les entretiens d'altillac
le pas-sage de Marcel Conche
un hommage à Marcel Conche, inédit, qui aurait pu être lu le 9 avril 2022
Ce naïf que fut Marcel Conche
Je me souviens très bien de ma première rencontre avec Marcel Conche. Ce qui l’a caractérisée, c’était non seulement la gentillesse avec laquelle il me reçût, mais aussi l’intérêt qu’il accordait à votre personne.
Ce jour, je venais lui demander la dédicace d’un de ses livres, il voulut savoir pour quelle raison je m’intéressais à la philosophie. Je lui expliquais que ce n’était pas pour moi, mais que je souhaitais offrir ce livre pour l’anniversaire d’un ami qui avait découvert sa philosophie avec beaucoup d’intérêt.
Mais vous, me demanda-t-il, que pensez-vous de la philosophie ?
Peu habitué à ce genre de questions, surtout posées par l’un de ses plus éminents spécialistes, je préférais botter en touche.
- Euh, moi je m’intéresse plutôt au bouddhisme.
- Ah ! me fit-il, je ne connais pas cette religion, et vous en pensez quoi ? Il se gardait bien de me dire qu’il avait écrit un ouvrage intitulé « Nietzche et le bouddhisme ».
Je ne pouvais à nouveau échapper à la question et je fis appel à mes dernières lectures qui étaient relativement fraîches, car l’apprenti bouddhiste, que j’étais, avait été accroché par le sourire irrésistible du Dalaï-Lama qui était en couverture d’un livre censé parler du bonheur.
Néanmoins méfiant, je ne me lançais pas dans de longues explications et je m’en tins à l’essentiel.
Je lui parlais de la douleur perpétuelle compagne de nos vies, et qu’aucune félicité n’est durable, ça j’étais sûr de mon coup, que cette douleur naît de la «soif» de vivre, des désirs et des passions qui font naître la convoitise, la jalousie, la haine et l'erreur. Jusque-là j’étais en phase totale avec le bouddhisme tout autant qu’avec le principe de causalité qui explique qu’en supprimant la cause, on annule son effet ; lorsque j’avançais cela à cette époque, j’en étais certain. Mais j’appris, grâce à Marcel Conche, qu’il faut s’apprêter parfois à changer nos convictions. Ceci ne manqua pas d’arriver avec le principe de causalité. Je découvrais qu’il n’était vrai qu’en apparence ; et qu’en supprimant la cause, on n’annule pas toujours les effets, mais, bien au contraire, que les effets eux- mêmes étaient générateur d’autres causes. Depuis je m’intéresse plus au principe du tao avec le Yin et le yang qui ont plus satisfait mon goût de la vérité, car, en éteignant les désirs, on n’annihile pas totalement la souffrance, il reste toujours un peu de Yin dans le Yang ; ainsi renaissent d’autres souffrances. C’est sans doute pour cette raison que je me suis arrêté en chemin et que je ne pourrais jamais parler de la quatrième vérité, qui est la «Voie des huit vertus» qui conduit au Nirvana des bouddhistes. Cependant, je n’arrêtais pas totalement mes recherches, Marcel Conche prit le relais de mon éducation spirituelle. Il m’enseigna les principes d’Épicure qui me convenaient mieux, il ne conseillait pas d’éteindre en nous toute cette soif de vivre, mais de s’en tenir aux désirs essentiels. J’interprétais ce conseil à ma manière en agrémentant parfois mes repas avec un petit verre de vin que je trouve essentiel pour border ma vie avec le bonheur avec qui j’ai décidé depuis longtemps d’entretenir de bonnes relations, car, à ce jour, je ne vois pas en quoi il y a quelque chose d’intelligent à ne pas vouloir être heureux.
C’est en me questionnant avec cette naïveté socratique, ce que faisait souvent Marcel Conche, qu’il ouvrit en moi une curiosité philosophique qui depuis ne m’a jamais quittée. C’est ainsi qu’il interrogeait le monde et les hommes avec cette fausse naïveté qui lui permettait de mieux vous analyser et ci-besoin était de vous placer en face de vos incohérences. Des amis qui souhaitaient le rencontrer s’en souviennent encore.
Durant des dizaines d’années, j’allais avoir l’honneur de recevoir les leçons particulières de ce grand professeur qu’il fut également. Il ne me posait que des questions auxquelles j’étais capable de répondre. Il ne chercha à aucun moment à me mettre en difficulté, mais sans m’en rendre compte il me fit progresser sur la voie de la réflexion. Je l’en remercie encore, il fut mon véritable père et mon guide dans la vie. Je gardais du bouddhisme ce qui me semblait bon au même titre que chez les philosophes Grecs comme Héraclite avec l’impermanence et la sobriété d’Épicure. En soulignant naïvement, les limites de mon discours il m’accompagna vers le scepticisme. C’est ainsi qu’il m’offrit mon premier burin avec un marteau pour que je puisse effacer, si le besoin s’en faisait sentir, certaines de mes convictions que je croyais gravées dans le marbre. Depuis je me sens plus léger donc libre. C’est ainsi qu’il m’aida à découvrir d’autres facettes d’une vie éternellement changeante. Il me prépara à aimer ce monde plongé au cœur d’une nature merveilleuse. Pour appréhender tout ceci sans doute comprit-il très tôt qu’il fallait mieux être ce Candide de Voltaire. Parfois, dans nos conversations, j’avais l’impression que nous n’étions que deux grands enfants naïfs, mais pas crédules pour autant.
Cette naïveté que j’ai partagée avec lui, celle que Georges Sand attribuait à son personnage qu’était Planet : « naïf comme un enfant , avec un esprit pénétrant et une finesse déliée », ne pouvait que nous tenir à l’écart de tous ceux qui n’avaient que des certitudes. Aujourd’hui il en est toujours ainsi avec ceux qui nous promettent le bonheur avec une croissance infinie de l’avoir, dussent-ils oublier l’être, l’humanisme et l’environnement. Ils sont si éloignés des conseils de Maître Eckart qui conseille d’être vide de notre propre connaissance, non pas d’oublier ce que nous savons, mais d’avoir une sorte d’innocence, pas loin de la naïveté qui nous prépare à une disponibilité de l’esprit pour mieux nous imprégner des choses ; ce qui est indispensable, car, celui qui ne comprend pas le problème ne trouvera jamais la solution. Alors comprenons-nous bien le sens et la possibilité d’un développement durable, ou sommes-nous simplement dans le développement durable de nos erreurs ?
