abandonnées pour de nouvelles modes. Alimentation sans gluten, une des dernières modes comme avant, le régime Dunkan. Pour ma part, je suis prudent. J'opte pour la simplicité.

Évidemment, Deepak Chopra n'échappe pas à cette accusation de faire du profit, en devenant dit-on le gourou de la santé. Je ne suis pas tenté de suivre ses détracteurs car son évocation de cas auxquels il a eu affaire montre son humanité qu'il ait réussi ou échoué. Il sait parler de « ses » patients, il sait leur parler.

Deepak Chopra vient de deux mondes, celui du védanta à travers l'influence qu'a eu sur lui Maharishi qui l'a initié à la méditation transcendantale et à l'ayurvéda, et le monde de la médecine de pointe, celle qui travaille aux plus petits niveaux, molécules, gènes, cellules. Il sait mettre à notre disposition, nombre de connaissances d'aujourd'hui sur le corps humain, le cerveau, le patrimoine génétique. À le lire, on peut être effrayé car si on est au niveau de l'infiniment petit, on est aussi en présence de très grands nombres, l'indéfini qui n'est pas l'infini; l'infiniment petit pullule. Les bactéries qui colonisent notre système digestif se chiffrent par milliards. Elles sont le résultat de l'évolution sur 3,5 milliards d'années. Elles ne sont pas nos ennemies, nous sont nécessaires. Petit à petit, on découvre que ce corps change, se renouvelle, que notre corps est neuf tous les 3 mois (les cellules gastriques ont une durée de vie de quelques minutes mais et c'est intéressant à noter, une mémoire fantôme semble se transmettre des cellules qui meurent aux cellules qui naissent, ce qui expliquerait l'effet yoyo des régimes; je ne parle pas de phénomènes qu'on appelle avec Jean-Claude Ameisem la sculpture du vivant à travers le phénomène de suicide collectif et organisé de cellules appelé l'apoptose), que même nos neurones, contrairement à ce qu'on croyait, se renouvellent, que donc le gâtisme n'est pas programmé génétiquement.

La plupart des médecins vont opter pour l'explication par la programmation génétique, nouveau mot pour destin, nouvelle forme du déterminisme, c'est inscrit dans vos gènes. L'ADN, l'ARN sont incroyablement astucieux et complexes, souples, plastiques. L'ADN c'est 3,5 milliards d'années d'évolution mémorisés. Cette mémoire active, en double hélice, dépliée, mesurerait 1,5 m par cellule à multiplier par 50 billions de cellules du corps (1 billion =1000 milliards). À notre mort, notre ADN a une durée de vie de 1,5 millions d'années de quoi nous cloner longtemps encore après cet événement, peut-être à penser différemment que comme un retour à la poussière, belle métaphore peut-être obsolète ou à réinterpréter. L'idée que la mort de nos cellules puisse être programmée par l'organisme lui-même, et non résulter d'agressions externes, ne s'est imposée que très récemment... Mais elle a tout changé dans nos conceptions de l'apparition de la vie, du développement, des maladies et du vieillissement. Comprendre qu'un embryon est autant dû à une prolifération qu'à une destruction massive de cellules, ou qu'un cancer puisse être causé par l'arrêt des processus de suicide cellulaire, c'est voir le vivant sous un jour nouveau. Et on est effaré de découvrir la plasticité du génome d'une part, l'émergence de l'épigénome d'autre part, particulièrement apte à se modifier, s'adapter. À tel point que la distinction inné-acquis elle-même est mise en question puisque de l'acquis devient de l'inné. La très ancienne distinction matière-esprit en prend un coup aussi. L'effet placebo est instructif à cet égard puisque des médicament neutres présentés comme actifs opèrent sur les gens qui les absorbent. Le pouvoir de l'auto-suggestion ou de la suggestion n'est pas négligeable, l'hypnose en étant un autre exemple. De là à se demander qui pense ? L'esprit ou le cerveau ?

