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Blog de Jean-Claude Grosse
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Bocal agité: les 10 mots pour dire demain

3 Avril 2009 , Rédigé par grossel Publié dans #bocals agités

Bocal agité: les 10 mots pour dire demain

 

Ce bocal agité s'est déroulé samedi 28 mars au Café-Culture de Toulon, petit cours La Fayette, à partir de 9 H, en collaboration avec L'Écrit-Plume et le Café-Culture.
 
8 personnes y ont participé, le matin, 14, l'après-midi.
 

Un bocal agité a un côté ludique et aléatoire qui s’apparente aux jeux de langage des surréalistes ou aux fatrasies du Moyen-Âge.
Le matin de 9 H 15 à 12 H 15 : temps de l’écriture où « l’agitateur »: Jean-Claude Grosse a proposé des consignes aux  écriVents pour écrire un texte sur le thème choisi.
L’après-midi, de 14 H 15 à 15 H 30 : temps de la mise en jeu des textes par  les actants.

Les 10 mots:
ailleurs capteur claire de terre clic compatible désirer génome pérenne transformer vision
Consignes du bocal

Et si ailleurs c’était ici
Et si les capteurs ne captaient pas seulement la tension, le vitesse, la pression, la température, l’énergie solaire, mais…
Quand le clair de terre ne sera plus observable
Et si les clics faisaient clash, bug, bogue
Et si rien n’était compatible avec rien
Désirer   délirer  s/l est-ce elle ?
Délirer   désirer  l/s  laisse ?
Les hommes ont à peu près le même génome que les vers de terre et les vers sont vexés. Boris Cyrulnik
Inversez la proposition en la développant
Et si pérennité convolait avec précarité
Transformer (quoi) ou  (et, avant, après) se transformer (en)
Et si notre vision était nyctalope

Textes à produire :
De 1 à 10 phrases courtes avec les 10 mots
Un texte par mot
Avec les 10 textes obtenus, soit 10 fragments soit une synthèse
Disorthographier un des textes sur un des mots sans aller à l’illisible
Faire un slam pour un des mots
Pratiquer l’oxymore sur un des mots

Pour la mise en bouche, l’après-midi, la consigne a été de lire en fragments et en tournant, le suivant prenant la parole pour répondre au précédent.


 

Et si ailleurs, n’était simplement que ce chemin emprunté au réveil et clôt au coucher.
Je ne capte rien tant que le silence.
Au clair obscur de nos infinies incomplétudes, dans l’outre ciel de nos impossibles amours, que reste-il ? Sinon la douce consolation d’un clair de terre rassurant.
Clique moi pour un possible déclic, cliquettent jolis doigts pour que claquent les mots : amour toujours ! Dépêche-toi sinon j’en aurai vite ma claque et prendrai mes clics et mes clacs…
Je ne désire rien tant que délirer, je ne délire bien que le temps du désir.
Les hommes partagent presque le même génome avec le chimpanzé, l’homme a inhibé sa sexualité, le singe non ! Doit- on le déplorer ? Voire….
Pérennes nos sentiments, non ! Au moindre souffle de nos incertaines vies, ils s’envolent.
Mon âme se transforme au gré de mes prières, mon esprit au gré de mes acquis, mon corps au gré de mes régimes et mon cœur au gré de mes amours…
Tu es dans mon champ de vision, mon regard te sonde, insondable est ma tristesse.
Est-elle comptable de sa vie à vos yeux ? A ses comptines enfantines, laissez la vieille « incompatiblement » délirer.

Deuxième exercice.

« Lui et moi désirer sans nous déchirer.
Me laisser aller à le désirer sans délirer.
Le laisser délirer sans  me tracasser.
Désirer enfin nous lier pour encore délirer.
Et puis se délier pour ne pas s’entretuer ! »
 
Pérenne ! Pérenne ! Ben oui, j’suis une reine en paix  et pas en peine qui enfourche un renne pour rejoindre un père, dans la pérennité de l’éternité et toc !

Clic ! Clac ! Fait la pluie.
Beugue ! Beugue ! Fait l’ordinateur.
Bogue ! Bogue ! Fait la châtaigne.
Clash ! Clash ! Font mes amours.

Hier,  j’me suis barrée chez le Petit Prince, j’suis allée couper les baobabs et arroser la fleur. On s’est assis au bord de la planète, aucun clair de terre. « Foutue pollution » ai-je murmuré. Le petit Prince pleurait et moi aussi.

J’me nomme GERARD ! J’suis pas un gnome, juste un homme, mais non pas JERÔME juste GERARD ! Non ! j’n’ai pas le même génome que le ver de terre, j’m’en retourne petit homme dans mon home.

Et si mon ailleurs était  toi,
Oui, moi qui te connais si mal.
Et si ton ailleurs était moi,
Toi qui ne me soupçonne pas.
 Et nous cheminons pas à pas,
Bientôt nous vivrons nos émois.
Compatible ! Compatible ! Ben j’prends un compas, j’ fais un cercle, j’mets une cible ! C’est un comble, j’comprends toujours rien ! J’suis comptable de rien et certainement pas con juste  comblé! Oh ! Ben j’suis compatible avec rien juste comestible.

Mes capteurs  ne captent rien, juste l’atroce sensation d’une non vision ! Je ne vois rien, ni de près, ni de loin, visions inénarrables de mes aveugles capteurs. Avisons alors ! Tentons de viser les sensations de mon cœur déconnecté, de mon esprit non voyant, de mon corps abusé, c’est impossible, mes capteurs silencieux m’enchaînent au désert de perceptions insondables, mort infinie d’une âme captatrice sans visée, sans vision.

Me transformer en louve, je ne puis, j’ai la tendresse de l’agneau !
Me transformer en impératrice, je ne puis, j’suis une vieille peau !
Me transformer en écrivain, je ne puis, j’suis un badaud !
Me transformer en putain, je ne puis, j’suis maquereau !
Alors je me suis fait peintre : mon cœur  une fleur, mon corps un vase et mon âme, une eau de source.


TROISIEME EXERCICE
A travers les volets,  le jour pousse sa corne. Elle soupire, il dort là, son souffle régulier trouble à peine ses pensées. Où est-il cet ailleurs tant promis ? La vision d’une fugace image heureuse trouble son regard,  son triste quotidien est incompatible avec les promesses à jamais enfuies.
Comme elle riait autrefois, aux mots fous dont il la poursuivait : « nos génomes sont irrémédiablement compatibles » ou «  mets ton oreille tout contre mon cœur, tous mes capteurs vibrent pour toi. ». Elle riait aux éclats, pauvre folle.
Les amours pérennes n’existent pas. Plus jamais, il ne lui murmurait à l’oreille «  Tu es ma divine planète d’où j’entrevois le plus  beau des clairs de terre. »
Sa vie se transformait peu à peu en une lente descente aux enfers où le désir de fuir le disputait au désir de meurtre.
De sa main, elle chassa ses morbides pensées. A quoi pouvait-il rêver ? Lui qui avait tué tous ses rêves.
Un jour, oui un jour, elle prendrait ses clics et ses clacs.
Brutalement, sortant du sommeil, il gueula « Feignasse, qu’attends tu pour servir mon café ! »
Une nouvelle journée commençait.
GRACIEUSE
 

AILLEURS : être en un autre lieu qui n’est jamais le même pour chacun

CAPTEUR : le capteur s’affole et ne capte plus rien, son électricité est en panne, il voudrait retourner en arrière

Le CLAIR DE TERRE s’est éteint, les hommes ne méritent pas sa clarté

CLIC CLAC :Le clic d’un claquement sec a donné l’ordre et la bombe dévastatrice avance inexorablement

COMPATIBLE :Votre discours n’est pas compatible avec le mien. Vous êtes dans l’avoir et je veux être dans l’Etre

DESIRER :  Que le temps s’arrête et que l’instant unique demeure immobile 

GENOME : Tu es ma carte d’identité mais ou se situe ma liberté ?

PERENNE : Que vont donner ces années à venir ? Cela me semble long !

TRANSFORMER :Devenir quelqu'un d’autre dans l’avenir, beau projet

VISION : J’adapte ma vision à un imaginaire qui me comblerait

 
FRANCOISE
 
Je désire,
Je délire,
Je n’ose vous décrire
Ce qui m’inspire.
Je délire dans le rire,
Je désire même le pire.
Il faut pourtant tenir,
Essayer de séduire,
Savoir raccourcir,
Et parfois réécrire.
Réduire le délire,
Calmer le désir,
Rajuster le tir,
Attendre qu’on vous vire.
Sublimer le désir,
Attendre le navire
Emportant nos soupirs,
Sublimant nos souvenirs
Oubliant de vieillir,
Accroché au désir
Quelquefois de mourir,
Usé par le désir
De partir
Dans le désir
Du délire.
 
 
FRANCOISE
 
C’est ailleurs en un autre temps, c’est demain ou dans cent ans

Le génome humain a livré tous ses secrets.
Toute personne porteuse d’un chromosome déviant ne pourra ni se marier, ni enfanter,   
Dans les laboratoires secrets, des savants fous cultivent les cellules souches, afin de remplacer cœur, foi….