Notre société est en face de deux points de vue radicalement différents. Ce sont des contraires et ces derniers sont indissociables comme nous l’a enseigné Héraclite. Mais œuvrer pour l’un ou pour l’autre, ceci aura des conséquences radicalement différentes.
Nous avons un premier groupe, qui sous l’impulsion des femmes
( majoritairement) se développe rapidement, car elles sont animées par la force de ceux qui savent, comme les Grecs et les bouddhistes, qu’aucune félicité n’est durable. Si ces naïves arrivent à faire des choses qui semblent impossibles pour beaucoup, c’est qu’elles sont propulsées par la culture de la vie qui fait si souvent défaut aux hommes ; ces derniers sont essentiellement manipulés par la culture du face à face, que j’appelle par ailleurs, la culture de la mort. Ces ignorants se croient autorisés à traiter ces dernières de naïves ou de rêveuses plus ou moins utopistes. Puis, pour bien enfoncer le clou, du haut d’un prétendu savoir, ils leur expliquent que le monde ce n’est pas ça, qu’elles ne comprennent rien aux affaires, à l’économie et à la politique ; que les choix qu’elles proposent ne sont que des choix fictifs, sans fondement sérieux en dehors d’un petit cercle de rêveurs plus ou moins naïfs comme elles.
C’est là qu’une femme plus hardie que les autres prit la parole :
- Cher Monsieur, vous et vos amis tous tellement persuadés d’avoir raison je vous signale que « Fictif » ne signifie pas forcément « impossible ». J’en veux pour preuve que le papier-monnaie, que vous vénérez tant, n’a qu’une valeur fictive, pourtant c’est le moteur du monde que vous prétendez nous imposer et qui aujourd’hui ressemble à un cauchemar.
Je vois bien qu’avec votre sourire narquois, vous souhaitez nous envoyer sur l’ile d’Utopia, ce vieux pays imaginaire où les habitants sont gouvernés d’une manière idéale et sont parfaitement heureux. Ne vous y trompez pas ce pays qu’est l’Utopia dont nous parle Thomas More ce philosophe humaniste anglais existe bel et bien, ce sont toutes mes sœurs et mes frères, ces entrepreneurs du sens, qui chaque jour lui donne vie en mettant en place non seulement une économie de précaution, mais aussi des moulins à bonheur.
Nous sommes les nouveaux résistants face à la dystopie que vous installez un peu partout et dont la dernière guerre en Ukraine n’est qu’un pâle reflet de ce qui malheureusement arrivera ailleurs. Votre économie mondialisée est devenue une économie hégémonique. Puis comme toutes les hégémonies, elle ne pouvait que devenir despotique en détruisant les hommes et leur environnement. Une dystopie ce n’est plus simplement une fiction terrifiante, mais c’est devenu une réalité avec cette économie mise en place par ceux qui sont persuadés d’être les maîtres du monde. Il sera de plus en plus difficile de leur échapper, car ils entendent tout dominer et exercer une autorité totale sur leurs consommateurs qui se prennent encore pour des citoyens qui peuvent exercer leur libre arbitre. Espérons qu’il n’est pas trop tard pour choisir son camp, Utopie contre Dystopie, croissance contre bonheur.
Marcel nous avait prévenus
Jean Delorme
(ce texte aurait été lu à la soirée Marcel Conche du 9 avril si Jean Delorme avait pu y venir mais de nuit et de loin c'est peu prudent)
9 avril 2022 hommage à Marcel Conche - Les Cahiers de l'Égaré
article paru le 8 avril dans Var Matin retour sur la soirée Marcel Conche du 9 avril 2022, 19 H 15 - 21 H 30 mistral en folie dans le hall, livres en service dans un caddie et sur une table : la ...
https://cahiersegare.over-blog.com/2022/04/9-avril-2022-hommage-a-marcel-conche.html
Friedrich Nietzsche - Hymnus an das Leben
Friedrich NietzscheHymnus an das Leben per coro e orchestraOrchestra 1813 - Orchestra del Conservatorio di ComoCoro del Conservatorio di ComoMaestro del Coro...
en ouvrant Métaphysique de Marcel Conche, je trouve l'hymne à la vie de Lou Andreas Salomé dite LAS, découpé par Marcel avec corrections de sa main / Nietzsche, pianiste émérite, compose l'hymne à la vie en 1887 sur un poème de son amour contrarié Lou Salomé. Fou seulement, poète seulement comme l'a écrit Nietzsche mais le surhomme est cette folie. "Par la musique, les passions jouissent d’elles-mêmes." Nietzsche in Par-delà le bien et le mal §106 "– Sans musique la vie serait une erreur." Nietzsche in Le Crépuscule des idoles – Maximes et pointes §33
Lou Andreas-Salomé - Prière à la Vie (Gebet an das Leben, 1882)
Certes, comme on aime un ami Je t'aime, vie énigmatique - Que tu m'aies fait exulter ou pleurer, Que tu m'aies apporté bonheur ou souffrance. Je t'aime avec toute ta cruauté, Et si tu dois m'an...
https://schabrieres.wordpress.com/2010/05/05/lou-andreas-salome-priere-a-la-vie-gebet-an-das-leben/
la version offerte, jointe par Marcel dans Métaphysique, une de ses oeuvres majeures, diffère de celle présentée ici
L'ami Marcel Conche, métaphysicien de l'infini de la nature est décédé,
dcd, (j'ai repris décédé sur proposition d'Annie Bergougnous)
le dimanche 27 février 2022, à 8 H du matin, dans son sommeil.
J'ignore quel a été son état dans les jours qui ont précédé. Mais une quinzaine de jours avant, je lui avais téléphoné. Clair, lucide comme d'habitude même si, à ce que M.M me racontait, il perdait peu à peu une certaine mémoire, celle du quotidien, heure, jour-nuit, repas pris ou pas...
Marcel est mort de sa belle mort, d'une mort naturelle comme il la décrit dans un article de 6 pages Comment mourir ? paru dans la Revue L'enseignement philosophique, N°3, mars-mai 2013.
Une mort naturelle qui vient après le parcours des âges de la vie (enfance, adolescence, âge adulte, vieillesse) à la différence des morts paranaturelles (par virus, amiante, rayonnement...), des morts infligées par assassinat (Marseille, Corse), par fanatisme religieux (un peu partout), par la guerre à laquelle on participe par patriotisme ou toute autre raison idéologique, qu'on subit parce qu'on ne peut pas fuir, guerre qu'on peut ne pas faire par pacifisme, objection de conscience, désertion avec risque personnel bien sûr (guerres en cours, ne focalisons pas seulement sur l'Ukraine), des morts encourues par de vains désirs non naturels, infinis, insatiables tels que décrits par Épicure : manger trop riche, trop gras, boire à l'excès, fumer comme un pompier, baiser à mort, être baisé à mort entre pluri partenaires, se droguer en dur, en doux, pratiquer des sports extrêmes pour l'état de flow, pour se dépasser, se surpasser => usure prématurée du corps, désirer les honneurs, la richesse, la gloire, le pouvoir, la domination, la conquête, (dans ces cas-là, la compétition est féroce et on finit toujours par tomber de haut), l'immortalité (le transhumanisme annonce la couleur pour les ultra-riches).