On voit les enjeux métaphysiques de ce cheminement. Pas de preuves mais des argumentations. Et libre à nous de nous convaincre de la force, de la vérité de ces arguments, de ces hypothèses. Il semble que la simple croyance en des effets bénéfiques suffise à avoir les effets souhaités. Par exemple, dualité ou unité ? Dualité corps-esprit ou unité corps-esprit. Aujourd'hui, des médecines corps-esprit se développent où l'on fait intervenir les décisions, les désirs, la volonté du patient, où l'on met en pratique certaines techniques comme la méditation quotidienne, le son primordial, la visualisation, la technique de félicité. La question qui se pose ici est qu'est-ce qui est premier ? La matière ou l'esprit. On les sait complémentaires aujourd'hui mais le matérialisme semble un peu court pour rendre compte de ce que nous disent certains cas de rémission, de guérisons paraissant miraculeuses. C'est là que Deepak Chopra fait intervenir la physique quantique avec ses paradoxes comme l'intrication ou le saut quantique sans oublier ce que les théories cosmologistes sont amenés à nous proposer, en particulier sur le vide quantique, ses potentialités, ses virtualités pouvant devenir à l'occasion d'une singularité, un univers, des bulles d'univers. Ce que l'on appelle l'effet papillon pourrait illustrer ce qui se joue là : un battement d'ailes de papillon au Japon provoque un tremblement de terre en Amérique Latine ; une décision de changement d'hygiène de vie provoque un renouveau du métabolisme, de nouvelles expériences entraînent des connexions nouvelles, des synapses inédites, une mobilisation du système immunitaire inattendue...

La dernière question de nature métaphysique qui se pose est où se situe la réalité, nous est-elle extérieure ? notre conscience passive en prenant acte à travers nos sens ? Ou nous est-elle intérieure, est-elle produite par notre conscience active ? Deepak Chopra distingue 4 niveaux de conscience, la veille, le sommeil, le rêve et le 4° état de conscience qui semble être comme un branchement sur une Conscience universelle, éternelle, infinie, état accessible rarement, demandant préparation. Des schémas simples accompagnent les propos de Deepak Chopra mais je ne les trouve guère parlants. Par contre d'autres métaphores me semblent parlantes, celle de l'aimant et de la limaille de fer. Il faut une feuille de papier sur l'aimant pour que la limaille se dispose selon le champ magnétique terrestre. La feuille de papier est l'intermédiaire nécessaire à cette émergence.

Devant l'extraordinaire agencement de notre corps, avec ses organes, tous oeuvrant à nous maintenir en vie, à nous faire vivre, avec ses capacités spontanées à surmonter d'innombrables agressions, pensons à la coagulation du sang lors d'une blessure, ou sus à l'intrus quand des processus cancérigènes se mettent en place et c'est très fréquent et c'est très rare que ces processus réussissent, on est bien obligé de se demander si cela est le résultat du hasard créateur cher à Marcel Conche ou s'il n'y a pas une intelligence créatrice, rendant intelligents les organes comme les reins, le foie, le pancréas, le cœur, sans parler du cher cerveau que TF1 veut rendre disponible pour Coca Cola, rendant intelligentes les cellules, toutes issues d'une mitose originelle, cellules différenciées et spécialisées, à durée de vie très limitée mais renouvelées par l'ARN sur ordre de l'ADN. Dernier point : cette intelligence créatrice n'est-elle pas à l'oeuvre partout, à partir du vide quantique, à partir du silence auquel on accède par la méditation, laissant advenir l'état de félicité dans le champ de la Conscience.