Chaque humain est muni d’un capteur d’émotion négative qui alerte aussitôt le centre de la sérénité, lequel indiquera quelle molécule prendre pour retrouver la pérennité d’une vie douce et paisible.

La pollution, aprés bien des combats est vaincue,  la terre offre à nouveau aux voyageurs interplanétaires de splendides clair de terre.

Les zones de famine endémiques ont subi une guerre bactériologique, pas un habitant n en a réchappé.
La faim  éradiquée de bien sauvage manière est tombée dans les oubliettes de la mémoire.

Les guerres n’existent plus, quelques guérillas sporadiques agitent les zones rurales qui refusent le modèle de vie urbain aseptisé, artificiel .

Au fil des ans, le langage s’est transformé, des onomatopées universelles  désignent les actes essentiels de la vie, les enfants apprennent désormais la phonétique universelle.

Dans cet atmosphère pure ou plus aucun risque ne guette l’homme, tout désir est mort…. Que peut on convoiter lorsque tout est donné ? Ou plutôt que l’on vous en a persuade à force de slogans lénifiants.

Pourtant la  jeunesse  veut sentir le sang couler plus vite dans ses veines et la révolte gronde.

Elle rêve du passé.
Elle imagine des errances au creux des chemins le vent dans les cheveux, libre d’aimer un imparfait humain. Elle veut entendre le clic clac des sabots des derniers chevaux.

Sa vision d’une nouvelle fraternité  est incompatible avec l’ univers de ses parents

Et une fois encore, elle bâtira un monde nouveau, elle suivra sans le savoir les traces d’un lointain ancêtre,

Le chromosome de la rébellion est indétectable, il est l’espoir de l’humanité et de lendemain meilleurs

Demain deviendra le passé, ainsi tourne les capteurs de l’histoire humaine,

 
                HELENE

1° exercice, 2 phrases avec les 10 mots

Je désire inventer le capteur qui d’un clic me permettra de voir un clair de terre afin de transformer ma vision pérenne de l’ailleurs et de rendre compatible mon génome avec le jeune homme d’à côté.

Transformer l’ici en ailleurs suppose de nouveaux capteurs pour méduser notre vision pérenne du monde et de l’autre et ouvrir la voie au désir capable d’un clic d’imaginer-réaliser génome compatible et clair de terre reproductible.

2° exercice, une phrase ou un développement pour chaque mot

Mais si ailleurs c’était ici ce serait kif kif kif pareil. Faut pas croire ici là-bas ça change pas. Paradis enfer ici-bas ici haut. Si planète pète bouquet final idéal. Si netpla tepe ketbou nalfi alidé. Wouaf wouaf.

Et si on captait tout déjà, si la traçabilité était déjà universelle, si big brother nous regardait bosser bouffer baiser, si nous contrôlions notre pouls avec le cardiomètre, notre poids avec le pèse-personne, notre taille avec la toise, ah qu’aujourd’hui nous paraîtrait le paradis sur terre.
Captez capteurs, bigs brothers suivez-nous à la trace, itinérisez nos itinér-aires, nos itinér-erres, je suis sans surprise, je suis ennuyeux à vous faire mourir d’habitudes.

Quand le clair de terre ne sera plus observable, sûr que nous aurons disparu, que la planète pourra se régénérer, se réinventer.

Tout clic peut engendrer un bug. C’est comme le grain de sable dans la machine qui enraye la machine. La dune c’est un amas de grains de sable qui se sont accumulés. Il suffit d’un grain de sable qui se désagrège pour que la dune s’effondre. Un clic maladroit d’un internaute parfaitement identifiable suffira à vaporiser big brother. Je serai cet internaute désirable.

Mais si rien n’était compatible avec rien ça m’irait bien mien tien sien ça me va très bien chacun son coin chacun ses soins chacun son loin chacun ses poings.

Je désire
je délire
petit écart
s engendre l
est-ce elle
Le désir doute
Le délire en rajoute

Je délire
je désire
grand écart
l donne s
je me lasse de ma laisse
je me crois au galop
je suis pris au lasso

Les hommes ont à peu près le même génome que les vers de terre.
Qui croyez-vous est vexé ?
Le ver de terre n’a ni sentiment ni pensée ni cœur ni raison.
L’homme s’il se croit supérieur sera vexé deviendra massacreur d’espaces et d’espèces.
S’il se sert raisonnablement de son cœur, s’il brûle sa raison au feu de ses sentiments alors il admettra que l’à peu près même engendre l’infinie diversité, il saura que le kif kif c’est du pareil au même porte en lui toutes les altérités.

Et si pérennité convolait avec précarité ce serait clair obscur conflit pacifique paix armée sucré salé doux amer amour volage passion durable
Désir aléatoire au hasard des pas choix hasardés ce serait la loi du hasard la vie au hasard livré à l’ivraie du hasard à l’ivresse du hasard la mort par hasard par accident.

Notre référent révérencié d’hier, Karl Marx, a écrit : Les philosophes n’ont fait qu’interpréter le monde, il s’agit de le transformer par la révolution, aboutissement de la lutte des classes.
Évidemment cette évidence s’est évidée de sa vérité.
Il y a un an, la plupart des gens croyaient aux banques, aux assurances.
Depuis six mois c’est la crise. La confiance est devenue méfiance sans passage à l’acte. On laisse son argent à la banque, on renouvelle son contrat d’assurance. Ainsi le système perdure, est pérennisé, n’entre pas en faillite, en banqueroute.
Les dirigeants qui n’ont rien vu venir, les dirigeants multicartes (libéral, le matin, réformiste à midi, étatiste le soir, sécuritaire devant un parterre de vieux, égalitaire devant une haie de huées de salariés, privilégiature devant des nantis au Fouquet’s) vont réguler, moraliser le système. Ce sera le 2 avril 2009.
Je le prédis : Karl Marx le retour, c’est pour tout de suite ici, là-bas, avec l’unité de la base et dans l’action, avec la convergence des luttes imposée aux sommets, avec le tous ensemble en Guadeloupe, ça chaloupe dans les confédérations : 29 janvier, 19 mars, 1° mai, quel calendrier pour maintenir ce système à bout. Avec la nuit des convergences, c’est un jour nouveau qui se lève pour plus de radicalité contre tous les timorés, meneurs menés nous menant par le bout du nez. Fini le vieux temps du ce n’est pas possible, y a plus de possibles.

Et si notre vision était nyctalope nous verrions comme des chats pas facile de se planquer facile de débusquer les planqués les prédateurs agiraient dans l’ombre les possédés rechercheraient la lumière le monde serait infernal.

 
  L'assaisonneur
 
 

 

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Bang Bang

22 Mars 2009 , Rédigé par grossel Publié dans #poésie

Je réactualise cet article du 22 novembre 2007

 

Bang Bang, chanson de Sonny Bono, 1966

 

Découvrir si tardivement cette chanson ne me fait pas avoir de regrets, le plaisir de la découverte l'emportant sans concurrence ou ambivalence. Si je compare les paroles de la chanson américaine écrite en 1966 par Sonny Bono et interprétée par Cher d'abord, sa femme, puis par Nancy Sinatra et les paroles de la chanson française, écrite pour Sheila en 1966 aussi, par Claude Carrère et Georges Aber, je suis obligé de reconnaître la supériorité de la 1° sur la 2°. Pareil d'ailleurs pour l'interprétation.
Je n'aime pas la chanson chantée par Sheila.
J'aime celle chantée par Nancy Sinatra dans sa version première, beaucoup moins dans sa version remixée sur la vidéo-montage de Kill Bill (en générique du film, on a une reprise de la version première).
J'aime aussi la version des Raconteurs.

Voilà une chanson qui raconte une histoire prenant quelques années (de 5 - 6 ans à 17 - 18 ans) en 3 couplets et 3 refrains, histoire racontée par la narratrice qui filtre ses souvenirs, retenant des couleurs (blanc, noir), des objets (chevaux de bois), des situations ( à l'église, jeu à rebondissements, tantôt lui gagne, tantôt elle), du temps qui passe (les saisons), des comportements (rire, dire, partir, sans même mentir), des sentiments et des émotions (je l'ai appelé mien, parfois je pleure).
Quant aux refrains, ils alternent les 2 personnes, elle et lui, en utilisant le je, le tu et le il. Sur trois refrains, le 1° et le 3° sont identiques: elle est la victime du bang bang. Dans le 2° refrain, c'est lui la victime.
Voilà une histoire d'amours et de batailles enfantines qui aboutit à une séparation sans drame, avec beaucoup de tristesse et d'émotion.
On compatit avec la narratrice.
Et on se prend à se demander pourquoi tant d'amours en dérive ? pourquoi tant d'amours sans retour ? pourquoi tant d'amours qui ne durent pas toujours ou plutôt le dernier jour comme au premier jour ?
Voilà bien un sentiment qui a peu à voir avec la raison et avec la volonté, le plus douloureux quand il n'y a pas réciprocité, le plus joyeux quand il y a retour, sentiment qui fait peur et envie, mais la peur est sans doute plus forte que l'envie d'où tous les jeux de séduction contre l'amour, d'où toutes les résistances pour ne pas avoir à larguer ses repères.
J'ai beaucoup échangé avec Emmanuelle Arsan sur l'amour dans Bonheur, publié par Les Cahiers de l'Égaré, en janvier 1993, épuisé. Tant pis. Mais il y aura Bonheur 2 en 2008 pour nos 20 ans d'amitié et d'échanges épistolaires, sans aucune rencontre entre nous.