Marcel Conche en menant une vie d'Épicure en Corrèze a en quelque sorte choisi sa mort, une belle mort, comme on dit, chez lui, dans son lit, dans son sommeil, soigné, aidé, accompagné, pendant 4 ans par une femme admirable de dévouement de sa famille, M.M.C. et par les services de l'hospitalisation à domicile (j'ignore pendant combien de temps; il perdait de son autonomie mais rien de sa vivacité intellectuelle, de son sens de la répartie, du rebond).
Mourir chez soi plutôt qu'en Epahd, c'est ce que je souhaite à chacun. Je l'ai permis, à mon père dont j'ai recueilli le dernier souffle, à ma mère, morte dans son sommeil, moi dormant dans la pièce à côté. Pendant 4 ans, j'ai été l'aidant de mon beau-père, accueilli chez nous avant son départ. Quand une famille le peut, qu'elle n'abandonne pas celui qui vieillit "mal" (par perte d'autonomie...) et va passer (à plus ou moins longue échéance et déchéance) aux marchands de l'or gris.
Disons pour être plus précis, qu'en vivant comme Épicure, en Corrèze, Marcel se donnait plus de chances de mourir de mort naturelle, sans garantie cependant de ne pas mourir de mort accidentelle, brutale ou des suites d'une longue maladie comme on dit aujourd'hui pour désigner les fins de vie par cancer avec traitements lourds, voire soins palliatifs.
Que philosopher c'est apprendre à mourir dit Montaigne et de l'imaginer par une tuile tombant d'un toit ou suite d'une mauvaise chute. Combien de fois, avons-nous eu la sensation d'avoir frôlé la mort, de lui avoir échappé, sans même avoir besoin de l'imaginer. Une vie prudente ne nous en protège pas certes mais une vie prudente est une vie sage pouvant rendre le pas-sage plus lointain.
Marcel a pu ainsi quasiment jusqu'au bout écrire, jusqu'au 13 novembre 2021, où écrivant sa dernière lettre pour M.C., il se pose la question "les morts ont-ils une réalité autre que dans nos souvenirs et nos coeurs ?"
Son dernier livre publié, le 27 septembre 2021 au milan de sa centième année, L'âme et le corps est d'une belle vigueur.
L'âme et le corps, son dernier livre paru au milan de sa centième année, le 27 septembre 2021 / Lettres en vie, lettres écrites pour des personnes en soins palliatifs à La Seyne-sur-mer, un livre d'accompagnement, lettres dAlain Cadéo, peintures de Michel Cadéo
Contexte de la nouvelle du pas-sage de Marcel Conche
Un mail adressé à 12 H 30 m'informe du passage de Marcel. Je suis en balade sur la route des crêtes avec les enfants. Au bord des falaises de Cassis et dans Cassis. Je découvre le mail vers les 20 H. Je ne m'y attendais pas et posais comme réalisé le souhait de nous retrouver le 27 mars pour ses 100 ans lorsque je parlais aux deux oliviers de 50 ans, dédiés à Marcel, sur la restanque front de mer de 20 m où je fais mes allers-retours tous les jours pendant 30 à 40' deux fois par jour.
Mais depuis le 24 février, début de la crise ukrainienne, je suis nerveux, cherchant à comprendre sans réussir à me positionner.
La nouvelle me percute. Quand auront lieu les obsèques ? Comment effectuer le voyage ?
On continue nos balades en famille dans des lieux chargés énergétiquement, spirituellement, la Sainte-Baume, le 4 mars, Lourmarin, le 5 mars.
Rosalie venue deux fois chez Marcel appréciée de lui qui lui avait offert 3 robes, ne veut pas assister aux cérémonies (nous n'insistons pas); elle remonte en train le dimanche 6 mars. Elle sera seule pendant 4 jours mais reliée téléphoniquement et humainement avec Toto.
Son anniversaire des 14 ans sera le lendemain de celui de Marcel (27, Marcel, 100, 28, Rosalie, 14).
Dans ce deuxième volet de cette série d'entretiens, Marcel Conche dialogue avec le poète et homme de théâtre Jean-Claude Grosse, et confie à Laure Adler la façon dont une rencontre amoureuse...
une des 5 émissions Hors-Champs réalisées par Laure Adler à Altillac, chez Marcel, le 23 mars 2010
en date du 1° mars
La mort ne peut plus m'enlever ma vie
γνῶθι σεαυτόν Marcel Conche, à l'occasion de la parution de son Journal étrange, nous a reçus chez lui, dans l'Ain. Il revient sur ses origines paysannes, son athéisme, sa concep...
entretien du 3 octobre 2006, Marcel a 84 ans
4 mars, la Sainte-Baume
" Rencontres " est une collection web-documentaire de 12 modules, interconnectés, inter-modulables qui racontent la Sainte-Baume comme s'il était donné de vivre l'expérience en situation de ré...
la grotte aux oeufs réalisée par Jean Belvisi, 12 courtes vidéos à visionner, une approche artistique
L'éternel féminin ou l'archétype de Marie Madeleine - Avec Jean-Yves Leloup, écrivain et théologien.
une remarquable causerie sur Marie-Madeleine avec bonhommie, humour, profondeur de l'ex dominicain directeur du centre international de la Sainte-Baume dans les années 80; Rappelé en France par l’ordre dominicain, il dirige à la suite du père Maillard et avec Bernard Rérolle, le centre international de la Sainte Baume. C’est là qu’il fonde l’Institut pour la rencontre et l’étude des civilisations et organise de nombreux colloques dont la mémoire est gardée dans les annales des éditions de l’Ouvert. E. Lévinas, A. Abécassis, Professeur Keller, A. Desjardins, M. M. Davy, A. Chouraqui seront parmi ses hôtes. Il y organise aussi le premier colloque de psychologie transpersonnelle en France avec Pierre Weil, Anne Ancelin Schützenberger et un congrès autour de l’oeuvre de Karl Graf Durchkeim. C’est également à la Sainte Baume qu’il développe son intérêt pour Marie Madeleine et la présence du féminin dans l’histoire du christianisme.
lecture devant la tombe d'Albert Camus au cimetière de Lourmarin d'un passage de La voie certaine vers "Dieu" de Marcel Conche, décédé le dimanche 27 février...