M'étonnant de l'absence de l'eau dans la démarche de Chopra, je complète par le rôle majeur de celle-ci dans notre corps. Dans le ventre maternel, notre vie commence dans l'eau. Par la suite, l'eau diversifie ses fonctions. Elle devient tout à la fois transporteur, éboueur, énergéticien, penseur et messager... Elle nous aide à respirer et à nous protéger des microbes. Mais avant tout, l'eau est d'abord... architecte. Incroyable paradoxe: nous tenons debout parce que nous sommes faits d'eau ! Transporteur. L'eau transporte globules, nutriments qu'elle élimine, récupère et recycle notamment pendant la digestion. Elle transporte jusqu’au cœur des cellules un certain nombre de substances qui leur sont indispensables, comme les sels minéraux par exemple. S'agit-il de respirer, l'eau transporte globules rouges et dissout les gaz. Energéticien. Elle participe aux nombreuses réactions chimiques dont notre corps est en permanence le siège. L’eau joue donc un rôle considérable dans le fonctionnement de notre corps. Elle intervient dans la régulation thermique et aide au maintien d’une température constante à l’intérieur du corps par le biais de la transpiration. Policier ( protection). Pour protéger notre corps, elle supporte les globules blancs et les anticorps. Penseur et messager. Elle fabrique les ions nécessaires au système nerveux. 82 % de notre cerveau est composé d'eau et cette dernière transmet les influx nerveux et les hormones. Eboueur. Elle participe au « nettoyage » de l’organisme en facilitant le travail des reins et l’évacuation urinaire des déchets du métabolisme. Architecte. L'eau fabrique nutriments, globules, cellules... elle irrigue la peau. Elle structure la matière vivante grâce aux mécanismes hydrophiles et hydrophobes liés à la molécule H2O. Outre d'être le constituant essentiel des cellules (40 %), l'eau occupe l'espace intercellulaire, servant de réserve aux cellules et aux vaisseaux sanguins. Le reste est contenu dans le sang et la lymphe, et circule en permanence dans tout l'organisme. 45 litres d'eau pour un corps de 70 kilos.

Je ne suis pas trop sûr d'avoir été fidèle à Deepak Chopra dans cette note de lecture. J'ai tenté de dire avec mes mots, sans citations, ce que je crois avoir perçu de sa double approche, scientifique et védique. Ce que je sais, c'est que ces livres passionnants, difficiles, sont à relire. Ce que je sais aussi c'est que leur influence sur ma manière de voir, de sentir, de vivre est quasi-immédiate. Ils ont un pouvoir de transformation incroyable, à tel point que j'en arrive à m'adresser à moi-même à la 3° personne ou en me décalant légèrement pour d'acteur, devenir témoin, par exemple d'une colère qui disparaît quasi-instantanément, à m'adresser aussi à mes organes, à mes cellules comme je parle à mes chers disparus, bien vivants autrement ou comme je parle à ma fougère. Et changement notable, je peux énoncer ainsi ma résolution d'aujourd'hui :

sourire et faire sourire ou rire autour de moi, dans un rayon de 500 mètres, sachant que ça rayonne peut-être ensuite en ondes ou vibrations jusqu’au fin fond de nulle part, jusqu’au vide et au silence d’où tout surgit peut-être, de quoi éventuellement vivre plutôt joyeusement en évitant les bruits du monde, trop assourdissants. Ce n'est pas parce que j'aurai mal au monde que le monde changera, j'ai pratiqué l'urgence, tout est urgent et rien ne change sauf moi qui me pourris la vie à avoir mal au ventre, ce cerveau si influent.

Je me sens et me veux de plus en plus en paix, moi qui fus si longtemps guerrier pour ce que je croyais de bonnes causes : une société plus juste, une école plus ouverte, une culture du partage et de l'échange, des artistes plus humbles et réellement créatifs, des gens plus simples, des amours vrais et durables, des valeurs de dignité : honnêteté, courage, constance, persévérance, respect, liberté, égalité, fraternité.

Fais d'abord la paix avec toi-même bonhomme. La paix avec ton corps, la paix dans ton esprit. Un esprit sain dans un corps sain, disait-on. On peut aussi dire un corps sain dans un esprit sain. Bien sûr, la formule Science sans Conscience mérite d'être repensée à la lumière du 4° niveau de conscience.

J'évite le dérèglement de tous les sens rimbaldien, la mise à contribution, à l'extrême de leur acuité, de mes cinq sens. Je ne suis plus avide de tout saisir. Pas plus le beau que le laid. Mes oreilles sont distraites, j'ai tendance à fermer les yeux, à m'abandonner à une forme de mollesse, à faire le vide, on dit aussi à lâcher-prise. J'inspire un peu du monde, j'expire un peu de moi-même, bouche ouverte en cul de poule. Ça fait beaucoup rire. Cela me suffit à être présent, à être vivant. Et je bois de l'eau pour m'arroser comme un jardin qui va donner.

J'ai conscience en écrivant cette résolution qu'elle n'est possible que parce que je bénéficie d'une retraite et de conditions de vie suffisantes, que je suis en bonne santé, que je pratique des activités gratifiantes seul ou avec des gens que j'apprécie et parce que j'ai résolu d'aller vers une forme de sagesse, de félicité, de sérénité.

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