Jean-Claude Grosse

 


I was five and he was six
We rode on horses made of sticks
He wore black and I wore white
He would always win the fight

Bang bang, he shot me down
Bang bang, I hit the ground
Bang bang, that awful sound
Bang bang, my baby shot me down

Seasons came and changed the time
When I grew up, I called him mine
He would always laugh and say
"Remember when we used to play?"

"Bang bang, I shot you down"
"Bang bang, you hit the ground"
"Bang bang, that awful sound"
"Bang bang, I used to shoot you down"

Music played and people sang
Just for me the church bells rang

Now he's gone, I don't know why
And till this day, sometimes I cry
He didn't even say "goodbye"
He didn't take the time to lie

Bang bang, he shot me down
Bang bang, I hit the ground
Bang bang, that awful sound
Bang bang, my baby shot me down

 

 

    J'avais cinq ans et il en avait six

    Nous chevauchions des chevaux de bois.

    Il portait du noir, je portais du blanc

    Il gagnait toujours la bataille.

     

    Bang Bang,

    Il m'a descendue

    Bang Bang,

    J'ai heurté le sol

    Bang Bang,

    Cet affreux bruit

    Bang Bang,

    Mon amour m'a descendue.

     

    Les saisons vinrent et changèrent le temps,

    Quand j'ai grandi je l'ai appelé mien.

     Il voulait toujours rire et dire,

     Souviens-toi quand souvent nous jouions.

     

     Bang Bang,

     Je t'ai descendu

     Bang Bang,

     Tu as heurté le sol

     Bang Bang,

     Cet affreux bruit

     Bang Bang,

     J'avais l'habitude de te descendre.

     

     La musique jouait et tout le monde chantait (que)

     Juste pour moi les cloches de l'église sonnaient.

     

     Maintenant il est parti,

     Je ne sais pas pourquoi.

     Et depuis ce jour,

     Parfois je pleure.

     Il n'a même pas dit au revoir,

     Il n'a pas pris le temps de mentir.

     

     Bang Bang,

     Il m'a descendue

     Bang Bang,

     J'ai heurté le sol

     Bang Bang,

     Cet affreux bruit

     Bang Bang,

     Mon amour m'a descendue

 


Paroles de Bang Bang pour Sheila par Claude Carrère et Georges Aber (1966)

Nous avions dix ans à peine
Tous nos jeux étaient les mêmes
Aux gendarmes et aux voleurs
Tu me visais droit au cœur
Bang bang, tu me tuais
Bang bang, et je tombais
Bang bang, et ce bruit-là
Bang bang, je ne l'oublierai pas

Nous avons grandi ensemble
On s'aimait bien il me semble
Mais tu n'avais de passion
Que pour tes jeux de garçon
Bang bang, tu t'amusais
Bang bang, je te suivais
Bang bang, et ce bruit-là
Bang bang, je ne l'oublierai pas

Un jour tu as eu vingt ans
Il y avait déjà longtemps
Que l'amour avait remplacé
Notre amitié du passé
Et quand il en vint une autre
On ne sait à qui la faute
Tu ne m'avais jamais menti
Avec elle tu es parti
Bang bang, tu m'as quittée
Bang bang, je suis restée
Bang bang, et ce bruit-là
Bang bang, je ne l'oublierai pas

Quand j'aperçois des enfants
Se poursuivre en s'amusant
Et faire semblant de se tuer
Je me sens le cœur serré
Bang bang, je me souviens
Bang bang, tout me revient
Bang bang, et ce bruit-là
Bang bang, je ne l'oublierai pas

 

 

 

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Balade dans le sud marocain

9 Novembre 2008 , Rédigé par Jean-Claude Grosse Publié dans #voyages

Balade dans le sud marocain
par Grossel et son guide Ya.Smine
Cette balade a duré 6 jours, au départ de Marrakech, du 23 au 28 octobre 2008, après deux jours de pluies abondantes, à deux, avec un bon 4X4, pique-nique vers 13 H, là où ça nous plaisait, soirée en gîte d’étape, simple, avec cuisine locale.
1° jour : nous partons vers le sud par le Tizi n Tichka, pluie et neige vers le col, puis 40 kilomètres de piste en 4 heures entre Telouet où se trouve la casbah en piteux état du Glaoui et la casbah d’Aït Ben Hamoud, déjà vue en 2006, que nous saisissons aux feux couchants, l’idéal.
Heureusement, aucun véhicule pendant la descente abrupte de je ne sais quel col.
Nuit à Tamdaght,  à La Cigogne, tenue par de jeunes marocains, village plus  authentique qu’Aït Benhadou, près de la casbah où vit Bahia que nous n’avons pas vues, partis trop tôt le lendemain matin après achats chez Omar, l’antiquaire qui a une caverne d’Ali Baba d’objets magnifiques et à bons prix.

 
 
2° jour : passage par Taliouline pour se procurer du safran. C’est le temps de la récolte et c’est le meilleur safran du Maroc. J’en achète 20 grammes. Thé au safran bien sûr.
Arrivée par une route magnifique sur Tafraout, après avoir traversé au pas puis à pied, un village où se déroulait un « moussem », une fête traditionnelle. J'achète 6 kilos de dattes de Tata, pareilles à celles de Zaghora, appréciées en 2006.
Nous logeons 3 jours à La Tête du Lion agréable hôtel tenu par Christophe et Hakima.

3° jour : nous passons 5 heures à Eden Rocks, au coin des rochers peints par

Jean Verame

un artiste belge, en 1984, coin très visité aujourd’hui, comme quoi le land art peut ouvrir des perspectives. Nous découvrons et baptisons plusieurs rochers naturels non répertoriés dont l’impensable Richard Cœur de Lion. Mais aussi le dauphin, l’aigle, les cavaliers teutons, le singe…
 

4° jour : promenade dans la palmeraie d’Aït Mansour, le matin et longue visite au souk d’Aït Abdallah. De nombreuses photos prises par Ya.Smine, portraitiste de talent, Marocain de cœur, qui s’est mis à l’arabe et s’ouvre ainsi les cœurs et les visages.
Comme il a plu, c’est déjà tout vert, la terre est meuble et les femmes travaillent avec le soc et le mulet, de petites parcelles. Pas d’hommes, au travail ailleurs, en ville ou en Europe.
L’après-midi, retour à Tafraout par un immense plateau. De nombreuses maisons luxueuses en plein désert. Les « soucis » préparent leur retraite.

 
5° jour : direction Taroudant par un détour au nord de Tafraout à travers le djebel Lext. Magnifique route, précipices vertigineux, pas une voiture sur 100 kilomètres à 30 à l’heure maxi et arrêts multiples pour photos et panoramiques.
Soirée et nuit au Palais Sallam en chambre double, en mezzanine avec terrasse, la pointe de luxe à prix honnête, nécessaire pendant une balade.
 
6° jour : retour à Marrakech par le Tizi n Test. Route et paysages impressionnants. Pique-nique et visite de la mosquée oubliée de Tinmel.
Arrivée sous la pluie à Marrakech.
Ce qui m’a frappé après deux ans d’absence : l’impressionnant travail d’infrastructure, pistes devenues routes, électricité partout, téléphone partout, désenclavement, signalétique des douars et villages, constructions neuves partout dans les endroits les plus inattendus, grandes maisons construites par ceux qui vivent et travaillent en Europe, en France avec leurs commerces ouverts tard le soir, les « soucis ».
Le Maroc décolle.
Dommage que l’éducation soit à la traîne, en matière d’hygiène, de propreté.
Comme par hasard, c’est dans les centres des petites villes que les rues et routes sont défoncées.
Merci à Ya.Smine pour cette balade, hors circuits touristiques.
 
 
 

 

À Marrakech,
- J’assiste à deux vernissages (je n'ai pas de reproductions à proposer; mille excuses du pays des mille et un paysages):

  _un de peinture à la galerie Artes Mundi, belle galerie toute en profondeur ce qui crée une belle proximité, intimité avec l'oeuvre de Rachid Zizi, artiste modeste qui a déjà une clientèle  et déjà reconnu, qui a envie d'aller plus loin, ailleurs et a fait des avancées en 5 ans, que l'exposition permet d'évaluer (bonne continuation donc, Rachid, et à 2010, peut-être), exposition visible tout novembre 2008
  _un de céramiques: Mailles d'émail de Kamal Lhababi, artiste de dimension internationale, dans les allées des hôtels Saadi, sur le thème des costumes d'apparat, céramiques tout à fait abordables par leurs prix (commande lui a été faite de grandes fresques en céramique, il y a quelques années, fresques à voir absolument dans le hall du Casino des Saadi, fresques s'intégrant à merveille à l'architecture de ces lieux: Les jeux, Les cinq sens et le sixième, L'arrivée du poète Saadi à Marrakech, Les lions de l'Atlas), exposition visible tout novembre 2008.