2'16 d'un extrait de La voie certaine vers "Dieu", titre devenu La voie certaine vers l'incertain dans le Bouquins L'infini de la nature
les cérémonies
100 ans le 27 mars 2022 - Blog de Jean-Claude Grosse
affiche de la soirée du 9 avril 2022 en hommage à Marcel Conche aux Comoni au Revest; Marcel et la nature (le clos de Treffort); au revoir pour certains, adieu pour d'autres voilà, tu es mort de...
https://les4saisons.over-blog.com/2022/03/100-ans-le-27-mars-2022.html
affiche du film de Christian Girier qui sera présenté le 9 avril 2022 à 19 H , salle Pétrarque, maison des Comoni, théâtre du Revest et de la métropole TPM; Marcel près de la chapelle des Pénitents à Beaulieu sur Dordogne, Marcel sortant de la partie médiévale de Beaulieu, Marcel me disant Heureusement qu'on meurt (photos F.C.); portrait de Pétrarque réalisé par Ernest-Pignon Ernest
bonjour Folie, une analyse sans pissikanalyse d'une des folies de Marcel, son attrait pour les romans policiers américains qui le distrait de son travail de réflexion, de sa vocation de philosophe
Le souffle des raisons ou la joyeuse rencontre entre le philosophe et la musicienne ou comment une femme se saisit du naturalisme de Marcel Conche pour l'amener sur des chemins d'imprévus
Marcel Conche et JCG, Marcel et Cyrille Elslander (des 4 saisons du Revest à l'époque, devenu directeur-adjoint du Pôle) en juin 2002 à Treffort dans l’Ain; 20 ans d’amitié, 10 livres de et sur Marcel Conche édités par Les Cahiers de l’Égaré dont le dernier, L’âme et le corps, le 27 septembre 2021 au mitan de sa centième année
échange post-mortem
Merci, Jean-Claude, de votre restitution fidèle et émouvante du ou des jours de départ de Marcel. C'est souligner que la famille de pensée (dont Yvon Quiniou) était là pour épauler et honorer la famille de sang (famille qui s'est exprimée avec justesse et profondeur !)C'est vrai, vous n'y avez rien dit, mais vous expliquez ici très bien que l'amitié n'a pas nécessairement de compte-rendu public à faire.Merci aussi d'avoir remarqué aussi bien le nuage à forme d'homme (que vous avez vu pour nous, je n'étais pas à Altillac) que la réouverture "pneumatique" (comme dirait Jankélevitch) de la porte du funerarium (je la confirme).J'étais heureux qu'un de ses éditeurs (Jacques Neyme) soit présent : leur travail commun fut ardent, exigeant, et juste !Et bonne chance aussi dans le déploiement de la "métamorphose" que vous accueillez (ou qui vous accueille...). Conche n'excluait rien - pas même (je plaisante à peine) que Bergson ou Jung aient finalement vu juste.merci,m.merci M. pour ce retourje n’ai rien exprimé, par amitié inconditionnelle pour l’homme Marcel, d’une complexité rare, impossible à démêler, complexité à accueillir sans jugement dans son entièreté et son mystère qui se confondent(cela vaut pour chacun, chacun est mystère et en cela sacré)mais aussi pour une autre raisonMarcel en partant est devenu un être-un corps pour autrui sartrien, objectivé-aliéné(impossible maintenant de nous surprendre par un acte, une action "inattendus")qu’il a su faire exister comme figure du philosophe par vocation(il a fabriqué sa légende, son monument; rien de péjoratif là-dedans; on est tous des fictions, des légendes qu’on fabrique; ce n’est pas mensonge, ce n’est pas vérité, c’est croyance, conviction vécue comme dit Marcel)et Comte-Sponville sera sans doute le garant de cette doxa, reprise partoutor les discussions que j’ai eu à la fin avec Marcel dont une évoquée dans le livre d’éternité m’ont révélé qu’il était bien en chemin, prêt à concevoir que la Nature (ou tout autre nom, ne nécessitant pas qu’on se fasse la guerre des noms et des dieux) n’est pas seulement créatrice au hasard, aveugle mais créatrice avec-par amour inconditionnel, sans jugements, sans oppositions, de tout ce qui existe; l’amour comme force créatrice, pas seulement sentiment accompagnateur, compassion…oui Bergson (citation en début du livre d'éternité), oui Jungmais je leur préfère aujourd'hui Christiane Singer, Jean-Yves Leloup
une méditation en 7 étapes, comme une montagne, comme un coquelicot, comme l'océan, comme une tourterelle, comme Abraham, comme Jésus et maintenant Va!
9 mars 2022, entre 18 H et 20 H, sur la trace des souvenirs; dernière photo : l'idiot regarde le doigt, ne voit pas la lune montrée par le doigt (photos K.P et G.B.)
dialogue à venir entre J.-C. di Vita Nova et Jean-Claude Carrière, auteur de La vallée du néant, paru chez Odile Jacob en décembre 2018, en cours de lecture depuis le 14/02/2022, 74° anniversaire de l'épousée
présentation du livre
"Nous en venons et nous y retournons. Pourtant, nous ne pouvons rien en dire. Le néant – qui n’est ni le rien, ni le vide – reste l’inconnu fondamental, le non-être, sans sensation, sans conscience et sans mémoire.
Pour m’en approcher, prudemment, je me suis lancé dans une promenade, un peu au hasard des chemins, en reprenant un vieux thème persan. J’ai voulu voir comment d’autres ont réagi, ici ou là, dans l’histoire du monde, au plus secret, au plus insistant des mystères. J’ai découvert, au passage, plusieurs attitudes, qui peuvent paraître contradictoires. Chacun peut choisir.
C’est banal à dire, nous sommes tous emportés par un mouvement irrésistible. Il est notre maître, et nous savons où il nous conduit. Rien ne reste, rien ne revient. Pour peupler ce passage où il n’y a « rien » (« N’y a-t-il rien dans ce rien ? » se demandait Chateaubriand), nous avons, au long des siècles, imaginé toute une farandole de monstres, de vapeurs, de fantômes, des hurlements, dont un grand nombre sont évoqués ici.
Avec quelques questions inévitables : comment nous protéger du désespoir et de la vanité de toutes nos vies, si nous n’en devons rien garder ?
Comment, peut-être, en tirer une force, et même une joie ?