 

- Je lis intégralement le N° trimestriel de la revue MarocPremium consacré à la peinture contemporaine marocaine. Excellent N°.
- Je rencontre le photographe de la revue, Mostapha Romli, lui fait une analyse de ce que j’ai pu constater en regardant les reproductions. Échanges en cours et en vue.
- Je rencontre aussi Sijel, un pharmacien renommé de Casablanca qui s'est lancé dans la production et la commercialisation de produits marocains destinés à la cosmétique et à la cuisine traditionnelle. J'éditerai peut-être un livre aux Cahiers de l'Égaré. On peut avoir une idée de ce travail avec Charme du Maroc.

- Je regarde Ya.Smine travailler ses toiles ainsi que Chérifa Rabeh. Ils ont exposé avec succès tout septembre à La Maison des Arts de Rabat.
En deux ans, ils ont gagné en maîtrise et en propositions, chacun dans son registre. Je ne suis pas étonné que Chérifa ait été retenue par la revue.

(article de Jean Roguès)

Grossel à Marrakech, le 4 novembre 2008
 
 

Fondamentals by Chérifa


L’évolution de la peinture de Chérifa Rabeh
et Jean-Pierre Grosse (Ya.Smine)
artistes-peintres résidant à Marrakech


Je n’avais pas vu leur travail depuis novembre 2006. Voir des reproductions d’œuvres en catalogue internet et voir les œuvres réelles sont deux expériences différentes, la première permettant de saisir des ensembles, des cohérences, la seconde de saisir des singularités, les deux expériences se complétant donc car des œuvres singulières peuvent aussi constituer une œuvre « ouverte », un ensemble construit par le regard et la pensée de l’observateur, du peintre aussi bien.
Si j’essaie d’appréhender l’évolution de Chérifa Rabeh-Grosse, outre le passage à des formats plus importants, 80X100cm, je note la part essentielle prise par les compositions florales, souvent agrémentées d’une théière, compositions dont la richesse chromatique, la chaleur plutôt est communicative. Voilà une peinture subjective, peu soucieuse de netteté, éclairée de l’intérieur par une énergie, une vitalité qui se communiquent au spectateur. Peinture qui nous veut du bien, invitant à saisir la toile dans sa totalité mais aussi à la promenade du regard, voyage aléatoire au gré des formes et couleurs et qui fait chaud au cœur, procure du bonheur, l’espace d’un présent qui dure le laps de temps qu’on veut bien lui donner. Peinture donc de la liberté, de la libération car la liberté n’est que la succession des libérations que nous nous créons. Les gris de notre vie routinière sont avec les fleurs de Chérifa, coquelicots en particulier, dissous dans la profusion et l’éclat, la vitalité de la nature. On en oublie l’éphémère de la fleur pour se nourrir de son offrande gratuite, don sans contrepartie, voie d’une vie autre, nouvelle, la vraie vie.

 
Poppies in Northern Morocco by Chérifa

Si j’essaie d’appréhender l’évolution de Jean-Pierre Grosse, outre le passage à des formats plus importants, 120X100cm, je note deux partis-pris nouveaux, des portraits très acérés dans le trait, d’une netteté, d’une vérité pouvant aller jusqu’à l’insoutenable, jusqu’au malaise, portraits en outre souvent  présentés en triptyques donc relativisant toute saisie, la dynamisant aussi, obligeant à promener le regard alors qu’il a tendance à se fixer sur un visage. C’est le cas de « A certain vision of life ».     

On fait là une expérience phénoménologique qui mérite que je m’y attarde un peu. Regarder un visage ne va pas de soi. S’autorise-t-on à le regarder franchement, à le capturer, le saisir ou préfère-t-on le découvrir par effleurements, regards de biais, sans insistance comme une caresse, avec respect. Voilà que regardant mon regard, je prends conscience de mon rapport à autrui.
Autrui regardé, vivant, réagit à mon regard, modifiant mon nouveau regard, intimidé ou rassuré.
Autrui regardé, peint, se livre à moi dans son intensité, sa vérité, son éternité, expérience apparemment simple, en réalité impossible. Bien que s’offrant comme un tout, le visage est appréhendé comme un mystère : il semble vouloir me dire ce qu’il est et je ne saisis pas ce qu’il exprime. Je fais l’expérience de l’indicible, la vérité de ce visage m’est inaccessible : je vois bien la dureté de la vie marquant ce visage ridé, buriné mais comment se situe-t-il par rapport à cette vie, sa vie, acceptation, protestation, résignation, révolte, acquiescement, voilà quelques mots dont je mesure l’insuffisance.
De même pour ce regard de femme, « Nasrine », magnifique, quelle expérience intime j’en fais, non partageable ?

 
Nasrine by Ya.Smine
 
Le flou est l’autre nouvelle tentative du peintre, le mouvement, également en triptyques. C’est une expérience contraire, saisir la fugacité et se livrent d’autres vérités : l’audace d’une femme qui s’expose dans sa danse, se livre dans sa transe, la fusion des cavaliers s’affrontant dans le rituel de la fantasia dans « Fantaisie »…

Voilà deux artistes sans grosse tête, authentiques chercheurs de beauté, de chaleur, de vérité définitive ou de vie éphémère, avec lesquels on fait des expériences à la fois esthétiques, existentielles, philosophiques, si on est disponibles, prêts à prendre le temps de longuement regarder, ce qui n’est pas fréquent dans le monde de l’ « art » livré aux marchands et aux snobs.
Dans le dernier N° de Maroc Premium, remarquable N° consacré aux peintres marocains contemporains, Chérifa Rabeh-Grosse a été retenue parmi 70 artistes. C’est là un signe de reconnaissance qui devrait s’étendre dans un prochain N° à Jean-Pierre Grosse, Marocain de cœur, exprimant à travers ses portraits, non l’exotisme marocain mais l’universel humain d’avant le temps des chairs bouffies, des visages sans âge traités aux cosmétiques.
De ce N° lu en totalité, je dirai qu’il présente un panorama intéressant d’artistes contemporains, qu’il fait un état des lieux sans complaisance des avancées et des difficultés, des carences. Une aporie se découvre à la lecture : l’oscillation entre un point de vue marchand et un point de vue artistique. L’art peut-il se passer du marché ? Comment faire pour que le marché ne fausse pas la valeur artistique par la valeur marchande ? Comment un artiste peut-il sauver son âme et son art en étant commercial ? Jusqu’où ? Le modèle occidental n’est pas une garantie : la multiplicité des appréciations n’empêche en rien les modes, les exclusions, les combinaziones, les usurpations, les impostures, les oukazes, que cela vienne des fonctionnaires de l’art, des marchands d’art, de la presse spécialisée, des spéculateurs, des réseaux d’influence.
                                                                  
 
Jean Roguès, Marrakech
le 30 octobre 2008
 
 
 
 
A certain vision of life by Ya.Smine
 
 
 
 
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Nouveaux médias, nouveaux langages, nouvelles écritures

2 Septembre 2008 , Rédigé par Jean-Claude Grosse Publié dans #notes de lecture

Nouveaux médias, nouveaux langages, nouvelles écritures
Nouveaux médias, nouveaux langages,
nouvelles écritures