Pourquoi rire ? Pourquoi pleurer ?
Et pourquoi rêver d’immortalité ?"
Scénariste, dramaturge, écrivain, Jean-Claude Carrière est l’auteur de grands succès comme Einstein, s’il vous plaît, Fragilité, Tous en scène et, plus récemment, Croyance et La Paix.
La vallée du néant, offert à Noël, livre d'occasion dédicacé à X; lecture à venir d'un livre offert parce que j'avais choisi , jeune professeur au lycée de Le Quesnoy (nord), un nom de poète Jean Rogues
commentaires sur l'article
Annie Bergougnous
La mort et la pensée de Marcel Conche/J.C.Grosse - Blog de Jean-Claude Grosse
Dans sa dernière lettre du 13 novembre 2021 à M. C., celle qui au téléphone recevait les textes de Marcel pour ensuite les mettre en page et cela durant 8 ans, quotidiennement, sauf week-end, M...
un livre majeur par tous temps puisque on meurt par tous temps et qu'on croit penser tout le temps (4 vraies pensées journalières sur 60000 pensées perroquetées)
Marcel Conche dans sa 100° année - Blog de Jean-Claude Grosse
clos et maison vus d'en bas à Treffort Marcel Conche s'est éteint, dimanche 27 février 2022 à 8 H du matin dans la maison familiale de Treffort dans l'Ain. À un mois de son 100° anniversaire....
LOU ANDREAS SALOME : UNE PHILOSOPHIE DE LA JOIE - Conférences de Solange Anastasia Chopplet
LOU ANDREAS SALOME : UNE PHILOSOPHIE DE LA JOIE De qui Lou Andreas Salomé dite Las est-elle le nom ? D'une aventurière scandaleuse ? De la muse de Nietzsche ? Du Pygmalion de Rilke ? De la ...
http://chopplet.canalblog.com/archives/2019/07/12/37495171.html
ayant commencé cet article par la Prière à la vie de Lou Andreas Salomé dite LAS
un PDF de Marcel Conche présentant sa philosophie, à tété-charger
Les entretiens d'Altillac 4
CHEZ MARCEL CONCHE / ENTRETIENS D’ALTILLAC (4)
LE TEMPS QUI RESTE
___
Marcel Conche a eu 90 ans cette année. C’est l’arithmétique des jours. Il vient de recevoir un courrier d’une jeune dramaturge qui prépare un spectacle Nous serons vieux aussi et qui, s’adressant au vieux qu’il est devenu, voudrait savoir ce qu’il ressent à la pensée du temps qui lui reste à vivre. Elle a joint à sa demande le texte d’une chanson Le temps qui reste signé Jean-Loup Dabadie et qu’interpréta Serge Reggiani :
Combien de temps...
Combien de temps encore
Des années, des jours, des heures, combien ?
Quand j'y pense, mon coeur bat si fort...
Mon pays c'est la vie.
Combien de temps...
Combien ?
Je l'aime tant, le temps qui reste...
Je veux rire, courir, pleurer, parler,
Et voir, et croire
Et boire, danser,
Crier, manger, nager, bondir, désobéir
J'ai pas fini, j'ai pas fini
Voler, chanter, parti, repartir
Souffrir, aimer
Je l'aime tant le temps qui reste
Je ne sais plus où je suis né, ni quand
Je sais qu'il n'y a pas longtemps...
Et que mon pays c'est la vie
Je sais aussi que mon père disait :
Le temps c'est comme ton pain...
Gardes-en pour demain...
J'ai encore du pain
Encore du temps, mais combien ?
Je veux jouer encore...
Je veux rire des montagnes de rires,
Je veux pleurer des torrents de larmes,
Je veux boire des bateaux entiers de vin
De Bordeaux et d'Italie
Et danser, crier, voler, nager dans tous les océans
J'ai pas fini, j'ai pas fini
Je veux chanter
Je veux parler jusqu'à la fin de ma voix...
Je l'aime tant le temps qui reste...
Combien de temps...
Combien de temps encore ?
Des années, des jours, des heures, combien ?
Je veux des histoires, des voyages...
J'ai tant de gens à voir, tant d'images..
Des enfants, des femmes, des grands hommes,
Des petits hommes, des marrants, des tristes,
Des très intelligents et des cons,
C'est drôle, les cons ça repose,
C'est comme le feuillage au milieu des roses...
Combien de temps...
Combien de temps encore ?
Des années, des jours, des heures, combien ?
Je m'en fous mon amour...
Quand l'orchestre s'arrêtera, je danserai encore...
Quand les avions ne voleront plus, je volerai tout seul...
Quand le temps s'arrêtera..
Je t'aimerai encore
Je ne sais pas où, je ne sais pas comment...
Mais je t'aimerai encore...
D'accord ?
Le texte est sur la table du petit bureau où Marcel nous reçoit ce lundi 4 juin 2012. Cela a l’air de l’amuser. Il se met à le lire tout en le commentant avec la distance critique qui convient et la situation, à ce moment précis, est d’autant plus drôle qu’au-dessus de nous, dans cette pièce hors du temps, une tête d’Epicure veille.
Epicure dont toute la philosophie eut une seule fin : acquérir la santé de l’âme (cf. Lettre à Ménécée : « Quand on est jeune il ne faut pas hésiter à s’adonner à la philosophie, et quand on est vieux il ne faut pas se lasser d’en poursuivre l’étude. Car personne ne peut soutenir qu’il est trop jeune ou trop vieux pour acquérir la santé de l’âme. »).
Or il est clair que le sujet qui parle dans le texte ne va pas bien : tout dans son propos exprime le trouble, l’agitation, la fièvre. Sûr qu’il ne veut pas mourir et s’affole, son pays c’est la vie, dit-il, comme s’il y était chez lui de toute éternité. Et ça part dans tous les sens, du rire aux larmes, assez vulgairement, avec un désir de tout et de son contraire, et révèle pour finir une confusion mentale plutôt inquiétante.
Marcel rappelle alors que le temps qui reste est une idée indéterminée, inconsistante, sans contenu. Or il n’est pas possible, ajoute-t-il pour couper court, de spéculer sur l’indéterminé.
photos de F.C.
François Carrassan
A quoi on peut ajouter que cette indétermination du temps qui reste présente cependant l’avantage paradoxal de rendre l’existence vivable : que deviendrait en effet notre vie si notre état civil mentionnait à la fois la date de notre naissance et celle de notre mort ? On se dirait encore trois ans ou encore six mois…Sûr que ce savoir serait le poison parfait pour anéantir tout vouloir vivre. Nous serions morts avant de mourir, ou, pour paraphraser La Fontaine dans la fable Le philosophe scythe, on cesserait de vivre avant que l’on soit mort.
Car la perspective de mourir est nécessairement relativisée par l’ignorance du jour et de l’heure qui permet ainsi aux mortels de s’embarquer pour l’incertain, parfois au risque de leur vie (cf. Pascal : « Quand on travaille pour demain, et pour l’incertain, on agit avec raison », Pensées fr.234 Br.).
Un instant plus tard, Marcel nous redit : Je ne crains pas la mort, une parole fidèle à Epicure qui voulait délivrer les mortels de la crainte de la mort pour les laisser mieux apprécier les joies que leur offre la vie éphémère. Car cette mort, celui des maux qui fait le plus frémir, insistait-il, n’est rien pour nous, puisque tant que nous existons la mort n’est pas, et que quand la mort est là nous ne sommes plus.
Quelques temps plus tôt, à St Emilion, Marcel, invité à conclure le 6ème festival Philosophia sur le thème de la nature, surprenait le public avec cette histoire qu’il se plaît à raconter : Dans mon village il y a un menuisier. Ce menuisier a tous les clients qu’il veut. D’autre part sa femme est la coiffeuse du village. En plus il a trois vaches. Le résultat c’est qu’il est toujours souriant. Il respire le bonheur. Il est plein de bonheur. Alors à quoi bon la philosophie ? Mais justement c’est là qu’on voit qu’elle est bonne… parce que si je le rencontre et que je lui dis : vous savez, votre médecin m’a dit quelque chose que je ne devrais pas vous répéter… enfin je vous le dis quand même… vous serez mort avant trois jours ! Alors qu’est-ce qui se passe ? Le bonheur de mon menuisier s’effondre totalement. Tout ça, parce qu’il n’a pas voulu méditer la Lettre à Ménécée… (Rires dans la salle).
Car cette méditation l’aurait peut-être conduit à ce bonheur fondamental, sous- jacent à tous les autres bonheurs, qu’Epicure veut nous donner. C’est un peu comme avec la mer : il y a des vagues en surface et il y a le calme des profondeurs qu’elles n’affectent pas. Ce calme, c’est précisément l’ataraxie, l’absence de trouble.
Je note relativement au temps qui reste qu’il ne reste jamais que le présent. Je cite alors Marc-Aurèle disant qu’on perd autant, que l’on soit très âgé ou que l’on meure de suite : le présent est en effet la seule chose dont on peut être privé, puisque c’est la seule qu’on possède, et que l’on ne perd pas ce que l’on n’a pas. Ce qui reviendrait à soutenir qu’il n’y a pas de différence entre mourir à 20 ans et à 80 ans.
Marcel n’est pas d’accord, soulignant qu’à 20 ans on peut davantage attendre de l’avenir. Une objection conforme à Epicure qui pensait que l’avenir n’est ni entièrement en notre pouvoir ni tout à fait hors de nos prises. Mais on voit bien soudain à quel point, sur la pensée du présent, épicurisme et stoïcisme se séparent.
Marcel ajoute toutefois que ne pas craindre la mort ne l’empêche pas de s’inquiéter du « mourir », de la forme qu’il prendra, et d’évoquer les souffrances qu’endura Montaigne, mort étouffé par un phlegmon. Mais il n’est cependant pas candidat au suicide, même s’il ne le condamne pas. Il l’a peut-être envisagé quand, sa retraite prise à Treffort, il acheta, nous dit-il, un revolver : pour y penser de plus près ?
Jean-Claude Grosse évoque le probable suicide de Marilyn Monroe à 36 ans. Il vient de publier pour le 50èmeanniversaire de sa mort Marilyn après tout, un ouvrage collectif des Ecrivains associés du Théâtre. Marcel n’a pas voulu y participer. Même s’il a toujours dit être sensible au charme féminin,on comprend que cette actrice ne l’émeut pas beaucoup. Il fait incidemment part de sa préférence pour Jean Seberg. Elle aussi suicidée à 40 ans dans des circonstances troubles et dont le corps fut retrouvé telle une épave dans le coffre de sa voiture, anéanti par les drogues et l’alcool. Elle avait pris parti pour les Black Panthers mais sa vie semblait aspirée par l’échec jusqu’à la déchéance.
J’évoque alors le suicide de Romain Gary qui fut son mari et qui avait annoncé son refus de vieillir. Fidèle là aussi à de Gaulle (« la vieillesse est un naufrage »), il avait déclaré deux ans avant de se tirer une balle dans la bouche à 66 ans : « Vieillir ? Catastrophe. Mais ça ne m'arrivera pas. Jamais. J'imagine que ce doit être une chose atroce… » Sans doute fut-il toujours hanté par ce qu’il nomme la dévirilisation, cela dès sa jeunesse dont il parle dans La promesse de l’aube. Et cette diminution venue lui fut intolérable. Au-delà de cette limite, écrivit-il aussi, votre ticket n’est plus valable. Ticket : à prendre dans un sens amoureux.
Une façon de voir la vie, conditionnée par une certaine capacité physique.
A quoi Marcel objecte la figure de Sophocle à l’âge de 95 ans, heureux de s’être débarrassé de la sexualité, cette « bête dévoreuse »… et de pouvoir vivre enfin toute relation humaine avec désintéressement. Ce que Romain Gary, suggère-t-il, a sans doute manqué.
Quant à la mort en soi, précise-t-il à la fin de Métaphysique (PUF, 2012), je crois qu’elle équivaut à une fin de vie et qu’il n’y a rien à espérer ou à attendre après. Mais si je crois qu’il n’y a rien, je ne le sais pas. Je suis sceptique à l’intention d’autrui, pour le laisser libre de croire qu’’il y a une vie après la mort.
A cet instant il parle de sa sœur qui pense qu’elle retrouvera son mari au paradis, et ses yeux deviennent très rieurs…
Une fin de vie : comme on le lit dans Montaigne, la mort est le bout et non le but. Sur ce point, Marcel, dans Le silence d’Emilie (Les Cahiers de l’Égaré, 2010), a clairement prévenu : j’entends que ma vie terrestre se referme sur elle-même, la mort ne signifiant rien d’autre que l’achèvement de la vie, et n’ouvrant sur aucun mystère sinon le mystère de la nuit – où il n’y a rien à voir.
Un détachement jadis exprimé par Epicure qui ne considérait pas la non-existence comme un mal.