Editions L’Entretemps

Cet ouvrage rendant compte d’un séminaire sur les nouveaux médias, nouveaux langages, nouvelles écritures, organisé à La Friche Belle de Mai à Marseille en mars 2004 comporte six exposés, six approches dont une plus concrète, celle de Michel Simonot sur la création de La mémoire du crabe que j’avais édité aux Cahiers de l’Egaré en 2002.
Ouvrage peu aisé à lire, si je le compare à un livre plus récent dont j’ai rendu compte : Internet, un séisme dans la culture ? de Marc Le Glatin, il m’est assez difficile d’en rendre compte. N’ayant guère envie d’utiliser les mots des auteurs, souvent très, trop techniques, je vais tenter de dire ce que je crois avoir compris.
Les nouveaux médias pour les auteurs mettent en cause certaines postures, celle de spectateur face à une œuvre, celle de lecteur, simple récepteur du texte d’un auteur. Par là même, les nouveaux médias en produisant de nouvelles attitudes contribuent à déplacer certains questionnements sur la place de l’art dans la société, sur les processus de création, sur les formes et contenus de la démocratisation culturelle, sur le public et le spectateur.
La relation de face à face œuvre-spectateur fait place à des dispositifs qui intègrent le spectateur, l’autonomisent par rapport à l’œuvre, lui donnent la possibilité de varier ses points de vue, de réagir, de participer au processus créatif, à sa diffusion, à sa transformation, d’être un individu en lien avec du collectif  par les liens proposés, créant du collectif par les liens qu’il propose.
Les nouveaux médias induisent de nouvelles écritures, en fragments, rendant possibles de multiples assemblages donc des sens multiples, de la responsabilité des lecteurs-récepteurs, suffisamment grands garçons pour ne pas dépendre du sens construit par l’auteur.
Evidemment les nouveaux médias ont des caractéristiques qu’il faut connaître pour pouvoir les utiliser en conscience. Le niveau du programme et de ses fonctionnements discrets, non apparents, est le niveau le moins accessible à la plupart des utilisateurs qui n’auront peut-être qu’une illusion de liberté quand ils produiront, créeront ce qui apparaîtra sur l’écran.
Il me semble que les interventions avaient besoin de justifier l’usage du mot nouveau, présent 3 fois dans le titre. Cette justification se fonde sur la mise en cause du face à face œuvre-spectateur mais cette mise en cause, affirmée, non prouvée, n’est pas nécessairement aussi décisive que le prétendent les intervenants. La relation d’un spectateur à une œuvre dépend beaucoup de la qualité de l’œuvre comme de celle du spectateur. Un spectateur consommateur de films, de pièces, de toiles, de photos ne tirera pas de sa relation à ces choses ce qu’en tirera un spectateur actif, soucieux de culture de soi. Un tel spectateur, un tel lecteur auront le souci du questionnement, d’une forte confrontation avec l’œuvre et ils en tireront pour eux-mêmes plus d’apports que si on leur avait favorisé des possibilités d’interaction.
Dans les contributions intéressantes de ce séminaire, la distinction entre style (marque d’une singularité) et écriture, les précisions apportées pour cerner la notion d’écriture (un usage réfléchi, choisi, cohérent des codes destiné à faire réfléchir le lecteur, le spectateur à la place qu’il occupe, à le faire changer de place). Egalement très intéressante, la contribution sur le droit du lecteur car aujourd’hui, en droit, le lecteur n’existe pas. Les seules avancées de taille sont une décision du Conseil constitutionnel disant que les lecteurs, le lectorat ne pouvaient faire les objets d’un marché et le lancement des Creative Commons avec cette idée que l’auteur a une affaire avec le lecteur d’où l’émergence de contrats stipulant des droits au lecteur : reproduire l’œuvre, l’incorporer dans une ou plusieurs œuvres collectives, créer er reproduire des œuvres dérivées…
Evidemment les efforts des uns et des autres pour spécifier les nouveaux médias : simulation, autonomie, circulation… permettent de saisir en quoi ces médias modifient de plus en plus profondément nos relations au réel, au social, au politique, au symbolique…     

Jean-Claude Grosse, 23 août 2008


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J’ai tant rêvé de toi/Olivier et Patrick Poivre d’Arvor

2 Septembre 2008 , Rédigé par Jean-Claude Grosse Publié dans #notes de lecture

J’ai tant rêvé de toi/Olivier et Patrick Poivre d’Arvor
J’ai tant rêvé de toi
Olivier et Patrick Poivre d’Arvor

J’ai acheté ce livre sur la base d’un malentendu ou d’un mal lu. Je l’avais acheté pour Solenn, la fille anorexique et suicidée du journaliste, non pour apprendre des choses sur ce drame ou cette tragédie mais parce que le travail de deuil, l’impossible travail de deuil prend selon les gens, ceux qui restent, avec leur culpabilité, leurs regrets, leurs souvenirs, des formes variées et que je me nourris de ces cheminements pour le mien propre. Je comptais donc découvrir le chemin tracé par Patrick Poivre d’Arvor.
Le livre est dès lors d’autant plus étonnant.
Ce qui me semble le plus fabuleux c’est cette entreprise borgésienne de fabriquer une pure fiction, une fable, présentée comme la réalité. Je ne savais plus, avançant dans ma lecture, si Pavel Kampa avait existé, avait eu le prix Nobel de littérature. Jaroslav Seiffert, oui mais Pavel Kampa, doute. Je me souvenais de Vladimir Holan, de sa Nuit avec Hamlet. Beaucoup de temps passé sur ce projet de création pour la scène, décor de Franta, et rien à l’arrivée alors que j’avais réussi pour Marie des Brumes d’Odysseus Elytis, Les tragédiennes de Saint-John Perse, Egée de Lorand Gaspar…Mais pas de Pavel Kampa. Mêler le faux et le vrai, citer de vrais noms au milieu de noms inventés et le tour de passe-passe fonctionne. La soirée avortée à l’ambassade de France avec Vaclav Havel, Jack Lang est de ce point de vue une absolue réussite. Même si certains épisodes peuvent alerter sur le côté fictionnel comme l’envolée, la diatribe de Youki Roussel sur une table de l’ambassade alors que les invités s’en vont dépités. Ou l’absence de Pavel à cette soirée après sa  découverte du tatouage de Youki et les révélations qu’elle lui fait, le démasquant et le conduisant au suicide (peut-être) avec son fusil de chasse. Surprenante cette fêlure, cette faiblesse, cette décision chez un imposteur de cette envergure. Episode traité brièvement et qui nous laisse sur nos questions : pourquoi ce renoncement à l’ultime consécration alors que Youki a peu de chances d’être entendue par ces invités serviles, prêts à honorer le grand poète, dévoreur de femmes. Imposteur, salaud oui mais comme dit Desnos : le corps du plus vicieux reste pur, donc pas imposteur, pas salaud jusqu’au bout. Cette rédemption de dernière heure, le jour anniversaire de ses 70 ans est comme un miracle arraché par Youki, prête au sacrifice jusqu’à la vue par Pavel du tatouage qui s’est transmis sur 3 générations.
Le faux-vrai à l’œuvre dans ce roman amène à douter de l’existence de cette Agathe Roussel, témoignant sur les ondes et dans la presse, pendant quelques jours, de ce qui se passe à Prague, au lendemain de l’invasion soviétique, le 21 août 1968. Je me souviens, digérant avec difficultés, l’échec politique de mai 68, avoir pleuré à cette nouvelle et avoir décidé définitivement de ne jamais être stalinien. Devenu trotskyste, j’ai participé aux combats pour la libération des dissidents de la Charte 77 donc de Vaclav Havel dont j’ai voulu faire éditer et créer l’œuvre théâtrale complète pour vérifier si comme on l’a trop dit, cette œuvre ne tenait pas la distance parce que trop didactique (c’est même dit dans ce roman quand est évoquée l’opposition entre Vaclav et Pavel). Débat pour moi toujours d’actualité car cette accusation automatique de didactisme pour toute pièce politique ou engagée a stérilisé durablement l’écriture politique pour la scène.
Doute aussi sur l’histoire du dernier poème de Desnos, nécessaire pour les besoins de la fiction.
Vrai par contre tout ce qui concerne Desnos et Youki, la fin de Desnos à Terezin, disparaissant d’épuisement, un mois après la fin de la guerre, le 8 juin 1945. Cet ancrage dans la réalité du poète et dans la réalité de son œuvre (les titres des chapitres sont des citations tirées de Desnos ; de nombreux passages de Desnos sont cités, intégrés à l’histoire, reprenant vie, vivant d’une nouvelle vie, celle de Youki Roussel, faisant suite à celle de Youki Foujita devenant Youki Desnos.
Je me suis remis à l’œuvre de Desnos en même temps que je lisais le roman. Plaisir de renouer avec le double Desnos, celui des jeux de mots dont je me suis beaucoup servi comme déclencheur avec mes élèves, celui des poèmes d’amour sans retour dans lequel je n’ai pas beaucoup de mal à me reconnaître comme amoureux, expérience qui m’a conduit à une autre écriture poétique, moins lyrique.
Dernier thème de ce roman et non le moindre : l’anorexie et son contraire, la boulimie. Le regard porté sur cette maladie m’a semblé vrai sans me donner les clefs pour comprendre et encore moins pour réagir en présence de tels symptômes.
Je n’épiloguerai pas sur l’écriture à deux voix, quatre mains car c’est comme venu d’une même voix me semble-t-il, que j’ai lu ce roman. Réussite donc de ce projet.
Les effets de résonance de ce roman en moi ont été multiples et riches. A toi donc lecteur de vérifier si d’autres échos te parviennent à cette lecture.
Jean-Claude Grosse, Corsavy, le 1° août 2008

 
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7 pierres pour la femme adultère/Vénus Khoury-Ghata

2 Septembre 2008 , Rédigé par Jean-Claude Grosse Publié dans #notes de lecture

7 pierres pour la femme adultère/Vénus Khoury-Ghata
Note de lecture sur
7 pierres pour la femme adultère
de Vénus Khoury-Ghata