Marcel revient alors sur le titre du spectacle envisagé : Nous serons vieux aussi. Mais qu’en sait-elle, demande-t-il ? Il ajoute que bien des soldats partis à la guerre de 14 auraient probablement voulu vieillir…
Vieillir, dit-il, j’invente la vie au fur et à mesure. J’ai mon présent. J’avance comme si j’avais 50 ans à vivre. L’idée du temps qui resterait à vivre est une idée triste, dépressive, qui annihile le présent. Le jour de ma mort n’est arrêté nulle part…
Les entretiens d'Altillac 3
Visite à Marcel Conche
photo François Carrassan
François Carrassan et moi-même avons rendu visite à Marcel Conche pendant la Pentecôte 2011. Nous avons fait le choix
de ce week-end dans une sorte de somnolence intellectuelle et nous en avons payé le prix, le 11 juin, avec des bouchons en série, aux péages, sur des rétrécissements de voies, sur des jonctions
d'autoroutes, tous les points noirs entre Toulon et Montpellier en passant par Aix, Arles, Nîmes où c'était la féria sur 9 kilomètres d'autoroute avant Nîmes. De quoi faire l'expérience infernale
de la société de la bagnole et, comme dit Guy Debord, de ses esclaves motorisés.
Après Montpellier, en allant vers Millau, Rodez, Figeac puis Gagnac sur Cère, découverte et traversée de paysages
superbes, variés par des routes vides, la France rurale, la France profonde, celle des éleveurs et des producteurs invisibles ce jour-là. Quel contraste entre l'agitation d'en bas, dans les
plaines, et le silence des plateaux, des Causses...
Trop de retard pour rendre visite, le samedi soir.
L'hostellerie Belle Rive à Gagnac est accueillante et paisible.
Nous passons le dimanche avec Marcel Conche. Les échanges sont vifs, enjoués. Marcel rit beaucoup. Il est question
d'Éric Weil, François ayant été son étudiant à Nice. De Clément Rosset, aussi, qui, fidèle à Nietzsche, n’a jamais vu dans la morale autre chose que l’expression du ressentiment. Et François
s’amuse à rappeler que Rosset résumait la pensée de Weil ainsi : si quelque chose ne va pas, appelez la police… Et François évoque une conférence donnée par Eric Weil, dans les années 1970,
devant une assemblée de professeurs de philosophie inquiets pour leur profession qu’on cherchait à réformer. Le titre en était L’avenir de la philosophie. Les professeurs s’attendait à une
défense corporatiste de leur métier. Et voilà que Weil développe, indifférent à leurs revendications, sa thèse de la philosophie comme mise en ordre du monde en proie à la discordance et à la
violence. Et il concluait sa conférence en disant que, devant le désordre présent du monde, la philosophie avait un bel avenir. Il ajoutait pour finir : « l’homme charnel en moi
dit hélas ». Ce fut le coup de grâce pour l’assemblée. Et François rit encore en revoyant les mines dépitées des professeurs qui n’avaient que leur pitance en tête.
Marcel considère que la question du fondement de la morale est une question pour philosophe ; dans la pratique,
les gens n'ont pas besoin d'un fondement pour suivre sans les connaître, les impératifs kantiens. (Marcel ne se situe pas sur ce plan pour fonder la morale universelle des
droits de l'homme, mais sur ce qui se passe quand deux personnes acceptent le dialogue, Hitler et un Juif par exemple ; mais là, on peut se douter, contrairement à Marcel, qu'Hitler
balancera son discours raciste et sa solution finale à la tête du Juif, et que le principe du dialogue ne suffit donc pas à garantir une égalité d’échange entre Hitler et le Juif, comme
entre deux humains en général; à quoi Marcel rétorque que si Hitler balance un tel discours, il n'est pas dans le dialogue lequel est clairement défini dans Le fondement de la
morale).
photo JCG
Conversation à sauts et à gambades dans une atmosphère bien peu ordinaire, avec un homme allant sur 90 ans, d'une
mémoire exceptionnelle (dates, noms, prénoms, circonstances, faisant remonter, revivre le passé de la Corrèze sous Pétain, la famille, les amitiés nouées pendant la scolarité …), d'une assurance
intellectuelle tempérée par de rares concessions, passant des sujets philosophiques aux questions personnelles, avec naturel, des vérités philosophiques aux opinions politiques (son opposition à
l'intervention en Libye, la blague corrézienne de Chirac, la candidature israélienne au FMI, la démocratie et la non-satisfaction des besoins vitaux et humains pour de plus en plus de gens), aux
sentiments (tomber amoureux, être amoureux, aimer), conversation en va et vient permanent entre la Grèce antique et le monde d'aujourd'hui, mise en perspective particulièrement
éclairante.
Échappées sur les improvisations permanentes de la Nature, sans plan, sans pensée (dernière en date : la bactérie
tueuse), les poètes, les créateurs étant ses rejetons qui, comme l’homme, n’auraient jamais dû exister… (Rires).
Des sujets sont plus ou moins approfondis :
De l'homme à l'animal : continuité ou discontinuité ? Quel est le rôle du cerveau dans
l’expression de la pensée ? (exemple de Bergson avec L'évolution créatrice ou Les données immédiates de la conscience dont les chapitres s'appuyant sur des recherches scientifiques sont
dépassés.)
Comment parler de la spécificité de l'homme en dehors des notions de conscience, d'intentionnalité ( pour Marcel, par
le « Dasein » défini comme l'Ouvert ; l'homme : « être » ouvert à ce qui s'offre à lui, sur quoi il peut porter un nombre indéfini de jugements vrais alors que
l'abeille ne sort pas des significations « abeille » de son monde d'abeille) ; mais reste entière la question de l’apparition de cette ouverture ( de cette « éclaircie »
comme dit Heidegger)…
La fonction des droits de l'homme (sur ce sujet, François propose une position intéressante à partir de la
formule bien connue de Montesquieu : une chose n’est pas juste parce qu’elle est loi, mais elle doit être loi parce qu’elle est juste ; mais les sauts et gambades n'ont pas
permis de développer : nous nous sommes égarés ou éloignés du sujet) ; si les droits de l'homme sont le moyen pour l’individu de s’opposer à l’ordre établi et à la loi étatique
dès lors qu’il ressent leur injustice (cf. logement, nourriture, santé, éducation) et s’ils sont, dans le même temps, définis par l’Etat, n'est-on pas dans une situation paradoxale ?
Il arrive aussi que les Droits de l’Homme soient relativisés au nom de la souveraineté nationale ( un concept qui ressemble de plus en plus au phantasme d’un passé et d’une puissance perdus ) et
soient sacrifiés au nom de petits arrangements entre amis de la scène internationale
photo FC
Le scénario proposé par Christian Girier : Un Infini bonheur ou Le pot de miel et le tsunami, semble intéresser
Marcel comme le projet de livre Avec et sans Marcel Conche dans l'esprit de Philosopher à l'infini. Projet pouvant voir le jour pour fin 2012.