    Le roman de Vénus Khoury-Ghata paru en 2007 au Mercure de France et réédité par France Loisirs en février 2008 nous introduit dès son titre dans une problématique contemporaine, sujet d’un débat sur les tenants de l’universalisme des droits de l’homme et de ceux pour qui le respect des coutumes passe avant tout, dénonçant l’ ethnocentrisme européen : il y a aujourd’hui encore des femmes qui meurent par lapidation pour avoir eu des relations sexuelles hors mariage. C’est le cas de Noor, mère de trois garçons et mariée à un homme qui la délaisse. Dans le village de Khouf aux portes du désert, par une nuit de vent violent, le khamsin,  Noor, partie à la recherche de son chat, rencontre un étranger venu de l’autre côté de la montagne en jeep (probablement l’ingénieur responsable de la construction d’un barrage) qui la viole tout en lui donnant, comme elle le dira, du plaisir. Sous le coup d’une fatwa, elle attend sans révolte sa lapidation prochaine.
    Une étrangère au village, la narratrice, Française venue apporter de l’aide humanitaire à la suite d’une déception amoureuse, va vouloir intervenir dans l’ordre immuable du village et se met en tête de sauver Noor, enceinte, aidée par Amina, une célibataire (« une marmite qui n’a pas trouvé de couvercle » !).
    Vénus Khoury-Ghata donne à cette histoire une dimension  qui, sans en nier le tragique, ne le laisse pas envahir tout l’espace. Sa langue précise, poétique, violente parfois nous fait partager le quotidien de ces femmes, la vie au village, elle nous fait voir toute la complexité d’un univers extrêmement codifié et dont l’arriération frappe nos yeux occidentaux. Vénus Khoury-Ghata est clairement du côté des femmes, les opprimées, les victimes, mais sans complaisance et sans caricature. Elle aborde également d’autres aspects dont en particulier la critique fine du système des humanitaires.
    C’est finalement une histoire lumineuse et violente qui se passe dans un lieu non défini (ce pourrait être en Iran ou en Afghanistan, le lieu évoqué mêle les caractéristiques géopolitiques de ces pays) avec des personnages extrêmement attachants. Et le livre nous tient en haleine jusqu’au bout…
Albertine Benedetto
à Corsavy
vendredi 8 août 2008

Chère Albertine,

Merci pour cette note de lecture sur ce roman dont l’écriture comme l’histoire tiennent en haleine. Histoire violente, cruelle. Ecritures plurielles pour un récit qui peut amener certains à ne pas poursuivre la lecture tant on appréhende la lapidation de Noor. A tel point que l’exécution d’Amina intervient paradoxalement comme un soulagement, sans rien enlever à la barbarie de ces mâles s’acharnant à coups de bâtons et de pieds sur cette marmite qui n’a pas trouvé son couvercle.
Je relèverai dans les particularités d’écriture, ce tutoiement de la narratrice, se tutoyant elle-même, comme pour mettre à distance cette histoire qu’elle revit en l’écrivant. Je relèverai aussi la crudité des expressions concernant la sexualité, leur expressivité nourrie d’une vie réduite au minimum, survie presque dans ce désert hostile, étouffant et rendu encore plus étouffant par le corset de règles archaïques.
Je ne trouve rien de sympathique à un tel monde, machiste, refoulant le féminin, l’humiliant, le massacrant si nécessaire. Il va de soi pour moi que les droits de l’homme, universalistes, appliqués à une telle société constitueraient une avancée considérable et rendraienr leur dignité aux femmes.
Jean-Claude Grosse
Corsavy, le 9 août 2008


 
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Internet: un séisme dans la culture ?/Marc Le Glatin

21 Septembre 2007 , Rédigé par Jean-Claude Grosse Publié dans #notes de lecture

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Internet: un séisme dans la culture ?

Marc Le Glatin
 
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Ce 3° opus de la collection La culture en questions des éditions de l’attribut, paru en juin 2007, est d’une grande clarté et facile à lire.
Optimiste, Marc Le Glatin montre avec précision ce que les usages actuels d’internet,leur élargissement, leur approfondissement, s’ils ne sont pas contrecarrés par les intérêts privés de l’industrie culturelle de masse, s’ils sont consolidés par des dispositifs législatifs et juridiques et par des politiques culturelles appropriées, peuvent engendrer comme bouleversements dans la vie de chacun, dans les rapports sociaux, dans les conceptions et représentations du monde, un équivalent de ce que fut la révolution néolithique, bien plus profonde que les révolutions industrielles.
Les obstacles à cette révolution ne manqueront pas. Les majors, productrices de biens culturels de masse, formatés et aliénants, déploient et déploieront tous les moyens pour conserver et consolider leurs privilèges et leurs rentes à travers la gigantesque bataille sur le copyright à connotation féodale et le droit d’auteur à connotation libérale, expressions des droits exclusifs de la propriété intellectuelle. Avec le développement d’internet, les majors qui produisaient des biens culturels matériels, organisant la rareté pour s’assurer la rente, vendant ces biens et services matériels devenant après achat la propriété des consommateurs, sont tentées avec les biens immatériels proposés sur internet de vendre des droits d’accès à ces biens et services, à faire payer chaque transfert d’une œuvre sur un nouveau support, voire chaque fois qu’un internaute la regarde, l’écoute ou la lit, autrement dit à être propriétaires pour l’éternité des œuvres immatérielles circulant sur la Toile. Ce n’est pas un hasard si le temps de  passage dans le domaine public des œuvres est passé de 10 à 70 ans à tel point qu’aucune œuvre audio ou visuelle n’est encore dans le domaine public. Les biens immatériels circulant sur internet ont pour caractéristiques d’être non excluables, l’usage par un internaute de ce bien n’empêchant pas son usage par d’autres, à l’infini, comme c’est le cas avec l’usage des mots de la langue : pas de pénurie, le règne de l’abondance où c’est à chacun selon ses besoins et non à chacun selon ses moyens. Par leurs pratiques de téléchargement gratuit des œuvres, les internautes ont ébranlé les bases du système de rentes et on comprend mieux les enjeux des batailles autour des droits d’auteurs, de la rémunération des auteurs, des artistes et interprètes. Voilà le paravent derrière lequel les majors camouflent leurs appétits. Auteurs, artistes, états jouent leur partition dans ce concert de dupes. L’adoption de la loi DADVSI en juin 2006 a été l’occasion d’apprécier l’inféodation d’un gouvernement, d’un ministre de la culture passé aux oubliettes, d’une majorité de parlement aux intérêts des lobbies de l’industrie culturelle de masse et de quelques artistes contre les intérêts de la plupart des artistes. La France avec Donnedieu de Vabre a opté pour l’impossible répression des internautes, encore protégés par le droit à la copie privée. Ce qui peut émerger de la pratique des internautes, c’est la notion à fonder politiquement, légalement et juridiquement de biens collectifs, communs, non excluables, non rivaux. Cela concerne les biens culturels immatériels, les logiciels libres, les séquences génétiques, les organismes biologiques, les variétés végétales. Avec une telle notion, les pays du Sud auraient quelque chance de devenir des producteurs d’innovations et de développement pour tous.
Cependant la révolution introduite par les usages d’internet ne se limite pas aux effets du téléchargement dit illégal : ébranlement des bases du capitalisme de la rente par une technique et non par une idéologie ; dissolution de la notion de propriété privée et de toutes les notions connexes : auteur, œuvre, créateur, producteur, diffuseur, culture de masse, culture de distinction ; émergence de connivences entre artistes et amateurs ; émergence de nouvelles proximités sur la Toile et sur le territoire ; émergence d’une économie du don et non du profit…
Les pratiques des internautes, avec plus ou moins de maturité, de maîtrise, d’inventivité, de créativité, modifient nos rapports à la connaissance et à l’information : on les cherche, on les produit, on les critique, on les échange, on les partage. Un internaute juge, évalue, compare, confronte, toutes attitudes actives à l’opposé du conditionnement des esprits voulu par les industriels et les communicants.
Les pratiques des internautes renouvellent aussi les circuits de la diffusion culturelle : du haut vers le bas, du un vers tous proposé par l’industrie culturelle comme par la culture de distinction, on passe à une diffusion par réseaux où les extrémités prennent le pas sur le centre. Le système de pair à pair (P2P) est un système de mutualisation et non un système de consommation puisque ce sont les internautes qui téléchargent, échangent les fichiers, les font connaître, les accompagnent de commentaires, en font la critique. Ont été remis en circulation des films, des œuvres, des livres « oubliés » par les industriels. Plus : les internautes interviennent sur les œuvres proposées, les mixent, les revisitent comme le faisaient les créateurs qui n’ont jamais créé ex-nihilo mais à partir d’œuvres antérieures. Plus : des internautes, de nouveaux créateurs proposent des œuvres spécifiques pour le net, le net art.
Les pratiques des internautes bousculent par là même le statut de la création : l’association d’idées, de techniques, processus analogique est devenu un fondement essentiel de la création à l’ère du numérique. Les internautes créatifs, souvent autodidactes, font la pige aux créateurs professionnels : la frontière s’estompe ; on invente l’enfance d’un personnage existant, ses amours secrètes, on modifie la fin d’une histoire ou d’un personnage, on comble les trous, on propose des alternatives à la fin de Roméo et Juliette. Arrivent aussi des œuvres nomades, éphémères, réalisées en un temps très bref, des œuvres évolutives, ouvertes, selon la terminologie d’Umberto Ecco, des œuvres collaboratives, collectives. Sur le net, la créativité naît des interactions entre des internautes qui sont lecteurs, spectateurs, auditeurs et producteurs de textes, d’images et de sons. Par un jeu de détournements et de réappropriations de contenus divers,  chacun mixe, sample, échantillonne, écrit dans un travail jamais achevé d’affinage de soi, de construction de soi, tout en se frottant aux autres, une façon de vivre ensemble séparément et de s’émanciper de la figure paternelle du créateur comme de la figure maternante de la consommation consolante.
Les pratiques des internautes favorisent , dynamisent la diversité culturelle. Dans ce chapitre, Marc Le Glatin montre comment les négociations internationales ont failli donner le pouvoir aux majors, en guerre contre le piratage comme leurs états sont en guerre contre le terrorisme, (ce n’est sûrement pas un hasard), comment les Européens, France en tête, ont su faire fructifier la notion dure d’exception culturelle, avant de fléchir et de la remplacer par celle, sans valeur juridique, de diversité culturelle mais donnant tout de même, avec la convention internationale adoptée à l’Unesco, le 20 octobre 2005 et entrée en vigueur le 18 mars 2007, une base pour contrer les tentatives hégémoniques des Etats-Unis et de leurs industries culturelles qui ont depuis opté pour des accords bilatéraux avec des pays peu capables de leur résister.
L’optimisme de Marc Le Glatin est l’optimisme d’un analyste mais aussi sans doute d’un militant qui croit dur comme fer aux mérites de la démocratie, aux effets positifs des politiques culturelles et éducatives bien orientées, à la justice , justesse de la licence globale pour la rémunération décente des artistes, à l’efficacité des actions citoyennes et à l’inventivité des internautes, à la conjonction des actions d’en bas avec celles des états contre les industries transnationales, basées aux USA.
Ce livre aura des conséquences sur ma façon de gérer les blogs que j’anime, en particulier celui des cahiers de l’égaré ou celui des agoras du Revest. Il n’a donc pas qu’un intérêt informationnel mais a su susciter en moi l’envie de modifier après deux ans de pratique, ma pratique d’internet.
Jean-Claude Grosse, le 7 août 2007.
 
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La culture, pour qui ?/ Jean-Claude Wallach

21 Septembre 2007 , Rédigé par Jean-Claude Grosse Publié dans #notes de lecture

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La culture, pour qui ?

Jean-Claude Wallach

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Ce petit livre de 120 pages qui a pour sous-titre : Essai sur les limites de la démocratisation culturelle, n’est guère engageant par les titres de son sommaire

- prologue : des mots pour nos maux
- premier acte : la démocratisation est-elle soluble dans la culture ?
- deuxième acte : la culture est-elle soluble dans la démocratisation ?
- épilogue : c’est au pied du mur que l’on voit (qu’on voit) le maçon
On se dit : jeux de mots faciles. Il se révèle à la lecture, pas toujours aisée, que les mots pour bien nommer les choses sont définis, étudiés dans leurs origines historiques, dans leurs effets idéologiques, politiques.
D’abord la distinction entre art et culture. Art désignant les critères, procédures, circuits de soutien à la création, de production d’œuvres tendant à l’excellence artistique. J.- C. Wallach montre bien que depuis Malraux, les artistes, autoproclamés, ont su imposer à l’état, l’autonomisation de leurs pratiques, rendant difficile l’évaluation, favorisant un monde de l’art pour l’art, peu soucieux de la rencontre avec les publics et avec les problèmes d’une société en pleine mutation. La notion d’excellence artistique est du plus grand flou artistique, elle est autoréférentielle, n’a pas à se définir, les experts de l’excellence artistique faisant partie du milieu, les professionnels de la profession, légitimant leurs places et celles des artistes dans un grand processus de cooptation où l’innovation, l’émergence de formes et d’artistes nouveaux ont du mal à se faire une place. Il s’agit bien d’une lutte des places. Culture désigne tout ce qui concerne l’aménagement du territoire en équipements culturels, en moyens et  personnels dégagés pour  favoriser la circulation des œuvres, selon la finalité définie par Malraux : permettre l’accès des œuvres au plus grand nombre, exigence ayant entraîné la mise en place de politiques successives de démocratisation culturelle. Sans résultats convaincants malgré un maillage du territoire réussi, des moyens conséquents, les financements croisés qui ont impliqué de plus en plus les collectivités autres que l’état, méprisées, négligées longtemps par les artistes, soucieux avant tout de leur reconnaissance par l’état, garant de leur indépendance, malgré aussi des personnels en nombre et compétents pour faciliter la médiation entre les œuvres et les publics.
Une des explications fournies pour expliquer cet échec est intéressante. Quand Malraux a créé le ministère de la culture, en remplacement des Beaux-Arts, jusqu’alors rattachés à l’éducation nationale, il a séparé ce qui relevait de l’art, des artistes, de leur professionnalisation de ce qui relevait des pratiques amateurs, rattachées à la jeunesse et aux sports. Cela a eu pour conséquences une double tendance au mépris :des professionnels pour les amateurs et des amateurs pour les professionnels, avec repli de chaque milieu sur lui-même.
Or, avec l’apparition des nouvelles technologies, les pratiques amateurs ont considérablement évolué, se sont considérablement diversifiées, avec une autodidaxie importante, court-circuitant les institutions de formation, de sélection, d’habilitation. Pendant que les professionnels vivaient entre eux, en vase clos, sauf aventures exceptionnelles, difficilement reconnues d’ailleurs, les vrais gens s’aventuraient ailleurs, inventant leurs nouveaux territoires de l’art, à définir autrement que le sens donné par un rapport à Michel Dufour en 2001, leurs nouvelles pratiques culturelles que les professionnels disqualifient en les caractérisant de pratiques de consommation culturelle, visant particulièrement l’usage de la télévision.
Tout ce qui est dit sur la diversité des pratiques culturelles aujourd’hui, sur leur individualisation, sur leur ancrage dans la sphère privée, à la maison, avec toutes les conséquences que cela a : dissolution de la notion de goût comme attribut d’un groupe social légitime et légitimant, dissolution des notions d’auteur, de créateur, d’œuvre, dissolution des missions des équipements culturels, dissolution des frontières entre amateurs et professionnels… me conforte dans ce que j’ai proposé depuis plusieurs années et au moment de la présidentielle 2007. Les pistes proposées par J.- C. Wallach pour réconcilier art et culture, artistes et publics, amateurs et professionnels dans la perspective d’une démocratie culturelle bien plus pertinente que la chimérique démocratisation culturelle sont à prendre en considération même si on sent trop le désir de maîtrise de l’avenir, peu compatible avec ce que la complexité du monde introduit d’incertitudes dans le champ social.
Une réjouissance : les exclus de la culture, ceux qui disaient : ce n’est pas pour moi, ceux que les « élites » méprisaient, ayant le dégoût de leurs goûts, tentant d’universaliser les leurs, les déplacés pas à leur place à l’opéra, au concert, au théâtre, au musée, ont développé, non une contre-culture, mais d’autres formes leur permettant de se singulariser, de se situer dans le monde, de s’exprimer, de créer. Belle revanche qui provoque depuis plus de 10 ans maintenant, la crise des institutions culturelles et annonce peut-être la mort de l’art et de la culture « officiels » qui avaient pour but non l’appropriation par le plus grand nombre des chefs d’œuvre mais l’instauration d’une culture « légitime » réservée en fait à une « élite ». Revanche porteuse selon moi d’espoir dans la mesure où, ce qui se passe avec la musicalisation de la société le montre, les vrais gens que les pouvoirs s’efforcent de contrôler, de formater, font la preuve, non de leur résistance, mais de leur capacité à se déplacer, à se déporter ailleurs que là où on veut les situer. Même l’usage de la télé est moins aliéné que ce que les gens de pouvoir s’imaginent, moins aliénant donc. Il semble se passer la même chose avec les images qu’avec la musique : une imaginalisation de la société. Ce retour de et à la sphère privée, ce tour de la sphère privée, ce détour par la sphère privée que cette société s’efforce de réduire au maximum me semble être la meilleure résistance à Big Brother et surtout la meilleure façon pour chacun de devenir cause de soi-même, au sens où Marcel Conche entend cette expression. On devine que je me désintéresse par suite du sort des artistes et de la culture « officielle ».
 
Le 2 août 2007, Jean-Claude Grosse

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La beauté et sa signification/ Marcel Conche

18 Septembre 2007 , Rédigé par Jean-Claude Grosse Publié dans #les 4 saisons d'ailleurs

La beauté et sa signification
par Marcel Conche


Je me suis rendu au 3° festival francophone de philosophie qui s’est tenu du jeudi 13 septembre au dimanche 16 septembre 2007 à Saint-Maurice dans le Valais.
Le thème en était : La beauté, c’est quoi ?
53 intervenants ont été programmés dont Marcel Conche, le dimanche 16 à 14 H 30, dans le théâtre  du Martolet (900 places), au sous-sol du collège-lycée de Saint-Maurice, sur le thème : La beauté et sa signification.
Les formes proposées étaient multiples et riches: conférences, débats, credos, joutes, cafés radio-philo au bar "au Philosophe", expo, théâtre, musique et même banquet philosophique, symposium (en grec, boire ensemble).