Remarques pertinentes sur Avec Marcel Conche, dans le cas d'une réédition.
François prend à la dérobée quelques photos de Marcel. Ce qui en émerge, c'est le côté bien planté sur terre de l'homme. Indéniablement, Marcel est paysan par tout un tas d'aspects : il est rusé (ruse différente de celle du paysan mais née dans ce monde), se sert de ses capacités pour tracer son chemin de liberté. Et il a toujours raison…
photo FC
Le retour se fait le lundi sans problème majeur. Revenant déjeuner à un restaurant de Lunel, pratiqué le samedi, François a le plaisir de retrouver un carnet noir, échappé d'une poche. Hasard, signe, destin ? Les mots manquent.
JCG et FC
Les entretiens d'Altillac 2
J'aurai peut-être aussi la réponse d'Edgard Gunzig, mon ami cosmologiste, organisateur des rencontres de Peyresq, à la question que m'a posée Marcel Conche :
ça dépend évidemment de la précision souhaitée, mais avec "une assez bonne précision" (de l'ordre de la seconde) on peut prévoir plusieurs siècles à l'avance, même plusieurs millénaires et même dizaines de millénaires, voire cent à deux cents millénaires ; dans ces derniers cas je ne sais pas très bien avec quelle précision ...
NB Je connais un logiciel qui permet de prévoir les éclipses et les positions de toutes les planètes de - 5000 environs avant J.C. jusqu'à + 100.000 ans après JC.
Le spécialiste Français de cette prévision à très long terme est le professeur Lascar du Collège de France ...
Amitiés à Marcel, Edgard
Dans quelques jours, vers fin juillet (2009) mon ami Marcel va quitter la Corse pour revenir dans la maison de son enfance, des circonstances rendant possible ce retour, aujourd'hui souhaité.
Il raconte dans Corsica, son séjour corse qui a duré un an.
C'est donc en Corrèze qu'Edgard Gunzig et moi irons le voir, le 11 novembre 2009.
Dans Les dossiers de la Recherche N° 35, trimestriel de mai 2009, Le big bang, il y a un article d'Edgard Gunzig: L'espace-temps s'est créé lui-même, apprécié par Marcel. J'attends beaucoup de cet échange que je filmerai entre un métaphysicien de la Nature et un théoricien de l'autoémergence de l'Univers.
Pour ceux qui suivent le cheminement de Marcel, Télérama comme le Nouvel Observateur ont parlé de la muse de Marcel, je crois qu'il faudrait plutôt dire son initiatrice à la "religion" d'Émilie.
Regard est une aventure plus que sympathique que l'on doit à l'artiste
On s'y abonne pour 18 euros les 6 N° à l'ordre de
Regard-Marie Morel
01260 Le Petit Abergement.
Autant j'avais trouvé assez plates les réponses de Michel Onfray, autant celles de Marcel Conche m'ont paru aller à l'essentiel, pas du tout dans le goût du jour (le mauvais goût).
Quant à Marcel, il me semble avoir "compris" Émilie, sa "religion" et je suis sûr qu'il avancera encore en compréhension puisque avec Émilie, une manifestation concrète et complexe d'harmonie avec le Tout est incarnée. Ce pourrait être le cas de bien d'autres à condition d'avoir l'héroïsme du coeur, d'être dans la Bonté.
Exemples:
Non, jamais assez dit Michel Onfray,
Oui, toujours plus qu'il ne m'en faut dit Marcel Conche,
Jamais répond Émilie.
Qu'est-ce qui vous rend heureux ?
Mille petites choses dans une journée. Michel Onfray
Les traités de paix. Marcel Conche
La poésie de la vie. Émilie.
Que préférez-vous chez les autres ?
la rectitude répond Michel Onfray,
la bonté répond Marcel Conche,
la justice répond Émilie.
Marcel Conche
sur le départ pour la Corse
À 86 ans, ce changement de vie, de pays, de visages, de paysages, révèle l'ouverture d'esprit et de coeur de cet homme qu'on ne peut réduire à la seule dénomination de "philosophe" même s'il en est un, éminent, convaincant.
Il s'offre un avenir, un destin. Il s'offre à un à venir, à des hasards de rencontres nouvelles.
Ce qui garde jeune de coeur.
Je lui souhaite de longs matins devant la mer.
quoi ?
L'éternité !
C'est la mer mêlée au soleil
(ou)
C'est la mer allée avec le soleil
Je suis heureux d'avoir publié sa conférence de Toulouse du 27 janvier 2008, parue le 1° juillet, juste pour son départ: La voie certaine vers "Dieu"
Marcel Conche, la nature d'un philosophe [bande annonce]
This is "Marcel Conche, la nature d'un philosophe [bande annonce]" by Arsenal Productions on Vimeo, the home for high quality videos and the people...
bande annonce du film de Christian Girier sorti en salles en septembre 2015, 67'; Marcel Conche s’est éveillé à la philosophie à l’âge de 6 ans alors qu’il accompagnait ses parents au travail des champs. Il lui consacrera sa vie. À 91 ans, ce philosophe moderne — mais à l'écart des modes — nous convie à une méditation philosophique. Au fil du temps, il a élaboré une métaphysique de la Nature qu’il continue inlassablement de méditer. Depuis sa Corrèze natale, il nous ouvre avec délice à une pensée toujours en mouvement, et nous livre le récit d'une vie qu'il dit banale, pourtant aussi surprenante qu’imprévisible. Depuis 2018, Marcel Conche a quitté Altillac pour Treffort, la maison de sa femme où il est accompagné par des membres de sa famille au quotidien, ayant perdu une partie de son autonomie
Marcel Conche [Méditation sur la Nature]
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un bonus du film La Nature d'un philosophe de Christian Girier
Marcel Conche [De la Nature poète et de la science]
This is "Marcel Conche [De la Nature poète et de la science]" by Arsenal Productions on Vimeo, the home for high quality videos and the people who...
un bonus du film La Nature d'un philosophe de Christian Girier
" Marcel Conche, la nature d'un philosophe " - Bonus #1
Durée globale du bonus : 13'16 Chapitres : - Journal étrange (2'14) - D'un zéro éliminatoire en gymnastique (0'56) - M. Rigaudie la terreur (2'20) - Du catéchisme et de ma rébellion (4'03) - ...
un bonus du film La Nature d'un philosophe de Christian Girier