Ayant pris le temps de photographier et de filmer quelques aspects de Saint-Maurice d'Agaune dans le Valais, le Chablais plus précisément, lieu des Portes du soleil, avant de filmer la conférence de Marcel Conche : La beauté et sa signification, il m’a semblé opportun de construire les 4 vidéos qui rendent compte de l’événement avec des éléments de beauté pris sur le vif.
Séjour agréable dans ce coin traversé par le Rhône et entouré des Dents du midi dont le tour de 42 kilomètres demande plusieurs jours.

 

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Sylvain Tesson en Eurasie

12 Décembre 2006 , Rédigé par Jean-Claude Grosse Publié dans #notes de lecture

L’axe du loup
et
Sous l’étoile de la liberté
de Sylvain Tesson

 

Je me suis intéressé à ces deux livres parce que j’avais accueilli au Revest, quelques semaines après la décision des maires de l’aggloméré Toulon-Provence-Méditerranée de ne pas reconduire Les 4 Saisons du Revest dans leur mission de programmation de La Maison des Comoni, le « spectacle » : Qui ne travaille pas ne mange pas, consacré au goulag et plus précisément au théâtre dans les goulags, spectacle mis en scène par Judith Depaule, accueilli 2 fois, les 9 et 10 novembre 2004, au lieu des 5 que j’avais programmées, sur décision de l’aggloméré TPM que ce spectacle dérangeait, va savoir pourquoi, puisque l’agglo ne l’avait pas vu. Donc, censure sur un titre et un sujet.
 
Sylvain Tesson est parti sur les traces des évadés du goulag, en mai 2003, depuis un goulag en ruine des environs de Yakoutsk, sur les traces de Slavomir Rawicz,qui a raconté son évasion dans un livre contesté : À marche forcée. De la Sibérie à l’Inde, soit 6000 kilomètres en 8 mois, à travers 7 milieux naturels, dans le lit de la Lena et sur la rive orientale du Baïkal (taïga), en Mongolie (steppe), dans le désert de Gobi, au Tibet, à travers l’Himalaya, au Népal, enfin en Inde, jusqu’au mouroir de Calcutta.
Épopée triplement réussie :
- en réussissant à pied, à cheval, à bicyclette, cettte évasion symbolique et réelle, Sylvain Tesson montre que « n’est impossible que ce qui n’a pas été tenté », rend hommage à tous les évadés du goulag soviétique (cosaques, moines bouddhistes, vieux-croyants, « ennemis du peuple »,…) et du laogai chinois ( moines bouddhistes, nomades mongols, « punis » divers,…), rend justice à Slavomir Rawicz, mort en 2004 en Angleterre et resté silencieux depuis la parution de son livre en 1956,
- en sortant de l’oubli ces évadés, paradoxe, il s’est aussi trouvé lui-même car confronté à la solitude dans des paysages grandioses, sublimes, il a puisé dans ses ressources (physiques, intellectuelles, morales, humaines) pour aller au bout de l’évasion des autres, favorisant ainsi son invasion par ce qui était authentiquement lui-même,
- en notant chaque soir sur les pages de ses carnets en riz népalais, ses souvenirs de la journée, il a accumulé les matériaux de deux livres, complémentaires, fort bien écrits et illustrés de photos de Thomas Goisque.
avec les cantonnières, "punies"du régime chinois, construisant la voie ferrée Pékin-Lhassa, pour mieux soumettre le Tibet

L’axe du loup doit son titre aux caractéristiques du loup, animal emblématique des nomades mongols ayant su s’adapter aux steppes, et aussi au fait que les chemins des évadés, fuyant le goulag et tout contact par peur d’être dénoncés, poursuivis, allaient du nord au sud, contrevenant à presque tous les déplacements historiques survenus en Eurasie qui allaient d’est en ouest ou d’ouest en est, cheminements donc de dissidence, de résistance, chemins de la liberté, non tracés mais inventés au jour le jour, le soleil couchant devant se trouver à la droite des évadés, seul repère en l’absence de cartes.
(cliquer sur la photo)

Rencontre féminine insolite le long du Baïkal, Sylvain Tesson

"Vie sauvage du Baïkal. Sylvain marche seul, sa dernière rencontre humaine date de 6 jours. Sa dernière rencontre d'ours, en revanche, a eu lieu quelques minutes plus tôt. Il avance donc – vêtu seulement d'un caleçon car il doit souvent marcher dans l'eau et d'un chapeau orné de plumes – tapant sur son quart, secouant sa clochette, et parlant tout seul assez fort pour éloigner les ours. Et là, un sentiment étrange de présence l'étreint, devant lui à quelques mètres se tient une fille ! Blonde, yeux bleus, elle porte un chevalet, une peintre russe ! Regards pleins d'étonnement. Echange de quelques paroles en russe sur l'état des gués. Regards inquiets. "Qui est ce gars qui ressemble plus à un évadé de l'asile que du goulag ?" Inquiète, elle reprend vite la route ne souhaitant pas prolonger de quelque discussion cette étrange rencontre. Frustration du moment écourté !
Sylvain, même s'il regrette de ne pas avoir pu poursuivre un peu la discussion, voit dans cette rencontre un clin d'œil à celle de Rawicz et de ses co-évadés avec Kristina, jeune polonaise qui elle aussi fuyait les tortures et le joug soviétique."
Johanna Nobili de Carnets d'Aventures
www.expemag.com/recit/sylvain-tesson,-les-chemins-de-la-liberte.html
 
Trois premiers mois dans la taïga

"Mai 2003, Sylvain démarre son voyage dans la taïga. C'est une fantastique vie sauvage et solitaire qu'il trouve dans ces forêts, une vie proche de la nature. La cueillette de baies et de fruits, ainsi que la pêche, ajoutées à la nourriture qu'il transporte, lui confèrent une autonomie d'environ une semaine. Nourriture lyophilisée occidentale : purée, pâtes, café, fruits secs et nourriture déshydratée locale : poisson séché, gruau d'avoine (aliment de base du goulag) se côtoient dans son sac à dos. Quelques villages ou cabanes de pêcheurs et de chasseurs lui permettent de se ravitailler. Faire du feu et trouver de l'eau sont tâches aisées dans la taïga qui regorge de bois sec et où coulent de nombreuses rivières. Celles-ci entravent parfois la progression, tout comme les marais formés par la fonte des neiges et Sylvain a des souvenirs particulièrement désagréables d'embourbement dans les marais de la Léna (fleuve sibérien).

Les jours passés seul à longer le lac Baïkal du nord au sud constituent un des moments forts de son voyage : "tout seul dans la beauté, le long des falaises, expérience intense de vie sauvage et de solitude". La température estivale du lac lui permet de cheminer de longs moments dans l'eau au pied des falaises. Parfois avec de l'eau jusqu'au cou, portant son sac sur la tête et s'aidant de son bâton, sa progression est de l'ordre d'1km/h."
Johanna Nobili de Carnets d'Aventures
www.expemag.com/recit/sylvain-tesson,-les-chemins-de-la-liberte.html


Sous l’étoile de la liberté est plutôt un album de cette épopée, passionnant par les courts textes et photos l’illustrant. Sylvain Tesson nous renvoie à des désirs enfouis : le nomadisme est en nous, il a été premier et plus durable que la sédentarisation ; le recours aux forêts selon une expression d’un livre d’Ernst Jünger : Traité du rebelle, Walden, ou La vie dans les bois de David Henri Thoreau sont pour un certain nombre de gens en rupture de ban des livres essentiels ; on pourrait citer certains romans de Jack London aussi. Sylvain Tesson est un wanderer, pas soucieux seulement d’exploits physiques mais aussi de cheminement intérieur par un contact complexe avec la nature.
(cliquer sur la photo)

Je me suis intéressé aussi à ces deux livres parce que sachant que Sylvain Tesson avait suivi la rive orientale du Baïkal jusqu’à Oulan-Oudé, je voulais savoir s’il avait rencontré le mémorial édifié en juillet 2002, à Baklany au Baïkal par le Molodiojny Théâtre en hommage à notre fils, disparu en septembre 2001. Ayant rencontré Sylvain Tesson à la Fête du livre de Toulon en novembre 2006, il m’a dit en avoir entendu parler mais n’y être pas passé, ayant rencontré par contre les artistes du Molodiojny. Sans doute, lors d’un prochain voyage au Baïkal, ira-t-il jusqu’à Baklany.
vidéos en cliquant sur la photo
à la mémoire de Michel B. dit Pof (12/12/1949-19/09/2001)
et de Cyril G. (13/04/1971-19/09/2001)

Dans le même esprit, on lira Siberia de Philippe Sauve aux Presses de la Renaissance.
Et pour ce qui est du cheminement intérieur, on lira de Sylvain Tesson : Petit traité sur l’immensité du monde. On escaladera de nuit, en toute illégalité, les cathédrales les plus célèbres (une seule lui a résisté), on s’installera pour quelques jours avec son hamac dans des hêtres à 30 mètres au-dessus du sol. Bref, on frissonnera, on s’élancera en pensée.

 

 

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